L'intrigue et les personnages de Détective Conan appartiennent à Gosho Aoyama, l'intrigue de cette histoire à son auteur, First Silvera, et cette traduction à mon humble personne.
Sarcasmes
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Sarcasme I
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Tempestoso
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« Si seulement tu n'étais pas aussi sarcastique… » dit-il finalement, après une pause aussi longue qu'embarrassante.
Ce n'était pas la première fois qu'on m'adressait ce fameux reproche. Et ce n'était pas non plus la première fois qu'il m'était adressé par un soupirant qui m'avait fait sa déclaration, pour se voir éconduire, quelques minutes plus tôt.
Certains d'entre eux se contentait de s'éloigner silencieusement, s'efforçant de garder leur calme, m'offrant simplement un sourire attristé en guise d'adieu d'autres tiraient leur révérence sans chercher le moins du monde à dissimuler leur déception, quand ce n'était pas leur tristesse ou même leur désespoir, cela variait en fonction de leur supposé degré d'affection pour moi, et cela importait peu de toutes façon et la fraction la plus minoritaire, ou plutôt la plus téméraire, préféraient partir sur un coup d'éclat.
Quelque chose comme « Tu es amoureuse de ce pianiste avec qui je t'ai vu déjeuner, pas plus tard qu'hier, c'est ça ? Mais c'est un imbécile…Incapable de faire quoi que ce soit de ses dix doigts, à commencer par une performance correcte au piano ! » ou bien « Pourquoi est-ce que tu ne veux pas au moins essayer de nous donner une chance ? », ou même, mais cela n'arriva qu'une seule fois en tout et pour tout, « Je ne veux pas paraître brutal mais…tu préfères les filles, c'est ça ? Nelly m'avait mise en garde, hier soir, quand… ».
Aucune importance ! Je n'ai jamais cherché à donner une réponse à ce genre de questions, de toutes manières. Et oui, j'étais déjà au courant des sentiments peu charitables de Nelly à mon égard, je n'y accordais pas la moindre importance non plus.
Lui jetant un regard en coin, je pouvais voir l'expression de mon propre visage se refléter sur le sien avec autant de facilité que si j'avais été face à un miroir Si j'en jugeais à son regard, et à la phrase qu'il exprimait silencieusement, Mon Dieu, tu es réellement la femme la plus froide que j'ai jamais rencontré, j'imagine que je devais le gratifier de ma fameuse expression, celle qui m'épargnait d'avoir à dire Je m'ennuie à en mourir à voix haute devant lui, une phrase qui était parfaitement appropriée à ce que je ressentais en sa présence.
« Je pense que tu es effrayée, » me dit-il d'un air solennel, tout en continuant de marcher à mes côtés. « La seule chose que j'ignore encore, c'est de quoi exactement… Cela fait bien longtemps que je t'observe. Et je pense que tu ne laisses aucun homme t'approcher de trop près parce que… »
« A demain, pour la répétition. » Une réponse que je lui offris tout en cherchant mes clés.
« Qu'est-ce que tu as dit ? » me demanda-t-il avec une expression stupide.
« J'habite ici. » Lui rappelai-je, en ouvrant ma porte, et en m'efforçant de tendre les traits de mon visage dans quelque chose qui pouvait être interprété comme un sourire. « On se reverra, demain. »
« Miyano ! »
« Hmm ? »
« Est-ce que je peux rester un peu ? Même si c'est juste pour quelques minutes, il faut qu'on parle… »
« Je suis désolé, mais je n'ai malheureusement pas le temps pour ça. A demain. » Sur ces derniers mots, je refermai la porte derrière moi. Qui aurait cru que le meilleur violoncelliste soit également un psychanalyste de comptoir, incapable de comprendre un mot aussi simple que non ? Bien sûr que j'étais sarcastique (je l'ai toujours été), et ma présence a toujours suscité plus d'antipathie que de sympathie. Et malheureusement, je n'avais aucune excuse pour ce trait de caractère des plus désagréable, si ce n'était peut-être ma mère, qui me l'avait offert en héritage comme si cela faisait partie intégrante de notre codé génétique (il y avait néanmoins une différence entre nous, ma mère était une personne adorable aux yeux des autres, malgré les sarcasmes qui lui étaient coutumier).
Peut-être qu'il existait réellement quelque chose comme un gène du sarcasme ? S'il y avait un gène de l'arrogance, il fallait plutôt blâmer mon père pour sa transmission, puisque je n'avais vu ma mère faire preuve d'arrogance en quelques circonstances que ce soit (et j'imagine que c'était sans doute la raison pour laquelle elle était considéré comme une personne adorable, contrairement à moi).
