Chapitre 1 : Alone

« Je me déhanchais sensuellement devant ces hommes, tandis qu'ils me regardaient avec envie. Tous n'avaient qu'un désir: me baiser comme jamais. Du fond de la salle, James m'observait avec une fierté non-dissimulée; j'étais sa pute préférée, celle qui lui rapportait le plus d'argent. Je glissais le long de la barre de fer, eux se léchaient les lèvres. Je m'avançais alors dans leur direction à pas sensuelles, mais bientôt, mes jambes se mirent à trembler et cédèrent sous mon poids. Je m'écroulais à terre sous les regards assassins de James.»

Je me levai en sursaut. Mes cheveux étaient couverts de sueur, ma couette avait atterri au pied du lit et ma respiration était bruyante, saccadée. Ce n'était qu'un maudit rêve, un rêve parmi tant d'autres mais les larmes continuaient à me monter aux yeux à chaque fois. Ce rêve avait été ma réalité, mon pire cauchemar, ma souffrance de tous les jours. Je ramenai mes jambes contre mon buste, posai ma tête sur mes genoux et laissai libre cours à peine, des sanglots bruyants s'échappant de ma poitrine. J'étais minable, je pleurais sur mon triste sort depuis deux longues années, depuis que la vie m'avait ramenée dans le monde « normal ».

« J'étais attachée au lit, nue, bâillonnée et en pleures. James venait une fois de plus de me baiser. Il avait aimé me voir crier et pleurer, prenant certainement cela pour des manifestations de plaisir. Il était parti depuis quelques minutes déjà, certainement pour aller chercher de la drogue. Une boule se forma dans ma gorge et un nouveau sanglot en sortit, je savais qu'il m'obligerait à en prendre. J'étais sa pute, je lui appartenais et je ne pouvais rien dire ni faire. Un « boom » me fit soudain sursauter. Je pleurais et pleurais encore, comprenant que mon temps était à présent compté. Il… Il… La porte s'ouvrit, faisant pénétrer la lumière dans la pièce et je clignai des yeux afin qu'ils s'y habituent doucement. « Madame, vous allez bien ? », « Madame, ne vous inquiétez pas. Tout est fini. » J'avais mis du temps pour comprendre la sens de ses paroles, jusqu'à ce qu'il me détache et me sorte de ce maudit appartement. Je sus alors que mon calvaire prenait fin et que je revenais au monde « normal ». »

Ma chambre était plongée dans le noir, seule la douce lumière de la lune venait briser cette pénombre. Je me balançais comme une gamine ayant peur de quelque chose, mes yeux restant bloqués sur ma fenêtre, seule témoin de tout ce qui avait pu se passer ici. C'était par cette fenêtre que j'avais, pour la première fois, fait le mur avec… lui. Maladroite comme j'étais, j'avais fini par glisser et tomber dans le buisson. Il s'était gentiment moqué de moi de son beau rire cristallin. Ce rire, dieu sait combien j'aimais l'entendre. Je m'étais relevée, des feuilles pleins les cheveux et une fausse moue de chien battu sur les lèvres. Il était reparti dans une hilarité à l'en faire pleurer et à en réveiller Charlie par la même occasion. Nous avions entendu sa porte claquer et nous étions sauvés en courant jusqu'au coin de la rue. Puis, nous avions ri encore et encore. Le lendemain, Charlie m'avait bien entendu punie. Il s'était dit choqué par mon comportement, choqué que moi, Isabella Swan, fille du Shérif de Forks et l'intello, je fasse le mur. Edward en avait aussi pris pour son grade.

Mon adolescence avait été assez mouvementée mais tellement merveilleuse. Une ado ne pouvait rêver mieux. J'avais l'amour de ma vie, ma meilleure amie, des amies chères, de bonnes notes et une famille. Heureuse serait le mot parfait pour me définir autrefois. Six ans plus tard, ce mot ne voulait plus rien dire pour moi, il m'avait été arraché.

Je tournai légèrement ma tête vers mon réveil. Il était presque six heures. Charlie allait bientôt se lever et je pensai qu'un bon petit déjeuner lui ferait certainement du bien. Je me levai, enfilai une veste en laine et descendis les escaliers dans le noir, non sans avoir trébuché quelques fois, me rattrapant toujours de justesse à la rambarde. Arrivée dans la cuisine, je fermai doucement la porte et allumai la lumière, m'aveuglant au passage. Je marchai jusqu'au frigo, me cognant le pied dans une chaise.

