Une Lueur dans l'Ombre

Bonjour à tous !

Me revoilà avec le deuxième tome d'Une Lueur dans l'Ombre.

Si vous n'avez pas lu le premier, il s'intitule Les Pièces Secrètes, et je vous conseille de commencer par celui là, parce que de nombreux éléments sont repris ici, qui nécessitent des références^^

Sinon, re bienvenue, et en espérant que l'Ancienne Salle Commune vous plaira !

L'univers, les personnages, certaines trames et quelques répliques appartiennent à JK Rowling. Je possède les OCs, et les intrigues parallèles.

Avertissement : Si le premier tome traitait de sujets sensibles, celui là n'est pas mal non plus dans le genre. Il est sombre et un peu violent. Certains passages sont douloureux.

Autre chose, qui n'a rien à voir, est ce que SANS SPOILER, ceux qui ont lu The Cursed Child sont d'accord avec moi : Scorpius Malefoy n'a rien à faire dans la maison où il a été placé ?

Il fallait que je m'exprime. Voilà^^

Enjoy )

L'Ancienne Salle Commune

Les habitants de Privet Drive aimaient particulièrement leurs logements tous si semblables les uns aux autres, les commérages entre voisins et leur quotidien anglais. Au fil des années, des amitiés factices se formaient, se brisaient, sans que l'on puisse statuer qu'une véritable complicité avait été installée avec son voisin de quelque côté que ce soit de la haie taillée à la hauteur réglementaire. En revanche, ces mêmes habitants n'aimaient pas particulièrement que leur quotidien soit dérangé par quoi que ce soit il s'agissait d'une vie tranquille à laquelle ils aspiraient sans que Lucifer Potter puisse les en blâmer. Malheureusement pour lui, il ne voulait pas de cette vie de lotissement rangée. Il aimait la disparité, les mystères et ce qui pouvait le sortir de son quotidien de vacances et de son ennui. Ses cheveux teints en mauve détonnaient dans les habitations résidentielles et il sentait parfois les regards des voisins sur lui sans savoir s'il en était heureux ou mortifié. Il éprouvait simplement une certaine satisfaction à ne pas être invisible.

Son oncle et sa tante vivaient au numéro 4 et la plupart du temps, ni l'un ni l'autre ne prêtaient attention à lui et son cousin réclamait son attention lorsqu'il se lassait de jouer seul à l'ordinateur, pour l'envoyer bouillir à la moindre contrariété. L'enfant avait donc passé la majeure partie de ses vacances assis sur son lit à lire les chapitres d'Histoire de la Magie que le professeur fantôme qui leur enseignait la matière ne les avait pas fait étudier et à tourner les pages du plus grand ouvrage qu'il possédait sur les figures sorcières les plus importantes depuis le Moyen-Âge. L'année précédente, lui et son meilleur –et seul, certes- ami avaient découvert que la salle commune de leur maison n'avait pas toujours été située à l'endroit où tous les Poufsouffles avaient désormais l'habitude de se rendre. Leur école de magie était pleine de passages secrets et de mystères et ils avaient ouvert par hasard l'ancienne salle commune désaffectée. Si le Moine Gras de Poufsouffle ne les avait pas empêchés de connaître la vérité, il leur avait cependant déconseillé de la dévoiler à ceux qui n'avaient pas connaissance de la salle ou de l'histoire. Un seul dortoir avait toujours les noms d'inscrits sur sa porte, celui des septièmes années, et ils tournaient dans la tête de Lucifer. William Davis. Alexan Lupin. Duncan Rey-Tudor. Cygnus Weber. Outre le fait que Cygnus Weber partageait ostensiblement un lien de parenté avec son meilleur ami, sa curiosité insatiable le poussait à vouloir en savoir plus sur ces derniers occupants. Il tournait donc les pages avec ferveur et concentration, tentant de se concentrer sur le XVIème siècle… mais chaque fois il lisait une note de bas de page, retournait en arrière, avançait, étudiait les encadrés et sa recherche n'avait jusque ici pas été fructueuse.

Il avait déjà presque fini ses devoirs de vacances, ayant eu un mois entier pour étudier. A sa plus grande frustration, il n'avait pu obtenir les éclaircissements et les recherches complémentaires qu'il jugeait nécessaires. Si son oncle avait emmené Dudley à Londres pour voir un match de Criquet, le jeune sorcier avait été fusillé du regard clair de sa tante lorsqu'il avait formulé la demande de se rendre à Charing Cross, même seul. Noah lui écrivait mais il n'était pas autorisé à sortir le moindre ouvrage de la demeure familiale. Les lettres de son ami étaient néanmoins un réconfort puissant et une source de joie venant illuminer ses vacances mornes. Le jeune Weber n'avait été en mesure de le recevoir chez lui en raison d'une crise familiale étendue, mais son père lui avait promis que Lucifer serait le bienvenu l'année suivante. Le garçon regrettait de ne pas être en mesure de voir Noah deux mois durant, mais ce n'était pas si terrible… la plupart de ses journées s'écoulaient dans le brouillard, entre un faible mal de tête et une frustration due à l'indifférence dont les habitants de la maison faisaient preuve à son égard.

.

Il s'agissait de la dernière journée où Lucifer aurait onze ans. Comme tant d'autres, il avait décidé de les passer dans sa chambre avant de prendre rapidement l'air dans l'après-midi et d'aider sa tante à préparer les repas. Tournant les pages de son livre, il gratouillait la tête de son chat en lisant les encadrés. Son cœur se serra lorsqu'il sauta volontairement la page de Nicolas Flamel, redoutant de voir apparaître les chiffres 1992 à l'endroit où se trouvait auparavant un point d'interrogation. L'alchimiste avait décidé de détruire sa Pierre Philosophale après que Voldemort ait failli s'en emparer pour revenir au pouvoir. Il soupira et sauta une bonne centaine de pages, se retrouvant à la fin du XXème siècle. De leur siècle, et plus précisément, au début des années 1980s.

Sous ses yeux, un balai à la main, les cheveux si ébouriffés qu'ils semblaient être pris dans une tempête, se tenait Harry, qui braquait ses yeux émeraudes sur lui, frottant sa cicatrice de sa main libre. Lucifer sentit sa gorge se nouer et passa un doigt sur la photographie. Son jumeau avait accepté son aide lorsqu'ils avaient tenté d'arrêter Voldemort dans sa tentative de larcin, et il avait eut l'espoir que leurs relations s'améliorent. Harry l'avait défendu face à leur père, lui avait souri, mais c'était le dernier réel lien qu'ils avaient eu. Depuis le début des vacances, il ne lui avait pas même envoyé une lettre, et Lucifer avait cédé à la tentation de lui écrire pas même une semaine après que l'été ait commencé, rongé par l'anxiété. Son frère n'avait pas répondu et le rouquin en avait été trop blessé pour trouver l'énergie d'en écrire une seconde. Il tentait d'ignorer également la pointe dans sa gorge lorsqu'il songeait que James ne lui avait pas écrit non plus, et devait se répéter qu'il n'était pas seul, qu'il avait Noah pour repousser le brouillard au maximum. Refermant brutalement le livre, il jeta un coup d'œil à l'horloge de sa chambre et descendit dans la cuisine.

