Auteur : Rayon-de-Slytherin

Disclamer : à Mrs Rowling, mère encrique de Harry Potter – au contraire de biologique, vous voyez ?

Catégorie : Romance/Drama – pas de death fic, juste Drama.

Rating : M

Paring : HP/DM

Remerciements : Je remercie les gens qui ont bien voulu me reviewer jusque là, je tiens compte des critiques, et j'espère que je m'améliore. Je tiens aussi compte des félicitations, et j'espère que ce que je fais continue à plaire.

Description : Je suis Harry, Celui-Qui-A-Vaincu. J'aimerais que l'histoire de mon couple serve aux jeunes gens qui viendront après moi. Mon couple avec Draco, mais aussi mon grand amour avec la musique.

Ceci est une mini-fic – probablement un two-shot – en projet depuis six mois. L'idée m'est venue quand j'écoutais une chanson que j'adore : La groupie du pianiste, de Michel Berger. J'introduirais sans doute la chanson, et une ou deux autres, dans le deuxième chapitre. Autant pour l'interdiction à propos des song-fics !

Enjoy !


¤ Le Groupie du Pianiste ¤

¤ Partie 1 ¤


Chapitre 1 : Rêves en Musique

.

Il observa un moment son entourage. Étant donné qu'il était arrivé récemment, beaucoup d'entre eux semblaient avoir décrétés qu'il s'était assez habitué au lieu et s'étaient rassemblés autour de lui, le harcelant de questions sur lui-même, sur sa vie, sur sa mort. Non pas qu'il aimât l'attention, mais tout le monde avait dû passer par là, alors il s'y mit lui aussi. Plus vite ce serait fini, plus vite il serait au calme. Il prit donc la parole :

« Je suis Harry Potter, celui qui a vaincu, également connu sous le surnom de Survivant. Il était mérité, car en plus d'avoir survécu dans mon enfance au sortilège mortel le plus puissant connu de nos jours, j'ai passé mon adolescence à survivre face à un meurtrier. Quand tout ça a été fini, je n'avais plus rien que des souvenirs, des traîtres pour amis, et la musique comme seul passion. Sa musique.

ooo

Mai 1998 – Poudlard, Écosse

La Salle sur Demande était mon seul refuge, loin du monde, depuis la mort de Voldemort. Seul endroit au monde où les gens ne pouvaient pas venir me chercher pour me réconforter, pour que je ne sois pas seul, parce que « ce n'est pas bon pour toi, après toutes ces épreuves, mon pauvre chéri, tu en trembles encore. » Je ne voulais pas de leur attention constante, de leur sollicitude. Je voulais la paix, enfin.

Je passai la porte de mon antre de paix et m'affalai dans un fauteuil bleu nuit. Les murs noirs, tels que je les souhaitais à chaque fois, rendaient la pièce minuscule, comme un cocon, m'inspirant un sentiment de sécurité et de bien-être que je ne pouvais trouver qu'ici. J'expirai longuement. Une douce musique se propageait dans la pièce. Du piano, sans aucun doute possible. Quelque chose de doux, d'apaisant. J'aurais été bien incapable de dire de qui est ce morceau. Pourtant, je m'y connais pas mal en musique. Je dirais même plus, je voue un culte à la musique. Elle s'insinue dans mon cœur, le réchauffant ou le glaçant, le faisant trembler d'angoisse ou de bonheur au gré de la mélodie.

Cette musique là était merveilleuse. Elle parlait d'un paysage blanc de neige. Des collines. Des lièvres, dans leur manteau d'hiver, couraient un peu partout, grisés par la liberté. Il y avait une vallée entre deux collines, et un sapin au milieu de cette vallée. Lui aussi était couvert de neige. Un ruisseau serpentait entre les bosses du paysage, pour passer juste à côté de cet arbre. Et un garçon était là, au pied du roi de la forêt, une petite lyre ancienne dans les mains, faisant jouer ses doigts sur les cordes, les yeux fermés. Soudain, il arrêta de jouer et ouvrit les yeux. Gris acier. Magnifiques. Et le paysage disparut.

J'étais toujours affalé sur mon fauteuil quand je repris entièrement mes esprits. La pièce, auparavant si chaleureuse, semblait dorénavant vouloir se refermer sur moi. Autour, le silence s'était fait, chassant les dernières notes de piano. Il était oppressant, lui aussi, se resserrant de plus en plus autour de moi, comme un étau cherchant à me broyer. J'avais besoin d'air. Je me levai précipitamment, sortis de la petite pièce et m'adossai au mur. Je poussai un soupir. Même la Salle sur Demande ne semblait plus vouloir m'apporter la quiétude dont j'avais besoin. Qu'à cela ne tienne, j'irai chercher ma paix ailleurs.

J'errai longtemps dans le château, sans faire attention au temps qui s'écoulait. De toute façon, tous les élèves étaient dehors, par ce soleil éclatant, en train de bronzer ou de se rafraîchir dans le lac. Pas un n'aurait raté une occasion pareille. Sauf moi. Je n'aimais pas le soleil. Il me rappelait trop la Lumière. Toute une bande de manipulateurs au service du « plus grand Bien ». Mais je me fichais du Bien, en définitive, cela ne me concernait plus. Je voulais juste une vie. Et le soleil, dehors, me rappelait que je n'en avais pas. Mes amis ne s'inquiétaient sûrement même pas. Quand ils ne sauraient plus quoi faire, ils commenceraient à s'inquiéter. Pas avant. Donc, à cet instant, je n'avais pas besoin de sortir la Carte du Maraudeur pour leur échapper.

Plongé dans mes pensées, je ne remarquai pas tout de suite que les couloirs éclairés du château, emplis de cadres lumineux, avaient fait place à un univers plus sombre : les cachots. Quand je me rendis compte de la situation, je ressentis un léger pincement au cœur. Encore un endroit où je n'étais pas très à l'aise. Malgré la luminosité en accord avec mon tempérament désormais sombre, trop de mauvais souvenirs étaient liés à ces lieux. Des heures de tortures pendant lesquelles Snape, ce traître, avait tenté de m'enseigner les potions, ou l'occlumancie. Des batailles sanglantes avec des Mangemorts infiltrés. Des disputes horribles, finissant à coup de poings, avec mon soit-disant meilleur ami. Plus de mauvais souvenirs que partout ailleurs dans cet endroit que je considérais auparavant comme ma maison.

« Alors, Monsieur Potter, toujours à vous différencier des autres ? Vous ne pouvez pas sortir au soleil comme tous les autres gens normaux ? »

Je m'arrêtai net et me tournai vers l'origine de la voix doucereuse. Elle était là, appuyé dans l'encadrement d'une lourde porte en bois renforcée de barres de fer. Ou plutôt, il était là. Rebut de l'humanité, récupéré du fin fond d'Azkaban grâce à un procès truqué qui avait trompé tout le monde sorcier. Tous étaient tombés dans le panneau. Mais pas moi. L'élève avait surpassé le maître. Et moi seul savais qui était vraiment mon professeur. Moi seul avais été témoin des scènes affreuses pendant lesquelles il avait torturé et violé des élèves, peu de temps après la victoire de la Lumière. Je l'avais crié au monde, mais j'étais « le pauvre Harry, traumatisé par son combat », d'après eux, je ne savais plus ce que je disais. Et les élèves eux-même avaient confirmé les dires de Snape.

« Non, professeur, je ne peux pas. Ça fait bien longtemps que je ne suis plus normal – si je l'ai un jour été. »

Si je l'avais un jour était. La normalité était une chose totalement exclue de ma vie, à mon grand désespoir. Pour les moldus, je n'étais pas normal, car j'étais sorcier. Chez les sorciers, je n'étais pas normal, car j'étais Celui-Qui-A-Vaincu. Manipulé toute ma vie, entouré de pseudo-amis me suivant « pour mon bien ».

« Pas d'impertinence, mon jeune ami. Votre qualité de vainqueur ne vous donne pas tous les droits. Quand vous vous en rendrez enfin compte, vous tomberez de haut. Décidément, vous avez bien la mentalité de votre père !Souvenez-vous de ce que je vous dit. Après tout, c'est pour votre bien. »

Et l'homme en noir rentra dans son cachot, fermant la porte d'un coup sec. Pourquoi venait-il encore m'ennuyer avec des phrases sans aucun sens, auxquelles il ne croyait même plus, au nom d'une haine envers mon père ? Ne pouvait-il pas me haïr moi, pour moi-même ? Après tout ce que je lui avais fait subir, c'était la moindre des choses ! Un nouveau soupir m'échappa en repensant à ce qu'il m'avait dit. Quand on ne m'ennuyait pas par amitié pour mon bien, ou m'ennuyait par haine, mais malgré tout pour mon bien.