« Aïe ! », brayai-je.

J'avais toujours été d'une maladresse légendaire. Étant gamine, j'avais arrêté de compter le nombre de plâtres que j'avais pu porter. J'avais toujours un bleu sur moi si bien que par moment, je me demandais comment j'avais pu me le faire. Adolescente, ma maladresse était toujours là ce qui, d'ailleurs, plaisait beaucoup à Em'. Dès que j'avais le malheur de trébucher ou de me prendre le pied quelque part, il éclatait de rire comme jamais. Et lui, il disait que ça lui permettait de toujours prendre soin de moi, de rester à mes côtés. Sa main ne quittait jamais ma hanche, à mon plus grand bonheur. Son toucher était quelque chose que j'aimais plus que tout.

J'ouvris le frigo, pris 5 œufs et du bacon et le refermai d'un mouvement du pied. Puis, je sortis une poêle que je déposai sur la gazinière.

La première fois que j'avais cuisiné, je devais avoir 8 ou 9 ans. Ma mère, Renée, n'était qu'une piteuse cuisinière. Ses tentatives de cuisiner s'apparentaient plus à des expériences chimiques. Une fois, le cordon bleu sentait le poisson et j'avais eu une indigestion pendant une semaine. Depuis ce jour, je lui avais interdit de toucher à la nourriture.

Renée était une personne plutôt excentrique, unique en son genre. Elle faisait jeune pour son âge. C'était mon total opposé. Elle avait les yeux bleus, moi marron caca. Elle était plutôt grande, j'étais petite. Elle avait un visage qui reflétait la bonté et la joie de vivre, le mien ne reflétait que souffrance et lassitude. Elle n'aimait pas la solitude alors que moi, je la recherchais. Ça, je le tenais surtout de mon père, Charlie. Il n'était pas très bavard et n'aimait pas les gens qui parlaient pour ne rien dire ou pour remplir les blancs, j'étais à peu près pareil.

Je fus sortie de mes pensées par un Charlie entrant dans la cuisine de bonne humeur.

« Que ça sent bon ! Hummm… Sourit-il.

- Bonjour à toi. Bien dormi ? Demandai-je en posant son assiette devant lui.

- Bien, merci. Et toi, ma puce ?

- Ah ben tu sais, comme d'hab' ! Dis-je en m'asseyant en face de lui.

- Oh… Puis, il ajouta la bouche pleine de bacon et d'œufs brouillés: ché très bau mha chérie.

- Merci pô ! » lui répondis-je la bouche pleine, en rigolant en même temps.

On mangea en silence. J'observais mon assiette et picorais de temps en temps. Charlie se racla soudain la gorge et je levai les yeux vers lui.

« Bella, tu sais… Ca fait deux ans maintenant. Je sais très bien que tu as été suivie par des psychiatres, des aides et tout… mais je ne vois pas la différence. Tu es comme… morte. Je sais que c'est très dur ce que tu as vécu, ma chérie. Crois-moi, je ne rêve que d'une chose: c'est de le tuer dans d'atroces souffrances. Mais bordel Bella ! Ce connard est en tôle ! Il ne reviendra jamais, tu m'entends. JA-MAIS ! Parles-moi ! Réagis ! Fais-toi vivre. Par pitié Bella, ça…ça me tue littéralement. Je n'ai rien dit car je me pensais qu'il fallait te laisser du temps mais rien ne change. Tu ne dors même pas. Tu passes ton temps à pleurer. Je…je…Je ne sais même plus quoi faire. J'ai l'impression d'être dans une impasse. Tu souffres devant mes yeux, je te vois mourir, te morfondre, mais je ne peux rien…

« Je… je vais bien… »

« Bella, tu sais mieux moi que c'est faux ! » Dit-t-il.

« Papa… »

« Non, ça suffit Bella ! Tu as certes bientôt 25 ans, mais cela ne m'empêchera pas de t'envoyer chez ta mère ! S'il n'y a que ça qui peut te faire du bien, je t'y enverrai ! Ici, tu as trop de souvenirs. » Termina-t-il sérieusement.

« Je ne veux pas… Je suis bien ici… Laisse-moi du temps. Je sais que je ne suis pas de très bonne compagnie, mais… Je vais essayer… S'il te plaît ! » Le suppliai-je, les larmes menaçant de couler.

