Je n'ai pas laissé mourir cette flamme de désir
Rappel du résumé : L'elfe sylvain lui a toujours semblé précieux, mystérieux, insaisissable. Et ni le temps, ni la sagesse, ni la bienséance ne sauraient éteindre la fascination dévorante que le prince de Mirkwood exerce sur lui depuis leur rencontre, alors qu'il n'était encore qu'un enfant.
Disclaimer : L'univers et ses personnages appartiennent à J.R.R Tolkien. Le titre de la fiction est une traduction de « Silsila Ye Chaahat ka », une chanson tirée du film Devdas.
Pairing : Aragorn x Legolas, au cas où des doutes subsisteraient ^^
Si certains faits, ou événements chronologiques sont inexacts, cela peut relever d'un choix narratif (notamment la relation Arwen/Aragorn), ou parfois même d'une faute de ma part (personne n'est parfait). Cette histoire doit être prise telle qu'elle est : une fiction.
Les avis, encouragements, critiques constructives, et autres, seront très appréciés.
Prologue : le retour d'un capitaine, l'arrivée d'un prince
Après un long voyage, le glorieux guerrier traversait à cheval la rivière Bruinen par son gué. Il rentrait chez lui, et il n'était pas seul.
Le guerrier était Glorfindel, capitaine de Fendeval. Il avait l'allure fière, de longs cheveux d'un or éclatant, le regard heureux. Une cape d'un bleu profond couvrait ses épaules et tombait de part et d'autres de son plastron d'argent, dont les ornements dorés faisaient rebondir les rayons du soleil au gré des claquements de sabot de son étalon noir de jais. Le manche d'or de son épée large, accrochée au cheval, tapotait sa cuisse au rythme du pas. Le deuxième cavalier avait l'allure plus discrète, comme s'il ne demandait qu'à retrouver les forêts et s'y fondre. Il portait des couleurs d'un vert sombres, tirant sur le brun, accordées à l'automne tombé depuis un mois déjà. Un carcan à moitié vide et un arc longiligne, en bois de chêne, étaient noués à son dos. Une large capuche de lin couvrait sa tête, projetant une ombre dévorant la moitié de son visage. On n'en distinguait qu'un sourire serein flottant sur des lèvres roses au tracé élégant.
Au bout de longues minutes de marche, les deux amis virent les premiers édifices surélevés de pierres, de marbre, et de bois clairs, et les balcons alignés qui offraient une magnifique vue sur l'ensemble des monts environnants. Ensemble, ils franchirent l'orée de la ville. Leur venue était attendue. Leur venue n'était pas passée inaperçue.
« Glorfindel ! Glorfindel ! »
Un jeune garçon descendait les escaliers en marbre longeant la falaise à vive allure. Il était déjà en bon chemin quand les elfes arrêtèrent leur cheval. Arrivé au même niveau que le guerrier, l'enfant poursuivit sa course comme s'il comptait se jeter sous les sabots de celui de Glorfindel. Le soldat passa une jambe par-dessus l'encolure de son étalon et en descendit souplement sur le sol dallé de pierres, couvert d'un léger tapis de feuilles mortes. Il se tint ainsi juste en face du garçon.
« Bonjour Estel »
« J'attendais votre retour ! Vous disiez que vous m'apprendriez à me servir d'une épée ! »
Glorfindel avait un visage engageant et joyeux, qui ferait même oublier à ses compères le poids de son âge, et le nombre de guerres qu'il avait connu.
Un petit sourire amusé aux lèvres en constatant l'enthousiasme que soulevait le retour du capitaine, Legolas Vertefeuille resta en retrait et descendit à son tour de cheval, un élégant palomino d'un alezan très clair. Il desserra ses sangles et caressa sa crinière blanche en lui murmurant des paroles elfiques. Un remerciement, une excuse, et la promesse qu'il serait chevauché à cru pour son retour à Mirkwood.
« Comment comptez-vous apprendre un jour, jeune Estel, si les armes que vous utilisez ne vous sont pas adaptées. Celle-ci est bien trop lourde pour vous ! » déclara Glorfindel en lui prenant l'arme des mains.
Legolas jeta un rapide coup d'œil dans leur direction. Il n'avait jamais vu l'enfant auparavant. Etonnamment, c'était un humain. Le garçon avait les cheveux bruns, le visage rayonnant comme un soleil d'été, et les yeux d'un gris acier. Il ne devait pas avoir plus de neuf ans et disposait de l'enthousiasme et l'insouciance que l'on prête à tous les humains de son âge. Un jeune écuyer, arrivé presque aussi promptement que lui pour accomplir sa tâche, récupéra les rennes du cheval de Glorfindel. Legolas lui céda également les siennes en le remerciant, avant de lever les yeux vers la troisième personne qui se présentait à eux.
