Le vaisseau pénétra dans l'atmosphère tel une comète. Il ressemblait à un amas de tôle cabossé, presque éventré, c'était à se demander comment il pouvait encore fonctionner. Le sifflement la fit se redresser, laissant de côté son labour, elle se tourna pour voir l'objet déchirer le ciel rouge de Manille. Explosion, nuage de poussière, et puis plus rien, le silence absolu. Elle essuya ses mains.
- C'était quoi? Demanda un petit chat blanc tout potelé qui lévitait à coté d'elle.
- Je ne sais pas, Altaï, allons voir ça.
Le petit chat se mit sur son épaule.
- Chiésé! Chiésé! Murmura-t-elle.
Elle se dématérialisa en un nuage de poussière.
La f…La force d'ouvrir…Il n'avait qu'à appuyer sur le bouton rouge. Ce n'était pas grand chose à faire mais son corps ne répondait plus, endolori, meurtri, cassé.
Comment avait-il survécu à ça?
Le bouton disparaissait, apparaissait à tout va. Il allait mourir, il se sentait mourir…
Pourquoi suis-je encore vivant?
L'air lui manquait, la chaleur de la capsule le brûlait. Il avait survécu par miracle et il allait mourir à cause de ce putain de bouton rouge qu'il n'arrivait pas à atteindre. Un effort, encore un, sa vie en dépendait…
Tu es un guerrier! Un sayen ne meurt pas comme ça. MAINTENANT! Hurla-t-il à l'intérieur de sa tête.
Dans un dernier retranchement, il balança l'amas de chair qui lui avait jadis servit de bras sur le bouton. Le SAS s'ouvrit et fut propulsé hors de la navette à une distance de 50 m. Il tomba sur la terre blanche, le corps lourd, tel un sac de pierre. La capsule explosa deux minutes après, les débris atterrirent tout autour de lui, aucun ne le percuta encore un miracle, il était miraculé. Il sourit, il pouvait maintenant mourir de façon honorable. Il aperçut devant lui le bas d'une robe blanche, une odeur douce et agréable. Un visage flou, lumineux, une voix inaudible un bourdonnement, ses paupières se fermaient.
D'un regard le mur de terre qui les avait protégés de l'explosion retomba en poussière. Elle le regardait longuement, non surprise de voir de un étranger. Il était mal en point, ses chaires déchiquetées, son armure cassée, ses os broyés, des bleus, des bosses, du sang. Son visage était si déformé qu'elle avait du mal à reconnaître cette espèce, il ressemblait à une boule de viande avec une queue de singe. Sans se poser la moindre question, elle s'approcha de lui, apposa une main sur ses cheveux.
A travers lui, elle sentait la peur, la colère, la haine, la vanité, la brutalité. Elle fut parcourue d'un frisson et sa main se mit à trembler. Un monstre, c'était un monstre, un guerrier de l'espace. Elle voulait retirer sa main mais elle ne put se résigner. Alors qu'elle se posait mille questions "que faisait-il là? Seul? Que lui était-il arrivé? Les autres allaient-ils venir le chercher? " Sa main se mit à brûler, elle sentit du bon en lui, de la vie…de l'amour. Elle ne sut dire pourquoi mais elle ressentait quelque chose de fort en lui de mystérieux, il ne méritait pas de mourir. La vie s'échappait de lui, l'âme était prête à passer de l'autre côté. "La mort, les cris, le sang, une femme, un enfant, un bébé dans une navette, un sourire, de la fierté, un tyran…" Elle en avait vu assez, elle se redressa pour inspirer longuement.
Un éclair apparut, le vent se mit à souffler violemment. Le petit chat qui n'avait pas quitté son épaule, se frotta les yeux à cause de la poussière qu'il reçut.
- Elles ont l'air d'avoir vu la même chose que toi, nous devrions le laisser là, la période des glaces s'occupera de lui.
Elle avait entendu l'avertissement mais elle l'ignora, dans un murmure elle ajouta à l'intention de son compagnon.
- Elles n'ont pas tout vu! Ma destinée est liée à la sienne, je ne sais pas encore comment mais je le sais simplement, je ne peux pas le laisser, s'il survit à ses blessures, je sais qu'il fera le bien…
- C'est toi la prêtresse.
D'un mouvement à peine perceptible le corps du mourant fut ensevelit. Elle se pencha pour récupérer un appareil oculaire qu'il avait perdu.
- Yoki, cette technologie est pour toi.
Tous les morceaux de la capsule disparurent d'un seul coup avalés par la terre.
Elle l'installa dans sa demeure, dans son lit. Elle ne savait plus vraiment quoi faire, avait-elle raison de réagir comme elle le faisait.
Cet homme transpirait la crainte, la mort, la brutalité et pourtant elle sentait au fond d'elle qu'elle ne devait pas le laisser mourir. Son instinct ne lui faisait jamais défaut. Elle inspecta les dégâts de ce corps meurtrit, cela prendrait beaucoup de temps. Elle commença par panser les plaies les plus importantes, posa des atèles sur ses membres fracturés, nettoya les blessures superficielles. Ce corps reprenait forme peu à peu, mais le plus dur restait à venir. Le besoin d'énergie émanait de lui, il était si faible. Elle ne le regretterait pas, elle devait le faire.
Elle posa ses mains sur son torse nu, ferma les yeux pour laisser une aura bleutée scintillant les entourer tous les deux.
La douleur se lut sur son visage, baissant la tête pour regarder la tâche de sang qui s'étirait sur sa robe blanche immaculée. La blessure disparut du guerrier pour apparaître sur elle.
Elle se redressa avec peine, maintenant elle devait se soigner avant de recommencer. La plaie cicatriserait dans la journée mais il lui restait encore beaucoup à faire.
Le guerrier s'agita, la douleur l'embrasait, la sueur apparut sur son front. La fièvre, le délire, il devait se calmer.
Elle embauma ce qui lui restait de peau intacte d'une mixture à base de terre et de plantes.
