Sa vie

Chapitre 1 : Naissance

Elle avait dix neuf ans.

Normalement, elle aurait du être en train de fêter le printemps avec ses sœurs et non ici, en ce lieu ou l'air était lourd et trop chaud même en plein hiver.

Elle aurait du tresser des fleurs dans ses cheveux, couvrir ses mains de fils de soie et ses pieds de rubans d'argent.

Elle n'aurait pas du être ici, dans ce Sanctuaire, à attendre que le têtard qui grandissait en elle veuille bien la laisser enfin en paix.

Elle soupira.

Comme tous les ans, pour le solstice d'été, les célibataires de son peuple participait à un grand festival. Pendant une nuit, tout était caché, rien ne comptait.

Pendant le festival de l'été, les femmes et les hommes sans attaches du peuple atlante enfilaient de fines tuniques de soie blanches, restaient les pieds nus puis entraient dans le grand labyrinthe de pierre et d'arbre qui jouxtait le plus haut lieu de culte dès que la nuit commençait à tomber.
Pendant une nuit, les couples se formaient.

Les mains se nouaient, les étreintes s'échangeaient sans remords et sans regrets.

Il n'y avait qu'une seule contrainte.

Chacun devait se satisfaire d'un seul partenaire.
Ce n'était que rarement un problème.
C'était la troisième fois qu'elle participait au festival.

Pour les célibataires qui commençaient à prendre de l'âge, quelque soit leur sexe, c'était une chance par an pour concevoir un enfant et assurer leur lignée.

Pour les jeunes filles comme elles qui cherchaient surtout un peu d'amusement sans remords, c'était l'occasion d'apprendre entre les bras d'hommes matures les jeux de l'amour.
Comme des trois sœurs, elle avait bu chaque matin pendant un mois le dégouttant élixir d'herbes des montagnes que sa mère leur concoctait pour leur éviter de tomber enceinte.
Ce n'était pas une disgrâce de porter l'enfant d'un célibataire, au contraire même, mais comme la plus part des toutes jeunes filles, elle ne voulait pas s'encombrer d'un bébé, même si elle l'aurait confié à la charge du père dès la naissance.
Comme prévu, ses règles s'étaient achevées la veille du festival.

C'était en toute confiance qu'elle avait bondit dans le labyrinthe en gloussant au côté de ses sœurs.
De l'autre côté des couloirs de pierre, de buissons et d'alcôves de tissus préparées pour l'occasion, les hommes étaient eux aussi entré dans le labyrinthe.
C'était un festival un peu particulier cette année là.
Elle ne s'était pas vraiment souciée des rumeurs qui couraient pourtant.

Elle se fichait un peu que les deux plus grands Anciens de leur race participe au festival.

Pour elle qui n'avait jamais vu le maitre de Jamir pas plus que le lointain maitre du Sanctuaire, les deux vieillards devaient être plus rabougris que des vieilles pommes. Aucun intérêt donc.

Son masque de plumes sur le visage, elle avait courue comme ses sœurs à perdre haleine dans le labyrinthe jusqu'à entendre des voix mâles.

Les filles s'étaient égaillées en tout sens lorsqu'elles étaient tombées nez à nez avec eux.

C'était une autre partie du festival.

Il fallait courir vite et loin.

Il fallait que celui qui les gagnerait prouve sa valeur, sa force et sa supériorité.

Elle avait filé comme le vent, ses robes blanches fouettant l'air derrière elle.

Elle avait entendu plusieurs voix la prendre en chasse.
Elle adorait cette course éperdue, le désir qui montait doucement en même temps que la crainte et la curiosité de savoir qui la rattraperait.

Une a une, elle avait entendu les voix se taire derrière elle et s'éloigner.

Il n'y eut bientôt plus qu'un seul souffle sur ses talons.

Elle avait accéléré.

Au détour d'un rocher, elle avait jeté un court regarde derrière elle.
L'homme qui la suivait avait une opulente chevelure parme qui semblait douce comme de la soie, si différente de sa crinière de cheval fou couleur de plaine au printemps.

Les yeux qui la suivaient étaient d'un vert profond, bien plus foncés que ses cheveux à elle.

