Bonjour !

J'ouvre une nouvelle petite section, constituée seulement d'OS, pour les idées passagères... En fait, c'est que je suis frustrée par le manque de temps qui m'oblige à écrire moins, et aussi parce que je veux me faire pardonner de la lenteur de mes fics régulières :D
Petite précision : En fait, j'ai repris une idée de la Reine (xD) pour la configuration de cette fic : avant de la lire, il faut donc aller voir les "Yoosu One Shot" de Pikanox, qui sont excellents !
Et comme tu es mon maître en toute chose, d'ailleurs, je te dédie ce premier One Shot - même si j'en suis pas très fière :D - tout simplement parce que tu me manquais autant que l'écriture !

Enjoy it***


Titre : Mal Latéralisé
Genre : K+
Auteur : Heughae


Mal Latéralisé

Junsu

L'obscurité qui m'enserre, les cris confus des fans. Les lumières se sont doucement éteintes, pour préserver notre souffle et un peu de notre mystère. J'ai parfaitement en tête les indications du metteur en scène : une fois changé, rejoindre le derrière de la scène, contourner les deux poteaux, se faufiler vers la droite, pour atteindre la petite aile à gauche de la scène, où je commencerai à chanter une fois la vidéo finie. Les images et les sons absorbent la salle, qui ne devine pas à quel point nous pouvons parfois la frôler, et le nombre conséquent de répétitions derrière moi m'ôte toute inquiétude. Je respire de plaisir et de fébrilité, comme à chaque fois que la scène brûle sous mes pieds. Je l'ai arpentée en tous sens, ce léger rectangle sombre, comme un enfant pour ses premiers pas. J'y ai ris, pleuré, hurlé et chuchoté, j'y ai vécu plus que partout ailleurs, et je continuerais à y tracer ma route.

Pour un peu, je me sentirais comme un prince au destin tout tracé.

Sauf que quelque chose cloche.

Dans la pénombre, mes mains cherchent doucement les deux poteaux : j'ai pourtant dépassé la scène, et ils devraient y être, mais je ne perçois que le lourd tissu des rideaux. La vidéo dure sept minutes, et quelques trente-six secondes malheureuses, pas le temps en tout cas de se réinventer une vie. Ni même un ridicule petit chemin d'un point à un autre. Je me connais trop bien, ou trop mal, mes mains accélèrent pour éviter d'avoir à paniquer. On ne rentre rien dans sept minutes ! J'hésite entre poursuivre mon chemin, ou faire demi-tour, réalisant que chaque seconde échappée ne se rattrapera pas. Je balance sur mes jambes, confusément, presque comme un enfant, souhaite à la fois de la lumière, et que personne ne puisse me voir dans cet état. Je tente de voir mes doigts, et ce qu'ils touchent, je sais qu'ils tremblent et que ce souffle que je perds est le début de la panique. J'essaie un pas, puis deux. Je ne sais pas quoi faire de sept minutes, je les contemple, mon cœur accélère le tempo, comme pour les avaler plus vite. En cas de crise majeure, j'aime me rassurer en m'intimant des ordres. Mais le micro, comme une énorme mouche noire posée sur ma joue, m'empêche de proférer le moindre son. Je trottine, en avant, tant pis.

Il n'y a plus qu'à espérer de ne pas tomber au milieu du public.

Un espace plus large, une obscurité moins sombre se dessine. Je cours vers la droite, à moitié rassuré, espérant que les poteaux aient changés de place entre hier et aujourd'hui. Peine perdue. Je ne reconnais rien de plus, mis à part cette section de la vidéo, qui ronronne des passages de nos vies. Trois minutes environ sont déjà passées, je le devine en m'arrêtant net.

Prince ou pas, il faut que je reparte au plus vite : mon destin n'est pas ici. Un rapide calcul m'apprend que les trois minutes du retour, vites effectuées, pourront devenir deux. Et après, pour revenir au réel emplacement – en supposant que je le trouve, et que j'y aille en courant – il en faudra sans doute trois de nouveau.

Sept en tout.

Pas de temps à perdre.

Un demi-tour rapide et je repars vers la gauche, suivant les légères bandes d'adhésif blanc posées derrière la scène. Mon inconscience me fait sourire : à trop paniquer, j'en ai oublié de regarder autour de moi, et de remarquer qu'il y avait en fait trois poteaux ! Quel idiot...