« Non Bella. Je suis tellement désolé mais tu vas aller chez ta mère, même si ça me fait mal. Je n'en peux plus de te voir souffrir sous mes yeux. » Mes premières larmes coulèrent doucement.

« Papa…S'il te plaît. » Murmurai-je.

« Tu réserveras un billet d'avion pour Boston. Je suis désolé, mais c'est ce qu'il y a de mieux à faire. »

« Non… »

« Je ne te laisse pas le choix Bella. Je suis désolé ma fille. »

« Papa, je peux m'en sortir. Je veux dire, ici c'est chez… »

« Non ! Ici, tu ne te sens plus chez toi. Je suis tellement désolé, mais je fais ça pour toi.»

Mes larmes glissaient sur mes joues sans se tarir et tombaient dans mon assiette. Il se leva, débarrassa la sienne puis il se retourna vers moi, les yeux brillant.

« Ton passeport est dans le bureau de ma chambre. A ce soir, Bella. »

Il m'embrassa le front et sortit de la cuisine. J'aurais juré avoir vu une larme couler sur sa joue.

Je restai quelques minutes à laisser libre cours à mes larmes. Puis, je me levai et débarrassai mon assiette dans l'évier. Je posai mes mains de chaque côté et pris de grandes respirations. Il avait raison. Qui voudrait vivre avec un zombie comme moi ? Je passai mes mains sur mon visage et me mis à faire le ménage.

Une fois la cuisine nettoyée et la maison avec, je m'affairai à chercher un cd de musique. Un carton tomba juste à mes pieds. Je poussai un cri de douleur et me baissai pour le ramasser. Je tombai alors sur des photos, des cassettes, des lettres, des cd. Mon cœur se serra. Je pris une photo de lui et moi, le jour de mes 18 ans… J'avais passé la soirée chez les… Cullen. Une soirée magique. Alice en avait fait un peu trop, mais elle était comme ça. Il y avait des bougies partout, un beau gâteau au chocolat, des freesias disposés ça et là… Les larmes me brûlaient les yeux. Je les fermai essayant de les retenir mais elles coulèrent quand même. Je me laissai glisser le long de la porte du placard, la photo serrée dans mes mains, la vue brouillée par les larmes…

Je ne sais pas comment, mais je me retrouvais bien vite devant la villa…Leur villa… Elle était abandonnée. De longues plantes montaient le long du mur, pleins de feuilles étaient à terre et le porche était plein de saleté… Un moment de nostalgie me revint.

« Il manque quelque chose à cette baraque, soupira Alice.

« Mais ça va pas, ma pauvre enfant ! Cette « baraque » comme tu dis, c'est moi qui l'ai faite ! » S'exclama Esmée.

« Mais maman, la maison a fait son temps, comme toi d'ailleurs… »

Edward et moi essayions de ne pas rire. On était devant le porche, à observer la villa comme des petits vieux. C'était un instant à nous quatre. Le soleil brillait de mille feux, les oiseaux chantaient et d'ici, on entendait la rivière. Un moment de bonheur simple…

« Alice Mary Brandon Cullen retire ça tout de suite, petite adolescente qui sera punie de shopping pendant 1mois ! » Fit Esmée faussement outrée.

« Oh maman chérie d'amour que j'aime tant, excuse-moi.»

Alice lui fit sa moue de chien battue. Edward et moi éclations de rire. Esmée regarda sa fille avant de partir dans un fou rire incontrôlable. Elle faisait semblant d'être vexée.

« Je te fais l'une des plus belles déclarations d'amour et toi.. »

« Mais non, ma chérie… c'est que… Esmée rigola. »

Alice ne put s'empêcher de céder au rire elle aussi. Edward me serra davantage contre lui et m'embrassa tendrement.

« Je t'aime. »Murmura-t-il contre mes lèvres.

« Je t'aime aussi. » Murmurai-je en retour.

Ma poitrine se souleva, se rabaissa, à mesure que mon cœur se contractait et se décontractait. Je levai les yeux pour éviter encore une fois de pleurer. Un oiseau passa dans le ciel et s'installa sur le toit. Il avait comme les yeux fixés sur moi.

« Toi aussi, tu es seul ? Tu es triste, hein ? Tu n'es plus avec les personnes les plus chères au monde… Moi c'est pareil. Enfin, j'ai mon père mais je n'ai pas l'amour de ma vie, ma moitié, mon âme, l'être qui a été perfectionné pour moi. » M'adressai-je à l'oiseau.