Son souffle se fit plus court.
Elle ne voyait pas bien le visage derrière le masque en fourrure de loup, mais l'homme n'était indéniablement plus un jeune homme.

Deux bras se refermèrent sur sa taille, chassant l'air de ses poumons.

Un torse puissant dans son dos la soutint pendant qu'elle reprenait son souffle.

L'homme effleura sa joue du bout des doigts, attisant encore son désir.

Sans un mot mais un tendre sourire aux lèvres, il la porta jusqu'à une des innombrables alcôves du labyrinthe.

Elle s'était endormie sur son épaule, rassasiée comme jamais et parfaitement confiante dans les décoctions de sa mère.

Lorsque le soleil s'était levé, il l'avait gentiment réveillé puis sa main délicate sur le bras puissant et nu, elle l'avait suivit jusqu'à l'autel ou chaque "couple" de la nuit attendait la bénédiction des prêtres puis l'examen d'une sage femme.

Pour elle cela avait toujours été une formalité jusque là.

Ses trois sœurs avaient déjà été séparées de leur amant d'une nuit.

Elle pouvait lire dans les yeux de ces hommes leur déception à ne pas être père.

Quelques autres par contre rayonnaient presque, une femme à leur bras.

Toutes semblaient ravies d'avoir conçues. Toutes étaient déjà d'un âge avancé. Elles aussi bourrées de potions, elles avaient prié pendant des jours pour avoir un enfant, comme elle et ses sœurs avaient priées pour y échapper.

Une bonne prière n'était jamais un mal pour aller avec une potion.

La sage femme avait posé sa main sur son ventre.
Avant de comprendre ce qui lui arrivait, l'homme lui avait retiré son masque, avait ôté le sien puis l'avait conduit près de son frère jumeau, lui aussi accompagné d'une femme.
Elle avait conçut.
Elle en aurait pleuré.
Elle ne comprenait toujours pas, presque neuf mois plus tard, ce qui avait pu ne pas fonctionner.
A croire qu'un autre dieu s'en était mêlé.

Jamais elle n'avait entendu parler d'un échec de la potion.
Sa mère en avait été très déçut. Elle comptait bien marier ses deux filles ainées avant la fin de l'année et voila que la seconde se trouvait grosse.

La seule consolation était le père.

L'enfant serait fort. Il serait une grande marque d'honneur pour leur famille.

Concevoir pour l'un des Anciens était un honneur.

Ouai….

Pour l'instant, la jeune fille voulait juste que son ventre cesse de grossir d'heure en heure. Elle avait mal aux articulations, ses doigts étaient gonflés et elle ne pouvait manger que quelques rares aliments ici ou tout baignait dans l'huile d'olive ou le fromage de chèvre.

C'était la tradition.
Pendant un an, le temps de sa grossesse puis les trois mois qui suivaient la naissance jusqu'au sevrage, elle appartenait à l'Ancien Sage.

Elle savait que le vieil homme avait espéré qu'elle accepterait de rester après.
Il n'était pas rare que des couples se forment sur le long terme après une naissance, mais elle ne voulait pas.
Sage était gentil et concilient, très bien conservé pour une momie de deux siècles et demi et elle devait avouer qu'elle n'avait jamais prit autant de plaisir avec un autre qu'avec lui. Mais elle ne voulait pas rester. Elle avait une vie à construire.

Le lapin écorché qui poussait dans son ventre représentait une parenthèse d'un an qu'elle avait hâte de voir disparaitre.
Elle soupira encore.
Elle ne supportait par la présence de Sage, le Pope comme les serviteurs qui s'occupaient d'elle l'appelaient, près d'elle.

Bien sur, deux fois par jour pendant une heure, il devait mêler son esprit au sien et nourrir l'enfant à naitre de leur pouvoir mental conjoint. C'était pour ça qu'elle avait du le suivre ici, en Grèce, si loin de ses montagnes adorées, de sa neige éclatante et de ses yaks adorés.

Une grossesse ne pouvait être menée à terme sans le soutient des deux parents pour nourrir l'esprit délicat et déjà éveillé du fœtus.

Il fallait le nourrir de pouvoir et de calme, de "cosmos" comme Sage appelait ca aussi. Elle ne voyait pas ce que c'était mas voulait bien n'importe quoi pour que ce parasite quitte son corps.
Avec un grand détachement, elle entendait les conversations entre Sage et son fils.