Le Seigneur Elrond descendait à son tour les marches menant à la cour d'accueil, sans se presser. Une aura vénérable émanait de sa personne. Son visage en disait aussi peu sur son âge que ses confrères, mais il portait dans son regard gris nuageux une sagesse infinie, ainsi que le souvenir d'un passé chargé de gaieté et de peine. Glorfindel s'inclina devant lui, et le salua par les formules sindarines les plus respectueuses. Puis, le capitaine se fit ombre en se postant silencieusement à côté de la première hampe en bois, qui soutenait la longue rambarde d'escaliers façonnés en somptueuses arabesques.
Estel se tut. Son regard se porta sur l'elfe inconnu, grand et élancé. Il revêtait des habits de lin aux couleurs de la nature, surmontés par une cape d'un vert sombre. Il s'était déchargé de sa capuche et révélait une chevelure dorée aussi éclatante que celle de Glorfindel, demi-attachée. Deux fines tresses partaient de ses tempes et cerclaient les côtés de sa tête. Ce corps grand respirait la sérénité et la bienveillance. Estel fut saisi par la beauté séraphique du visage qu'il présentait. Elle dépassait tout ce qu'il avait vu jusqu'alors, y compris celle de l'Undomiel, à son humble avis. L'elfe avait une peau laiteuse, des sourcils droits légèrement arqués à l'extrémité, des yeux d'un bleu saisissant comme un ciel sans nuage, au regard perçant, des lèvres rosés, finement dessinées, et une mâchoire marquée. Ce faciès semblait avoir été sculpté par un artiste aimant, passionné, hérétique.
Estel avait l'impression que l'elfe ne l'avait pas remarqué. Il s'approchait du maître des lieux qui avait toute son attention. À tout seigneur, tout honneur, certes, mais le jeune garçon en fut quelque peu amer. L'illustre brun et le magnifique blond se faisaient face.
« Mae govannen Legolas » dit Elrond. « C'est toujours un plaisir de vous recevoir. »
Legolas porta la main à son cœur en inclinant respectueusement la tête, paupières closes. Puis, il abaissa la main en rouvrant son regard serein vers Elrond. Ses moindres faits et gestes respiraient grâce et noblesse. Estel les suivait des yeux avec attention. Il resta suspendu à ses lèvres quand Legolas parla à son tour.
« Les premières feuilles brunies d'automne sont tombées, mais la beauté d'Imladris jamais ne tarit », complimenta t-il chaleureusement.
Il s'était exprimé dans la langue commune des humains de l'Ouest par égard pour celui présent avec eux. La voix de l'elfe était paisible, doucereuse, aussi apaisante qu'un chant.
Une discrète lueur de fierté étincela dans le regard d'Elrond. Il était en grande partie responsable de l'emplacement, l'architecture et la disposition de Fondcombe, le compliment le touchait donc assez directement.
« Rien n'a changé depuis ma dernière venue… à peu de choses près » ajouta Legolas, un discret sourire mutin flottant sur ses lèvres.
Il y eut comme un échange silencieux entre les deux elfes. Menton levé vers les grands, Estel regarda successivement son père adoptif et Legolas. Il avait l'impression d'avoir raté une information. Contrairement au seigneur, il n'avait pas saisi que le changement opéré au sein de Rivendell n'était autre qu'une référence à sa présence à lui, un humain. Sans réclamer effrontément l'identité du jeune individu, nouveau pour lui, Legolas avait amené subtilement le sujet.
Le garçon sentit deux mains se poser sur ses épaules tandis que son père adoptif se plaçait derrière lui.
« Legolas, je vous présente mon fils, Estel. »
Le regard du prince resta rivé vers Elrond une seconde supplémentaire. L'expression polie et bienveillante de son visage n'avait pas changé d'un millimètre. Ses pensées étaient indéchiffrables, hermétiques à toute tentative de lecture qu'Estel tentait désespérément d'opérer durant ce court instant de silence. Il était loin de se douter que le prince était curieux à son sujet. Dans quelles circonstances Elrond avait choisi de prendre un humain sous son aile ? Legolas n'aurait jamais l'indiscrétion de poser la moindre question. Il s'en garda bien.
Lentement, le prince baissa le visage pour accorder son attention au jeune garçon. L'azur rencontra pour la première fois l'acier, et le sonda.
« Ravi de vous rencontrer, Estel », dit-il avec toute la politesse et la bienveillance que méritait un fils du Seigneur Elrond.
« Estel, Legolas est le prince de Mirkwood » informa ensuite le paternel à l'intention du garçon.
Prince ? songea Estel. Le titre était toujours impressionnant à entendre, mais venant d'un elfe de l'allure et de la stature de Legolas, on ne pouvait en attendre moins.