Pétunia était occupée à couper des tomates en cube et lui indiqua une courgette du menton en le voyant arriver. L'enfant attrapa un couteau et s'attela à la tâche sans même regarder sa tante, n'osant lui demander si quelque chose était arrivé. Elle travaillait sur le plan de travail, d'ordinaire, lui tournant le dos et ne répondant que ponctuellement si jamais il lui adressait la parole. Depuis qu'il était revenu de Poudlard, leurs échanges étaient étranges. Elle l'avait questionné sur le fait d'être dans l'ombre, au tout début, avait répondu trois fois lorsqu'il avait mentionné Harry –dont une pour la lettre à laquelle il n'avait pas répondu. Lucifer en avait été tourmenté à un point où il n'était plus parvenu à garder l'information pour lui, et Noah ne lui avait répondu qu'une journée plus tard-. Mais elle lui jetait parfois des regards qui lui faisaient froid dans le dos et plein d'émotions qu'il ne parvenait pas à saisir. Il faillit se couper le doigt et se morigéna violemment intérieurement. Il profitait normalement de ces moments de cuisine pour s'efforcer de se concentrer sur sa tâche afin de parvenir à de bons résultats en potion.

La Magie lui manquait terriblement et son esprit non stimulé le harcelait, s'emplissait de questions et de souvenirs aussi douloureux qu'intenses.

-A quelle heure James vient-il te chercher demain ? s'enquit sa tante d'une voix neutre.

Lucifer faillit en lâcher le couteau, et ses jointures blanchirent fortement.

-Il ne vient pas, répondit-il douloureusement. Je suppose qu'il m'enverra une lettre au début du mois d'Août.

Il entendit les bruits de cuisine cesser et sentit le regard de sa tante rivé sur lui, l'obligeant à finalement lever les yeux de sa courgette. Son expression était indéchiffrable, et il s'efforça d'occulter la douleur que l'absence de son père provoquait.

-Nous avons du monde demain, déclara finalement Pétunia. Ton aide en cuisine est souhaitée, et tu devrais mettre des habits convenables.

L'enfant s'obligea à reconnaître que son oncle et sa tante ne devaient pas s'attendre à l'avoir pour son anniversaire, et qu'ils avaient donc choisi cette date dans un autre but que le blesser et le faire se sentir indésirable, mais il ne put empêcher son estomac de se retourner.

-Qui accueillons-nous ? demanda-t-il pour retrouver une contenance.

-De futurs clients de Vernon, les Masons.

Lucifer se souvenait d'avoir entendu son oncle en parler, au cours d'un dîner, comme le plus gros contrat de sa carrière et il hocha la tête avant de retourner à sa cuisine. Savoir que sa tante appréciait son aide le réconfortait, et il serait présent au repas, ce qui était au moins la promesse d'un bon dîner pour ce jour qui aurait dû être spécial. Mais il ne l'était que pour Harry, parce qu'ils étaient jumeaux et que d'eux deux, Harry était le Sauveur et le Survivant. Il était celui qui comptait le plus aux yeux du monde sorcier qui ignorait jusqu'à son existence, comme à ceux de James qui le pensait jaloux, assoiffé de gloire, et moins digne que son frère.

-Dans quelle maison es-tu ?

La question de sa tante fusa, le laissant interdit durant quelques secondes. Que voulait-elle dire ? Il savait qu'ils l'avaient accueilli sous leur toit et qu'il leur devait le respect… Pétunia haïssait tout ce qui se rapportait à la Magie, il était impensable qu'elle parle de Poudlard.

-Lily était à Gryffondor, ajouta sa tante, rendant le garçon un peu plus confus. Si je me souviens bien, James également, et leurs valeurs étaient le courage, la force et la capacité d'être une tête brûlée.

Ses derniers mots étaient crachés, remplis d'amertume et Lucifer remarqua qu'elle ignorait sans doute la réelle signification des maisons, mais cela n'importait que peu…

-Je suis à Poufsouffle. C'est une maison qui met en valeur la loyauté, l'honnêteté et le labeur.

Il repensa à la salle commune chaleureuse et aimante, aux plantes intrigantes et expérimentales et aux soirées passées avec Noah, blottis dans un fauteuil, et une douce chaleur se répandit en lui.

-James doit être déçu, commenta sa tante, acerbe.

Le jeune sorcier eut l'impression de prendre un énième coup.

-Harry est à Gryffondor, répondit-il à mi-voix. Mais il est déçu, oui.

-La loyauté et l'honnêteté sont des valeurs bien plus louables, rétorqua la femme.

Il écarquilla ses yeux bruns, stupéfait devant le compliment dissimulé. Jamais encore on ne l'avait complimenté pour sa répartition.

-Merci, murmura-t-il.

Pétunia ne répondit pas, mais cela n'avait pas d'importance.

.

Lucifer ne se plaignait pas de passer sa journée d'anniversaire dans la cuisine, bien que l'Oncle Vernon au dîner de la veille lui ait fait comprendre son insatisfaction de le compter dans sa maison pour le dîner devant sceller la plus grande affaire de sa vie. Il aimait la sensation de s'améliorer et de travailler pour une réelle cause. Alors qu'il remontait dans sa chambre aux alentours de midi, il accueillit l'effraie de Noah avec un sourire, lui caressa les plumes et écarquilla les yeux devant le paquet et la lettre qu'il lui tendait. Il s'attendait à ce que son ami écrive, mais pas à recevoir de cadeaux. Il observa longuement le paquet, puis le posa sur sa table de chevet, déterminé à l'ouvrir une fois le dîner terminé. Ce serait une source de réconfort et d'espoir. Il posa également la lettre dessus et proposa à l'effraie de se reposer. Noah l'avait hérité de son père, et la chouette se faisait un peu vieux. Lucifer avait longuement médité sur son nom –Cygne-, depuis la découverte de l'ancienne salle commune. Ce mot semblait revenir tout le temps, symbole des vieilles maisons de sang-pur.

.

