Chapitre 1 : Coucher de soleil.

Il regardait en silence.

Il regardait alors que la lumière dansait, que le sabre de saphir tournoyait, et que mouvement et action se combinaient en une danse sensuelle, puissante, alliant détermination et perfection.

Il regardait.

Le soleil avait entamé son déclin, projetant de longues ombres espiègles à travers la salle d'entraînement du Temple. Il n'y avait aucun bruit, sinon le faible crissement des pieds nus sur le sol, le murmure du frottement du tissu, et le bourdonnement, ce bourdonnement jubilatoire, de l'arme lumineuse et gracieuse lorsqu'elle tranchait le silence.

Il regardait, en silence, parce qu'il savait que le Jedi serait là, maintenant, à ce moment de la journée.

Il regardait cette silhouette incarnant détermination et perfection poursuivre sa danse, tandis que le soleil couchant donnait de l'éclat à la transpiration qui recouvrait les longs muscles ciselés de son dos, ses bras, sa poitrine, sa tunique ayant été abandonnée depuis longtemps, trop astreignante, trop serrée.

Le sabre s'élevait, tournoyait, surmontait, s'abattait et transperçait, en une cascade de gestes destinés à être trompeurs et fatals. L'arme était une extension de ses bras, et avec la vitesse et la fluidité naturelle du mouvement, il était difficile de dire où s'arrêtaient les bras et où commençait le sabre.

Il jeta un coup d'œil à ce visage, visage de jeunesse et de beauté, étrangement embelli par la cicatrice au dessus de son œil droit. Le soleil couchant jouait des tours avec ses cheveux, les faisant ressembler à une sorte d'incarnation de la Force, mettant le feu aux boucles espiègles de ses cheveux, les rendant éclatantes et douces en même temps.

Les yeux du danseur étaient mi- clos, fermés par la concentration, il mordait légèrement sa lèvre pleine. La silhouette poursuivait sa danse, inconsciente d'être regardée.

Aimée.

Aimée au-delà de toute raison, nécessité, ou souci.

Obi-Wan Kenobi regardait en silence alors que son ancien Padawan, Anakin Skywalker, travaillait sa "méditation mobile". Il bougeait sans cesse, tout comme la Force qui avait mis Anakin au monde. Il savait qu'Anakin serait là parce que c'était le moment de la journée qu'il préférait, et ce depuis qu'il était un jeune esclave sur Tatooine, regardant le double coucher de soleil. Comme cela semblait lointain, le garçon était devenu un homme, le Padawan était devenu un Chevalier. Et l'élève était devenu un ami, un frère… non, quelque chose de plus que ça. Une âme sœur.

Anakin était beauté et perfection. Non, pas nécessairement un Jedi parfait, pas plus qu'il n'était un Padawan parfait. Mais la Force elle-même autour de laquelle tous les Jedi avaient construit leur vie avait doté Anakin d'un rayonnement à la fois irrésistible et ravageur. Anakin avait un jour dit que la sénatrice Amidala était intoxicante, mais en fait, Anakin était lui-même une drogue qui ravageait encore et encore. Obi-Wan le savait, et néanmoins, il regardait.

Alors l'exercice devint sauvage, passionné, et violent, pleinement et totalement Anakin. Les coups du sabre bleu vrillaient dans les airs, et son attitude se tordit en quelque chose de presque fauve. Obi-Wan soupira profondément. Il aimait cette partie-là.

Il le faisait souvent, se glissant silencieusement hors de leurs appartements pour se rendre au seul endroit où il savait qu'Anakin se rendait avec une certaine régularité. Le regarder s'entraîner constituait une expérience extrêmement intime, car Anakin se mettait complètement nu en cet instant, quand il pensait qu'il était seul. Obi-Wan ne pouvait s'empêcher de regarder : c'était aussi séduisant qu'instructif.

Depuis combien de temps aimait-il Anakin ? Cela avait-il même de l'importance ? Il savait qu'Anakin ne partageait pas ce sentiment. Il y avait quelque chose entre Anakin et la sénatrice, ce qui était déjà un problème aux yeux de l'Ordre, mais pour un Maître et un Padawan, même un ancien… enfin, peu importait de toute manière. Anakin le voyait comme un frère, au mieux, comme un père, au pire.

Ses pensées se tournèrent vers son propre Maître, Qui-Gon Jinn. Obi-Wan considérait Qui-Gon comme un dieu, et il l'avait aimé farouchement. Il était un père pour Obi-Wan, il était sa famille et son univers. Quand il est mort, Obi-Wan a cru que la brèche dans son cœur resterait éternellement noire et marquée. Quand il se plongeait dans la profondeur des yeux bleus de ce petit garçon plein d'espoirs qu'il était censé entraîner, il ne comprenait pas pourquoi son maître l'avait chargé d'un tel fardeau, ni comment il pourrait se sentir à nouveau complet. Comment donner la moitié de soi-même pourrait de quelque façon le renforcer.

Obi-Wan regardait alors qu'Anakin se mouvait en une autre série de gestes, ceux qui étaient prévus pour être utilisés avec un partenaire. Les lèvres du maître se relevèrent en un sourire, tandis qu'il s'enfonçait plus profondément dans l'alcôve et étreignait sa cape de ses bras. Anakin s'entraînait à travailler avec lui.

Soupirant à nouveau, Obi-Wan regardait, réconforté par le fait qu'Anakin avait toujours besoin de lui, ne serait-ce que pour assurer ses arrières dans la bataille.

Obi-Wan regardait alors que les dernières lueurs du soleil sombraient derrière l'horizon, et que le crépuscule prenait la couleur des yeux d'Anakin. La lumière du sabre dessina un haut arc au dessus de sa tête en un ultime et triomphant mouvement de lumière bleue et de bourdonnement ardent. Anakin éteignit son sabre, et tomba sur le sol, délicieusement épuisé dans son corps, mais ravivé dans son esprit.

Aussi silencieusement qu'il était venu, Obi-Wan fit demi-tour et partit.

Sur le tapis de sol, Anakin tourna la tête et regarda.