Titre : Chaque homme dans sa nuit rêve d'un réverbère (joli titre, pas vrai ?)
Disclaimer : Les personnages de cette fiction appartiennent à Hidekaz Himaruya
Rating : M (descriptions d'un peu de gore & thèmes abordés dans le même registre, comme le meurtre, le cannibalisme, la séquestration, l'alcool, etc.)
Pairing : 2P!FrUK ! Parce que OtP sous tous ses aspects.
Par contre, il s'agit ici d'un A.U., où tous sont humains.
NdA : Et c'est parti pour une nouvelle aventure fictionnelle ! Avec, de mon côté, un retour à la fanfiction après l'avoir délaissée (du côté écriture seulement), pendant quelques années.
Quoiqu'il en soit, j'espère que cette nouvelle histoire vous plaira ! J'ai surtout voulu d'écrire l'aspect psychologique de la relation entre eux et il se peut que certains passages soit un peu difficile, mais je préviendrai en conséquence. Bonne lecture !
Lune éblouissante, qui se reposait dans ses draps de Nuit, observant les noctambules de cette cité, d'un œil brillant et maternel. Une rue passante, avec des pavés titubants, des lumières absurdes et ternes de réverbères, le néon clignotant d'une pharmacie fermée. Des pas dans la rue éclairée, les volets tirés des habitations, les portes verrouillées : il en était de même des esprits. Une rue calme, un quartier calme, une ville calme, secouée seulement par des faits divers qui n'arrivent qu'aux autres. Des faits dont on ne prend pas conscience, car ils ne nous arrivent jamais à nous. Toujours aux autres, les noms dans le journal qu'on lit le matin, dans le métro, en se rendant au boulot. Et que pourrait-il arriver de répréhensible dans une rue si calme, avec ses pavés disproportionnés de vieille ville à moitié industrialisée ? C'est un soir de fête, en plus : les habitants ne sont pas derrière leurs rideaux ou leurs cloisons étanches. Ils sont à la fête, ils sont dans le dehors, les bars, les parcs. Il fait doux, c'est rare, c'est à noter, c'est à profiter. C'est une rue tranquille, avec des réverbères qui grésillent, quand les papillons de nuit viennent y mourir en lumière. C'est à peu près la seule animation de la soirée, dans cette petite rue tranquille.
Dans cette petite rue tranquille, pourtant, il y a les talons qui claquent, des rires qui se meurent dans un chant de beuverie, probablement quelques gorgées avides et enivrées, comme si sucer le goulot de la bouteille allait la remplir. Comme si le fait de téter les dernières gouttes de cette bouteille bon marché allait en donner plus. Ce n'était pas du lait maternel, hein ? Rien n'allait en sortir, si on pressait. Et puis, celle accrochée au bout du goulot, avait dépassée l'âge de la tétée, de loin. C'est une femme dans la trentaine, habillée dans une tenue qui lui plaît, afin de plaire. Maquillée pour masquer les imperfections, parce que l'on vit mieux sans quelques rougeurs et boutons. Elle titube, mais elle sourit, malgré la bouteille vide et la cheville tordue à cause des talons. Fichus talons. Quelle idée de les avoir pris, alors qu'elle se rendait dans des coins peu accessibles, avec sa bande d'amis.
Ça faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus, d'ailleurs. Des amis de lycée, avec qui elle avait plus ou moins garder contact, faute d'attention. Elle les oubliait, d'ailleurs, la plupart du temps, dans sa vie d'adulte : ne se souvenant d'eux que lorsque son calendrier informatique lui rappelait leurs dates d'anniversaire. Alors elle envoyait quelques caractères par technologies interposées : « Bon anniversaire ! J'espère que tu profites bien ! Bisous ! ». Fut un temps, elle ajoutait dans ses messages un « On se voit bientôt ? », avant de réaliser ensuite qu'il lui faudrait faire l'effort d'organiser une sortie avec ces gens-là, et elle était fatiguée, si fatiguée.
Mais là, elle était plutôt heureuse. Faut dire, elle avait pas mal bu, et son alcool avait tendance à basculer du côté euphorique de la balance dans ces cas-là. Un cas comme celui-ci, où elle avait pas mal bu. C'était cyclique, comme situation : l'on boit pour se sentir bien, alors on continue, pis quand ça redescend, on reprend la bouteille.
