Evidemment, même si l'histoire se passe loin du monde de Harry Potter, je m'en inspire donc pensez-y.

Pour les noms de lieux et de personnes, je me suis inspirée de la géographie et de l'histoire de la civilisation inca. Les liens entre eux et leur réalité en tant que sorciers sont des purs produits de mon imagination.

Chapitre 1 : Départ

Mère, regarde ici !! Clame la fillette, passionnée par le contenu des vitrines devant elle.

Pour une fois, elle a pu venir avec sa mère faire les courses à Sacsayhuamàn, la ville des prêtres sorciers. On y trouve l'Administration, l'hôpital et surtout, toutes les boutiques qu'elle aime. La librairie, le glacier, l'animalerie… Mais aujourd'hui, c'est surtout le magasin de Muyomarca qui l'intéresse. Elle a eu onze ans il y a trois mois et elle va enfin pouvoir avoir sa propre baguette magique ! La main enfoncée dans celle de sa mère, elle ne tient pourtant pas en place tant l'excitation est grande.

- Maiara ! Tiens-toi tranquille ou je n'irai pas chercher ta baguette !! Et tu n'iras pas à l'école, tant pis pour toi. Essaye la mère pour calmer le petit monstre. Pense un peu à ta dignité, tu veux n'avoir aucun ami là-bas ?

Et finalement, la menace n'est pas mise à exécution car elles sont arrivées. Un vieil homme les accueille à bras ouverts. Les vacances d'été sont sa période de pointe mais il n'y a personne dans la boutique quand elles entrent. La mère s'écarte modestement. Aujourd'hui, c'est sa fille la star…

- Bonjour señorita. Tu vas à Machupicchu n'est-ce pas ? Voyons, voyons, des pommettes hautes et dorées avec des yeux bleus comme ça, une Capac n'est-ce pas ?
- En effet, répond la mère sèchement.
- Très bien. Et vous-même, vous êtes ?
- Une Yupanqui.

Il sort sa baguette magique de sa poche puis tapote la tête de sa cliente. Il applique ensuite le fin morceau de bois sur un grand parchemin. Un arbre généalogique se trace doucement sur toute la feuille. Il remonte jusqu'aux prémices de la civilisation inca.

- Très bien. Alors, on va essayer celle-ci. Une pincée de sang d'émeraude, comme les Yupanqui.
- J'ai aussi du sang d'émeraude dans ma baguette, affirme la mère, pour rassurer la petite.

Maiara agite doucement le morceau de bois devant elle mais rien ne se produit. Pas même une étincelle.

- Et du côté des grands parents ? Voyons… marmonne le vieil homme cherchant, parmi les éléments magiques des familles en présence celui qui conviendra à la jeune fille devant lui.

Depuis des millénaires, chaque famille de sorcier possède un élément magique qui est à la fois son blason et l'élément de sa baguette. Ce sont des éléments minéraux magiques, efficaces en corrélation avec l'esprit froid et minéral des incas.
Il est d'usage, lors de l'achat d'une première baguette de prendre le nom de la famille associée à l'élément magique de la baguette. L'étude de l'arbre généalogique permet de réduire le champ des possibles.

- Haha ! Et celle là ? De la terre d'ocre de Nazca. Qu'est-ce que ça donne ?
Toujours pas. Deux ou trois essais après elle trouve enfin sa baguette. Un simple mouvement de haut en bas et la boutique est remplie d'étincelles multicolores.
- Vous voici à présent une Atahualpa, comme votre grand-mère. Cette baguette contient du pollen d'orchidée de lune.

La baguette est toujours faite en bois d'amarante. Un bois des Andes qui est réputé pour canaliser les énergies. Une fois la fine baguette de bois empaquetée dans un précieux écrin, les deux femmes sortent de la boutique pour aller terminer leurs courses.

- Evidement, il fallait que tu sois une Atahualpa, comme ma belle-mère. Fichu caractère. J'espère que ton prestige ne sera pas diminué !

Les achats suivants sont plus communs et moins excitants : livres, couteaux de sacrifice, objet de culte et autres instruments de magie incas.

Elles se dirigent ensuite vers leur magasin de vêtements attitrés. Il n'y a pas d'uniforme à l'école et les vêtements font partie intégrante du prestige. « Il faut cultiver la différence et afficher son prestige » disent les membres de l'école.
Une petite femme ronde vient les voir immédiatement. De telles clientes, on ne les fait pas attendre ! Elles ressortent ensuite, des paquets plein les bras.