Dudley avait accueilli les Masons avec emphase, et son comportement emprunté détonnait avec sa corpulence maladroite et ses manières habituelles. Malgré tout, Pétunia et Vernon semblaient incroyablement fiers. Les adultes discutaient, blaguaient, avec une attitude pompeuse et des manières fausses. Du point de vue de l'Oncle Vernon, la soirée se déroulait sans doute de la meilleure manière possible –en comptant la présence de son monstrueux neveu-. Mais jamais Lucifer ne s'était sentit aussi mal à l'aise, pas même lorsqu'il passait du temps en compagnie de James et Harry. Les faux compliments et les couardises sociétaires lui provoquaient de désagréables nœuds à l'estomac alors que sa nature le poussait à se toujours montrer le plus honnête possible. Les miaulements de Korrigan, enfermé dans sa chambre car Mrs Mason était allergiques aux animaux et terrifiée par les volatiles, le torturaient car il savait que son chat le lui ferait payer et les regards de son oncle à chaque nouvelle plainte le tétanisait. Il savait également qu'il avait intérêt à ce que Cygne ne s'impatiente pas et qu'Audelune n'apparaisse pas soudainement. Du reste, nul ne prêtait attention à lui et il se sentait plus seul que jamais. Il redoutait autant la présence de la chouette de son père que son absence.

.

Et puis, soudainement, une sensation de poignard qui s'enfonce dans son cœur le plia en deux et de la sauce se répandit sur toute la table. Mrs Mason se leva soudainement, indignée de voir sa superbe robe tâchée. Lucifer tenta de se relever tant bien que mal mais son corps ne lui obéissait plus et sa vision était floue. Il éprouvait des difficultés à respirer et son rythme cardiaque s'affolait. Il entendit très vaguement les excuses de Vernon et sentit les doigts de sa tante se refermer sur son épaule pour le relever. Elle le força sans ménagement à se mettre sur ses jambes alors qu'il les sentait à peine et le traîna près du placard sous l'escalier.

-Qu'est-ce qu'il te prend ? demanda-t-elle.

Ses poumons refusaient toujours de lui obéir et des larmes de panique et de douleur roulaient sur ses joues. Il secoua la tête, incapable de répondre.

-Si tu ruines cette soirée, Vernon ne te le pardonnera jamais, l'avertit-elle, glaciale.

Il sentit un cri monter dans sa poitrine et s'efforça de le réprimer. Sans avertissement, Pétunia le gifla.

Il en fut tellement surpris que sa bouche s'ouvrit et qu'il réussit enfin à respirer. Ses jambes tremblaient toujours et il s'appuyait contre le placard, mais les brumes commençaient à se dissiper dans son esprit.

-Je ne sais pas, coassa-t-il.

-Tu ferais mieux de monter.

La douleur dans son cœur se fit plus vive mais son corps commençait enfin à lui répondre. Il hocha la tête.

-Dis-leur… Je suis navré, je me suis senti mal, je ne voulais pas…

Elle hocha la tête, les lèvres pincées, et il monta les marches tant bien que mal. Arrivé dans sa chambre, il s'effondra, roulé en boule et les mains serrées sur son cœur douloureux, le corps secoué de sanglots. Sa vie ressemblerait-elle toujours à un tel enfer, où il n'avait pas sa place ? Pourquoi James ne lui avait-il toujours pas écrit ? Mais comme en réponse à sa dernière interrogation, Audelune entra par la fenêtre. Cygne, très fier, lui jeta un regard dédaigneux.

La femelle le mordilla affectueusement et tendit la patte afin qu'il prenne sa lettre. Il la remercia, se promettant d'acheter du Miamhibou sur le Chemin de Traverse –si James daignait un jour venir le chercher-. Puis il ouvrit aussitôt le parchemin.

Lucifer,

Nous avons eu des différents et je n'approuve toujours pas ton comportement de l'année dernière, mais tu demeures mon fils, et tu grandis. Aujourd'hui signe le début de tes douze ans et tu gagneras sans doute en maturité.

Harry et moi ne partons qu'une semaine, début Août, je viendrais donc te chercher le 15 Août vers dix heures du matin. Il me semble que cet horaire convient aux Dursleys.

Nous aurons quelques activités de prévues durant ces deux dernières semaines, bien entendu, entre les séances d'entraînement d'Harry. Etant donné que nous avons l'année précédente eu la preuve que Voldemort n'était pas réellement mort, il doit recevoir une formation complémentaire, que mes compétences d'Auror peuvent lui dispenser. Je n'ai pas besoin de te demander de ne plus l'encombrer, n'est-ce pas ? Il est possible que je te demande ton attention une ou deux fois, afin de t'enseigner quelques bases destinées à le protéger.

Harry n'est pas très en forme en ce moment, je te demande donc de lui manifester ton soutien et de le ménager.

Nous nous verrons bientôt, Lucifer, et j'espère que tu pourras combler mes attentes –mais puisque tu es mon fils, ce sera sans doute le cas.

Ton père,

James Potter

L'enfant mordit rageusement son oreiller et s'empêcha de planter ses ongles dans ses poignets ou ses paumes. Il frappa son matelas le plus fort possible, des larmes de rage brûlant ses yeux et la poitrine enflammée. Quelques secondes plus tard, il était assis sur le bord de son lit, pantelant. James n'aurait-il d'yeux que pour Harry, encore et toujours ? Etait-ce si compliqué de lui souhaiter simplement un joyeux anniversaire ? A quoi s'était-il attendu ? Il passa une manche sur ses yeux et lâcha un rire amer et méprisant envers lui-même. Puis il accueillit avec joie Korrigan sur ses genoux et se laissa bercer par son doux ronronnement jusqu'à finalement s'endormir.

.

Lorsque les Masons furent partis, Pétunia ouvrit la porte de la chambre de son neveu, éteignit la lumière et déposa un paquet sur le sol.

.

Comme l'année précédente, dès qu'il sut que son père allait venir le chercher, Lucifer vécut dans une attente brumeuse. Il ne s'enfermait néanmoins pas dans les mêmes illusions, celles d'avoir une famille et un père et un jumeau qui l'aiment. Mais il songeait au monde de la magie qu'il allait retrouver et aux accessoires qu'il pourrait acheter sur le Chemin de Traverse. Ses pensées tournaient également beaucoup autour d'Harry. L'année précédente, juste avant qu'ils ne rejoignent Quirell, son jumeau avait admis qu'il était heureux de sa présence, puis, à l'infirmerie, il l'avait défendu contre leur père. Alors peut-être que, malgré la distance dont son frère avait toujours fait preuve, ces deux semaines passées ensembles pourraient les rapprocher. Tous deux ne se connaissaient finalement que très peu…

.

En dehors de cette appréhension mêlée d'excitation, Lucifer se confortait grâce aux quelques éléments dont il disposait. Les lettres de Noah, dont la dernière évoquait « quelque chose d'incroyable, mais je désire t'en parler en face », lui réchauffaient toujours le cœur et faisaient naître des sourires sur son visage encore marqué par les rondeurs de l'enfance. Son meilleur ami lui avait envoyé pour son anniversaire des cerises confites et un set de plumes à encre changeant de couleurs selon différents critères. Il les avait ouvert le lendemain, ainsi que le cadeau provenant de sa tante qui l'avait laissé bouche-bée –il s'agissait d'une teinture pourpre et de lentilles émeraudes. Il n'avait encore utilisé ni l'un, ni l'autre, afin de ne pas irriter son oncle.

