Secouant légèrement son verre de bourbon, assis sur le bois des marches du perron, Damon profitait des premiers rayons du soleil. Les glaçons qui flottaient à la surface du liquide ambré étaient à l'image de son cœur : Ils faisaient naufrage.

Et dans sa tête, les mêmes paroles étaient calquées et défilaient, encore et encore, comme un vieux disque rayé. Ils les connaissaient par cœur désormais, au même titre que ses nom et prénom.

« If it was just down to him and me.. And you had to make a choice.. Who would it be ? »

Il se rappelait de chaque instant.

Il se rappelait de chaque seconde.

Il se rappelait qu'au moment même où il avait formulé sa question, son monde s'était arrêté.

Il se rappelait chaque intonation, chaque tremblement, chaque parcelle de désir qui avait imprégné sa voix.

Il se rappelait le courant qui avait traversé ses muscles, les tendant à leur paroxysme.

Et par dessus-tout, il se rappelait de sa réponse, lâchée sur son cœur comme une lame de guillotine.

« I love him, Damon. »

Il avait fermé les yeux, la déception et la douleur s'insinuant dans chacune de ses pores. Aucun son ne semblait vouloir sortir de sa bouche, alors il l'avait laissé continuer.

« He came into my life at a time when I needed someone, and I fell for him instantly. And no matter what I feel for you, I.. I never un-fall for him. »

Il se leva d'un bond, tremblant de rage, et envoya son verre s'écraser au loin sur la route, provoquant une pluie de petits cristaux scintillants.

C'était faux. Elle se mentait à elle-même.

C'était lui qui avait débarqué dans sa vie lorsque Stefan était parti, la laissant détruite, en mille morceaux. C'était lui qui, jour après jour, d'une patience infinie, avait ramassé chacune des pièces et les avait remises à leur place avec une délicatesse hors-du-commun. C'était lui qui l'avait sauvée, encore et encore, peu importe ce qu'il lui en coutait, sans rien attendre en retour. C'était de lui qu'elle était peu à peu tombée amoureuse, jusqu'à s'abandonner complètement à lui, lors de leur voyage à Denver, et cela malgré la noirceur de son passé, ses erreurs et ses défauts.

Tout cela, c'était lui, pas Stefan.

Stefan était parti. Il l'avait abandonnée.

Pour lui.

Stefan était parti pour lui sauver la vie et Damon le savait, mieux que quiconque. Seulement, il ne pouvait s'empêcher de lui en vouloir terriblement et jalousement car quoique son petit frère fasse, Elena le pardonnait toujours, comme si c'était une évidence.

Comme s'il ne méritait pas qu'elle puisse lui en vouloir.

Tandis que lui avait beau tout faire pour la rédemption de ses actes, elle était toujours très longue à lui accorder son pardon.

Comme s'il méritait qu'elle lui en veuille.

Comme une punition. Une punition pour lui faire ressentir ce qu'elle ressentait pour lui, sentiments qu'elle ne pouvait refouler, ni même effacer.

Mais malgré tout, elle avait balayé tout ça et choisit Stefan.

Il ferma les yeux, sentant la rage affluer lentement en lui, couler dans ses veines, telle une vague dévastatrice. Penser à tout ça le rendait malade. Depuis la veille, il ne faisait que boire, ressasser ses noires pensées, détruire tout ce qu'il y avait autour de lui avant de se remettre à boire, enclenchant encore et encore le cercle vicieux de sa tristesse.

Elle ne serait jamais à lui. C'était Stefan et ça serait toujours Stefan.

« I can't think about always ! All I can think about is right now, and I care about you Damon.. Which is why I have to let you go.. »

Il serra ses dents tellement fort sur sa lèvre inférieure que celle ci saigna quelques instants avant de se refermer.

Il était fou de douleur. Les mots d'Elena avait été dans son être comme le déclenchement d'une troisième guerre mondiale. En plus de 160 ans de vie, personne n'avait réussi à l'atteindre aussi profondément que cette jeune humaine, pas même son ancêtre Katherine.

Elle avait bouleversé tous ses codes, faisant de lui un homme meilleur. Il avait tout d'abord était fasciné par sa ressemblance plus que frappante avec Katherine et, avant même de s'en rendre compte, il était tombé amoureux d'elle. Il n'aurait jamais cru qu'une telle chose puisse lui arriver, pas à lui.

Elle puis elle avait atterri dans sa vie, en plein dans sa période de débauche et avec son sourire et sa compassion, elle l'avait transformé.

Elle avait fait ressurgir son humanité et avec elle des sentiments et des émotions qu'il n'aurait jamais cru pouvoir ressentir de nouveau. Elle lui avait rendu l'amour, l'amitié, la fraternité, la joie.. La vie.

Il en était tombé fou amoureux. De ce genre d'amour qui ne vous consume qu'une fois dans une vie. Il savait que c'était mal, que c'était la petite amie de son frère, mais peu lui importait. Le monde autour n'avait plus d'importance. Et il savait que ça n'était pas normal, qu'aimer quelqu'un à un tel point était déraisonnable, ça ne s'était jamais vu. Mais la notion du bien et du mal, de la retenue et de la raison n'avait plus aucun sens lorsqu'il s'agissait d'Elena. Pour elle, tous ses actes n'étaient définis que par impulsion, il se sacrifierait pour elle sans réfléchir une seule seconde, quel qu'en soit le prix.

Juste parce que c'était elle, et qu'il l'aimait à s'en déchirer le cœur, d'une énergie proche du désespoir.

Il ne se raccrochait plus qu'à une petite phrase, son seul espoir dans la tempête.

« I mean, maybe if you and I have met first.. »

La tête levée vers le ciel, une larme solitaire caressant lentement sa joue, Damon sourit. Puis il entendit derrière lui la porte d'entrée s'ouvrir brusquement et se refermer aussi sec, ramenant le silence. Alors, se tournant lentement, il plongea ses yeux bleus dans un océan chocolat et son cœur mort rata un battement dans sa poitrine.

Mais la réalité et sa solitude lui revinrent en pleine face et il hoqueta sous le choc, faisant volte-face, ne pouvant soutenir son regard empli d'une tendresse dont il ne comprenait pas la cause.

Elle le rendait fou. Fou d'elle..

« I remember, Damon. »

Il ne bougea pas, dos à elle, les yeux clos, attendant qu'elle continue. Il sentit alors ses mains prendre ses joues, le forçant à se retourner et à lui faire face. Il ouvrit doucement ses yeux pour contempler son visage angélique sur les joues duquel coulait de petites perles salées.

« Everything. »