Je ne suis pas morte ! Le problème c'est que le combo famille/santé/lycée a eu raison de moi, et de mon humeur. Donc, c'est pas possible que je continue "Vacances ?" avant un certain temps. Je n'abandonne pas, mais pour le moment... Je suis obligée de la mettre en hiatus.
Donc je commence une nouvelle fic, sur un sujet qui me tient à cœur. Je travaille dessus depuis que je suis allée à Auschwitz, et c'est donc avec fierté que je vous présente "Sheol", en espérant que vous prendrez un minimum de plaisir à le lire.
J'ai voulu, dans cette fic, montrer la déportation d'un autre regard. Parce que les seules fics sur les KZ que j'ai vues, c'était juste un cadre innovant pour faire un PWP ou des histoires d'amours improbables.
Merci Meriwether A. Hyde pour la correction !
N'hésitez pas à passer sur dailymotion, contest/ skyprodscourtsmetragesreels ! Et votez pour les larmes de sangs. Je dis pas ça parce que je joue dedans, mais un peu quand même.
Hedwig est Fem!Prussia, Louise Fem!Germany, Silke une OC, et Wilhelm... Disons que ce n'est pas Germania.
Sheol
Tikvah bat Sarah
Sheol
Traduit du Yiddish par Béchy Schmidt, Silke Verägert et Tikvah bat Sarah
A Nous.
Sheol n'est ni une destination, ni un lieu. Il s'agit de la tombe. Pas une tombe. La tombe. Le lieu commun des morts, le lieu où ils se rassemblent. Sheol s'agrandit pour accueillir de nouveaux arrivants, et on y pénètre parfois avec son corps, voire encore vivant. Sheol est un endroit de souffrance, une fournaise. Sheol n'est jamais rassasiée, elle a agrandi son désir et ouvert sa bouche sans mesure. C'est un néant, une existence qui est à peine existence, dans laquelle une ombre ou nuance de l'ancien soi survit.
Je ne suis pas la première d'entre Nous à conter cette histoire, mais je ne cherche pas à vous prouver les mêmes choses que Feliks, donc je me permets de le faire. De toute façon, j'ai commencé à regrouper ces mémoires avant qu'il n'ait écrit son essai.
Je ne vais pas raconter comment moi, je me suis retrouvée dans cet enfer. L'histoire en elle-même n'est pas vraiment intéressante, semblable à des milliers d'autres : mauvaise religion, mauvais endroit, mauvais moment. Le pourquoi du comment d'un de mes amis a le mérite d'être un peu plus original, et c'est le seul qui a accepté de me raconter cette partie de son histoire, c'est donc la façon dont lui s'est retrouvé dans cet enfer que je vais décrire. Mais si vous voulez, je vous raconte la fin : il est mort. Comme Nous tous. Morts pour toujours et à jamais, et incapables de vivre à nouveau.
Partie I :
Qever
-Merde, merde, merde ! Silke !
Un jeune homme blond attrapa le bras d'une adolescente, et la tira contre lui.
-Ils ont attrapé Louise et Hedwig. Elles ont été envoyées dans le premier wagon.
La jeune fille se dégagea de sa prise, et se mit à crier.
-Tu crois qu'on peut encore faire demi-tour ? Fait-le si tu veux tu as encore ta cagoule, donc personne n'en saura rien quand tu reviendras de ta permission. Moi, je libèrerai ce train ou je crèverai avec les autres.
L'homme soupira, et ajusta son arme. Silke sourit, et lui dit :
-Tu vois quand tu veux… Mais, sache une chose. T'as été le meilleur grand frère du monde, Ludwig.
Ludwig frotta la tête de sa petite sœur. Et il s'élança aider les autres Résistants à prendre d'assaut le convoi de Juifs.
Il avait l'impression de se faire laminer et marcher dessus. Il ne voyait rien. Mais il sentait l'odeur d'excréments, de chaleur et de mort. De plein nez. Il faillit vomir. Mais il resta brave. Enserré dans ce convoi à bestiaux, il savait où il se dirigeait.
L'attaque du convoi avait échoué. La trentaine de Résistants du petit village près duquel le convoi passait avait été décimée, ou jetée dans ces convois déjà remplis à craquer de Juifs. Ludwig ne savait même pas si sa sœur était encore en vie. Il l'avait perdue de vue quand les SS l'avaient attrapé et jeté dans ce wagon, tuant au passage les trois Juifs qui avaient profité de l'ouverture de la porte pour tenter de s'enfuir. Plus trois autres, au hasard dans le wagon, pour montrer l'exemple.