.

Dudley passait un temps conséquent dehors en compagnie de ses amis de Smelting, pourchassant les chats et oiseaux à l'aide de sa cane. Un avertissement glacial de Lucifer l'avait dissuadé de prendre Korrigan comme cobaye –bien que la boule de poils roux et blancs ait sans doute pu se débrouiller seule. Son cousin le craignait, à présent qu'il était entré à Poudlard, ce qui rendait ses journées un peu plus mornes. Il avait stratégiquement omis de mentionner que la magie n'était pas autorisée en dehors de l'école afin d'assurer sa sécurité, mais le prix à payer en était la solitude. La réaction de Vernon après son malaise au dîner en compagnie des Masons avait d'ailleurs sans doute été amoindrie par la peur des représailles de James ou de la Magie. Audelune avait été aperçue par le couple alors qu'ils ressortaient, causant un vif dégoût à Mrs Mason, mais surtout, un contrat plus attrayant avait été conclu avec un autre client. Lucifer n'était donc pas la source de l'échec de son oncle, à son plus grand soulagement car sa fureur aurait sans doute été si grande que même une menace magique n'aurait réussi à l'endiguer.

.

James fut là à dix heures précises le quinze Août. Lorsque la sonnerie de la porte d'entrée retentit, Lucifer sentit sa gorge se nouer d'appréhension, et il serra Korrigan un peu plus fort dans ses bras. Il n'était pas descendu déjeuner, préférant s'occuper de teindre ses cheveux en pourpres. Cela irriterait certes son père, mais sa tante verrait qu'il avait apprécié son cadeau. Il jugea néanmoins préférable de ne pas porter les lentilles vertes –James aurait trouvé un moyen de dire qu'il désirait ressembler à Harry et leur rappeler douloureusement Lily. Quelqu'un –Pétunia, sans doute- alla ouvrir la porte, et il se saisit de ses affaires de classes et incita Korrigan à le suivre dans les escaliers. Son cœur se serra quand il constata qu'Harry n'était pas venu, et une partie de lui s'étonna d'avoir eu cet espoir.

-Bonjour James, déclara-t-il en arrivant dans l'entrée, luttant pour garder une voix égale.

Son père n'avait pas changé. Le sourire narquois sur ses lèvres fondit lorsqu'il aperçut les cheveux de son fils.

-Lucifer.

Une étincelle sombre s'alluma dans son regard, et l'enfant éprouva un profond remords l'espace d'un instant. Avait-ce été une si bonne idée ? Avait-il déçu son père une nouvelle fois alors qu'il avait remis des espoirs en lui ? Avait-il tout gâché ? Il refoula ses larmes et esquissa un sourire en se baissant pour attraper son chat. Il croisa le regard indéchiffrable de sa tante, et intercepta son coup de menton. Une vague de chaleur reconnaissante monta en lui, et il attrapa le bras de son père.

-Bonne fin de vacances, et à l'année prochaine, murmura-t-il en esquissant un léger sourire.

Puis il fut pris dans le transplanage d'escorte.

.

Harry était assis à la haute table de bois lorsque James et Lucifer arrivèrent au Manoir de Godric's Hollow. Il leva les yeux sur son jumeau, le salua, puis retourna à son parchemin, mordillant pensivement le bout de sa plume alors qu'il réfléchissait ostensiblement à la façon dont tourner sa phrase. Lucifer s'efforça de ne pas être blessé par son attitude et de se convaincre qu'il travaillait et ne devait pas se déconcentrer.

-Tu t'en sors Harry ? demanda James avec tendresse en ébouriffant ses cheveux de jais.

-Non. Comment suis-je sensé faire la différence entre Gorbac le Hargneux et Fourbel le Grognant ? maugréa l'enfant en raturant furieusement son parchemin.

Son père éclata de rire.

-Nous sommes tous passés par là, Harry.

Lucifer sentit sa gorge se nouer et se tança intérieurement. Il s'attendait à ce que cela se passe comme cela, il n'avait rien espéré, et pourtant… pourtant, être ignoré de la sorte, sentir qu'il n'appartenait pas à ces lieux et qu'ici n'était pas sa place n'en demeurait pas moins douloureux. Il refoula les larmes qui menaçaient de monter et entreprit de monter ses affaires dans la chambre d'amis afin de les y installer pour les deux semaines où il y vivrait.

.

Avec le temps, Korrigan était devenu légèrement moins irascible à l'idée d'être enfermé, et, sentant la détresse de l'humain, il ne fila pas sous le lit ni dans l'une des nombreuses pièces de la maison. Il se roula plutôt en boule sur ses genoux, l'obligeant à rester assis et à le caresser. La main de Lucifer, au début tremblante et mal assurée, se fit plus régulière en même temps que sa respiration et il commença à se détendre. Il songea que son chat était peut-être claustrophobe, une théorie dont il avait débattu avec Noah et qui les amusait tous deux beaucoup. Enfin, après avoir arrangé à sa manière le peu de bagages dont il disposait, il redescendit au rez-de-chaussée. James avait quitté la pièce principale, s'étant sans doute rendu dans la cuisine afin de préparer des boissons… Harry demeurait penché sur son parchemin, sa jambe droite cognant nerveusement le coin de la table à intervalles rapides et réguliers. Profitant de l'absence de leur père, il se hissa sur le tabouret situé à sa gauche. Il regarda la main de son frère, noircie d'encre, tracer des mots sur le parchemin d'une écriture crispée. Longtemps. Il désirait lui parler, mais ignorait comment il réagirait. L'année précédente, ils avaient réussi à échapper à Voldemort ensemble et Harry l'avait défendu devant James… Mais Harry ne lui avait pas écrit une seule fois durant le mois de Juillet et l'avait accueilli avec la même indifférence qui avait caractérisé leurs échanges à Poudlard. Lucifer s'humecta les lèvres, son cœur cognant violemment contre les parois de sa poitrine… Il devait lui parler. Ils étaient jumeaux et ils se connaissaient à peine.

-Harry… As-tu besoin d'aide ?

Tant de choses auraient dû être dites à la place de cette phrase stupide et anodine. Pourquoi James dit-il que tu ne vas pas bien ? Sommes-nous condamnés à demeurer de parfaits inconnus l'un pour l'autre ? Es-tu toujours convaincu que j'ai voulu voler ta gloire ? Ma vie t'importe-t-elle rien qu'un peu ? Il soupira et déglutit difficilement, tentant de faire disparaître la désagréable sensation de sa gorge douloureuse.

-J'ai presque fini, répondit platement son frère.

-As-tu passé de bonnes vacances ?