Mais, franchement, elle ne s'en plaignait pas. Pendant cette soirée, elle avait pu redécouvrir ses amis, sans avoir sur elle le poids de l'obligation de reprendre contact après : juste un moment de partage entre vieilles connaissances, un moment de rire et de joie. Un de ces moments qui manquent, une fois passés, mais dont on se souvient avec un certain sourire au cœur. Et là, elle souriait, tout en faisant claquer ses talons sur les dalles inégales : elle souriait en se rappelant les vieilles blagues écoulées au cours de la soirée, ou les moments gênants qui avaient aboutis en bonnes rigolades. Oui, c'était vraiment une bonne soirée, et elle était bien décidée à la poursuivre, autant que faire se peut, en commençant à chanter une chanson de son invention, en rythme avec le bruit de ses talons sur les pavés. C'était une de ces chansons, sans rythme ni tempo. Une de ces chansons que l'on chantonne sous la douche, quand on est seul, et qu'on pense pouvoir faire passer le temps plus vite ainsi.
Alors, elle chantait, bien contente d'être là, dans ce hic et nunc éphémère, qui ne se reproduirait probablement pas, parce que la similarité des situations, n'engage pas, réciproquement, la similarité des sensations procurées.
Elle dépasse un réverbère, puis un autre, et au second passé, une ombre se détache de la nuit, un éclat de Lune dans la main. L'ombre semble suivre la jeune femme, au rythme de ses pas, passagère, elle aussi, de ce moment-là de la nuit, où l'on ne distingue pas bien devant soi, mais ce n'était pas bien grave, puisque l'on a la joie au cœur : ça vaut bien toutes les visions du monde, pas vrai ?
L'ombre, silencieuse, comme toutes les ombres, la suit. A croire que c'est son ombre à elle, qui se rapproche de son corps, en fonction de sa position avec la lumière.
Au réverbère suivant, l'ombre accélère son pas : pas assez pour être notifiée, mais suffisamment pour écourter la distance qu'il y avait entre elle et la demoiselle. Pas après pas, le rapprochement se fait, d'une façon certaine, presque inévitable. Mais l'ombre n'est pas pressée : elle a devant elle, non seulement la demoiselle, mais également tout son temps. Demoiselle qui ne marchait certes, pas bien droit, mais qui ne tombait pas. Pas encore. Il fallait être patient, après tout. Et l'ombre, est d'une très grande patience, surtout quand son amusement personnel est en jeu. Et c'est presque toujours le cas : c'est une ombre joueuse, voyez-vous ? Peut-être est-ce pour cela, que la Lune l'aime, et qu'elle fait ainsi briller l'ombre, de temps à autre, au niveau de ses orifices oculaires, tandis que la Nuit l'embrasse avec une fervente affection.
Pas après pas, l'ombre se rapproche, jusqu'à se trouver non loin de la demoiselle. A moins d'un réverbère. Et sous un réverbère, elle se retourna, vit l'ombre, lâcha la bouteille vide sur le sol. Son esprit imbibé mit quelques temps à prendre conscience de la situation. Oui, il y avait quelqu'un derrière elle, qui marchait à son rythme, avait quelque peu ralenti, cependant, suite à son arrêt, comme pour mieux anticiper l'instant suivant… Une ombre qui se rapprochait, et au sourire… Au sourire tellement brillant que la peur et l'adrénaline désinhibèrent rapidement la jeune femme, tandis que son corps réclame la fuite par toutes les parcelles de sa peau. Est-elle en danger ? Elle ne saurait le dire… Mais l'ombre sait, et l'ombre sourit, et l'ombre s'approche…
Alors, elle prend la fuite, sans demander quoique ce soit à l'ombre, se surprenant de son agilité, malgré la hauteur de ses talons. Elle courait, courait sur les pavés, et manqua crier, en sentant une main gantée contre la peau exposée de sa nuque. Le sursaut d'adrénaline engendré par cette peur subite lui permit de distancer l'ombre de quelques pas supplémentaires, l'aidant ainsi à trouver refuge au croisement suivant. Si seulement elle pouvait continuer, encore quelques temps… Son immeuble n'était pas bien loin, elle pourrait très certainement l'atteindre à temps, et là, elle serait en sécurité…
Elle courut, courut, courut de toutes ses forces, le bruit de sa respiration couvrant celui de ses pas et de l'ombre à sa poursuite. Elle courait, et avait l'impression d'échapper au danger un peu plus à chaque pas, reprenant espoir en avisant des façades familières, discernables à sa vue malgré l'obscurité. Dans quelques foulées, elle atteindrait le porche de son immeuble… Et déjà, il lui semblait avoir distancé le danger. Elle se risqua alors, la main sur le digicode, à aviser derrière son épaule, mais ne distingua que la nuit, que cette lune brillante et le grésillement des lampadaires, quand les papillons de nuit venaient mourir à leur lumière.