Ses bagages sont prêts. Trois valises, de quoi nourrir son prestige. Demain, c'est le grand jour, elle prendra le Grand condor pour enfin aller à Machupicchu. A sept heures, elle est déjà dehors et sort sur la terrasse pour admirer le lever du soleil et lui faire une prière.
'' Inti, faites que ça se passe bien, que je ne fasse rien pour nuire à mon prestige et que je trouve facilement des alliés.''
On ne parle pas d'amis. Les amis, on les aime. Les alliés, on s'en sert et l'éducation de Maiara lui a plus facilement appris à utiliser qu'à aimer les autres.

Le quai d'embarquement est chargé d'élèves et de leurs familles. Partout où le regard porte, on voit des sourires hypocrites et des alliances politiques. La rentrée, comme tous les évènements publics est prétexte à ces négociations habiles, de la part des parents comme des enfants.

Les premières années sont partagés entre l'envie de rester avec leurs parents et celle de commencer, déjà, à voler de leurs propres ailes et de commencer à nouer leurs premières alliances. Indécis, ils s'éloignent pour aller discuter avec des cousins ou des enfants qu'ils connaissent déjà.

Leur moyen de transport, les ailes étendues, étincelle de mille feux. Le Grand condor (1), joyau de la magie inca est un grand oiseau en or, animé par la magie du soleil. Tous les ans, il amène les élèves jusqu'à Machupicchu, leur école.

A midi pile, lorsque le soleil est à son zénith le plus parfait, le Grand condor décolle. A son bord, les élèves sont installés par année dans de grands salons dotés de fauteuils somptueux. Les premières années s'épient, chacun cherchant à jauger ses camarades.

Maiara, par ses parents et sa baguette est en haut de l'échelle des prestiges. Une véritable petite princesse inca. Après une première évaluation lui permet de repérer six personnes de son rang. Quatre garçons et deux jeunes filles.

Elle peut déjà éliminer les deux Oqllo, le frère et la sœur. Depuis des générations, leurs deux familles sont ennemies. A moins d'être décidée à rejouer l'intrigue de Roméo et Juliette, ces deux là sont à éviter comme la peste. Maintenant, il faut qu'elle réussisse à s'allier aux quatre autres jeunes, avant que ceux-ci ne préfèrent les Oqllo.

Quelques enfants de moindre prestige gravitent autour de Maiara comme des satellites autours de Saturne. Ils cherchent à s'attirer ses grâces et à bénéficier d'un peu de son aura pour remonter dans la liste.

Avant même la moitié du voyage, les élèves de premières années sont divisés en deux clans. La moitié d'entre eux soutient Maiara tandis que les autres préfèrent les Oqllo. Un observateur extérieur aurait été incapable de voir une seule trace d'hostilité ou même d'animosité. Pourtant, chacun des enfants est parfaitement capable de nommer l'ensemble de ses alliés et de désigner sans aucune hésitation les élèves à éviter.

Qu'ils en soient conscients ou non, les élèves ont reproduit les coalitions de leurs parents, faute de mieux. Tout au long de leur scolarité, ces alliances vont changer en fonction des fluctuations de prestige.

Les élèves arrivent à Machupicchu quelques instants avant le coucher du soleil. Le Grand condor tourne en planant trois fois au-dessus de l'école. Malgré leur jeu politique, les premières années ne peuvent s'empêcher d'admirer leur école. Vue d'en haut, cette ville antique est magnifique.

Il y a longtemps que les incas sont passés maitres dans l'architecture et la construction à flanc de colline. Une succession de terrasses forme comme un escalier qui permettrait à un géant d'escalader facilement la montagne. Les pierres taillées se confondent avec les roches naturelles.

Une terrasse au sud de la ville accueille le Grand condor. Les élèves descendent par année. Lorsque les premières années sont tour rendus sur l'esplanade d'arrivée, un prêtre vient à leur rencontre et les amène vers leur nouveau foyer.


(1) Le Grand condor est l'espèce de grand oiseau doré d'Esteban dans "les merveilleuses cités d'or", un dessin animé qui a bercé toute mon enfance.