La peur. Je croyais la connaître. Je croyais connaître par cœur ce goût acre de souffre qui se répand autour de nous et en nous. Je croyais savoir avec exactitude toutes les facettes qu'elle pouvait receler. Mais là… Là je suis pire qu'apeuré. Je suis littéralement en train de trembler de peur. Mes mains se resserrent autour du volant, faisant crisser le cuir et blanchir mes jointures. Je ne suis pas loin de sentir mes griffes percer ma paume. C'est plus fort que moi. Mon cœur bat à coup sourd, manquant de me casser les côtes. Ma respiration se hache. Il me faut de l'air. Comme un diable je jaillis de la voiture, le moteur tourne en ronronnant à côté de moi, inconscient de mon trouble. J'aspire l'air frais de ce mois de septembre. Je la regarde. Il faut que j'aille la rejoindre. J'avance d'un pas. J'allais en effectuer un autre que quelqu'un me saisit par le dos de ma veste, m'immobilisant. Mais, hey, j'ai une force herculéenne de loup-garou personne peut m'immobiliser. Sauf que je reconnais l'odeur.
- Faut que j'aille la sortir de là Stiles ; je geins, je pleure presque
- Ça va aller mon loup ; il me réconforte, sa main passant du dos de ma veste à mon ventre
- Mais…
- Pas de mais ! ; il me coupe un peu sèchement ; Tu rentres dans cette voiture fissa
Lui-même s'y glisse et me foudroie de ces yeux d'or. Je serre les dents, elles grincent les unes contre les autres. Mon cœur bat toujours aussi fort. Je sens qu'elle est là-dedans et je sens qu'elle a besoin de moi. J'envisage une seconde de faire fi de l'ordre de mon mari, rien qu'une seconde, mais il me rappelle de la voiture. Il l'a senti. Bien évidemment qu'il l'a senti. On est lié depuis 7 ans. 7 ans qu'il me côtoie jour et nuit, dans mes bons jours comme dans les mauvais. Il a dit le jour du mariage qu'il savait interpréter le plus petit de mes froncements de sourcils. Je le crois. Il en est tout à fait capable. Mais ce qu'il me demande là. Je me sens déchirer en deux. Il ressort de la voiture en soupirant, revient se poster derrière moi. Il pose son menton sur mon épaule et tout doucement, tendrement, rien que pour moi, il se met à parler.
- Pour moi aussi c'est dur Der'. Mais on a pas le choix. Faut qu'elle y aille…
- T'as pas peur ?
- Peur ? ; il ricane avant de m'embrasser la peau sous l'oreille ; J'ai eu peur dès que je l'ai eu dans les bras, dès qu'elle a poussé son premier cri. J'ai eu peur de tout. Dès qu'elle était malade, j'aurais souhaité être loup pour aspirer son mal. Quand elle tombait, même si ça ne durait qu'une minute ou deux, je brûlais de prendre moi sa blessure. Mais je peux pas. C'est l'ordre des choses. J'ai eu peur dès l'instant où elle est apparue dans nos vies.
- Alors comment tu peux être aussi serein ?
- Parce que c'est l'ordre des choses ; il me presse plus fort contre lui, envoyant une vague de courage, de force et d'apaisement ; La maternelle c'est l'ordre des choses
Au même moment je voie ses couettes apparaître derrière un carreau. Elle sourit en grand, agite sa main et disparaît à nouveau.
- Et si elle se transforme ? Si elle flash ? Si elle…
- Derek ; il soupire en me forçant à me retourner, il plonge ses yeux dans les miens ; Tout va très bien aller pour la petite Aurora Hale ok ? C'est une Hale donc elle sait ce qu'elle fait. En plus elle a été très bien éduquée... Par moi ; je trésaille et il me colle une bourrade affectueuse dans le ventre ; Idiot! Il y croit ; il me pose un léger baiser sur les lèvres ; Tout va très bien aller ; il répète encore
- Et si les autres enfants lui font du mal ?