L'attente, debout, serré, était interminable. Ils étaient au moins soixante-dix dans ce wagon à bétail, et il était le seul Résistant à y être. Il savait que ses deux cousines étaient dans le premier wagon, que trois de ses amis s'étaient prit une balle dans le crâne, que son père avait été jeté dans le train, et que son voisin n'allait pas tarder à rendre l'âme.
Il ignorait tout du reste.
De ce qu'il s'était passé,
De ce qu'il se passait,
De ce qu'il allait se passer.
Une journée et demie plus tard, le convoi s'arrêta et les portes s'ouvrirent.
Des SS les poussèrent sur le quai. Ludwig regarda aux alentours, à la recherche d'un de ses amis. Au loin, il vit une tache de cheveux blancs il pria du fond du cœur que ce soit ceux de sa cousine Hedwig. Mais il y avait beaucoup de personnes âgées sur ce quai. Il espérait sûrement trop.
Les Juifs autour de lui criaient, pleuraient, recherchaient des yeux les leurs. Les paroles en yiddish s'entrechoquaient, se mélangeaient. Ludwig en comprenait la moitié, mais ne chercha pas à saisir le reste. Des hommes en tenue rayée, armés de matraques, tentaient de mettre de l'ordre.
Les voix des SS tonnèrent de se mettre en rang. Un enfant sorti de la foule, en criant après sa mère. Il se prit une balle dans le crâne.
Des femmes hurlèrent. Les SS leur firent se modérer en leur présentant leurs armes. Finalement, les rangs se calmèrent un peu. Et là, sur la rampe, les soldats passèrent devant les Juifs, un à un, et les dirigèrent vers la droite ou la gauche. Ludwig était au bout de la file. A gauche, il y avait les hommes et les femmes adultes. A droite, les vieillards, les enfants, les femmes enceintes, les malades, les blessés. Il avait tout intérêt à être envoyé dans la bonne file il ne voulait même pas savoir ce qu'on faisait des gens visiblement incapables de travailler.
Un SS lui aboya un « Links ! » au visage.
Il se retrouva balloté entre les Juifs en état de travailler. Ludwig était plutôt grand il usa donc de sa taille pour rechercher un visage familier.
Un des Résistants était dans la même file que lui. Hedwig et ses cheveux blancs étaient dans l'autre. Il ne savait pas où était Silke.
« Hierher ! Schnell ! »
La colonne de droite s'éloigna sur la rampe, les vieux et les enfants dans des camions, et se dirigeaient vers les palissades de bois brun tout au bout, à près d'un kilomètre.
La colonne de gauche suivit les SS. Ludwig ignorait où il allait. Autour de lui, les femmes étaient en pleurs, les hommes tentaient de rester dignes. Ils longeaient les barbelés entourant de vétustes cabanes de bois, vides. Le long de ces palissades, il restait quelques coins d'herbe verte, et quelques fleurs, celles qui ne fanaient pas sous la chaleur.
D'autres barbelés entouraient d'autres baraquements, eux pleins à craquer. De nombreux Tsiganes les regardaient passer de cette prison trop petite pour les milliers qu'ils étaient, d'un regard anéanti et mort.
Ludwig mit ses mains dans ses poches. Il savait que dans quelques minutes, il n'en aurait plus. Les SS avaient prit ses couteaux avant de le jeter dans le wagon, mais il lui restait un peu d'argent. Il pensait bien qu'on le lui prendrait aussi.
On les fit rentrer dans un grand bâtiment en lisière des baraquements. Une dizaine de tables était alignée, auxquelles étaient assis des gens en pyjama rayés. Les SS leur ordonnèrent de vider leurs poches et de donner leurs valises sur une des tables. Ludwig s'exécuta. Il donna ses quelques malheureux marks, ses allumettes, son paquet de cigarettes. Le rayé chargé de récupérer ses affaires glissa d'un geste expert le paquet dans son pantalon, et donna un reçu à Ludwig. Le blond s'éloigna de la table, regardant avec dédain le morceau de papier. Pourquoi voulaient-ils encore leur faire croire qu'ils récupèreraient leurs affaires ?
Ils furent entraînés dans la pièce d'à côté. Une pièce trop petite pour leur nombre, sombre et éclairée de pauvres ampoules nues. On les fit se déshabiller. Une femme refusa d'obtempérer. On l'emmena. Les autres se défirent rapidement de leurs vêtements, et les laissèrent sur place. Les bras se croisèrent sur les poitrines, devant les entrejambes. Les regards devenaient honteux, gênés. On reconnaissait bien les Juifs : leurs côtes étaient visibles, leurs articulations saillantes. Ils venaient tous d'un camp de transit français.