Il devait trouver un sujet de conversation rapidement. Il devait parler avec Harry… Son jumeau leva enfin ses yeux émeraude vers lui, et il détailla ses cheveux pourpres avec une moue.

-C'est très féminin…

-Je trouve que la couleur me va plutôt bien, se défendit aussitôt son frère.

Il le regretta profondément, mais ses réflexes avaient pris le dessus. Pourquoi son père et son frère devaient-ils critiquer ses choix comme l'oncle Vernon le faisait ?

-Papa a dû être peiné, rétorqua brusquement Harry. Maman…

Il détourna la tête un instant, passa une main sur son visage avant de hausser les épaules.

-De toutes manières, tu t'en moques, n'est-ce pas ?

Lucifer se prit la phrase en pleine figure, comme à son habitude. Avait-il, encore une fois, trahi la mémoire de Lily ? Il avait honoré sa tante, la sœur de leur mère… Ses pensés devenaient confuses et il en vint à espérer que James revienne et mette un terme à la conversation avant de réaliser que cela n'arrangerait pas forcément les choses.

-Si tu n'étais pas venu, j'aurais pu aller passer les dernières semaines chez Ron.

Les prunelles d'Harry étincelaient de colère à présent. De toute évidence, lui non plus n'avait pas eu envie de s'étendre sur le sujet… Et il ne désirait pas que son jumeau fût là.

-N'as-tu pas pu le faire en Juillet ? murmura son frère.

Il le sentit se raidir soudainement et ses mains se crispèrent tant que sa plume répandit des tâches d'encre sur son parchemin.

-Je devais m'exercer en Défense Contre les Forces du Mal maintenant que nous avons la preuve que Voldemort peut ressurgir.

Lucifer hocha la tête.

-A présent, si tu veux bien m'excuser, je vais aller ranger mes affaires et faire un tour en balai. Mes amis me manquent, et j'ai besoin de prendre l'air pour l'oublier.

Il se détourna ostensiblement de son frère qui inspira profondément et s'efforça de demeurer de marbre. Il était indésirable à Harry, et celui-ci venait de violemment lui faire comprendre. La douleur familière de sa poitrine revint, plus forte que jamais et il serra ses ongles sur ses poignets.

.

La discussion autour d'un verre de jus de citrouille ne fut pas plus engageante que l'année précédente. Cet arôme faisait partie des choses que le rouquin détestait le plus sentir sur sa langue et il éprouva bien des difficultés à finir poliment son verre afin que son père ne se montre pas plus déçu qu'il ne devait déjà l'être. Harry et James évoquèrent des souvenirs de vacances, toujours enfermés dans leur monde diptyque. Les pensées de Lucifer dérivèrent vers son meilleur ami puis vers Susan, Sally-Ann, Hannah, Ernie, Justin… La chaleureuse atmosphère de sa salle commune se propagea de ses souvenirs jusqu'à son cœur et ses muscles se desserrèrent lentement.

.

La vie avec James et Harry n'aurait pas dû être plus difficile à soutenir que les années passées chez les Dursleys. Lucifer était habitué à s'effacer, à ce qu'on lui manifeste une certaine indifférence, à ne pas avoir la sensation d'appartenir à une famille. Néanmoins, en compagnie de son père et de son jumeau, il ne parvenait pas à se raisonner. Un fol espoir continuait d'habiter son cœur, quoi qu'il arrive, et il cherchait sans cesse des sujets de conversations qui pourraient le rapprocher d'Harry, des actions qui pourraient attirer en bien l'attention de James. Il parla de Noah et de l'invitation qui lui serait sans doute faite l'année prochaine. Harry enchaîna sur son envie de voir Ron, et James soupira. Il tenta d'évoquer des souvenirs de Lily, mû par un profond désir de connaître la mère qui avait donné sa vie pour que lui et son frère vivent. Il reçu deux regards brûlant de fureur et de peine. Au cinquième jour, il abdiqua et décida de demeurer dans sa chambre afin de relire les devoirs qu'il devrait rendre le lendemain de la rentrée.

.

Après le déjeuner, il alla frapper à la porte de son frère, qui s'était isolé.

-Entre, lança Harry.

Sa voix paraissait teintée de soulagement, mais une expression stupéfaite se peignit sur son visage lorsqu'il aperçut son jumeau. Son regard s'assombrit. Lucifer repoussa doucement la porte et s'avança lentement, mal à l'aise. Harry ne décocha pas un mot, et le rouquin s'assit sur le bord du lit. Il peinait à supporter le poids du silence mais avait épuisé tous les sujets banals au cours des heures passées au Manoir Potter. Son regard analysa la chambre, qu'il n'avait fait qu'entrevoir lors de son premier séjour. Face à la porte se tenait un psyché sculpté, qui lui fit penser au Miroir du Risèd. Il repoussa les souvenirs au loin. Le placard contenant la garde robe d'Harry occupait la majeure partie du mur en face de son lit, et était recouvert de poster en tous genre, allant de joueurs de Quidditch volant sur leur balai à deux sorciers s'affrontant joyeusement en duel. Les murs rouge et or donnaient à Lucifer l'impression d'étouffer, mais son jumeau devait s'y sentir bien. La couverture verte de son lit représentait un terrain de quidditch et un énorme vif d'or y avait été brodé. Au dessus, sur les murs, on discernait divers billets pour des matchs, certains signés, et de nombreuses photos de James et Harry. Une seule, sur la table de chevet, représentait Lily. Et une autre, deux adultes et deux bébés souriants… Le cœur de Lucifer bondit et il se mordit violemment la lèvre. De là où il se trouvait, il ne pouvait voir correctement les photographies, mais une pulsion dans ses veines le poussait à s'approcher… Harry le laisserait-il faire ? Ou considérerait-il que cela ne le regardait pas ? Qu'il se fichait de leur mère ?

-Puis-je…

Les mots moururent dans sa gorge. Harry posa deux prunelles indifférentes sur lui, et le garçon se leva pour aller s'agenouiller devant la table de nuit.

Lily était magnifique. Jeune, avec de doux traits qu'il pouvait retrouver lorsqu'il se regardait dans le miroir. Ses longs cheveux roux chatoyaient au soleil, crinière enflammée alors qu'elle riait. Le sel des larmes lui brûla les yeux et il les déplaça sur la photo annexe. Sa respiration se suspendit. Il s'agissait de Lily et James. Heureux. Ensemble. Se tenant la main. Et chacun, tenant sur la hanche… deux enfants, qui riaient et grimaçaient. Hypnotisé, Lucifer leva une main…

-Qu'est-ce que tu fais ?

La voix de Harry le sortit de sa transe.

-Je… Harry…

Il maudit sa gorge douloureuse et inspira profondément.

-Je n'avais encore jamais vu de photo de moi.

L'aveu coupa court à tout reproche que son jumeau aurait voulu lui faire. Il se contenta d'hausser les épaules.