Ruminant mes pensées, je continuai mon chemin dans les cachots. Finalement, cela valait mieux que de remonter. À l'heure qu'il était, mes amis étaient sans doute rentrés dans le château, la fraîcheur de la soirée les chassant de la pelouse du parc. Le sol était couvert de moisissures et humides, ce qui le rendait glissant. Plusieurs fois, je dus me rattraper aux murs pour éviter de tomber. Les murs n'étant pas en meilleur état que le sol, mes mains se retrouvèrent rapidement dans un état lamentable.

Depuis quelques pas, quelques notes de musique montaient vers moi, de plus en plus distinctes à mesure que j'avançais vers le fond du couloir. Apparemment, c'était un cul-de-sac. Je ne me rappelais absolument pas de cet endroit du château. Et je pensais déjà à y revenir, quand je voudrais me changer les idées. C'était l'endroit idéal : musique et zéro souvenir. Et j'avançais toujours plus loin, vers la porte que je distinguais dans la pénombre. En bois noir. Il y avait une plaque blanche dessus. Avec une inscription. J'avançai un peu plus. Cette inscription disait ... Je plissai les yeux pour mieux voir. 'Salle de Musique'. J'ignorais l'existence d'une telle salle. En écoutant un peu plus attentivement, je reconnu la musique.

Les notes de piano volaient autour de moi, s'enroulant autour de mon corps, s'entortillant dans mes cheveux, me caressant tendrement les joues. Et ce garçon, dans un paysage enneigé, les yeux fermés, la lyre à la main était de nouveau devant mes yeux à moi. Je pouvais l'approcher un peu plus. Doucement, pour qu'il ne m'entende pas. De nouveau, des yeux. Gris acier. Et le silence.

Plus de piano. Plus de douce mélodie. Je me sentis instantanément mal à l'aise. Je voulais entendre encore ce son, qu'il repousse les ténèbres du couloir. Doucement, tout doucement, je poussai la porte de la Salle de Musique.

Dedans, des instruments rangés sur des étagères, ou le long des murs bleu nuit. Des guitares sur des supports, un clavecin sur un bureau, une batterie dans un coin. Des maracas, des cymbales, des trombones, des tubas, vraiment de tout. Et, au centre, un piano à queue. Blanc. Luisant. Et un jeune homme, presque aussi blanc que le piano, devant lui. Tournant le dos à la porte. De toute évidence, il ne m'avait pas vu entrer. Je repérai un petit fauteuil contre le mur, derrière le pianiste, et m'assis. Une nouvelle mélodie s'éleva, alors que les mains blanches et fines s'activaient de nouveau sur le clavier de l'instrument.

Un nouvel univers. Des flammes, partout. Mon cœur battait à toute vitesse. Des torrents de feu coulaient le long de la pierre noire. Des oiseaux squelettiques, verts d'eau, sans plume ni poils, volaient dans ce paysage désolé. À la jointure entre deux torrents enflammés, les racines plantées dans le sol de pierre, un arbre décharné. Ses branches offraient une vision bouleversante de la mort. Et au pied, un jeune homme, les yeux fermés, une lyre à la main, grattant sauvagement les cordes. Mon cœur battait de plus en plus vite, comme les notes s'accéléraient. Et soudain, à l'apogée de l'angoisse, le silence. Deux grands yeux gris. Puis, le retour à la dure réalité. Une Salle de Musique, un pianiste, et un écouteur clandestin.

« Tiens, tiens, Potter. Qu'est-ce que tu fais dans un lieu dédié à l'Art et à la beauté ? » demanda le pianiste, narquois, maintenant debout devant moi.

Je ne l'avais pas vu venir. Mais je l'avais reconnu en entrant. Je l'aurais de toute façon reconnu entre milles. Le symbole de la noblesse, du Sang-Pur, l'élégance personnifié, un être froid, glacé, qui me dominait, moi, personne chétive par nature, de sa haute taille. Pourtant, malgré toutes ces démonstrations de puissance, j'étais sûr au plus profond de moi que derrière tout ça se cachait un cœur d'or. Un cœur aimant, et à aimer. Un cœur pour moi, peut-être. J'aurais tellement aimé être le seul, l'unique à conquérir ce 'méchant'.

J'aimais Malfoy, parce que lui ne se préoccupait pas de mon bien. Rien n'avait changé après la mort de Voldemort. Il ne me donnait pas de conseils inutiles et fumeux. Juste de la haine. Que j'avais bien l'intention de changer ça en autre chose. Parce que les ténèbres de mon cœur ne s'écartaient qu'en sa présence. Et en celle de la musique. Et visiblement, il conciliait les deux. Et puis, ne dit-on pas que de la haine à l'amour ... Je secouai machinalement la tête. Encore une de ces phrases toutes faites !

« Je suis venu chercher une beauté qui ne se trouve pas sur la pelouse du parc. »

« Tu parles de la musique, ou de moi ? »

« Peut-être de la musique. Peut-être de toi. »

Après tout, Malfoy n'avait pas besoin de savoir ce que je pensais. Pas encore. Il était trop tôt pour que je pense à avoir des relations sociales de nouveau. Beaucoup trop tôt.

« J'aime ta musique, Malfoy. »

Et c'était vrai. Depuis que je l'avais entendu dans la Salle sur Demande, par je ne savais quelle opération de Merlin, ou de la magie, j'avais aimé sa musique plus que celles que j'entendais d'habitude. Plus que celle de Mozart ou de Bach. Elle avait créé en moi des émotions nouvelles, m'avais fait découvrir des univers nouveaux.

« Qui a écrit les morceaux que tu joues ? »

« Moi. »

Cet homme était décidément merveilleux. C'était bien sa musique qui m'avait transporté. Quand Malfoy jouait, il dévoilait une partie de son cœur. Et personne d'autre que moi n'avait pu voir cette partie, j'en étais persuadé. Elle était rien qu'à moi. Je ne l'en aimais que plus. Et son propriétaire avec. Et ce sentiment d'exclusivité me réchauffait un peu.

Et là, miracle, aurait crié Hermione : je souris. Pour la première fois depuis une semaine. Depuis ce weekend funeste. Chaleureusement. Comme pour communiquer un peu de l'émotion que j'avais ressenti à ce jeune homme en face de moi. Lui ne répondit pas. Mais je ne s'en souciais pas. J'avais vu une partie de son cœur. J'étais fier. Et je partis vers mon dortoir, un morceau de douceur dans le cœur.

ooo

Mai 1999 – South Bank, Londres, Angleterre

Autour de moi, des bâtiments dédiés à l'Art. Et sous moi, le trottoir. Gris. Gris comme mes pensées. Gris comme les yeux de l'homme sur la photo, dans le journal. Comment cet homme, si talentueux, pouvait ainsi ne pas être reconnu ? J'avais reconnu l'artiste en lui. Pourquoi les autres l'ignoraient-ils ? Je poussai un soupir. Je le savais, évidemment. Son passé. Ses parents. Il y avait là de quoi ruiner la réputation d'un honnête homme. Et sa fierté l'empêchait de se tourner vers le monde moldu.

De nouveau, je regardai le journal. L'homme ne souriait pas. Ses si beaux yeux regardaient le lecteur d'un air indifférent. Même ici, sur le papier, on ne pouvait voir de lui que l'image qu'il désirait montrer : il n'aimait que lui-même, et tous lui étaient inférieurs. Cette même attitude froide qu'avait son père avant lui, et qui le rappelait tellement au monde que celui-ci se trouvait conforté dans l'idée qu'il était comme lui. Au-dessus de cette photo, qu'on aurait pu croire moldue au regard de l'immobilité du sujet, s'étalait le titre : « Malfoy, artiste du crime. » Si on tournait quelques pages, comme je le faisais à cet instant, on tombait sur un article, dérivé des nombreux articles du même genre sorti depuis un peu moins d'un an, qui expliquaient en long, en large et en travers pourquoi cet homme aux yeux gris était peu recommandable, mauvais,méchant et vraiment très vilain. Ridicule.