« Qui était-ce, cette fois ? » me demanda la personne à laquelle je pensais en ce moment précis. Elle était débout, les bras croisés devant la fenêtre de notre petite salle à manger. Une fois de plus, je fus frappée par la pensée qu'aucune autre personne n'aurait pu irradier une telle beauté en étant revêtue de cette horrible veste de laine disproportionnée.
Pendant que les autres étudiantes de mon école placardaient les murs de leurs chambres de posters à l'effigie de musiciens ou d'acteurs, j'aurais volontiers tapissé les murs de la mienne de photographies de ma mère, si je n'avais pas été certaine qu'un comportement de ce genre l'aurait poussé à m'envoyer en hôpital psychiatrique.
« Juste notre meilleur violoncelliste. » répondis-je en posant ma sacoche sur le sol.
« Et ? Comment a-t-il réagi ? Si j'en juge à sa démarche chancelante, il n'a pas l'air d'avoir pris ça de la meilleure des façons. Regarde-le, le pauvre. J'espère que tu n'as pas été trop cruelle avec lui… »
« Non, je ne l'ai pas été. Tout du moins, jusqu'à ce qu'il se mette en tête de me guérir de mon androphobie supposée. Mais c'est plutôt pour toi que je m'inquiète, à l'instant présent. »
J'avais froncé les sourcils devant la pâleur de son visage et les cernes qui soulignaient ses yeux. Cela faisait trois jours qu'elle était tourmentée par une grippe carabinée, et malgré cela, elle refusait toujours de consulter le moindre médecin.
« Je vais très bien. » me dit-elle en s'asseyant sur le fauteuil de notre appartement. « Je suis juste un peu fatiguée… »
La lumière de l'après-midi resplendissait sur son visage aussi blanc qu'un linceul, soulignant les cernes qui encerclaient ses yeux et la respiration qui perlaient sur sa peau.
Deux enjambées plus tard, j'étais à ses côtés, ma main posée sur son front pour en mesurer la température.
« Tu es plutôt malade pour moi, » lui dis-je. « Cette fièvre… Attends un peu, je vais appeler une ambulance. »
« Non. » Elle secoua la tête et se leva. « Je t'assures que je vais très bien. Ce n'est rien d'autre qu'une grippe bénigne. Ne t'inquiète donc pas pour moi. Je vais m'allonger faire une petite sieste, et après cela, tout rentrera dans l'ordre. »
« Si je ne te vois pas te rétablir un minimum après ça, j'appelle une ambulance, avec ou sans ton accord. » lui dis-je en fronçant les sourcils pour bien lui faire sentir le poids de cet ultimatum. « Je peux comprendre, après tout, je déteste les ambulances autant que toi… Mais tu devras te regarder dans un miroir. Tu ressembles à un fantôme. »
« Ah, oui, sans doute… » Répondit-elle distraitement en retirant un livre de l'étagère de notre bibliothèque. « Je penses que j'ai juste besoin de dormir un peu. »
« Maman ! Tu ne vas pas te mettre à lire maintenant, j'espère ?! »
« Je t'ai dit que tout allait bien. Je vais juste finir de lire ce livre, et après cela, je m'endormirais sereinement. Tu pourras toujours faire tes exercices pendant ce temps-là. Qu'est-ce que tu vas nous jouer, aujourd'hui ? »
« Les Sarcasmes de Prokofiev. » lui répondis-je en extirpant les sarcasmes de ma sacoche. « Mais je ne négligerais pas pour autant mes études de chimie, alors ne t'inquiète pas pour ça. »
« Si c'était juste pour me faire plaisir, tu n'avais pas à t'imposer ce deuxième cursus… » Murmura-t-elle d'un air fatigué. « Je préférerais que tu te concentres sur le piano et tes répétitions pour le prochain concert. J'ai oublié d'ailleurs… Quand est-ce qu'auras lieu ton prochain concert ? »
« Au mois d'août, les Sarcasmes de Prokofiev, la Ballade n°1 de Chopin et l'Appassionata de Beethoven… Mauvaise combinaison, je sais bien. Aucune personne sur terre ne peut endurer les cinq sarcasmes au cours d'une seule soirée. »
« J'en suis capable. » me dit-elle avec un sourire.
« Oui, tu es bien la seule femme sur terre qui le peut. » lui répondit-je en lui rendant son sourire.
Débout devant la porte de notre salle à manger, une main sur la poignée, et tout en clignant des yeux face à la lumière du soleil, elle m'offrit son tout dernier sourire avant de refermer cette porte derrière elle.
Après qu'elle se soit éclipsée dans notre chambre à coucher, je m'installai sur mon tabouret de piano et commençai à jouer le premier Sarcasme, doucement, le plus calmement possible, en partie parce que je ne voulais pas passer en tempestoso (avec la différence de gamme entre fortissimo et pianissimo) avant de m'être échauffé les doigts suffisamment longtemps, en partie parce que je ne voulais pas troubler le sommeil de ma mère.
