Cela faisait des mois qu'il avançait seul, traversant des paysages et des contrées inconnus, croisant des visages étrangers, ne parlant à presque personne. Des mois qu'il arpentait des rouges enneigées, des déserts brûlants, des landes désertes. Des mois qu'il marchait tout droit, toujours tout droit, guidé par un lointain appel. Un appel qui semblait émaner d'un autre univers, d'une autre vie. Chaque jour, qu'il pleuve ou qu'il vente, il marchait plusieurs kilomètres sans fléchir, sans jamais se retourner. Il s'arrêtait à peine quelques heures pour dormir, et repartait, toujours aussi décidé. De temps en temps il levait la tête et contemplait la lune, cette lune rouge qui le replongeait dans son passé. Puis il reprenait la route.

Il sentait les regards autour de lui, étonnés ou menaçants, mais n'y prêtait pas attention. Derrière ses longs cheveux ébène, ses yeux rubis regardaient droit devant, sans jamais se détourner de leur objectif. Il ne ressentait ni le froid ou la fatigue, et n'avait pour tout bagage que son éternel kimono noir et sa longue pipe. Quelque part, loin d'ici, sa maison l'attendait. Un mot qu'il n'avait jamais vraiment compris mais dont il commençait à saisir le sens, car il savait que lorsqu'il serait à ses côtés il se sentirait chez lui. En attendant, il devait se laisser guider. Par ces voix, cette lueur, cet espoir. L'espoir d'une vie heureuse, enfin.

Il prêtait à peine attention aux gens qu'il croisait, à ces pays qu'il traversait. Il n'aurait jamais cru que le monde était si vaste, que le parcourir puisse prendre autant de temps. Il entendait des langues étranges, voyait des villes irréelles, mais ne s'y intéressait pas. Tout ce qui lui importait c'était cette lointaine voix qui ne cessait d'appeler, d'implorer son nom. Il avait craint qu'elle ne disparaisse au bout de quelque temps, mais elle ne l'avait jamais abandonné, n'avait cessé de le supplier de revenir. Alors c'est ce qu'il faisait jour après jour, il revenait vers celle qu'il aimait. Elle n'était pas la seule à le guider, d'autres prières lui parvenaient, des prières pour qu'il revienne sain et sauf. Des prières d'amour et d'amitié. Tous voulaient le voir revenir parmi eux, à la maison.

Enfin, un matin, à l'heure où le soleil commence à pointer à travers les nuages, il sentit un changement dans l'air. Plus rien ne le guidait, plus personne ne l'appelait. Il fit quelques pas, et par-delà les montagnes il aperçut pour la première fois en trois ans un paysage familier. Il sourit. Il était enfin chez lui.

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