Je savais, moi. Je savais que Malfoy avait du talent, même si personne ne voulait l'entendre. Je savais aussi que Malfoy n'était pas un tueur, et ne le serait jamais, comme aimait le laisser entendre les journaux. Impossible. Et je savais qu'il méritait d'être reconnu. C'était quelqu'un de bien. J'en avais la certitude.

Quelqu'un passa devant moi et me donna un coup d'épaule, sans faire attention. Mon journal m'échappa des mains. Je me baissai pour le rattraper, mais, au même moment, l'inconnu sembla vouloir faire la même chose. Une main manucurée se posa sur la mienne. Et deux yeux rencontrèrent les miens, comme je les levais pour voir l'autre. Deux yeux bruns. Hermione. Et ses deux bras m'enserrèrent instantanément le cou, beaucoup trop fort, comme pour m'étrangler.

« Harry ! Je me faisais du souci pour toi ! Ça faisait tellement longtemps que je ne t'avais pas vu. »

« Hermione. »

« Ça ne va pas ? »

« Si, si, bien sûr. Écoute, Hermione, je suis pressé, alors excuse-moi. On se voit un autre jour ? »

« Harry ! Avec le temps que j'ai mis à te retrouver, tu vas déjà me filer entre les doigts ? »

Je regardai mon amie plus attentivement. Elle n'avait pas changé. Les cheveux un peu plus longs, peut être. Depuis Noël.

« Tu me cherchais ? Tu me suivais, peut être, même ? »

Ses joues prirent de la couleur. Elle se savait fautive. Elle m'avait vraiment suivi. Espionné !

« Harry, c'est pour ton bien. Tu ne dois pas être livré à toi-même. »

« Mon bien ? Mon bien ? C'est pour mon bien que tu me files comme un bandit, que tu t'immisces dans ma vie privée, alors que tu n'en as aucun droit ? Aucun, tu m'entends ? Tu n'es plus rien pour moi, depuis longtemps ! Ne reviens jamais me voir ! JAMAIS ! »

J'en avais assez de tout ça. Je voyais le visage de la jeune fille se décomposer de plus en plus comme je hurlais ma rage. Je ne voulais plus rien avoir à faire avec elle et ses semblables. Plus jamais on ne me manipulerait, on ne se servirait de moi. Je ne serais pas l'objet de sa bonne action. Je ne l'aiderais pas à avoir bonne conscience. Qu'elle trouve quelqu'un d'autre.

« Pars. »

Juste un murmure. Destiné à elle seule. Les larmes roulaient sur les joues de Hermione, mais peu m'importait. Je voulais la paix. Celle que je cherchais depuis si longtemps. Depuis qu'on m'avait enlevé les notes que produisait un piano, sous les doigts de Malfoy. Depuis un an. L'image du jeune homme blond jouant de l'instrument, les yeux fermés, le visage serein, s'imposa à mon esprit. Quand elle partit, j'étais de nouveau seul. Hermione aussi était partie. Tant mieux.

J'avais besoin de me changer les idées, de bouger. Ce soir, je sortais. J'irais manger au restaurant, en tête à tête avec moi-même. Pour fêter ma paix. mes anciens amis ne reviendraient plus. Je le savais. Pas avant un long moment, en tout cas.

ooo

Mai 1999 – Le 41, Charlotte Street, Londres, Angleterre

Les marches du 41, luxueux restaurant sorcier de Londres, montaient devant moi, recouvertes d'un tapis rouge. Aux portes d'entrée, des majordomes en livrée attendaient pour accueillir les clients. Lorsque je fus arrivé en haut, le plus proche de moi se précipita.

« Ah, Monsieur Hobbes ! Quel plaisir de vous revoir ! Suivez-moi, je vous accompagne à votre table. »

J'étais un habitué de ce restaurant. Sans doute le seul. Pour les employés, j'étais M. Hobbes, un riche extravagant et solitaire, dans mon costume taillé sur mesure et mes cheveux retombant sur ma cicatrice. Pour le directeur, j'étais une source d'argent. J'étais par bonheur bien loin de l'image qu'ils avaient du réel Harry Potter. Et pour moi, cet endroit était l'occasion de bien manger, entouré de très peu de sorciers, en écoutant de la bonne musique. Pas aussi bonne que la musique de Malfoy, mais relativement bonne.

Je m'assis à ma table, dans un coin de la salle, avec une vue excellente sur la petite scène dans le fond. La présentation était irréprochable. Un serveur prit immédiatement ma commande, pour que je n'ai surtout pas à attendre. Et, rapidement, je me retrouvai avec un appétissant filet de canard à la groseille devant moi. Et une douce musique dans les oreilles. Un morceau de Bach.

Mon repas se déroulait calmement, et je m'ennuyais un peu, mais essayais tant bien que mal de me le cacher à moi-même, pour ne pas m'avouer que mon manque de relations sociales était un handicap pour mon moral. Je me concentrai toujours un peu plus sur la musique pour tromper mon ennui.

Et soudain, la salle de restaurant disparut, emportée dans un flot de notes joyeuses. Elle fut remplacée par une prairie verdoyante, baignée par un soleil que n'obscurcissait aucun nuage. Des fleurs tapissaient certaines parties du tableau. Un troupeau de biche s'abreuvaient au ruisseau qui coulait doucement vers une forêt à quelques centaines de mètres de là. Et, à côté de ce ruisseau, un pommier solitaire en fleur. Aussi solitaire que le jeune homme appuyé contre son tronc, les yeux fermés, une lyre dans les mains, grattant doucement les cordes. J'avais envie de virevolter, de danser, de rire tant la musique m'apportait de joie. Et soudain, deux grands yeux gris. Superbe. Et le silence.

Je revins peu à peu à l'instant présent. Et curieusement, ici aussi, il y avait deux grands yeux gris. Appartenant à Malfoy, qui me regardait avec un sourire moqueur. Et moi, je revivais. Malfoy et sa musique, tout ce qui faisait mon bonheur en ce bas monde.

« Alors, Potter, toujours là où je ne t'attends pas, hein ? Te voilà encore en extase devant mes talents incroyables. »

Quelle vantardise ! Il devait se prendre pour le meilleur. Et il l'était, j'en étais sûr.

« C'est vrai. Ta musique m'a vraiment manqué, Malfoy. »

Et voilà ! Je n'avais pas pu me retenir de lui dire ça. Bah, c'était sans importance. Je ne le reverrai sûrement pas de si tôt.

« Ma musique te plait ? »

Il avait l'air surpris. Il aurait pourtant dû s'en douter. Vu comme j'étais parti, autant continuer sur ma lancée.

« Bien sûr. J'adore ce que tu fais. C'est tellement beau. Ça me touche énormément. »

Il me regardait maintenant d'un drôle d'air. Il était de nouveau surpris, et aussi flatté, suspicieux, et incroyablement fier de lui-même. Et sa voix était un mélange de tout ça quand il m'a parlé à nouveau. Et un peu de douceur, aussi.

« Et si je t'invitais à boire un verre chez moi, Potter, ça te dirait ? Je pourrais te jouer un petit morceau rien que pour toi. »

Plutôt étrange. Malfoy me faisait des propositions. Ou plutôt, il tentait d'être amical. Ce n'était pas ce genre de proposition. Par contre, il me proposait de faire mon bonheur. Il me proposait sa présence, et la musique. C'était bon pour moi, ça.

« Potter, je vais pas coucher ici ! Et me fais pas l'affront de me refuser ça ! »

Il semblait y tenir, en plus. Comme si j'allais refuser une occasion pareille.

« Avec plaisir, Malfoy. »

Une lueur plutôt inquiétante de ruse et de triomphe passa dans son regard. Ce Malfoy était assez étrange. Qu'est-ce qu'il avait l'intention de faire ? Je ne comprenais plus rien. Il m'avait juste invité chez lui, en ancien camarade de classe, et voilà qu'il en avait l'air incroyablement satisfait.

Il me tendit la main.

« Pour transplaner chez moi, » précisa-t-il, voyant mon regard soupçonneux.

Je sortis deux Gallions de ma poche pour les laisser sur la table et saisit la main fine et blanche que me tendait Malfoy. Une main qui jouait du piano divinement. Que je l'aimais, cette main, pour faire mon bonheur de façon si parfaite.

« Potter, t'as l'intention de me la rendre, cette fichue main ? »

Je regardai autour de moi. Un salon, dans un appartement. Deux canapés rouges au milieu d'une pièce blanche. Et une table basse en verre. Un peu trop lumineux pour moi. Je n'avais pas senti le transplanage. Et je n'avais toujours pas lâché la main de Malfoy. Oups. Je le fis précipitamment, m'attirant un nouveau regard moqueur.