« Caun Legolas, elen síla lúmenn' omentielvo*», répondit l'enfant avec un accent quasiment parfait. (Ndlr* : « Prince Legolas, une étoile brille sur l'heure de notre rencontre »)
Estel voulait faire bonne impression devant le prince. Il trouvait également que cette formule de politesse était des plus appropriée à ce qu'il ressentait, et à ce que Legolas méritait d'entendre. Il fut heureux de voir son sourire s'accentuer furtivement. Estel l'avait agréablement surpris et ce fut à son tour de sourire un peu, de contentement. Elrond rompit le charme en s'adressant de nouveau à Legolas.
« Les nouvelles que vous amenez ici ne sont pas excellentes, mais n'ayez crainte, vous en apporterez de meilleures chez vous », promit-il « Allons discuter. »
Ces mots parfaitement honnêtes sous-entendaient une gravité que le jeune Estel ne pouvait qu'à peine entrapercevoir. Les elfes étaient très réservés dans l'expression de leur sentiment. Les temps s'assombrissaient, la menace grandissait, mais ils ne semblaient jamais contrariés. Estel, lui, pouvait bouder d'un rien. Il vivait à Rivendell depuis qu'il avait un peu plus de deux ans, et malgré ce jeune âge, il n'avait pas encore tout à fait appris de ses hôtes.
Le seigneur pivota légèrement, invitant tacitement l'elfe à le suivre. Legolas marcha à ses côtés. Sur les talons d'Elrond et Legolas, Estel et Glorfindel suivirent le mouvement.
« Je resterai trois jours. Je ne peux me permettre davantage » informa le prince.
Le fait qu'il continue de s'exprimer dans la langue natale d'Estel montrait qu'il avait encore de l'égard pour lui. C'était là son seul réconfort, car il se sentait à nouveau laissé de côté. Cela ne le dérangeait guère en temps normal, d'être de trop dans une conversation entre grands. Mais pour cette fois, presque narcissiquement, il aurait aimé un peu plus d'attention de la part de leur invité.
« Votre départ coïncide avec celui des troupes que Rivendell offre au roi Thranduil. Serait-ce un défaut de confiance ? » s'amusa Elrond en tournant la tête vers lui, un sourcil haussé.
Legolas leva légèrement les yeux. À quelques kilomètres de là, depuis le long balcon des jardins suspendus, se tenaient Elladan et Elrohir qui les observaient avec un petit sourire qu'Estel ne pouvait distinguer. Les fils d'Elrond faisaient partie des troupes qui marcheraient vers la Forêt Noire pour prêter main forte. Même s'il les regardait, c'est au seigneur que Legolas s'adressa :
« Jamais. Je sais que vous souhaitez autant que moi déloger les forces de Sauron de la forteresse de Dol Guldur. »
Le capitaine se permit d'intervenir pour appuyer les propos du prince.
« Les chemins n'étant plus sûrs, Legolas craignait que ma route soit semée d'embûche. Il m'a fait l'honneur de me raccompagner », dit-il pour expliquer sa présence, tandis qu'un retour à Mirlwood aurait été plus propice en vue de la bataille qui approchait.
« Après l'aide que vous nous avez apportée, c'était la moindre des choses » répondit Legolas en lui jetant un coup d'œil bienveillant par-dessus son épaule.
Les elfes discutèrent entre eux tandis que le jeune Estel les suivait en silence, observant la longue chevelure dorée de Legolas. Il remarqua une autre tresse nouée dans la demi-queue, à l'arrière, dont la disposition évoquait les nervures d'une feuille. Le prince l'intriguait. Estel voulait en apprendre plus sur lui. Quel royaume était Mirkwood ? Son père était le roi Thranduil qu'avait mentionné Elrond ? Allait-il y avoir une bataille à la forteresse de Dol Guldur (où était-ce donc ?!) ? Est-ce que Legolas la mènerait ?
« Estel, tu es encore bien jeune » dit Elrond. Le garçon perdu dans ses pensées se figea. Il releva soudainement les yeux. Les trois elfes s'étaient également immobilisés, et le regardaient. « Mais puisque tu insistes, pourquoi ne pas commencer ton entrainement avec Ezeliem ?
Estel comprit avec regret que leurs routes devraient se séparer là. Il hocha la tête et pivota légèrement pour toiser le capitaine, plus proche de lui.
« Glorfindel, pourrez-vous compléter cet enseignement ? »
L'intéressé hocha la tête avec un sourire. Les trois ainés songèrent que là étaient les derniers mots du jeune garçon, mais il n'en avait point fini. Ils s'arrêtèrent de nouveau à son interpellation.