-Ne touche pas à mes affaires, s'il te plaît.

En soupirant, Lucifer revint à ses côtés. Il songea à Noah, à Poufsouffle, à ses valeurs. Le souvenir de la calme présence de son meilleur ami et de ses yeux clairs et limpides le convainquit de tenter autre chose, plus direct.

-Harry, nous sommes jumeaux et nous ne nous connaissons même pas.

Son frère haussa les épaules.

-Et à quoi cela servirait-il ? Nous nous côtoyons deux semaines par an, et nous ne sommes même pas dans la même maison à Poudlard.

La vieille souffrance revint serrer la poitrine de l'enfant, qui ne parvenait toujours pas à regretter sa répartition.

-Je te l'ai dit, nous n'avons pas une relation de frères, et ne l'aurons jamais.

Une gifle. Encore. La vue du rouquin se brouilla. Ses barrières cédèrent et sa colère se déversa soudainement.

-Tu étais heureux de m'avoir à tes côtés, l'année dernière, tu l'as dit toi-même ! Nous sommes jumeaux, tu ne peux rien y changer !

Harry parut un instant déstabilisé puis secoua la tête.

-Tu as été un obstacle pour moi. Qui a vaincu Voldemort ? Tu l'as griffé, et j'ai du le vaincre pour nous deux ! Encore !

Ainsi, les six semaines écoulées avaient suffi à retourner l'opinion de son frère contre lui. James y était-il pour quelque chose ?

-Je t'ai aidé ! J'ai participé à te sauver !

-Es-tu en train de dire que tu m'as sauvé ? Que tu as vaincu Voldemort ? Papa a raison, tu désires ma gloire.

Lucifer s'efforça de ne pas hurler. Leur père monterait sans doute aussitôt les escaliers.

-Non. Je ne t'ai pas sauvé, et je ne l'ai pas vaincu, ni il y a douze ans, ni l'année dernière. Mais je t'ai aidé…

Etait-ce la vérité ? Sa voix se brisa. Puis il se souvint de son implication, de son vol sur le balai… Mais à quoi cela servirait-il d'argumenter ? Ces conversations ne menaient jamais à rien. Sous la colère, son vocabulaire se dégrada.

-Et même, le fait que nous ne soyons pas proches, cela ne t'empêche pas de me parler ! De répondre à mes lettres ! Je me suis inquiété, même si tu te fiches complètement de mon exis…

-Je ne les ais pas eues, d'accord ? hurla Harry.

Lucifer recula, les yeux écarquillés, coi.

-Que veux-tu dire, Harry ? murmura-t-il.

-Je n'ai pas eu tes lettres ! Ni celles de Ron, ou d'Hermione, ou de qui que ce soit ! Quelqu'un m'a subtilisé mon courrier, d'accord ? J'ai cru être seul, j'ai cru que mes amis n'étaient intéressés que par moi à l'école à cause de ma célébrité, et je n'ai même pas pu voir Ron ! Maintenant, j'aimerais que tu partes.

S'il y avait bien une chose que Lucifer ne voulait pas faire à présent, c'était quitter la chambre. Il devait savoir.

-Harry… Qui… Voldemort ? Es-tu en danger ? James le sait-il ?

-Va-t-en, siffla son jumeau entre ses dents.

-Harry.

-C'était un elfe de maison, pour je ne sais quelle fabulation, d'accord ? Tu vas me laisser seul, maintenant ?

Le jeune Poufsouffle ignorait ce qu'était un elfe de maison, et tergiversait quant à laisser son frère seul, quand James frappa à la porte et entra.

-Pourquoi criez-vous ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.

Les deux frères baissèrent simultanément la tête sans émettre un son. Leur père soupira.

-Lucifer, je t'avais demandé de ménager ton frère, et tu ne trouves rien de mieux à faire que de le heurter ? Harry, il me semble t'avoir déjà indiqué que tu devrais te calmer un peu.

A la colère contre l'injustice se mêla la stupéfaction de voir le Survivant réprimandé… Mais après tout, James avait éduqué Harry. Son frère n'était pas sans règles, et il respectait l'autorité. Le rouquin soupira avant de quitter la chambre.

.

Vivre au Manoir Potter n'avait pas que des inconvénients, car cela signifiait un retour dans le monde de la magie et une possibilité d'écrire plus souvent à ses amis. Lucifer avait ainsi emprunté Audelune afin de contacter Sally-Ann, sachant que la jeune Poufsouffle possédait également un chat et que ses parents sans magie n'avaient pas de hiboux. Les deux semaines lui permirent également de monter sur un balai tant qu'il ne volait pas trop haut, lorsque James était occupé par son travail d'Auror et que son frère s'ennuyait. La demeure possédait par ailleurs une bibliothèque confortable où il pouvait se réapprovisionner en lecture.

.

Harry s'entraînait tous les jours avec James, sur différents sujets. Son père lui apprenait ainsi à lancer de nombreux sorts qui pourraient s'avérer utiles, tant en Défense Contre les Forces du Mal qu'en Sortilèges. Lucifer aurait aimé assister à ces séances, mais lorsqu'il eût enfin trouvé le courage d'en formuler la demande à James, celui-ci lui répondit qu'il risquait de distraire Harry.

-Ne le prends pas comme un rejet, le tança l'homme. J'aurais besoin de toi durant la semaine, mais Harry doit se sentir entièrement en confiance dans son entraînement.

La dernière partie du discours fut sans doute la pire, et l'enfant resta assis sur le grand lit de la chambre d'amis, les jambes battant dans le vide, son chat se frottant à lui pour obtenir des caresses.

.

Leur père avait néanmoins prévu des sorties afin de pleinement profiter des vacances d'Eté, et il leur appris le samedi soir qu'ils iraient le lendemain assister à un match de Quiditch entre deux ligues, les Tornades de Churchill et les Ouragans de Dewey. Harry poussa un cri de joie et sauta de son tabouret pour venir enlacer maladroitement son père.

-Tu es le père le plus génial dont on puisse rêver ! s'exclama-t-il.

L'expression d'amour et de bonheur pur dans les yeux de James déchirèrent Lucifer en deux. Il était évident que l'homme aimait profondément son fils et la tendresse que ces deux là se manifestaient était touchante, mais elle lui rappela sans pitié que nul ne l'aimerait jamais avec cette ardeur, et que ce regard ne lui serait jamais adressé. Il n'appartenait pas à cette famille, et les deux Potter ne faisaient même pas exprès de le lui faire sentir. Pour la énième fois, il se demanda si Lily l'avait aimé.

.