- Roh Sourwolf ; là il explose carrément de rire ; Qui aurait pu penser que t'allais être un papa poule comme ça ?
La porte de la maternelle s'ouvre et des petits pas courent vers nous. Comme un seul homme on se retourne. Notre fille arrive. Avec ses yeux vert d'eau et son sourire à la Stiles.
- Hey poussin ; je me penche et elle vient se nicher contre moi
- Papa tu sais que ça va aller hein ? Faut partir et me laisser ; elle me caresse la joue et mon cœur se serre, j'ai envie de pleurer ; Faut partir! ; elle flash de ses petits yeux rougeâtres
- Tu crois impressionner qui là ? ; je glousse un peu et laisse le rouge prendre possession de mes prunelles
Mon loup, qui comme moi s'inquiète et n'attendait qu'une occasion pour se manifester, vient consulter le louveteau de ma fille. Il jappe, il court dans tous les sens, après sa queue, il semble heureux, il semble… Bien. Elle semble bien. J'inspire encore son odeur, parfait mélange de nous deux. J'embrasse sa joue ronde.
- Ok, on va y aller ; résigné je me relève, mon précieux fardeau dans mes bras ; On va te laisser toute seule, au milieu de 15 autres gosses, dans un bâtiment clos et…
- Der' ; gronde Stiles en s'approchant pour embrasser notre fille ; Tu te souviens hein 'Rora ?
- Ouip daddy ; elle inspire genre blasée ; Pas manifester le loup, pas s'énerver, pas grogner…
- Pour ça pas de doute tu tiens de ton père ; il rit encore et ce son m'apaise maintenant
- Tout va aller ; elle roule des yeux et me tapote le cou pour que je la lâche ; Pis y a Maxine avec moi
- Ouais ; je grogne, la fille Mccall…
- Der' ; prévient Stiles en me pinçant la hanche ; Bon file bébé. On se voit ce soir
- Bisous papa ; elle avance le nez et je viens y frotter le mien, puis je caresse l'aile et enfin la joue, je me retiens tellement fort de la serrer contre moi et de m'enfuir dans la forêt ; Papa ; elle rit, chatouilleuse
- A ce soir ; Stiles se contente de lui coller un bisou sur la tempe et me force à la poser au sol
Ses petites jambes la ramènent déjà vers ce lieu maudit ! A la porte encore un coucou et elle est engloutie dans le couloir. Je gémis à nouveau.
- Bon ok ça suffit. Putain c'est moi qui en ais chié pendant 9 mois et c'est pour toi que c'est le plus dur ; il me tire par la manche, me jette dans la Camaro et démarre lui, je me colle à la fenêtre ; Der' ? ; je ne réponds pas ; Sourwolf ? ; non plus, je boude voilà ; Amour ? ; aïe là je peux pas ne pas répondre ; Juste une seconde imagine toi…
- Imaginer quoi ?
- Le collège ; je me tends, collège avec adolescents ; Lycée ; il souffle en me serrant la cuisse, lycée = petit copain ; Puis… La fac, peut-être loin d'ici ; je gémis et des larmes emplissent mes yeux ; Et enfin le mariage. La confier à un autre homme que nous ; il essuie mes larmes sur mes joues
- Jamais ; j'hoquète
- Tout va très bien aller ; il m'embrasse et me frotte la nuque ; Puis… On a du temps avant ça
- Ouais, encore heureux ; je pose mon front contre son épaule, qui aurait pu croire qu'il allait être le plus fort de nous
- Alors soit heureux qu'aujourd'hui ce ne soit QUE la rentrée en maternelle ; il me met une pichenette sur l'oreille ; Allé amour. Tout va bien aller ; il sourit encore et je trouve de la force dans ce regard, assez pour répéter et me convaincre
- Tout va bien aller