Il me regarda puis tourna légèrement la tête vers le bas.

« Tu as été arraché ta famille, toi aussi ? Tu sais, j'ai presque grandi ici. C'était ma deuxième maison, la famille que je n'ai jamais eu. Ils étaient mon tout. C'est comme un effet nostalgie d'être ici. Tous les souvenirs reviennent, de très bons mais qui me font mal car je sais que jamais ça ne se reproduira… »

Il me regardait toujours. Je devais avoir l'air pitoyable de parler à un oiseau. Je lâchai un soupir et montai les marches du porche. Du bout du doigt, je caressai la porte, un mini tas de poussière vint avec mon doigt. Je m'en débarrassai puis, ma main se pausa sur la poignet. Je la tournai, la porte s'ouvrit. C'était assez étrange. Je pris une grande inspiration, entrai mais m'arrêtai aussitôt sous le choc. Tous les meubles étaient encore là, certains recouverts d'un drap blanc, d'autres avaient leur drap qui était tombé à terre. Mes jambes me portèrent directement dans sa chambre, enfin c'était notre chambre… Je poussai la porte et entrai. Mes larmes me montèrent directement aux yeux. Un tas de photos déchirés en mille morceaux étaient par terre, prés du pied du lit. Je reconnus immédiatement nos photos, dans la clairière, notre clairière. Je partis en courant de la pièce, de la maison, comme si elle m'avait brûlée. Je courrai, voulant oublier ma tristesse, oublier qu'elle me rendait malheureuse, qu'elle me tuait. Mes pieds se prirent dans une grosse pierre et je tombai, mes mains amortissant la chute. Ma tête cogna quelque peu sur le sol. Je me relevai difficilement. Mes mains saignaient un peu mais c'était surtout quelques égratignures. Je les essuyai sur mon jean, passai une d'elle sur mon front pour vérifier que je n'avais rien. Aucun bobo, c'était une première !

Je regardai autour de moi. Mon cœur explosa alors en mille morceaux, mon cerveau s'arrêta de penser, ma respiration se coupa. L'eau coulait sur mes joues et des sanglots me déchirèrent la poitrine. Je ne voulais tellement pas, je ne voulais pas retourner ici. Je savais que j'y laisserais le peu de moi que j'avais reconstruit. Le destin avait donc décidé de s'acharner sur moi. Mais qu'avais-je fait ? La pluie commença à tomber doucement. Je relâchai l'air des poumons que j'avais gardé. J'étais froide, je pleurais et tremblais. Mon cœur, lui, se préparait une seconde tombe. La clairière n'avait pas changé en toutes ces années. Elle était toujours aussi belle à mes yeux. Tellement de moments magiques passés avec lui défilaient à une vitesse folle dans mon cerveau. Nos premiers « je t'aime », nos toutes premières caresses, notre première dispute, nos premiers pleures… Cette clairière était mon tout. Elle faisait partie de ma vie que je le veuille ou non. Même si je devais souffrir à en crever, j'y penserai chaque instant. L'orage me fit sursauter, l'eau tombant sur mon visage se mélangea à mes larmes, puis dégoulina sur mes cheveux. J'étais trempée jusqu'aux os. Je rejoignis alors ma voiture.

« Oui, c'est ça… Oui… Boston… Oui, oui ! J'ai bien dit BOS-TON ! Isabella Swan… Swan, S-w-a-n. Oui, ça s'écrit comme ça se prononce. » Dis-je.

Je cherchais mon passeport en même temps que je réservais un billet d'avion, avec une hôtesse totalement débile, qui comprenait la moitié des choses que je lui disais. Je tirai le tiroir du bureau de Charlie et regardai si je ne trouvais pas mon passeport. Puis, je le refermai violemment.

« Oui, bien sûr. Donc… » Je fus coupée par la « nunuche » au téléphone.

J'ouvrai l'autre tiroir, cherchai sous les papiers. Mon regard fut attiré par un bout de journal. Je le pris et regardai la date: 20 janvier 2008.

« Bien entendu. Merci. Au revoir. » Dis-je poliment à la dame.

Je dépliai le morceau de journal et lâchai le téléphone, qui éclata en mille morceaux au sol. Je n'avais d'yeux que pour ce morceau de papier. Une haine me prit et les larmes montèrent.

« Isabella Swan, retrouvée Jeudi 20 Janvier 2008, après 4 ans de séquestration et d'abus sexuelles par James Orthone… »