Chapitre 1
Je te hais, Mycroft.
Ce fut les derniers mots que Sherlock Holmes prononça. Et depuis un mois, il ne parlait plus. Son frère Mycroft Holmes, politicien occupant un poste mineur dans le gouvernement britannique, l'avait envoyé en cure de désintoxication il y avait de ça, quatre semaines. N'ayant rien trouvé de mieux pour stimuler ses sens, le jeune homme s'était réfugié dans la cocaïne et s'était complétement coupé du monde. Doté d'une intelligence remarquable, il n'avait su trouver son égal, ni se faire accepter du reste du commun des mortels. Son existence était morne et sans intérêt. Et il s'aimait trop pour se suicider. Alors, quand à l'âge de 16 ans, il avait découvert qu'une ligne de poudre blanche pouvait lui procurer un peu de bonheur, il ne s'était pas privé.
Sauf que maintenant, Sherlock Holmes avait 30 ans. Et en 14 ans de dépravation, il s'était retrouvé une bonne dizaine de fois à l'hôpital, et ses parents avaient fini par lui couper les vivres. Du moins, sous l'ordre bienveillant de Mycroft qui prenait une place importante dans la vie de son frère. Dieu sait comment il avait fait pour réussir à payer sa coke. Mycroft le surveillait d'un œil attentif, par les diverses caméras qu'il avait disposé ici et là dans les endroits que fréquentait son drogué de frère, mais ce dernier s'était arranger pour échapper à
la vigilance du politicien.
C'était le jour de ses 30 ans. Lorsque les parents de Sherlock étaient passés à l'improviste lui souhaiter un joyeux anniversaire, Monsieur et Madame Holmes avaient trouvé leur plus jeune fils allongé par terre, une seringue à la main et à moitié conscient. Ils avaient immédiatement appelé Mycroft qui s'était empressé de l'envoyer dans le centre de désintoxication le plus efficace du Royaume Uni. Et il y était depuis un mois. Un mois durant lequel il ne quittait plus son lit. Il n'adressait pas la parole aux autres patients, ni aux médecins et infirmières qui s'occupait de lui. Il refusait toute visite venant de l'extérieur et ne daignait manger que très rarement. Il ne fallait cependant pas croire que ses parents ne s'inquiétaient pas pour lui, car fréquemment, il recevait des lettres d'eux. Il fut un temps où il les aurait lu, et même répondu mais il en voulait trop à la terre entière pour faire quoique ce soit d'humain.
Mais Sherlock était un être fragile. Et ce premier mois sans son petit moment de bonheur quotidien était très dur. En plus de ça, il ne s'était pas nourri depuis presque une semaine.
Il se contentait, comme aujourd'hui, de s'emmitoufler dans ses couvertures et de laisser les larmes couler le long de joues, un amer sentiment d'abandon dans la gorge.
" Monsieur Holmes ? "
Pas de réponse.
" Il faudrait penser à manger…"
Le médecin s'assit sur le lit froissé et souleva délicatement les couvertures.
" Monsieur Holmes, s'il vous plait…. Vous n'êtes pas obligé de venir manger avec les autres… Je vous ai apporté un plateau. Mangez, s'il vous plait. "
Il déposa le plateau sur la table et se leva, un sourire triste aux lèvres.
" Je reviendrais dans une heure pour voir si vous avez mangé. A plus tard Monsieur Holmes… "
Sherlock se retrouva à nouveau seul. Il s'assit et fixa son plateau. C'était la première fois depuis qu'il était arrivé que quelqu'un lui parlait aussi… Gentiment. L'homme était assez grand, un peu moins que lui mais il devait mesurer environ dans les 1m70. Des cheveux blonds coupés droits mais pas courts et des yeux bleus. Sa posture laissait deviner son passé militaire. Et il était gaucher.
Peu après cette courte analyse du médecin, Sherlock entama son repas.
" Sherlock, arrête de faire l'enfant et répond moi. "
Va te faire foutre Mycroft.
" Et arrête de communiquer par écrit. Je fais ça pour ton bien, tu sais très bien que tu inquiètes maman avec ton comportement puéril. "
Va. Te. Faire. FOUTRE.