« Assieds-toi, » m'enjoignit-il. « Qu'est-ce que tu veux boire ? »

« Un Sang de Vampire ? » je demandai, dans l'espoir qu'il en ait.

« Merveilleux ! Je vais te chercher ça ! »

Il sortit rapidement du salon, et je m'assis sur un canapé. De plus en plus étrange. Résumons cette soirée. Je raye Hermione et tous mes amis de ma liste de connaissances. Je vais fêter ma paix au restaurant. Là, je tombe en transe en entendant la musique de Malfoy. Il me voit et vient me voir à ma table. Il m'invite chez lui et me propose de boire un verre. Et je suis maintenant assis sur un canapé, dans son salon, en train de l'attendre pour faire la conversation. Complètement fou !

J'observai la pièce autour de moi. À part les deux canapés, par d'autres meubles. Seulement des murs blancs, et des photos de Malfoy dans des cadres de couleur rouge. Égocentrique ! Mais c'était comme ça que je l'aimais.

Malfoy revint avec deux verres de Sang de Vampire, qu'il posa sur la table basse. Puis, il s'assit. Pas en face de moi, comme je m'y attendais. Ni de l'autre côté de mon canapé, comme le supposait le niveau de nos relations. Non, juste à côté de moi, sa cuisse contre ma cuisse. Et il parla d'une voix grave. Envoûtante.

« Alors, Harry, qu'est-ce que tu deviens depuis Poudlard ? »

J'étais assez troublé, je dois l'avouer. La proximité, la voix, tout ça émoustillait mes sens. Ainsi que le Sang de Vampire, dans lequel j'avais commencé à tremper mes lèvres. Et mon prénom ! Alors, comme ça, on passait à la familiarité ? À vrai dire, je ne savais pas si ma vie l'intéressait vraiment, mais puisqu'il me l'avait demandé, il n'allait pas être déçu.

« Je viens en reclus dans un quartier chic de Londres, en évitant le plus possible mes anciens amis. Et toi, Draco, que fais-tu ? »

Et voilà, j'avais encore réussi à le surprendre. Et j'étais sûr d'en connaître la raison. Je ne me trompais pas, d'ailleurs.

« Toi, Saint Potter, vivant en reclus chez les riches ? Loin de la clique Weasley, de Miss Je-Sais-Tout, de ... de tout le monde ? Même de Madame Potter ? »

C'était à mon tour d'être surpris. Choqué, même. Madame Potter ?

« Madame Potter ? »

Je venais de penser tout haut. Mais je voulais savoir.

« Weasley fille, Harry, ne fais pas ton ignorant. »

Il avait l'air plutôt sérieux. J'allais vraiment le décevoir.

« Draco, je suis désolé, mais tu connais mal ton héros, » je lui annonçai avec un regard supérieur qui le fit rire. « Je suis gay. »

Sans voix. Il était sans voix. Je lui tapotai la joue, l'empêchant de sombrer dans l'inconscience, et savourant le contact avec sa peau au passage.

« Ça va, n'en rajoute pas, je ne vais pas m'évanouir, c'est juste ... soudain. »

J'eus un sourire.

« Je ne te demande pas ce que tu deviens, toi, je l'apprends tous les jours dans les journaux. »

Façon pas très habile de détourner la conversation, mais il y prit. Il poussa un long soupir.

« Écoute, je ne sais pas si j'ai envie de parler de ça. C'est tellement injuste, ce qu'ils osent me faire ! Ils ne comprennent pas ! La musique, c'est ma vie ! »

Son air désespéré lui donnait, au contraire de ce qu'il affirmait, l'air d'avoir envie de se confier. Et il devait vouloir se confier à moi, car, comme pour se rassurer sur ma présence, il posa une main légère sur ma cuisse. Mais, la suite démentit ce que je pensais.

« Ne parlons pas de moi, Harry, parlons de toi. Tu m'as intrigué. Quelqu'un dans ta vie ? »

Je soupirai à mon tour.

« Non. »

Je ne pouvais pas lui dire qu'il était la personne dans ma vie. Il enleva sa main de ma cuisse. Déjà ? Pour prendre mes mains dans les deux siennes à la place. Finalement, je ne me plaindrai pas.

« Moi, j'ai quelqu'un dans ma vie. »

La douleur était forte. Mais rien d'insurmontable. Rien qui me surprenne. Je détournai le regard.

« Regarde moi, Harry. »

Presque une supplique. D'une petite voix tremblante. Je m'exécutai.

« C'est toi. Tu es dans ma vie, depuis ce jour où tu es venu à la Salle de Musique. Ou plutôt, j'aimerais que tu rentres activement dans ma vie. »

Comme une lueur d'angoisse dans ses yeux gris. D'appréhension. D'attente. Il était merveilleusement adorable avec cette expression. De plus, il venait de me faire une déclaration dans les formes. J'étais un peu soupçonneux. Mon ennemi de toujours venait de me faire part de son coup de foudre. Mais j'avais envie de le croire. Vraiment envie. Et je le fis. Je le cru, jusqu'au bout.

« Je comprend que tu ne veuilles pas de moi, je ne suis que Malfoy, après tout. »

Il poussa un soupir assez énorme. Qui avait l'air exagéré, mais il ne l'était pas, puisque Malfoy était sincère.

« Non, Draco, tu n'es pas que Malfoy. Tu es beaucoup de choses, pour moi. Depuis pas mal de temps. Tu es mon obsession. »

Une lueur de soulagement à la place de celle d'angoisse. De fierté, aussi. Il me serra les mains un peu plus fort.

« Tu veux essayer de faire partie de ma vie ? »

Il dit ça d'une toute petite voix timide. J'eus un sourire tendre et charmé. J'aurais été bien incapable de lui résister. Étrange comme j'avais réussi à éliminer Hermione, et comme j'étais incapable de dire non à Draco. Pas que j'en ai vraiment envie, de toute façon.

Et maintenant ? Pouvait-on considérer que nous étions en couple ? Si vite ? Sans même qu'on ai parlé d'autre chose ? Il semblait vouloir m'apporter une réponse immédiatement. Je sentis ses lèvres sur les miennes, douces et délicates, et sa langue sur la mienne, tendre. Apparemment, nous étions en couple. Un peu rapide, quand même. Mais je n'arrivais pas à le repousser.

Ce soir-là, je rentrai chez moi avec le cœur léger et la certitude de ne pas être seul le lendemain, malgré mon absence d'amis. J'avais quelqu'un dans ma vie.

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Juin 1999 – Terrasse de Florian Fortarôme, Chemin de Traverse, Londres, Angleterre

« Est-ce qu'il y a une chose pour laquelle tu n'es pas le meilleur ? »

J'étais réellement curieux de savoir ce qu'il allait me répondre, ce prétentieux.

« Bien sûr ! Pour le Quidditch, et le vol en général. C'est toi le meilleur. »

Je rougis. C'était étrange de l'entendre me faire un compliment. Malgré les trois semaines que nous avions passé ensemble. Le temps ne nous manquait pas. J'étais sans emploi, parce que rien ne me tentait, et lui était au chômage parce que personne ne voulait de lui.

Nous étions devant une unique coupe de glace. J'étais sur les genoux de Draco, et il me glissait de temps en temps la cuillère dans la bouche. Glace à la vanille. Ma préférée. Et au citron. Sa préférée.

Il était tout le temps adorable avec moi. Attentionné, drôle, charmeur, avec beaucoup de conversation. Jamais ennuyeux, ou trop pressant. Je suis vraiment tombé amoureux de lui à cette époque. Puis, chaque jour un peu plus. En fait, je croyais l'aimer à Poudlard, mais je me suis rapidement rendu compte que ce n'était qu'une attirance. Alors que ce qui est né pendant ces quelques semaines incroyables était ... incomparable.

Quand j'eus fini de rougir, il m'embrassa sur le nez. Un bruit d'étouffement nous parvint depuis la petite mamie de la table d'à côté. Tournant la tête comme un seul homme, nous avons constaté qu'elle nous regardait avec des yeux ronds, et que la crêpe qu'elle mangeait un peu plus tôt avait été recrachée sur la table. Nous échangeâmes un regard, puis éclatâmes de rire, tandis que la pauvre vieille partait loin de nous le plus vite possible. C'était la première fois que nous sortions vraiment en public chez les sorciers. Nous ne savions pas à quel genre de réaction nous attendre. Et nous n'étions pas déçus.

