Un voyage en train peut vous réserver des surprises...
Seule assise sur un banc du hall de la gare de Nantes, j'attendais le train pour Paris qui devait arriver dans 30 minutes. J'étais debout depuis plus de 3 heures, et il n'était que 8h du matin… La journée serait longue.
Mes yeux étaient fixés sur le billet que je tenais à la main, mais ils semblaient ne pas le voir. C'était comme si le billet était invisible, mes yeux fixaient un point imaginaire sur le sol. Pourquoi fallait-il absolument que j'aille à cette formation sur les archives… et en plus, elle durait toute la journée jusqu'à 18h30 … Je n'étais pas couchée… je rentrais le soir même sur Challans…
Je levais les yeux vers l'horloge, 8h10. Que le temps passe lentement lorsque l'on s'ennuie ! Je plongeais ma main dans mon sac et en ressortis un livre, pour essayer de faire passer le temps, mais je n'avais pas la tête à lire, encore moins un livre en anglais ; j'avais emporté The Stone Rose, un livre sur Doctor Who. Je me demandais pourquoi j'avais pris celui-là, alors que je devais finir le Dan Brown que j'avais acheté deux jours auparavant… je fermai les yeux, laissant mon esprit vagabonder, là où il le souhaiterait, et comme chaque fois que je le faisais, il m'emmenait toujours au même endroit, au même moment, il y a un peu plus de quatre mois… Noël… les Christallites et Lui, le Docteur …
J'étais spectatrice de ce moment, comme si je le voyais sur un écran de cinéma… C'était la dernière fois que je l'avais vu… l'image devint plus nette, nous étions dans le Tardis, à Chartres, sur le parvis de la Cathédrale… Il venait de me proposer de voyager avec lui, pour « mériter » mon rang de Lady of the Tardis, celui qu'il avait trouvé en consultant le Forum Beans on Toast... J'étais aux anges, j'allais voyager avec le Docteur, le dernier des Timelords… Il avait déjà appuyé sur les commandes de dématérialisation avant même que je ne finisse ma phrase dans laquelle je lui disais que j'acceptais, bien évidemment. Il avait le sourire aux lèvres, moi aussi et nos yeux pétillaient d'excitation et d'impatience…
Soudain, je vis l'intérieur du Tardis pâlir et devenir transparent, la cathédrale se devinait au travers du décor corail. Le Docteur devenait, tel un fantôme, pâle et translucide… son sourire s'était transformé en un rictus mêlant peur et incompréhension. Ses yeux me fixaient, lui et le Tardis étaient en train de disparaître, mais sans moi… Le Docteur me disait quelque chose, mais je ne comprenais pas, sa voix n'était plus qu'un murmure… avant qu'il ne disparaisse totalement, je réussis à lire sur ses lèvres, une phrase qui me glaça le sang, une phrase que je détestais entendre lors des diffusions des épisodes à la télévision, celle que, j'aurais mis ma main à couper, il n'avait et ne dirait jamais dans la « vraie » vie : Je suis désolé, tellement désolé…
J'étais là, plantée comme un pauvre sapin solitaire, à quelques mètres à peine de mon ancien collège… La neige avait commencé à tomber, recouvrant la pelouse, transformant le vert de l'herbe en un tapis de coton blanc. J'étais immobile, les yeux et les joues humides des larmes qui coulaient toutes seules. Il était parti, il m'avait laissée là. Mon unique chance de devenir sa compagne de voyage venait de s'envoler… Que s'était-il passé ?
Je frissonnai, et m'aperçu que j'étais en simple gilet dehors par -3°. Mon manteau était resté à bord du Tardis, sur la rampe d'accès… Super, en plus d'être abandonnée, j'allais attraper la crève ! Sortant enfin de ma transe, je m'étais alors dirigée vers la maison de mon père, consciente que je ne reverrais peut-être jamais plus le Docteur de ma vie…
Voix : Le train à destination de Paris va entrer en gare voie 2.
La voix de Mme Seuneuceufeu me fit sursauter, mon cœur battait au moins à 100 pulsations par minute, proche de la tachycardie… Maudissant intérieurement l'hôtesse, je me levai pour aller vers le quai n°2, qui était bien évidement à l'opposé du lieu que j'avais choisi pour m'asseoir… comme toujours… Le TGV finissait de ralentir lorsque je pénétrai sur le quai. Je me dirigeai vers le composteur automatique et la machine émis son bruit particulier. Il fallait maintenant que je trouve le wagon n°10, et la place n°42. Je souris intérieurement en regardant ces deux nombres… Atteignant enfin le wagon, je montais les trois marches et tournais à gauche. La place 42 était une des quatre places centrales. J'aimais bien ces places, car si la chance était avec moi, personne ne serait en face et je pourrais étaler mes jambes… Une fois installée, je posais le livre sur la « table », rangeais mon billet, là où je pourrais le retrouver lors du contrôle et laissais mon regard vagabonder au travers de la vitre.
5 minutes s'étaient écoulées lorsque je sentis la secousse indiquant que le train allait quitter la gare. Dans 2h30, je serais à Paris. Je n'avais qu'une envie, sécher la formation pour aller me promener dans un parc, m'asseoir et profiter du beau temps qui avait été annoncé à la radio.
Le bercement du train eut raison de mes derniers essais pour garder les yeux ouverts, et je sombrais dans un profond sommeil.
Voix : Billet s'il vous plaît !
La voix du contrôleur me réveilla en sursaut. Elle venait de derrière moi, elle avait un je ne sais quoi de familier, c'était peut-être ce petit reste d'accent à peine perceptible, mais un accent venant d'où ? Mon regard fut attiré par le temps à l'extérieur. La pluie frappait violemment la vitre, un orage avait dû éclater alors que je dormais… Comme d'habitude, Mr Météo s'était planté… Revenant à ce qui était le plus urgent, je pris mon sac pour chercher mon billet que j'avais rangé à l'intérieur avant le départ du train. Je farfouillai partout, la panique commençait à me gagner… Où était ce satané billet ?
Le contrôleur : Bonjour Mademoiselle, Billet s'il vous plait !
Ça y est, il était juste à coté de moi, et je ne le trouvais pas …
Maud : Oui, bonjour, excusez-moi, je le cherche, j'étais persuadée de l'avoir rangé dans mon sac, et je n'arrive pas à remettre la main dessus…
Le contrôleur : Ne vous pressez pas, nous, les hommes, nous savons bien que les sacs des femmes sont bien plus grands à l'intérieur qu'à l'extérieur !
Les mots prononcés par le contrôleur eurent pour effet de me faire stopper ma recherche… Il devait avoir vu mon livre, et connaissait la série … il savait que cette phrase me ferait réagir… Je sentis son corps se rapprocher de moi et vit une main passer à ma hauteur et se diriger vers le livre. Ses doigts agrippèrent une enveloppe coincée entre deux pages. Les Billets ! Ils m'avaient servit de marque page… Quel boulet je peux être parfois …
Je n'osais pas le regarder, j'avais un peu honte… Il valida le billet et me le rendit.
Le contrôleur : Merci et passez un bon voyage Mademoiselle, ou devrais-je dire Lady of the Tardis ?