Trois ? …Est-ce que je suis seulement venu ici une fois dans ma vie ? Je puise dans mes souvenirs et dans les mots du metteur en scène : il se pourrait tout à fait qu'il y en ait toujours eu trois, et qu'hier en passant, je regardais plus vers le bas que vers le haut… Je passe à gauche, comme une anguille, entre deux pans de projecteurs et de fils électriques, me colle sur le morceau de mur à ma droite. Je suis arrivé enfin, avec le petit sourire triomphant du prince qui, tombé de cheval, remonte sans que personne ne l'ait vu. A peine cinq minutes sont passées, et je soupire de bonheur. J'observe Jaejoong qui rit sur l'écran, la force de son sourire et…

Je l'ai vu cent fois, cette vidéo, mais…

De l'autre côté.

Je suis totalement de l'autre côté de la scène !

Un petit cri s'échappe de mes lèvres crispées, alors que je réalise l'impasse dans laquelle je suis.

Je suis perdu.

Mes sanglots se manifestent déjà, vicieusement, paralysant le reste de ma conscience qui ne peut que s'imaginer une scène qui s'éclaire dans les cris des fans, deux silhouettes majestueuses qui sortent de derrière les pans de tissu.
Inutile de chercher la troisième, perdue, honteuse et accablée, égarée dans sept malsaines minutes.

Comme il n'y a plus rien à faire, mais que la honte et la peur m'électrisent le bas du dos, je repars, reprends à droite, ou à gauche, peu importe. Il n'y a plus rien à sauver, à reprendre ! Le sable restant glisse dans un doux bruit contre le verre du sablier. Je pleure de dérision et de panique, à présent, les pieds emmêlés dans les câbles électriques qui serviront à éclairer mon incompétence. Je réfléchis à toute vitesse, ou plutôt ne réfléchis plus. Si je les débranchais ? Une panne de projecteur expliquerait sûrement mon absence, à moins de prétendre m'être fait une entorse en chutant dans l'un d'eux. La fin de la vidéo est enclenchée, sûrement : je l'entends vaguement, à travers mes sanglots.
Les sept minutes putrides touchent à leur fin.

Ne restent que les secondes. A peine quelques fragments de vie.

« Mais qu'est-ce que tu fous là ? »

Je sursaute, gémis, tremble. Me jette dans ses bras.

« Mais tu pleures ? »

Il rigole, cet imbécile, alors qu'il ne reste que trente-six secondes pour me sauver…

« Ne me dis pas que t'as encore confondu la droite et la gauche ? »

Comme si ce labyrinthe se résumait à une affaire de latéralisation ! Il m'essuie doucement les joues, pour ne pas étaler le maquillage, et je chuchote entre deux sursauts :

« Yoochun... Ramène –moi chez moi. »

Il rit, presse mes épaules, et ajoute d'une voix moqueuse :

« C'est la fin de la vidéo, là. Et puisque tu m'as fait l'honneur de venir de mon côté, plutôt que d'aller du tien, je te garde avec moi. Les ingénieurs feront le reste. »

Il me prend la main, sans cesser de rire, et moi de trembler. Je me calme doucement, alors que les dernières images défilent. Je sais qu'il me trouve un peu ridicule, et comme un prince boueux, je me sens minuscule.

Dix secondes.

Il en aura mis à peine vingt pour me sauver, et me ramener sur le droit chemin. Je me fiche bien de la droite, et de la gauche, le souffle revient avec le calme, le plaisir avec l'assurance. Deux lèvres chaudes viennent chercher les miennes. Une haleine brûlante, prête à chanter, et une langue rusée jouent avec les sensations de ma bouche.

Je soupire, d'un souffle profond qui regonfle. Imprime en moi les filaments des dernières secondes. Les lumières s'allument, il se sépare rapidement de moi, et sans même lâcher ma main, s'avance sur la scène.

Trois silhouettes, un peu surprises, juste humaines, s'emparent de l'espace.

Et au regard interrogatif de Jaejoong, je tais sept minutes anonymes, vites oubliées.

Comme s'il ne me restait que trente-six secondes de mémoire.

Je le dévisage.

Et me surprend à rire.