Quand nous eûmes fini de rire, Draco me fit lever, et me réinstalla à califourchon sur ses genoux, face à lui, cette fois. Il avait un air sérieux qui me fit frémir. Mon regard se fit désespéré. Il allait m'annoncer que c'était fini. C'est pour ça qu'il avait décidé de me faire faire une dernière sortie, une sortie merveilleuse – comme toutes les autres. Il eut l'air étonné.

« Harry, amour, ça ne va pas ? Pourquoi es-tu si triste, soudain ? »

Comme s'il l'ignorait. Il allait me larguer. Son sérieux ne pouvait vouloir dire que ça. Des larmes emplissaient mes yeux. De plus en plus nombreuses. Je m'accrochai à son cou et le serrai fort contre moi, sans l'étouffer, toutefois.

« Draco, ne me laisse pas. S'il te plait, ne me laisse pas. Je n'ai plus de vie sans toi. »

Il était de plus en plus étonné.

« Enfin, je n'ai pas plus envie de te laisser que de perdre mes mains. »

Cette déclaration était tout ce qu'il y a de plus sérieux. Draco était un amoureux de ses mains. D'ailleurs, pas de mains, pas de piano. Perdre ses mains revenait à ne plus vivre, pour lui. J'étais touché. Vraiment. Je m'écartai de lui et le regardai dans ses yeux. Gris.

« Tu ne vas pas me larguer ? »

« Mais non, voyons ! Comment peux-tu imaginer une chose pareille ? »

« Eh bien, tout ça est tellement incroyable, il faut bien que ça se termine un jour. »

Une ombre passa dans son regard.

« Tu ne veux plus de moi ? »

« Je ne veux pas plus te quitter que je ne veux que tu perdes tes mains. »

Une petite tentative désespérée de faire de l'humour. Qui prit. Il me sourit tendrement.

« J'allai en fait te proposer de venir habiter chez moi. »

Sa proposition me prit de court. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Plutôt à quelque chose d'affreux. Lui aussi, semblait s'attendre à quelque chose d'affreux. J'aimais tellement le voir ... si tendu, sachant que sa délivrance ne tenait qu'à moi. Comme si j'avais un petit pouvoir sur lui. Comme s'il tenait à moi. Mais je n'avais pas envie de le faire attendre, angoisser.

« Oui, j'adorerais ça ! Mais tu n'as pas peur que je dérange ton ordre, que je change ton train de vie ? »

« Mon train de vie ? Tu as vu celui que je mène depuis qu'on s'est revu ? Je suis constamment collé à quelqu'un à qui je tiens beaucoup, et qui a intérêt à venir vivre chez moi ! »

« Tu te fais bien exigeant, » je commentai, faussement outré.

Il embrassa brièvement mes lèvres, et me lança un regard suppliant. Le regard. Celui qui me faisait plier à chaque fois. Pas que j'eus vraiment envie de lui résister, mais j'aimais le taquiner.

« Bien sûr, mon ange. Ce serait vraiment génial. »

Nous transplanâmes directement chez moi, où je fis un rapide baluchon de mes peu nombreuses affaires. Je vendrai les meubles, ils m'étaient indifférent, et prendraient trop de place chez Draco. Ou plutôt, chez nous. Voilà un lieu qui me plait. Chez nous. Pas chez moi. Pas chez lui. Pas chez quelqu'un, ni chez n'importe qui. Chez nous.

Il m'amena dans sa chambre, agrandit légèrement son armoire, doubla son lit, rajouta une tasse dans le placard à vaisselle. Je rangeai soigneusement mes affaires dans l'armoire, et déposai affectueusement ma brosse à dent dans le même verre que la sienne. Dans notre appartement.

Ce soir-là, il me fit l'amour comme jamais il ne l'avait fait avant. Dans notre lit.

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Juin 1999 – Cuisine de l'appartement de Draco, Londres, Angleterre

C'est les odeurs mélangées de pain grillé et de café qui durent guider Draco jusqu'à la cuisine ce matin-là. D'habitude, il se réveillait sans doute doucement, avec aucune autre odeur que celle de sa maison. Sauf que, ce matin-là, tout devait être parfait pour notre premier matin chez nous. Je m'étais levé plus tôt. J'avais fait le café. J'avais grillé le pain. J'avais préparé la table. Mais je n'avais pas amené le petit déjeuner au lit. Je savais que Draco n'aimait pas ça.

Il s'affala sur une chaise, devant sa tasse de café, et je lui déposai un petit bisou sur la joue. Il n'était pas non plus soupe de langue dès le matin. Moi si. Mais si lui ne voulait pas, on ne le ferait pas.

Pendant qu'il se réveillait un peu, je saisis le journal, qu'avait apporté une chouette un peu plus tôt, et je le dépliai. En première page, pour ne pas changer, une photo de Draco. Je laissai échapper un hoquet. Il n'était pas seul. J'étais là, sur ses genoux, à califourchon, face à lui. Il me déposai un petit bisou sur le nez. Cette scène était horriblement craquante. Et intime. Dans un journal ! Quels sans-gênes !

« Tu as vu, tu es dans le journal. »

Le ton était dégagé. Pas besoin de lui faire peur.

« Hmm ? Comme d'hab', » marmonna-t-il.

Il le prit quand même, pour voir quels imbécilités ils racontaient sur son compte cette fois. Un petit sourire fleurit sur ses lèvres quand il vit la photo. Pas du tout la réaction que j'attendais.

« Tiens, c'est nous. »

Encore ce 'nous'. Que je l'aimais !

« Il y a un article sur notre couple dans le journal. »

Il avait l'air un peu étonné. Pourtant, nous ne passions pas aperçu, d'habitude. Mais il avait dit 'notre couple'. C'est la seule chose que je remarquai à cet instant. J'eus un sourire niais.

« Viens voir par ici, au lieu de sourire aux murs. »

Il n'avait pas tort. Autant aller avec lui. Je m'assis sur ses genoux, face au journal, pour que nous puissions lire ensemble. Nous étions en deuxième page. 'Politique'. Tu parles !

« Harry Potter, Sauveur du monde Sorcier, convertit le grand pianiste Draco Malfoy. »

« Tiens, je suis devenu un grand pianiste, » fit remarquer le Draco en question.

Son ton était amer. Je le comprend. Il n'était reconnu que grâce à sa relation avec moi, pas grâce à sa musique.

Sous le titre, annonciateur du ton de l'article, suivait un article expliquant comme j'avais transformé Draco, le vilain, vilain Mangemort, en adorable petit ami. Tout un tissu de niaiseries et d'absurdités, rappelant nos histoires respectives et notre histoire commune.

« Je suis désolé. »

Je l'étais vraiment. Je n'avais pas prévu ça. Mais quand je tournai les yeux vers lui, Draco me souriait et son expression amère l'avait quitté. Il n'avait pas l'air si fâché, finalement.

« Ce n'est rien, mon cœur. »

J'adorai qu'il me donne des petits surnoms. Il était tellement tendre quand nous étions ensemble.

« Je suis avec toi, rien ne peut me faire oublier ça. Rien ne peut ternir mon humeur aujourd'hui. »

Ça ressemblait un peu à une déclaration. J'étais terriblement fier d'avoir réussi à capturer l'attention d'un tel homme et à le garder pour moi. Il tourna ses yeux vers la table, et je suivis son regard. Un courrier pour moi, que j'avais lu avant de déjeuner et que j'avais laissé là un instant plus tôt, était posé au milieu.

« Qu'est-ce que c'est, mon ange ? »

« Une invitation. »

Mon ton était mortifié. Mais je crois qu'il ne remarqua pas. Il se tendit.

« Qui t'invite ? » interrogea-t-il d'un ton féroce en serrant un ses bras autour de ma taille.

« Le Ministre de la Magie, » je l'informai platement.

C'était une des centaines d'invitations que j'avais reçu depuis que j'avais exterminé Voldemort. Mais je n'étais allé à aucune réception, malgré l'insistance de mes amis de l'époque. Je trouvais tellement pénible d'être célèbre, ce n'était pas pour aller me fourrer en plus dans une soirée entièrement surveillée par une armée de paparazzi. Qui prendraient un malin plaisir à me prendre le plus possible en photo, parce que j'avais tué un homme. Morbide.