Elle en était exclue mais ne cherchait pas à y participer.
Pour son fils, elle était là, mais passive, suffisamment présente pour l'aider à grandir, mais pas assez pour former un lien avec lui.

Alors elle entendait et ressentait la tendresse de Sage pour son rejeton, la joie facile et étonnée du fœtus qui voyait déjà le monde à travers les yeux de son père, a travers ses souvenirs…
Sa soif de savoir, de gouter les expériences des autres pour les faires siennes.

Elle s'en inquiétait fugitivement parfois.
Le fœtus n'aurait pas du être aussi éveillé et actif. C'était trop tôt. Il n'aurait pas du atteindre ce stade avant au moins huit ou neuf mois après sa naissance.

Mais elle ne pouvait s'ouvrir de ses craintes à personne.

Elle était seule ici et Sage était le seul à parler sa langue.
Ha ! Non… Pas le seul…

Il y avait aussi cet abominable gamin, ce monstre aux cheveux couleur de cendres.

Son regard la fascinait autant qu'il la terrifiait.

Elle sentait la mort dans ce regard et un mépris pour la vie qui l'angoissait atrocement.

Elle ne le voyait que peu heureusement.

Le jeune était un peu plus jeune qu'elle. D'après Sage, il avait seize ans environ et était son élève depuis neuf ans.

A chaque fois qu'elle l'avait vu, il portait une armure toute en or comme elle en avait vu plusieurs autres.

Un autre chevalier en or s'était présenté à elle alors qu'elle errait de jardin en jardin pour la mettre en garde. Ce n'était qu'un tout petit garçon de dix ans mais son regard triste et trop calme l'avait effrayé.
Elle n'avait pas comprit ce que le petit enfant lui avait dit, mais elle avait docilement fait demi tour pour retourner au palais du pope.
Elle n'avait plus jamais essayé d'entrer dans le jardin du chevalier des poissons. Toujours, le petit garçon de sept ans environ le gardait, rigide et triste dans son armure d'or. Elle ne voulait pas l'approcher.
De loin en loin, elle en avait vu d'autres.

Le plus vieux qu'elle ait rencontré avait une vingtaine d'année. Elle avait vite repéré son armure parmi les autres à cause de ses ailes.

Du haut du jardin du pope, elle avait vu d'autres chevaliers en dorés passer. Un jeune homme dix huit ans environ taillé comme un yak des montagnes, les épaules larges comme un canyon. Un autre au visage stricte avec de grandes cornes sur son casque, encore un, bien plus jeune, un enfant encore, avec de petites lunettes et qui semblait souffrir comme elle de la chaleur de l'été grecque. Un tout fou qu'elle ne laisserait jamais approcher de son village….

Ils étaient trop nombreux et trop dangereux.
Aucun ne parlait sa langue à part celui que Sage appelait Manigoldo.

Elle en aurait et en avait pleuré.
Elle voulait rentrer chez elle, retrouver ses sœurs, les gâteaux de miel et de beurre de sa mère, les bras puissant de son père, les moqueries tendres de ses frères…

Elle passa une main sur son ventre.
Elle évitait au maximum tout contact avec le père de l'enfant.
Elle avait refusé de partager sa couche avant que la grossesse ne se voit comme s'était son droit de lui demander. Il n'avait pas insisté.
Elle avait refusé toutes ses propositions d'aide pour faciliter sa vie.
Rétrospectivement, elle reconnaissait avoir été une sale gamine boudeuse.
Mais maintenant….

Elle aurait donné n'importe quoi pour avoir utilisé le baume épais que Sage lui avait donné pour se masser le ventre avant que les vergetures ne le ravage. Maintenant, c'était trop tard. Elle aurait le ventre d'une vieille femme avant d'avoir vingt et un an.

Qui voudrait d'elle à présent ? Serait-elle contrainte à courir le festival chaque année jusqu'à tomber à nouveau enceinte et peut-être tomber sur une bonne âme qui lui proposerait de l'épouser ?

Sage lui avait proposé à leur arrivée au Sanctuaire.
Il était un homme d'honneur après tout.

Mais elle avait refusé.