Le match fut fascinant. Si les joueurs de Poudlard se débrouillaient bien, le professionnalisme des équipes officielles rendaient le jeu bien plus attrayant. Harry portait les couleurs des Tornades et lui et James brandissaient une bannière, hurlant et buvant de la bièraubeurre. Lucifer s'aperçut avec soulagement qu'il ne détestait pas tous les breuvages sorciers, et la chaleur de celui-ci coulait agréablement dans sa gorge. Il s'enthousiasma en compagnie de son frère, et réussit à s'illusionner un instant sur sa place auprès de lui. Il goûta à la joie en sa compagnie, et se réjouit de la victoire des Tornades. James leur acheta un poster du joueur de leur choix et ils firent la queue pour le faire dédicacer. Dès que la rumeur se propagea que le Survivant avait soutenu l'équipe gagnante, un attroupement bien plus conséquent se forma, et les joueurs sortirent. Ils n'eurent pas besoin de faire la queue, et le capitaine leur proposa de boire un verre en leur compagnie. Tous n'avaient presque d'yeux que pour Harry et sa cicatrice, et les photos prises seraient aussi bien pour le plaisir de l'un que les bénéfices de l'autre. Mais Lucifer profita de la lumière de son frère il rencontra également les joueurs et félicita l'un des batteurs pour son jeu et son sens de l'analyse, et le jeune homme signa son poster avec un sourire flatté.

-Es-tu à Serdaigle, Lucifer ? demanda-t-il.

Un instant décontenancé que ce parfait inconnu connaisse son nom, il secoua finalement la tête.

-Le Choixpeau a hésité, admit-il, mais ce fut Poufsouffle qui l'emporta.

-C'aurait été un honneur pour moi d'avoir le frère du Survivant dans ma maison, sourit le batteur, mais Poufsouffle est noble également.

« Ce fut un honneur de profiter de ton analyse, Lucifer, Jason Moon ». La dédicace était d'autant plus belle qu'elle s'adressait entièrement à lui.

.

Ce fut la première fois que Lucifer comprit réellement pour quelle raison on pouvait lui reprocher de vouloir voler l'attention et la célébrité de son jumeau. Les passe-droits auxquels il avait droit, l'admiration et la joie de le rencontrer, le privilège de discuter avec des personnes qui l'admirait et qui sinon n'auraient jamais rien su de son existence… Ces avantages étaient enviables. Il ne parvint pas à s'endormir, ce soir-là, se demandant s'il jalousait son jumeau pour les avantages de sa célébrité. Puis dans son esprit revinrent la pâleur de son frère avant de monter pour la première fois dans le Poudlard Express, sa maladresse première envers les enfants de son âge, le combat contre Voldemort et surtout, le sacrifice de Lily pour qu'il puisse vivre. La célébrité d'Harry Potter englobait tous ces éléments et il secoua doucement la tête sur son oreiller, ses mains s'emmêlant dans le doux poil de Korrigan.

-Je soutiendrais toujours Harry. En aucun cas je ne désirerais être à sa place, murmura-t-il.

Le flanc de l'animal se soulevait à intervalles réguliers et il prit inconsciemment le rythme avant de finalement plonger dans le sommeil.

.

Il ne restait désormais que quelques jours avant la rentrée. Père et fils étaient allés chercher leurs livres sur le Chemin de Traverse, et Lucifer avait pu remplir sa bourse de gallions avant de s'acheter deux nouveaux livres si étranges qu'il était presque certain de ne pas les trouver à la bibliothèque. L'un, sobre sans résumé extérieur, brillait dans le noir et sa lumière argentée lui avait rappelé le node protecteur de Poudlard. L'autre chantait dès qu'on l'ouvrait, changeant de mélodies en fonction des pages que l'on tournait. Il s'agissait d'un livre pour enfant, et il paraissait évident que la sévère Mrs Pince ne détenait pas ces ouvrages bruyants en rayon. James maugréa en achetant les livres de Lockart en double exemplaire, autant sur le prix que sur la quantité.

-Ta mère aurait gardé la tête sur les épaules face à ce dandy, lança-t-il à Harry en passant une main dans ses cheveux de jais.

La fierté qui luisit dans les yeux de son jumeau se propagea jusqu'à Lucifer ainsi que la satisfaction d'avoir obtenu un éclat de verre du mystère de cristal qui enveloppait Lily Potter. Il observa avec une moue la photo de l'homme qui clignait de l'œil sur ses couvertures. Flâneries avec le Spectre de la mort. Vadrouilles avec les goules. Vacances avec les harpies,. Randonnées avec les trolls. Voyages avec les vampires. Promenades avec les loups-garous, Une année avec le Yéti… Au moins, ils en apprendraient sans doute beaucoup sur les créatures magiques, durant cette deuxième année.

.

Ce ne fut que le mercredi que James fit enfin appel à son deuxième fils pour qu'il se joigne à eux lors d'une séance d'entraînement de Harry. Lucifer se rendit dans la salle où s'enfermaient parfois son jumeau et leur père durant des heures. Elle était immaculée sur les murs à l'exception de cibles, de nombreuses lignes de différentes couleurs se chevauchaient sur le sol de lino blanc. Quelques coussins s'entassaient dans un coin, divers objets dans un autre.

-C'est ici que j'entraîne Harry, déclara James. Sa magie est mise à l'épreuve, non pas afin qu'il puisse vaincre Voldemort en duel le moment venu car seules ses capacités naturelle lui serviront alors. L'essentiel est qu'il apprenne à se défendre et à se mouvoir pour affronter les dangers que les partisans de Voldemort pourraient vouloir le faire rencontrer, et qu'il puisse se défendre contre Voldemort si jamais ils venaient à se retrouver face à face, comme ce fut le cas l'année dernière. Harry doit avoir de la force et de l'endurance, de l'agilité et de la vivacité, et je l'élèverai au point des Aurors avant qu'il n'ait atteint sa majorité. Il en a les capacités.

Un orgueil de père dégoulinait de son discours, une fierté sans égale mais un peu trop poussée pour l'enfant de douze ans qu'était son garçon prodige. Il remonta les manches de sa chemise noire et sortit sa baguette de l'arrière de son jean.

-Maugrey m'aurait ensorcelé pour cela, commenta-t-il avec un clin d'œil envers Harry.

Le jeune Gryffondor laissa échapper un rire. Il se tenait sur le côté, sa propre baguette de houx à la main, en une tenue moldue composée d'un jean et d'un t-shirt, bien plus pratiques pour bouger et se défendre en duel que les robes habituelles. James étant un Auror confirmé, il apparut cependant évident à Lucifer qu'il entraînait son fils à combattre dans toutes les tenues possibles.

-Tu es le jumeau d'Harry, Lucifer, et tu dois le supporter dans sa mission. Il est le Survivant, l'Elu, et pourrait donc théoriquement se charger de Voldemort seul. Néanmoins, Voldemort a des alliés et Harry a besoin d'alliés, de soutien, d'appuis. Je vais t'enseigner des bases afin que tu puisses le protéger.