Elle déglutit, passa le porche, s'assurant qu'il soit bien fermé derrière elle, et courut, de nouveau, en direction de l'ascenseur. L'adrénaline commençait à redescendre lentement, quittant son cerveau, apportant dans ses membres une certaine fatigue, d'avoir tant courut, d'avoir eu si peur. Son corps tremblait, encore en proie à l'effroi, et son esprit était encore bien loin d'être rassuré.
Elle se précipita dans l'habitacle ascensionnel au moment même où les portes s'ouvraient, appuyant frénétiquement sur le bouton menant à son étage, comme si cela allait lui permettre d'atteindre son foyer plus rapidement. Là où elle serait en sécurité.
Une fois les portes de l'ascenseur fermées, elle souffla, pantelante, s'appuyant contre le mur le plus proche. Elle se permit de fermer un instant les yeux, tentant d'oublier l'ombre, de se dire que c'était bon, qu'elle était en sécurité, que tout irait bien… Que, si ça se trouve, elle avait imaginé tout ça. Que c'était probablement un courant d'air, quelques feuilles, la lumière du réverbère qui avait cognée trop fort contre sa rétine…
Oui… Rationnellement, ça ne pouvait qu'être ça, pas vrai ? Une ombre au sourire de croissant de lune… Ce n'était pas possible, pas envisageable… Oui, plus probable qu'elle ne veuille pas l'envisager pour le moment.
Au moins, elle est de retour à la maison, en sécurité.
L'ascenseur s'arrête à son étage dans un petit « Ding » caractéristique. Les portes automatiques s'ouvrent, et elle fait quelques pas rapides en direction de sa porte, cherchant ses clefs dans son sac. Une fois ces dernières en main, elle les insère précipitamment dans la serrure, mais comme elle s'y prenait mal, à cause de la précipitation justement, elle dû recommencer l'opération deux fois. Deux longues fois, où, inexplicablement, elle sentait les battements de son cœur s'accélérer. Et quelque chose, un sentiment, une appréhension… Qui venait lui serrer les tripes, comme si elle s'était trouvée dans une poigne de fer. Un mauvais pressentiment ou… Quelque chose comme ça… Bien que ce soit ridicule, de penser cela, elle était hors de danger maintenant.
« Ding »
Le bruit de l'ascenseur la fit pâlir et, lentement, elle tourne la tête. De là, entre les portes de l'ascenseur qui commençaient à s'ouvrir, elle reconnait le sourire en croissant de lune de l'ombre qui l'avait poursuivie.
C'était réel.
Elle est là, souriante, l'éclat du métal qui joue avec la lumière artificielle des néons.
Paniquée, elle force les clefs dans la serrure, se précipitant pour ouvrir la porte, avant de la refermer derrière elle.
Mais n'en eut pas l'occasion.
Une poigne ferme et gantée contre son bras la fit crisser des dents, lâcher les clefs. Elle se débat, maladroitement, avec une vigueur aléatoire. Un murmure, et quelques larmes commencèrent à perler au coin de ses pupilles.
Elle ouvre la bouche, commence à émettre un son, un appel à l'aide, n'importe quoi ! Mais une autre main gantée vint se positionner sur l'orifice, ne permettant ainsi à la jeune femme de n'émettre que de faibles sons étouffés.
L'ombre la pousse à l'intérieur, et la porte de l'appartement se referma. Le « clic » du verrou, se fit entendre peu après.
Puis, le silence.
En sortant de son appartement le lendemain matin, pour aller faire ses courses, une vieille dame vit quelques gouttes de sang, sur le palier de sa voisine. Elle ne la connaissait pas vraiment, mais savait que c'était une jeune femme plutôt charmante, qui lui disait toujours « bonjour », quand elles se croisaient, au détour de l'ascenseur, ou de la boîte aux lettres.
Voir ceci sur son paillasson, la fit frissonner d'horreur. Puis elle se reprit : c'était probablement de la confiture, ou de la sauce tomate… Rien de plus… Mais il serait tout de même plus prudent de venir voir ce qu'il en était.
Timidement, la petite vieille vint toquer contre la porte de bois de l'appartement de sa voisine, et fut surprise de constater que ladite porte était entrouverte, et non fermée, comme elle l'avait crue de prime abord.
Poussée par une curiosité inquiète, la voisine appela la jeune femme par son nom, avant de pousser la porte, dévoilant ainsi l'appartement à ses yeux fatigués.
C'était un jour calme, ce matin-là. Calme, jusqu'à l'entente d'un hurlement, poussé par quelqu'un en proie à une terreur profonde. Quelqu'un qui ne verrait plus sa voisine de palier prendre son courrier en chantonnant la dernière chanson pop à la mode. Quelqu'un qui venait de voir, un cupcake.