Elle avait été surprise de sa tristesse.

Voulait-il à ce point avoir des rejetons ? Ou une présence féminine ?

Pourtant, celle-ci ne manquait pas… Elle passait une bonne partie de son temps avec les catins du Harem.

Elle avait d'abord été consternée par la légèreté des mœurs du Sanctuaire avant que Sage ne lui explique. Les catins étaient là de leur propre volonté pour soulager les soldats de la déesse de leur vie trop courte, trop dure et sans amour pour la plus part.
Rares étaient les couples. Et toujours finissaient-ils mal…

Elle passa encore une fois sa main sur son ventre dilaté.

Elle se sentait anxieuse depuis le matin.

Lorsque Sage était venu dans la matinée pour partager avec elle et le fœtus, elle avait été tenté de le retenir pour qu'il passe la journée avec elle mais s'était retenue.
Lorsqu'il était revenu en fin d'après midi, juste avant le diner, elle l'avait presque attrapé par la main pour qu'il reste mais une fois encore, elle avait été forte.

A présent, elle le regrettait.

De plus en plus anxieuse, elle se leva pour faire les cents pas dans la grande suite qui lui avait été allouée.
Elle ne pouvait plus tenir.
Malgré son ventre énorme sur sa toute petite silhouette qui culminait difficilement à un mètre quarante cinq, elle quitta le temple du pope comme une furie après l'avoir entièrement retourné sans trouver Sage.
A l'extérieur, la nuit venait de tomber.

Conduite par une urgence qui la glaçait d'effrois, elle descendit les escaliers entre les temples à la recherche du père de son enfant.

"- Hé fillette ! Où cours-tu comme ca ? Tu crois pas que t'as un peu trop attendu pour fuir ?"

La voix cynique et moqueuse la fit tressaillir.

L'outrageux personnage s'était exprimé dans sa langue maternelle.

"- Manigoldo…"

"- Gagné fillette ! Qu'est ce que tu fais là ?"

"- Ou est… Sage ?"

Une brusque douleur dans le ventre la fit grimacer.

Manigoldo sauta du toit de sa maison juste devant la jeune fille.

"- Le gâteux ? Il est à Star Hill. Qu'est ce qui t'arrive ? C'est bien la première fois que tu le cherches !"

Les manières de gamine gâtée ulcéraient le jeune italien. Son maitre était trop gentil pour son propre bien. La fille aurait du être honorée de donner un bébé à son maitre ! Il savait de première main combien l'ancien cancer pouvait être doux et tendre. Elle aurait trouvé en lui un époux parfait et Sage un peu de repos pour son cœur malmené.

De plus en plus agitée, la jeune fille s'agrippa à la chemise du jeune italien.

"- Va le chercher !!! S'il te plait ! J'ai besoin de lui… Maintenant !!!"

"- Hé… Qu'est ce que…"

Un glapissement de douleur échappa à la jeune atlante pendant qu'elle portait la main à son ventre.

Manigoldo posa sa main dessus aussi.

Il grimaça en sentant une contraction.
Elle choisissait bien son moment celle là ! Chiante jusqu'au bout !

"- Allez, on va te remonter là haut et envoyer quelqu'un le chercher et…

"- NON !!! Il doit être là MAINTENANT !!!" Paniqua la jeune fille.

"- Manigoldo qu'est ce qui se passe ?"

Descendant lentement de leurs temples, Sisyphe et El Cid avaient pressés l'allure en sentant un cosmos inconnu et faible osciller entre panique et sommeil.

"- Qu'est ce qui se passe ?" Répéta le jeune noble espagnol, les sourcils froncés.

Malgré ses dix huit ans pas encore trop usés, il avait une prestance que même Sisyphe, du haut de ses vingt ans bien tassé ne pouvait même rêver approcher.

L'italien aimait bien le capricorne. Il était aussi tordu que lui dans un registre différent.

"- Elle accouche."

Sisyphe blêmit.
Il ne fonctionnait pas très bien dans les situations de crise.

"- Où est le pope ?"

"- Le pope se fait bronzer sous les étoiles." Sourit Manigoldo en soulevant la donzelle pour la porter dans le temple le plus proche.