Mais le regard brillant de Draco alluma une alarme dans mon esprit. Puis, il parla.

« Tu veux que je te prête mon hibou, pour répondre ? »

Je l'avais mit au courant de la mort d'Hedwige. Vengée depuis longtemps.

« Non, merci. Je ne réponds jamais. Ça laisse aux gens le bénéfice du doute. Ils peuvent encore espérer que la fois prochaine, je viendrai. »

« Tu n'iras pas ? »

Une deuxième alarme se déclencha au ton employé par Draco. Visiblement, il n'était pas d'accord avec moi.

« Jamais. J'aimerais qu'on oublie un peu le célèbre Harry Potter. Je préfèrerais te consacrer tout mon temps. »

Ma naïveté n'avait d'égale que ma bêtise. Enfin, ce n'est pas comme si je croyais vraiment m'en sortir grâce à une si mauvaise tentative de détourner son attention.

« Je n'ai jamais assisté à une réception du côté des gentils. S'il te plait, accepte, pour me faire plaisir. »

Visiblement, il semblait au courant du fait que je ne le laisserai jamais derrière. Et il me faisait des yeux larmoyants. Le gris était noyé derrière une marre de perles salées. Pas question ! Il n'allait pas m'attendrir comme ça. Je n'irai pas à cette soirée.

« Bien, si tu veux. Nous irons à cette soirée. Mais c'est bien parce que tu me le demandes. Et c'est la dernière fois. »

Après tout, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. J'essayais surtout de me persuader que je pouvais encore lui résister, si je le voulais.

Draco se leva de sa chaise précipitamment et se dirigea vers la salle de bain, me traînant à sa suite. Nous passâmes un temps considérable à nous laver, mon ange ne nous trouvant jamais assez propres. Puis, il me tira dans la chambre et entreprit de nous trouver des habits approprié. Ce qui lui prit la journée. Nous ne cessions de nous habiller et nous déshabiller, la chemise étant un peu trop sombre, ou un peu trop claire. Ou un peu trop courte. Et le pantalon n'était pas assez solennel, ou trop strict. Épuisant.

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Juin 1999 – Salle de Réception, Ministère de la Magie, Londres, Angleterre

« Harry Potter et son petit ami, Draco Malfoy ! » s'exclama le Premier Ministre en nous voyant entrer dans la Salle de Réception.

« Bonsoir, Monsieur le Ministre, » je répondis.

« Allons, Harry, pas de distance entre nous ! Appelle-moi Neville, comme au bon vieux temps. »

« Pas si vieux, et pas si bon, ce temps, » je pensai de toutes mes forces.

« Bien sûr, Neville. C'est génial de constater ta réussite. »

Je crispai un peu ma main dans celle de Draco, qui la caressa doucement de son pouce pour me détendre.

Peine perdue. Neville reprit la parole.

« C'est tellement sympathique que tu aies enfin répondu à mon invitation. Je te laisse t'amuser, je vais accueillir les autres invités. »

Le Premier Ministre s'éloigna, me laissant seul avec Draco. Nous étions les premiers. Mon ange avait absolument tenu à partir en avance pour ne pas que nous soyons en retard.

« Je n'aurais jamais cru voir Londubat, Premier Ministre, » commenta-t-il. « J'ai mis un certain temps pour m'habituer à l'idée. »

« Et moi donc ! » je répliquai.

Un serveur adorable s'approcha et nous demanda ce que nous prendrions. Il me regardait dans les yeux et n'accordait pas un regard à l'homme à côté de moi.

« Sang de Vampire. Et toi, Draco ? »

« Et moi, je le mords, s'il continue à te regarder comme ça. »

Surpris, je me tournai vers lui. La jalousie inscrite sur son visage était inhabituelle et me réjouissait. J'aimais penser qu'il tenait à moi. Je l'embrassai légèrement sur les lèvres.

« Enfin, Draco, tu ne peux pas tuer tous les gens qui me regarde. Contente-toi de dire à ce charmant jeune homme ce que tu veux. »

Il n'y avait pas de mal à le taquiner un peu. Il tourna vers moi un regard blessé. Comme si je l'avais frappé. J'eus une boule de culpabilité dans l'estomac.

« Mon ange, je plaisante. Tu es bien plus charmant que n'importe qui d'autre. Ce serveur est tout à fait inoffensif, crois moi. »

Son regard ne laissa plus passer que le triomphe. Il se tourna vers le serveur, qui attendait, une lueur de déception dans les yeux.

« Je prendrai la même chose que mon petit ami. Nous sommes tellement pareils, vous comprenez. »

J'étais clairement amusé. Son petit jeu était adorable. J'avais envie de le serrer contre moi. J'eus à peine le temps de me faire cette réflexion que deux bras chauds se refermaient autour de moi. Je poussai un soupir de satisfaction. Exactement ce que je voulais. Mais les bras me quittèrent rapidement. Draco me regarda dans les yeux, avec un petit regard suppliant.

« Mon cœur, il faut que j'aille parler à quelqu'un que je viens de voir entrer. Tu me permets ? »

Je ris. Il prenait bien des formes pour me dire qu'il s'absentait cinq minutes.

« Bien sûr. »

Je m'éloignai et allai m'asseoir sur une des chaises bordant la piste de danse. Une petite valse joyeuse résonnait dans la pièce. Je comprenais parfaitement que Draco ait besoin de parler à quelqu'un sans que je ne l'entende.

Curieux, je me tournai néanmoins vers le coin de la pièce où il avait traîné la personne en question. Il était debout et parlait avec animation, agitant les bras avec conviction. J'eus un sourire attendri. Qui s'évanouit quand je portai mon regard sur son interlocuteur. Ginny Weasley, ni plus, ni moins. Depuis quand Draco avait-il des relations avec elle ? Et depuis quand cette garce avait-elle des secrets à lui dire, loin de mes oreilles ? Moi, son petit ami. Et elle le regardait avec de tels yeux de merlan frit que ça en devenait risible. Pourtant, je ne ris pas.

Le cœur lourd, je me tournai vers la piste de danse. Devant moi se tenait, silencieux, le serveur. Il tenait dans ses mains deux verres de boisson écarlate. Sang de Vampire.

« Vous aimez le Sang de Vampire ? » je lui demandai.

Il acquiesça, intrigué.

« Asseyez-vous avec moi, et buvez donc un verre. Je m'ennuie. »

De nouveau, il acquiesça. Il me tendit mon verre et s'assit à côté de moi. J'étais assez bouleversé pour ne pas penser à la conséquence de mes actes.

« Monsieur Malfoy n'est plus avec vous ? »

Le jeune homme avait l'air assez inquiet. Assez drôle.

« Non, il est en grande conversation avec une de ses amies. Comment vous appelez-vous ? »

« Simon. »

Il avait une toute petite voix timide. Adorable. Je bus mon verre d'un seul trait. La chaleur monta en moi.

« Sais-tu danser, Simon ? »

Un tango. Parfait, je me débrouillais vraiment bien en tango. Mon voisin eut un léger hochement de tête. Je le tirai vers la piste, lui laissant à peine le temps de boire son verre et de le poser sur une chaise.

Il n'y avait pas grand monde sur la piste de danse. Nous nous lançâmes donc rapidement dans un tango endiablé et sulfureux. L'alcool me tournait la tête, comme la musique. Tout allait de plus en plus vite. Mais soudain, la musique s'arrêta.

Autour de moi régnait le froid. Un paysage de glace. Partout, de l'eau gelée, transparente. Et dans l'air, une musique infiniment triste et douce. J'étais paralysé et j'avais envie de pleurer. Sous la glace, des animaux étaient prisonniers. Morts. Une rivière gelée tentait de se libérer pour couler dans son lit. Impossible. Un arbre recouvert de glace se dressait dans un méandre de la rivière. Mort depuis longtemps. Et le garçon à la lyre était gelé, lui aussi. Les yeux fermés, je voyais qu'il tentait de bouger les doigts pour gratter les cordes. Je voulais lui venir en aide. Les larmes coulaient maintenant librement sur mes joues. Mais il ouvrit brusquement les yeux. Gris.

Deux bras chauds me portaient. Je percevais une odeur familière. Draco ! J'avais le cœur lourd. J'ouvris les yeux, et tombai de nouveau dans du gris. Visiblement en colère. Il était assis sur une chaise, moi sur ses genoux, dans ses bras.

« Qu'est-ce qui t'as pris ? » murmura-t-il à mon oreille, furieux.