James était charmant ainsi. Une aura d'assurance s'échappait de lui, son visage était très sérieux. Ses yeux derrière ses lunettes imposaient une puissance particulière, et il connaissait son sujet. Lucifer avait l'impression d'avoir affaire à l'un de leurs professeurs de Poudlard. L'étincelle dans le regard de son l'homme disparut néanmoins alors qu'il se posait sur les cheveux encore pourpres de l'enfant, puis sur son visage, pour le détailler entière.

-Le protéger ne sera possible que si tu ne le mets pas en danger, et qu'il n'est pas obligé de vous sauver tous deux, Lucifer. Tu dois dépasser ta jalousie et admettre qu'Harry se battra, qu'il sera célèbre et adulé pour cela, entends-tu ?

Le rouquin baissa les yeux et se mordit la lèvre en s'efforçant de ne pas trop serrer les poings. Il essayait de s'habituer au discours de son père, conscient qu'il ne changerait pas.

-J'entends, souffla-t-il.

-Bien. Alors, mets-toi en garde.

L'enfant fronça les sourcils, décontenancé, et tenta d'imiter la position de son frère.

-Non ! En garde, Lucifer ! Ne vous ont-ils pas appris à vous battre en duel, à Poudlard ?

Il secoua la tête, mortifié devant le ton hautain et déçu de son père. James soupira et se passa une main dans les cheveux.

-Bon. Tant pis, j'imagine, nous allons reprendre les bases… Harry les as apprises dès qu'il fut en âge de marcher, j'ignorais qu'on pouvait ne pas les connaître…

Il marmonnait à moitié pour lui-même, et corrigea la position du jeune Poufsouffle. Puis il fit signe à Harry de se mettre sur la même ligne, et il commença à leur enseigner le sortilège de répulsion afin d'envoyer leur ennemi au loin.

.

La séance dura l'après-midi entière, et ni l'un ni l'autre ne parvinrent à un résultat entièrement concluant lorsque la nuit tomba. Ils avaient consacré une petite heure au sortilège de désarmement, d'une efficacité certaine également.

-C'est un sortilège de haut niveau, approuva James, mais il vous sera toujours utile. Maintenir un ennemi à distance, que ce soit pour l'un ou pour l'autre, peut nous sauver la vie.

Lucifer savourait la sensation de sa baguette dans sa main et de la magie qui s'y déversait. De toute évidence, l'Auror avait réussi à obtenir une dérogation au sein du ministère afin que ses deux enfants puissent utiliser la magie en dehors de Poudlard. Harry se révélait plus doué que lui, et s'attirait les louanges de James, mais il avait appris à jeter des sortilèges qui n'étaient pas de son niveau. Lucifer ferma les yeux et repoussa ses barrières au plus profond de lui, dans l'espoir de débloquer le sort. Le stress d'impressionner cet homme si assuré ne l'aidait pas à jeter le sortilège correctement. Il s'écoula encore de longues et pénibles minutes avant qu'il parvienne enfin à envoyer un lourd mannequin à l'autre extrémité de la pièce. James mit enfin un terme à la séance. Les deux garçons ruisselaient de sueur et Lucifer tremblait de fatigue. James avait également testé son endurance, mais il n'avait jamais réellement pratiqué de sport, préférant les activités plus calmes, et il avait surpris une nouvelle lueur de déception chez l'homme qui lui avait donné le jour.

.

James le fit également prendre part à la dernière séance d'Harry, promettant qu'après celle-ci, il jouirait d'un repos bien mérité. De toute évidence, Harry avait suivi un tel programme depuis le mois de Juillet et s'il paraissait fier de son savoir, Lucifer ne put s'empêcher de lui demander s'il ne regrettait pas de n'avoir pas pu se reposer réellement. Son jumeau le fusilla du regard.

-Je suis le Survivant. Ma vie s'écoule ainsi, et je serais, grâce à Papa, l'un des meilleurs de notre année. Je parviendrais peut-être même à battre Hermione !

La froideur de son frère lui fit l'effet d'une douche froide. Après deux semaines de cohabitation, ils ne s'entendaient pas mieux qu'auparavant.

-Harry est l'épée et tu es le bouclier, Lucifer ! Essaie d'apprendre ce sortilège le plus vite possible bon sang, il te faudra le renforcer au maximum par la suite !

Le sortilège du bouclier ne lui avait pas pris tant de temps que ça à apprendre, à peine une moitié de matinée, mais les sorts toujours plus puissants et rapides de James ne cessaient de le transpercer ou de le faire voler en éclat.

-Je croyais qu'Harry pourrait se débrouiller seul ! siffla l'enfant, à bout de nerfs.

Sa magie était poussée à ses limites et ses émotions dans leurs retranchements.

-Ron et Hermione sont bien plus proche de lui que moi ! cria-t-il. Pourquoi ne leur apprends-tu pas également ? Ron aurait été ravi de venir et Harry se serait délecté de sa présence ! La mienne le révulse !

Ce n'était certes pas la chose à dire. James rangea sa baguette et s'approcha de lui, dangereusement sombre.

-Harry t'apprécierait sans doute d'avantage si tu ne le suivait pas ainsi tout le temps et le laissait respirer, rétorqua-t-il, glacial. Il a été élevé en fils unique et tu dois comprendre son désarroi lorsque vous êtes tous les deux.

La nausée monta en lui et il ne put soutenir plus longtemps le regard de James. Il voulait que la séance se termine, maintenant. Il voulait que ces vacances se terminent pour retrouver Noah et son calme, sa gentillesse et sa présence rassurante.

-Quant à Ron et Hermione, Lucifer, sache que ce ne sont que des amis. Les amis peuvent te trahir, et la mort de Lily en est la preuve et le rappel la plus piquante que nous puissions avoir. Maintenant, va prendre une douche. Le repas sera bientôt prêt.

Sur ces paroles amères, James le laissa seul dans la salle d'entraînement et la porte claqua derrière lui.

.

Lorsqu'il sortit de la salle de bain, les cheveux gouttant sur ses épaules pâles, Lucifer aperçut James assis sur la terrasse en contrebas, Harry serré contre lui. Comme s'il avait blessé James par ses paroles. L'avait-il fait ? Ron et Hermione avaient soutenu Harry jusqu'au bout l'année précédente, comment leur père pouvait-il douter de leur loyauté ? Que s'était-il passé avec ses propres amis ? Les avaient-ils livrés tous les quatre à Voldemort, ou avaient-ils échoué à les défendre ? Il soupira et essuya l'eau un peu trop chaude et salée qui restait sur son visage. Deux semaines dans la vie des Potter, voilà ce qu'il représentait, et c'était toujours trop pour ce jumeau qui refusait leurs liens mais qu'il refusait d'abandonner. Et la quinzaine de jours qu'ils venaient de passer ensemble n'avait rien fait évoluer. Ses attentes, comme chaque fois, semblaient vaines.