Ludwig sentit son bras être tiré. Il se retourna, et sourit. Au moins, Silke était là.
Sa sœur lui montra quelqu'un, plus loin. Ludwig reconnu sans mal les yeux si bleus de sa cousine Louise. De sa famille, des Résistants, il n'y avait qu'Hedwig qui avait été dans la mauvaise file.
Ils transitèrent encore dans une autre pièce.
Les tuyaux de douche étaient rouillés et sales, au dessus de leurs têtes. La seule lumière venait de quelques lucarnes percées au sommet d'un des murs.
Les SS fermèrent la porte. Et les douches se mirent en marche.
L'eau était brûlante. De nombreuses personnes crièrent. Ludwig entendant les SS rire de l'autre côté de la cloison. Puis, ils s'habituèrent à la chaleur, et profitèrent de cette douche, qui serait sûrement leur dernière avant longtemps. Les Juifs en profitaient particulièrement, et tentaient d'effacer comme ils pouvaient les odeurs de leur voyage de trois jours en wagon à bestiaux.
Bien trop tôt, les douches s'arrêtèrent. Les SS rentrèrent à nouveau, accompagnés d'autres rayés. Silke se rapprocha de son frère, en les voyants avec leurs tondeuses et leurs ciseaux.
Ils furent dirigés vers un couloir. Ludwig et sa sœur arrivèrent à rester ensemble. Les Juifs arrivaient, par cinq ou six. Les rayés leur tondaient les cheveux, récupéraient ceux des femmes, et leur rasaient les bras et le sexe. D'autres vérifiaient qu'ils n'avaient rien caché sur eux, malgré leur nudité. Ils récupérèrent plusieurs bijoux, que certains avaient jugé bon de se les cacher dans l'anus. On les tatoua sur le bras.
Ludwig détournait les yeux, gêné, mais Silke observait tout ça avec une passion malsaine. Elle tentait de comprendre, comprendre la façon dont ils étaient transformés, entre leur entrée dans ce bâtiment et leur sortie, en animaux rayés.
Ce fut au tour de Ludwig et Silke, qui se dirigèrent avec quatre Juifs vers les rayés.
-Tu n'es pas Juif ? demanda un SS en voyant la bite non coupée de Ludwig.
-Résistant, répondit simplement Ludwig. Elle aussi, ajouta t-il en empoignant le bras de sa sœur.
Le SS hocha la tête. Il lui dit qu'une fois qu'ils seraient rasés, ils devaient aller avec leurs autres Résistants, en montrant Louise et deux autres Résistants, déjà entièrement tondus. Il lui dit aussi qu'ils avaient plus de chance que les autres.
-Pourquoi ?
-Ils sont Juifs.
Ils furent séparés dans la file du tatouage. 152845. Silke était le 152863. Finalement, ils purent rejoindre leurs camarades. Ils avaient le regard dur et froid. Silke prit Louise dans ses bras, autant pour la rassurer que pour se rassurer elle-même.
On passa, et on leur donna les tenues rayées. Les pantalons étaient trop courts, et les chemises trop larges. Ils eurent du fil, une aiguille, deux triangles rouges, un rectangle blanc avec un triangle rouge. Ils durent coudre un triangle sur leur pantalon, un autre au-dessus du cœur. Sur le rectangle, ils durent inscrire leur matricule. Il fut cousu sous le triangle de la poitrine. On leur donna des sabots en bois qui ne leur allaient pas, et une calotte en tissu pour les hommes, un fichu pour les femmes.
Ludwig eu envie de pleurer en voyant sa cousine essayer de nouer le mouchoir sur la tête rasée de sa sœur. Mais il garda sa bouche fermée, comme tout le monde dans le silence pesant de la pièce.
On vint lui demander son métier. Officier de la Luftwaffe, qu'il répondit. Sûrement qu'on ne le cru pas mais c'était vrai. On l'assigna à un Kommando, le klein Eisenbahn; il devait construire un chemin de fer. Lui qui devait en faire sauter un. On l'assigna à un baraquement, le même qu'un des Résistants, son père, Wilhelm. On les fit sortir des douches, puis on les y emmenât, avec les autres. Les femmes partaient de l'autre côté du camp. Ludwig se retourna une dernière fois pour tenter de revoir les yeux si bleus de Silke ou Louise.
Elles étaient de dos.