« Hein ? »

Je ne comprenais pas de quoi il m'accusait.

« Tu danses avec un parfait inconnu qui te lorgnait une demi-heure plus tôt. Tu m'oublies si facilement ? »

Je tremblai. Je n'arrivai pas à croire qu'il pouvait penser ça de moi !

« Musique ? C'était ... toi ? »

Je devais savoir.

« Oui. »

Toujours un murmure. L'émotion sentie dans la musique menaçait de me submerger de nouveau.

« Je t'aime, » Je chuchotai avant de sombrer dans l'inconscience.

ooo

Juin 1999 – Chambre de l'appartement de Draco, Londres, Angleterre

Je repris doucement conscience. La douceur de la soie contre mon corps nu. La chaleur et la douceur, aussi, d'une peau contre la mienne. Mes cheveux éparpillés sur l'oreiller. Pas un bruit dans la pièce. Juste une respiration parfaitement régulière, mais néanmoins celle de quelqu'un de réveillé. Draco.

J'ouvris brusquement les yeux. Il faisait pleinement jour. Je mis un certain temps avant d'arriver à voir quoi que ce soit. Puis je le vis. Les bras autour de mon torse, me tenant contre lui. Ses grands yeux gris me regardant attentivement. Me sondant. Et un sourire éblouissant. Bien plus que la lumière matinale. Il me déposa un léger baiser sur les lèvres.

« On est déjà le matin ? » je lui demandai d'une voix pâteuse.

Que s'était-il passé ?

« Oui. Tu as eu un malaise à la réception, hier. Je t'ai ramené chez nous. Le médicomage que j'ai appelé a dit que tu avais eu une émotion trop forte, et il m'a conseillé de te laisser te reposer un peu. »

Une émotion trop forte ? Sûrement la vision de Weasley fille bavant sur mon Draco, combinée au paysage de cauchemar de la musique. La première fois que le garçon ne parvenait même pas à jouer. Je n'avais jamais parlé à Draco de ce que je voyais dans sa musique. Il se moquerait sûrement. Il n'arrivait déjà pas à comprendre la semi-transe dans laquelle je tombais quand il jouait.

« Tu te sens mieux ? »

Il avait l'air tellement inquiet. Je lui fis un petit bisou sur le nez.

« Oui, je vais beaucoup mieux. Merci beaucoup, mon ange, de t'être occupé de moi. »

Il se leva, me privant de sa chaleur. Je frissonnai, et me levai à mon tour, tant bien que mal. Il entra dans la cuisine et commença à mettre la table. La tête me tournait. Je m'assis sur une chaise. Sur la table, il y avait déjà le journal. Je le saisis et le dépliai. En première page, une photo de moi, hier soir. Évanoui dans les bras de Draco. La princesse défaillante dans les bras de son Prince Charmant. C'est aussi ce que semblaient penser les journalistes. « Le Prince Malfoy ramène sa Princesse évanouie chez eux. » Je grognai. Quel désastre !

Et que les nouvelles allaient vite ! Ils étaient déjà au courant de mon lieu de résidence. Je ne voulais même pas lire l'article.

« Ah ! Tu as vu, ils parlent de nous. »

Comment pouvait-il dire ça avec un rire dans la voix ? Ce genre d'articles me rendaient malades. Ma vie étalée dans un journal. Ma pire phobie, sans doute. Ou plutôt, non. Ma pire phobie aurait été que Draco me quitte.

Ce dernier me prit le journal des mains et l'ouvrit à notre page.

« Écoute ça : « Draco Malfoy, petit ami de Harry Potter, est sans doute ce qui est arrivé de meilleur à notre Survivant. Malgré la mauvaise réputation de cet aristocrate, fils de Mangemort, il est incroyablement attentionné, et on peut être sûr qu'avec quelqu'un comme ça à ses côtés, Harry Potter ne peut que s'épanouir. » C'est merveilleux ! On me reconnaît enfin à ma juste valeur. »

Quel petit prétentieux ! Je pouffai. Il était irrésistible quand il se prenait pour le maître du monde. Ça me donnait encore plus de mérite d'avoir réussi à dompter un être si imbu de lui-même. Finalement, ce n'était pas si terrible d'être dans le journal, si ça pouvait redonner une réputation correcte à Draco.

« Bien sûr, mon ange, tu es le meilleur. »

« Je sais. »

Toujours modeste.

« Tu n'es pas le seul à l'avoir reconnu. Le directeur d'un opéra m'a sauté dessus hier. Il ne peut plus se passer de moi. Si je ne viens pas donner un concert dans les jours qui suivent dans son opéra, il se considèrera comme le plus mauvais directeur. C'est d'un dramatique ! Mais il semble y tenir, donc je lui ferai bien cette faveur. »

Et voilà, quand il parlait de son propre succès, on ne pouvait plus l'arrêter. Mais c'était tellement génial. Quelqu'un voulait qu'il joue sa musique ! J'étais tellement heureux pour lui. Il allait avoir un public ! Un public qui aimerait et écouterait sa musique. Sa musique ne serait plus que pour moi. Elle ne me serait plus réservée ... Un vrai désastre. J'aimais avoir l'exclusivité. Mais si ça lui faisait plaisir, après tout.

« C'est super, mon ange. Et à quand est fixée la première représentation ? »

J'espérais qu'il me laisserait un peu de temps pour me faire à l'idée.

« Demain ! Je l'ai joint par Cheminette tôt ce matin. »

« C'est vraiment génial. »

Tout à son bonheur, il n'avait pas remarqué mon ton morose. Heureusement ! Je ne devais surtout pas lui gâcher son plaisir.

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Juin 1999 – Chambre de l'appartement de Draco, Londres, Angleterre

Le lendemain matin, je me réveillai tôt. Je regardai l'horloge. Huit heures. J'avais froid. Je me serrai un peu plus contre Draco. Ou plutôt, contre rien. Où était Draco ? Pas sous la douche, parce que l'eau ne coulait pas. Pas non plus en train de petit-déjeuner dans la cuisine, parce que ça ne sentait pas le café et le pain grillé. Peut-être en train de lire dans le salon. Mais pourquoi ne m'avait-il pas attendu ?

Je me levai en grelottant et enfilai une robe de chambre. Je me dirigeai lentement vers le salon. Personne. J'ouvris brusquement la porte de la douche. Personne. J'entrai dans la cuisine. Personne. J'étais perdu. Les seules présences dans cet appartement étaient moi, et sur la table de la cuisine, une tasse de café sale et un mot.

Harry, ne t'inquiète pas. Je suis parti à l'opéra pour la journée. Je t'ai laissé un billet pour ce soir.

Bonne journée.

Distance. Froid. Je n'arrivais pas à croire qu'il m'ait laissé un mot si succinct. Comme ça, un matin, alors que j'avais prévu de passer encore une magnifique journée à ses côtés, avant que sa musique ne soit dévoilée au public. J'aurais voulu le faire jouer une dernière fois pour moi. Et ce sale Malfoy partait, en laissant un minuscule mot et un billet, me laissant seul !

Un billet ! Je n'irai pas ! Je ne lui ferai pas ce plaisir. Je lui ferai l'affront de ne pas venir à son tout premier vrai concert. Je lui montrerai ainsi que quelque chose ne va pas. Il n'allait quand même pas me mener par le bout du nez. Au doigt et à l'œil ! À la baguette ! Quoique la baguette pouvait être plutôt intéressante ...

Ma décision était prise. Je n'irai pas voir Draco à son concert ce soir-là.

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Juin 1999 – Opéra Albus Dumbledore, Londres, Angleterre

Il n'y avait décidément que les imbéciles qui ne changeaient pas d'avis. C'est vrai, je ne pouvais pas abandonner Draco pour son premier concert. Mais je n'irai pas au prochain. Je refusais de me laisser avoir comme ça à chaque fois.

J'étais assis dans la première rangée, avec toutes les célébrités du coin. Je ne sais pas si j'y suis parce que je suis le petit ami de Draco, ou si c'est parce que je suis Harry Potter. Et, pour tout dire, je préfère ne pas le savoir ! Il y avait le Ministre et sa femme, Lavande Brown. Il y avait deux ou trois acteurs qui voulaient se faire voir, quelques chanteurs quelconques qui ne devaient pas savoir quoi faire ce soir, tous accompagnés de leur pimbêche pulpeuse. Je n'arrivais pas à croire que ça lui fasse plaisir de jouer devant un tel public.