"- ATTENDS !" Le retint El Cid." Nous sommes le trente mars et l'enfant est issu des reins du pope… Porte le dans le temple du Bélier."

Le cancer et le sagittaire s'entre regardèrent.

"- Tu crois ?"

"- J'en suis certain."

Les deux hommes n'hésitèrent pas.

El Cid avait été l'élève du chevalier d'argent de la Coupe. Il avait parfois des éclairs de présciences comme son maitre, qui les sidéraient tous.

"- Très bien…"

"- Où… Où m'emmenez-vous ?" Se plaignit la jeune femme.

"- Là ou vous serez le plus près possible du pope." Rassura El cid.

"- Je vais aller le chercher." Proposa Sisyphe avait de filer.

Il n'aimait pas déranger le pope, mais là, c'était indispensable.

Le capricorne retira les épais draps gris qui recouvraient le lit de la maison du bélier puis Manigoldo posa la jeune femme dessus.

"- On à le temps d'aller chercher la sage femme ?"

Un chaud liquide coula sur le bras de l'italien pendant qu'il posait la jeune femme.

Le liquide amniotique était ambré de sang

"- Je crois pas…."

Les deux chevaliers d'or envoyèrent télépathiquement un appel à l'aide pour qu'on leur envois une sage femme, de l'aide, la déesse, n'importe quoi ! Ils étaient des soldats, pas des infirmières !

La jeune femme gémit.
La douleur était de plus en plus forte.

L'instinct aidant, elle se redressa puis écarta les cuisses et releva les genoux.

Une nouvelle contraction lui déchira le ventre, la faisant hurler.

Les deux chevaliers d'or frémirent.

Un cosmos erratique et terrifié venait de les heurter avec violence.

"- Le bébé ?"

"- Hooo… où est Sage…" Gémit la jeune mère en se sentant agressée de l'intérieur.

Sans le père pour calmer l'esprit effrayé de l'enfant et la protéger de ses pouvoirs psychiques naturels, elle ne survivrait pas ! Le bébé allait la tuer dans son angoisse de naitre.

Un nouveau hurlement lui déchira la gorge alors qu'elle arquait le dos sous la douleur.

Perdus, les deux chevaliers d'or firent la seule chose qu'ils pouvaient faire.

La mère était une inconnue pour eux, ils ne savaient comment gérer son agonie.
Par contre, le cosmos agressif et l'esprit effrayé qui cherchait de l'aide, ça, ils connaissaient.

Gentiment, ils effleurèrent l'esprit paniqué du fœtus, fascinés de le sentir si bien formé alors qu'il n'était pas encore sortit du ventre de sa mère.

Mais aussi bien formé soit-il, il était encore trop jeune pour se satisfaire de paroles pour lui vides de sens.

Les deux chevaliers d'or projetèrent vers lui des ondes de calme et de tranquillité tout en étouffant gentiment le cosmos que le bébé envoyait, comme on prend les mains d'un petit dans les siennes quand il essaye de tirer les poils d'un chiot.

Perdus dans leur tentative pour contrôler dans lui faire de mal le bébé à naitre, les deux chevaliers d'or ne sentirent pas l'arrivée de la sage-femme pas plus que celle de Sage.

Ce ne fut que lorsque le bébé se mit à hurler physiquement et mentalement son inconfort d'être au froid, gluant et sous une lumière qui blessait ses yeux qu'ils se redressèrent.

Les deux hommes battirent des paupières comme si c'étaient leurs yeux qui souffraient de la luminosité.

La sage femme donna le bébé à son père.

"- Comment va-t-on t'appeler ?" Souffla doucement Sage avant d'effleurer le front déjà froid de la jeune femme.

C'était sa faute.

Il aurait du être là pour calmer l'enfant et l'aider à naitre… C'était son rôle… Mais il n'attendait pas la naissance avant au moins une semaine !!!

Mais… Comme la maison du Bélier elle-même le lui rappelait, l'enfant été appelé à être un chevalier d'Athéna.
Et les chevaliers étaient en général orphelin…

Le bébé hurla soudain sa faim à plein poumons.

El Cid et Manigoldo grimacèrent lorsque leurs estomacs se tordirent sous la faim du bébé.

La sage femme tira le lait de la morte pour le maitre dans un biberon de Fayence. Le premier lait était important pour faire un enfant fort.