" J'ai l'impression de parler à un enfant de 5 ans… Les médecins m'ont dit que tu ne sortais pas. Tu devrais essayer…. Je ne sais pas…. De rencontrer du monde ? "
…
" Tu as perdu beaucoup de poids, tu devrais manger. Les médecins m'ont dit que tu ne prenais même plus la peine de te nourrir. "
Mycroft regarda sa montre. Il était 12:30pm. Il entendait les autres personnes se diriger vers la salle commune pour aller manger. Tous, sauf un. Son frère préférait rester enfoui dans ses couvertures, à maudire l'humanité toute entière plutôt que de faire un effort, pour la première fois en 30 ans.
Trois coups retentirent puis une porte s'ouvrit doucement.
" Monsieur Holmes ? Oh, vous avez de la visite, je repasserai plus tard.
- Non, entrez docteur. Je suis Mycroft Holmes, le frère de Sherlock.
- Oh, enchanté. Je suis le docteur…
- John Watson, je sais. C'est écrit sur votre blouse. "
John sourit et déposa le plateau de nourriture sur la table.
" Je vois que vous arrivez à faire manger mon imbécile de frère… Ca relève de l'exploit.
- Ce n'est pas parce que Monsieur Holmes préfère manger seul qu'il est imbécile. Et puis la dépression est une phase à traverser quand on arrête une drogue, monsieur. Et mon métier c'est d'aider votre frère à traverser cette passe. Et ce n'est pas en le forçant que ça lui rendra la vie plus facile.
- Naturellement, naturellement. Et, sincèrement navré pour votre femme, docteur. "
Sur ce, Mycroft quitta les lieux sans dire au revoir à son frère. Sa visite était plutôt une formalité qu'autre chose et son frère l'avait bien senti. Même s'ils ne s'aimaient pas, même si le seul lien qui les unissait était celui d'être frères, (C'était quand même quelque chose, d'accord, mais pour eux, non.) le jeune brun était terriblement seul pour traverser cette épreuve, et, même en étant un génie, la solitude n'avais parfois rien de bon.
John se tourna vers Sherlock, qui s'était maintenant installé pour pouvoir manger.
" Comment sait-il que… Oh, pardonnez-moi. Vous ne parlez pas, c'est vrai. Bon appétit Monsieur Holmes. "
Le médecin sortit, troublé par la remarque de Mycroft. En effet, sa femme l'avait quitté pour un autre homme, un mois au pare avant. Il était en plein divorce et travaillait dur pendant que Future ex Madame Watson se pavanait dans les bras de son prof de gym. Il l'avait trouvé, le jour de leur anniversaire de mariage, au lit avec l'autre homme. La maison lui appartenant, il avait dû déménager. Il habitait maintenant dans un appartement dans le centre de Londres, à Baker Street précisément.
" John ? John ça va ? demanda une jeune femme.
- Oui, oui Molly, merci… Juste… Oublie.
- C'est Sarah, c'est ça ?
- Plus ou moins.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je suis allé apporter à manger à Mr Holmes. Tu sais, celui qui ne parle pas.
- Oh… Oui bien sûr que je vois qui c'est. Je le trouve assez… Séduisant. "
John se contenta de sourire, ne voulant pas avouer qu'elle n'avait pas tout à fait tort.
" Pardonne-moi, dit Molly. Raconte-moi.
- Eh bien, j'apportais à manger à monsieur Holmes, et son frère était là. Et en partant, il m'a dit qu'il était sincèrement désolé pour ma femme. Or, je ne sais pas du tout comment il a pu le savoir.
- Peut-être que c'est son frère qui lui a dit ?
- Je ne pense pas, ils se détestent. Et il ne veut pas parler. Je doute qu'il fasse exception pour son frère…
- Mmm oui. C'est vrai. John, je dois te laisser.
- A plus tard. "
Molly adressa un sourire polit à John avant de partir vers d'autres patients. Repenser à Sarah lui faisait mal. Certes, il ne l'aimait plus, mais il s'était fait trahir encore une fois. Il n'avait jamais eu de chances avec les femmes. Elles s'étaient toutes servies de lui. Et John à chaque fois y croyait. La dernière était Sarah. Ensemble depuis deux ans, il avait fait sa demande lors d'un voyage à New York. Elle avait accepté, l'avait mené en bateau pendant trois autres années et avait trouvé un certain confort dans les bras de son professeur de gymnastique. John Watson s'était juré de ne plus tomber amoureux d'une autre femme.