Le rouge dominait, dans la salle. Je trouvais déjà l'ambiance sinistre ... Les fauteuils étaient en velours rouge, les murs recouverts d'une tapisserie rouge; le sol, de moquette rouge, et les rideaux qui empêchaient de voir la scène étaient rouges également. J'étais ici depuis une demi-heure et je m'ennuyais. Juste à côté de moi, il y avait une de ces pimbêches. Mais elle ne semblait malheureusement accompagner personne, et me reluquait depuis mon arrivée. J'étais pressé que tout ça soit fini.

Soudain, les bougies de la salle se soufflèrent d'elles-même, et les rideaux s'écartèrent, dévoilant une scène éclairée. En son centre, une piano blanc, brillant. Devant, un jeune homme blond, habillé d'un costume blanc, respirant la confiance, envoûtant. La jeune pimbêche à ma droite me lâcha enfin des yeux pour baver sur mon petit ami. Je n'étais pas vraiment soulagé.

Puis plus rien de tout cela ne m'importa plus. J'étais ailleurs. Devant un magnifique coucher de soleil. Assis sur une plage de sable fin. Une douce musique, se mêlant délicatement au bruit des vagues, se répandait dans l'air du soir. Lentement, je me levai et commençai à marcher, les pieds dans l'eau, le long de la plage, mes chaussures à la main. Soudain, au milieu de la plage, je distinguai un saule pleureur. Quelque chose dans mon esprit me dit que ça aurait dû me paraître étrange, mais je ne comprenais pas pourquoi. Au pied de l'arbre était assis un garçon, adossé au tronc. Un garçon qui me paru vaguement familier. Il tenait dans ses mains une petite lyre, et grattait doucement les cordes. Comme les vagues, la musique reculait doucement. La mer descendait. Et soudain, le silence. Et deux grands yeux gris, dans lesquels je tombai, comme dans un puits sans fond.

Autour de moi, des applaudissements. La salle en était remplie. Ils emplissaient l'air, en hommage à la musique de Draco. Musique merveilleuse. Lui ne regardait pas l'auditoire. Il me regardait, moi. Il me souriait, à moi. Il semblait fier que je sois venu, fier de m'avoir encore plongé dans un état second, bien qu'il ne sache toujours pas ce que je voyais dans ces moments-là.

Toute la soirée se déroula comme ça. Des transes de bonheurs dues à la musique, puis des applaudissements, le regard de Draco sur moi, et la musique de nouveau. Plein de paysages. Des paysages familiers, des paysages nouveaux. Toutes sortes de paysages. Des paysages tristes, mais aussi des joyeux. Toute la soirée, je ris, je pleurai, j'éprouvai l'envie de danser, ou bien de me cacher sous mon fauteuil. Et par dessus tout, l'envie de tuer tout ce public, cette pimbêche qui bavait sur mon Draco, ces nuls qui ne connaissaient rien à la musique et se contentaient d'applaudir poliment. J'espérai que mon ange trouverait un public de connaisseurs pour sa prochaine fois.

A la fin, je me levai à regret et sortis à la suite des autres, me dirigeant lentement vers la grande porte de l'opéra. Je fus rattrapé par une furie blonde qui ne me laissa même pas le temps de le féliciter. Il se jeta sur mes lèvres et m'embrassa comme un affamé. J'eus un sourire. Moi aussi, j'étais affamé de lui. Il ne me dit pas un mot, ce jour-là. Il transplana directement dans notre chambre, et me fis l'amour sauvagement.

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Juin, Juillet, Août, Septembre, Octobre 1999 – Londres, Angleterre

Cinq mois s'écoulèrent ainsi. Je voyais à peine Draco la semaine, jours pendant lesquels il répétait ses concerts, ou composait sa musique. Quand il répétait, je m'occupais de l'appartement, le nettoyant, préparant à manger, ou je peignais quand je ne savais vraiment plus quoi faire. J'avais déjà fait des tableaux de ce que je voyais dans la musique de Draco, mais je ne lui montrais jamais. De temps en temps, je faisais des paysages quelconques, et je lui montrais ceux-là. Je n'osais pas sortir les autres en sa présence, et ils restaient enfermés dans un placard.

Les jours où il composait à l'appartement, dans la salle où il avait fait installer un piano, je devais être parfaitement silencieux pour ne pas le déranger. J'avais tellement peur de faire un bruit et qu'il m'en veuille que, la plupart du temps, je sortais dans le Londres moldu, m'ennuyant beaucoup, mais n'ennuyant pas Draco. C'était ça, le principal. Si, moi, je m'ennuyais, c'était de ma faute. Je n'avais qu'à me trouver un travail.

Le week-end, qu'il gardait libre pour qu'on soit ensemble, nous sortions, parfois à la mer, ou à la campagne, ou dans Londres, toujours du côté sorcier. Draco ne se serait jamais mêlé aux moldus. Même en sachant que je me sentais mal chez les sorciers, bien que nous ne rencontrions jamais personne. Ces jour-là passaient trop vite, même si j'avais l'impression que Draco s'ennuyait. Mais j'essayais d'oublier cette sensation. C'était vraiment super. Draco était attentionné et romantique. Parfait.

Au bout de cinq mois, donc, un samedi, il brisa notre routine. Nous nous promenions dans un chemin, à la campagne, bien emmitouflés dans nos manteaux d'hiver et nos écharpes, quand il me lâcha la main et sortit un morceau de couverture de laine de sa poche. Il le posa par terre devant moi et posa un genou dessus. Il me prit les mains et me regarda dans les yeux. Ce que je vis dans ses yeux me laissa perplexe. Il y avait tant de détermination, d'assurance et ... d'autre chose.

« Harry, ça fait cinq mois qu'on vit ensemble. »

Avec un début pareil, je ne pouvais m'attendre qu'à une seule chose. Mon cœur battit de plus en plus vite, semblant vouloir s'échapper pour rejoindre celui de mon ange.

« J'ai même constaté que c'est une cohabitation qui fonctionne. »

J'étais assez d'accord. Mais incapable de lui dire. Je ne pensais pas pouvoir parler. Je hochai donc la tête.

« Je me suis demandé si tu voulais bien prolonger cette cohabitation ... »

Tout ce cinéma pour une prolongation de cohabitation !? Je ne pouvais pas m'empêcher d'être déçu. Je lui fis mon plus joyeux sourire, même si le cœur n'y était pas. Il ne sembla rien remarquer. Ouf.

« ... à vie ? »

Je n'allai pas lui gâcher le plaisir qu'il avait eu à tout mettre en œuvre. Il s'était même agenouillé devant moi. Évidemment, il avait amené un morceau de laine pour ne pas se salir, mais l'intention était là.

Halte ! Qu'avait-il ajouté ? À vie ? Je ne savais plus que penser. Il voulait dire que ...

Il plongea une main dans sa poche et en sortit un écrin de velours, qu'il ouvrit devant moi et me présenta. Une bague en argent sur un coussin de velours. Pour moi !?

« Veux-tu m'épouser ? »

Pas beaucoup d'émotions sur son visage. Il voulait m'épouser, et me demandait ça comme s'il voulait une nouvelle plume pour écrire ses partitions. À mes pieds. Ça faisait toute la différence. Il me voulait à vie ! Il m'aimait !

« Oui ! »

Ma voix était sortie, enfin, un peu plus puissante que ce qui était prévu. Une expression amusée sur son visage. Et une bague froide à mon doigt. Il ramassa son morceau de laine, se releva, le remit dans sa poche, me reprit la main, et m'embrassa doucement. Nous nous remîmes à marcher.

« Et que dis-tu de faire ça la semaine prochaine ? »

Déjà ? Et comment les gens auraient-ils le temps de prévoir de quitter leur travail pour venir ? Après un instant de réflexion, je me rappelai que, de mon côté, il n'y avait personne à inviter. Et puis, plus vite je serais marié, plus vite je serais encore plus heureux. Qu'il en soit ainsi !

« Je dis que ce serait génial ! »

Et je me jetai sur lui pour l'embrasser à mon tour.


Voilà. Vous vous demandez sûrement où je veux en venir avec cette histoire. C'est vrai que, pour l'instant, elle ressemble à beaucoup d'autres fics – la musique en plus. Je pense pouvoir dire que la suite changera un peu. Suite que je poste le plus vite possible, mais avec tous les devoirs que je vais avoir pendant les vacances, je ne pense pas avoir fini avant deux semaines.

Bisouxxx