« Prince Legolas, je présume que votre spécialité est le tir à l'arc » Le prince se retourna vers lui et hocha la tête à son tour, neutre, bien que ses lèvres avaient encore l'esquisse discrète d'un sourire. « Pourrez-vous m'apprendre également ? »
Glorfindel se garda de faire remarquer qu'il était lui-même vétéran en la matière. Il avait bien compris que le petit souhaitait faire plus ample connaissance avec le prince, en créature curieuse qu'il était.
Un éclat de malice illumina le regard bleu de Legolas. Il défit son arc accroché à son dos, ainsi que son carcan.
« L'archerie est un art complexe qui requiert patience, force, précision, et qui n'est pas à la portée de tout le monde. Votre première leçon consistera à le réaliser par vous-même » dit-il en les lui présentant.
Estel l'observa. L'acier scintillant d'admiration et de reconnaissance se plongea dans l'azur mutin. Puis, il se saisit des artefacts avec précaution, son index effleura la peau de l'elfe, douce comme le satin. L'arc était grand, il faisait presque sa taille.
« Je vous retrouve demain », dit le prince.
L'humain battit des cils et resta sur place tandis que ses ainés s'éloignaient de lui. Ce n'était pas encore la mi-journée, or il réalisait qu'il ne reverrait l'elfe que le lendemain. La déception s'empara du visage d'Estel.
Après un soupir, il tourna les talons et parcourut les allées à l'air libre. Il s'arrêta un moment et s'approcha du balcon qu'il longeait. Il posa la main dessus et regarda les loggias aux façades blanches sur le côté de la falaise, vers lesquelles s'étaient dirigés Elrond, Glorfindel, et Legolas. Il attendit un moment. Il ne percevait aucun mouvement dans les fentes. Sa vue misérable d'humain n'y distinguait rien. Dépité, Estel se rendit à l'armurerie gardée par Ezeliem. Assis à l'extrémité droite d'une table de bois présentant diverses armes elfiques d'or, d'argent, de métaux précieux, l'elfe nettoyait une dague avec la plus grande attention.
« Bonjour Estel » dit-il sans le regarder.
Estel le salua également et s'avança dans le grand hall. Il observa les cibles plaquées à un des murs. Elles n'étaient transpercées qu'en leur centre. Les elfes s'en servaient pour tester les nouveaux arcs quand ils en avaient à disposition. Estel se plaça à distance très raisonnable de l'un d'eux. Il enfila le carcan et le plaça dans son dos. Sa main passa par-dessus son épaule et il tatonna quelques secondes avant d'attraper une flèche.
Estel tenta d'imiter la position qu'il avait vue de nombreuses fois… en vain. Il n'arrivait pas à tirer correctement la corde de l'arc, tout en y tenant la flèche… comment devait-elle seulement se positionner ? Les doigts du garçon tripotèrent longuement les objets pour essayer de trouver la position convenable.
Il sentit quelques coups d'œil chargés de jugement dans son dos, mais n'y prêta guère attention.
« Comptez-vous me demander de l'aide à un moment, Estel ? » interrogea finalement Ezeliem.
Le garçon cilla. Ses yeux gris, qui ne quittaient pas la cible, se teintèrent d'amusement.
« L'archerie est un art complexe et ma première leçon consiste à le découvrir par moi-même » répondit-il, en bon élève. « Sans vos conseils. Merci Ezeliem », ajouta t-il poliment.
« Cela fait plusieurs minutes que vous êtes planté là, et je n'ai vu aucune flèche voler. »
« Êtes-vous déjà lassé de me voir ? Je ne fais que commencer », taquina le garçon avec amusement.
Glorfindel avait gardé avec lui l'épée trop lourde qu'Estel avait amenée. Le garçon en demanderait une plus légère à Ezeliem plus tard, pourquoi pas une longue dague d'ailleurs. Il accepterait l'aide de l'elfe pour son maniement. Mais en ce qui concernait l'arc, l'enfant voulait tout apprendre de Legolas.
« Vos mains sont mal positionnées. »
Le regard d'Estel se perdit un instant sur le côté tandis qu'il esquissait un petit sourire pensif au souvenir du prince.
« Mon professeur me corrigera. »
« Glorfindel a beaucoup de patience avec vous. »
Gardant son sourire, Estel ne le corrigea pas sur l'identité de son enseignant pour cet art. Silencieux, le garçon tenta de bander l'arc plus convenablement. Cependant, la flèche tomba. Cela lui semblait pourtant si aisé quand il voyait un elfe le faire ! Ce n'était qu'un mirage, un piège dans lequel il était tombé. Estel n'avait que peu de force, à peu près aucune précision… et même la patience semblait cruellement lui manquer, alors qu'il ne demandait qu'à revoir le prince.