Sage se pencha pour effleurer le front de la jeune fille qui venait de lui donner un si beau bébé.

Si seulement elle l'avait accepté, peut-être que les choses se seraient mieux passées…

"- Alors, tu vas l'appeler comment ?" S'impatienta l'italien que la mort fut elle d'une femme qui venait de lui donner un petit frère ne perturbait pas plus que ca.

"- Je ne sais…" Souffla Sage.

Il était de tradition d'attendre les un an d'un bébé avant de lui donner son nom d'enfant. Avant, il était juste "l'enfant", à peine plus qu'un meuble…
La mortalité infantile était élevée parmi son peuple…
Mais Sage savait qu'il survivrait et il avait envie de le nommer dès maintenant. Pourtant, les croyances ancestrales de son peuple le retenaient.

Il ne fallait pas rendre jaloux les démons en nommant un bébé trop tôt. Quel démon pourrait être jaloux d'un petit paquet de chair sans nom ? Il fallait attendre qu'il soit suffisamment fort.

Le bébé hurla encore de faim une fois le biberon finit.

"- Il lui faudra une nourrice Grand Pope." Murmura la sage femme pendant que ses deux assistantes nettoyaient le corps de la mère.

Sage hocha la tête.

Il demanderait à Lila, le chevalier d'argent de l'aigle. La jeune femme était maman depuis moins de deux lunes, elle ne verrait sans doute pas d'inconvénient à nourrir ce bébé en plus.
Sage le regarda pour de bon pour la première fois.

Un fin duvet vert clair sur le crâne, des yeux violets, des points violets, il était le portrait craché de sa mère !

Le pope chercha longuement avant de retrouver quelque chose de lui dans le bébé.

Il avait la même fossette que lui au coin de la bouche et des yeux et la même marque de naissance sur l'épaule droite.

Le bébé se figea soudain.

Il était toujours tout nu et humide. La maison du bélier n'avait pas de locataire depuis près de dix ans et les courants d'air étaient fourbes.

Le petit nez du bébé se fripa une seconde.

"- Ashio !!!"

Surprit par son propre éternuement, le cosmos du bébé se déploya suffisamment pour le soulever de quelques centimètres des bras de son père avant qu'il ne retombe.

"- Haaa ?"

"- Oui, c'est ton cosmos bébé."

Le petit fronça les sourcils.

La petite et vague lueur dorée réapparue autour de lui.

Le nourrisson agita ses petits mains encore rouges du sang de sa mère vers elle.

"- Haaaahaaaa !!! ASHIO !!!" Eternua-t-il encore.

"- Il va attraper la mort, Sage." Se moqua Manigoldo. "Hé ! Et si on l'appelait Ashio puisqu'il éternue comme ca ?"

El Cid foudroya son collègue du regard.

"- Voyons !!!"

"- Ouai, t'as raison, je veux pas que mon gâteux se ballade avec une tête de pneumonie près de lui. AIHEU !" Se plaignit l'italien en se frottant l'arrière du crâne sur Sage avait calotté d'une bouffé télékinétique.

"- MANI !!"

Le bébé éclata de rire en agitant encore ses petits bras.

Sage baissa les yeux sur lui.

L'enfant n'aurait pas du avoir le regard encore capable de se fixer et de voir correctement, mais le nourrisson fixait sans problème El Cid.

"- Haaaa !!!" Il y avait quelque chose de définitif dans ce cri de petit bébé.

Une certitude qui fit sourire les trois hommes.

"- Et Shion ?" Proposa encore Mani.

"- Shion ? C'est un beau nom…" Confirma Sage. "Mon fils ? Comment trouves-tu ce nom ? Aimes-tu Shion ?"

Le petit se fripa encore.

"- ASHIO !!!"

"- Bon, je crois que c'est décidé. Tu es Shion." Rit Sage avant de donner le bébé à la sage femme pour qu'elle lui donne son bain.

Il lui fallait s'occuper de la jeune mère.

Il n'aurait jamais su son nom…

Dans le bain tiède, Shion ne broncha pas lorsqu'on lui versa de l'eau sur le crane et dans les yeux.

Il ne quittait pas El Cid du regard.