L'après-midi acheva de s'écouler sans trop s'attarder, au son du premier Sarcasme et à celui des octaves de la fin de la Ballade n°1 de Chopin (mes doigts trop courts m'ont toujours posé des problèmes avec les octaves, me forçant à m'y exercer d'avantage).
Derrière moi, le soleil se couchait, immergeant la pièce dans une lumière à mi-chemin du doré et de l'écarlate.
Je m'arrêtai de jouer et me rendis à la chambre, frappant délicatement à la porte avant de l'ouvrir. « Eh » m'écriai-je joyeusement. « Je t'ai laissé dormir pendant quatre bonnes heures. Tu devrais sortir et contempler le crépuscule avec moi. »
Elle ne répondit pas, me poussant ainsi à ouvrir moi-même la porte.
Illuminée par la lueur du soleil couchant, elle demeurait allongée sous les couvertures du lit, plus pâle que jamais.
Sur l'écran de télévision, une jeune blonde fluette expliquait les vertus d'un yaourt diététique à son amie grassouillette. La télécommande reposait négligemment sur le sol de la chambre, comme si elle avait glissé de la main qui l'avait tenu, quelques minutes ou quelques heures plus tôt.
Je n'ai pas eu besoin de consulter son pouls pour me rendre compte qu'elle m'avait quittée pour de bon. Et je ne me rappelle plus grand-chose des évènements qui ont succédés à cette découverte morbide, tant ils se sont enchainés mécaniquement, comme si le monde m'avait dépourvu de tout libre arbitre pour faire de moi une simple marionnette, exécutant docilement sa danse au gré des mouvements de la main qui tournait la manivelle, sans avoir le moindre mot à dire sur le script dans laquelle on l'avait inséré.
Appeler un docteur (« Toutes mes condoléances, votre mère devait avoir le cœur fragile… »), remplir les formulaires administratifs, organiser les funérailles… Le seul détail qui m'est revenu après coup fût ma solitude au cours de la triste cérémonie au crématorium, une semaine après le décès.
(Personne n'était venue, en dehors des garçons qui étaient amoureux de moi, des filles qui étaient amoureuse de mes soupirants, du directeur de l'établissement, qui était secrètement amoureux de ma mère, et des quelques professeurs qui avaient eu simplement pitié de moi…)
Ses amis, si elle en avait jamais eu, brillèrent par leur absence. Même mon père ne daigna pas venir présenter ses derniers hommages. Il n'avait jamais pris la peine d'épouser ma mère, et il n'avait jamais accordé une seule visite à sa progéniture depuis sa naissance jusqu'au gain du statut d'orpheline, pourquoi les choses auraient-elle changé ?
Je ne savais rien de mon père, j'imagine que c'était probablement un scientifique ambitieux qui avait privilégié sa carrière à sa vie de couple comme à sa vie de famille.
Un mois après sa mort (un mois passé à torturer mon piano avec la pire version possible des Sarcasmes de Prokofiev qui avait jamais résonné sur cette planète), lorsque je trouva la force d'ouvrir les tiroirs du bureau de ma mère, les seules lettres et les seules cartes postales que j'y trouva furent celles que je lui avais envoyé moi-même. Et je fus la seule personne à figurer, seule ou à ses côtés, sur les photographies qui se présentèrent à moi. Si mon maudit père avait pris la peine de maintenir le contact, la destinataire de ses petites attentions épistolaires avait jugé que la place qui leur était le plus approprié était le vide-ordure.
Comme vous pouvez le voir, l'amour est une passion bien éphémère qui se refroidit avec le temps jusqu'à se dissoudre dans les brumes de l'oubli. Une pensée qui me traversa l'esprit tandis que je songeais à tous ces idiots qui m'avaient confessé leur amour éternel.
Peut-être que mon père avait eu un comportement de ce genre, lui aussi. Un scientifique, qui l'avait sans doute rencontré à son université, avait été captivé par sa beauté comme mes camarades de classe l'étaient par la mienne, qui avait trouvé le courage de lui demander sa main, l'avait prise au piège de quelques promesses qui n'engageaient que celle qui y croyait, lui avait fait l'amour et l'avait abandonné ensuite, le lendemain ou peu s'en faut, pour se consacrer à sa carrière. Avoir cru en cet amour au point de le partager avait été la seule erreur qui entacha jamais la vie de ma mère.
La seule personne que j'avais jamais aimée m'avait abandonné, me laissant pour tout souvenirs une large somme d'argent qu'elle avait mise de côté pour mes études (qu'il s'agisse au final d'études de musique ou de chimie, je n'ai jamais pu savoir si je désirais tracer ma propre route en tant que musicienne ou continuer sur la même voie que mes parents en devenant chimiste à mon tour), une bibliothèque de plusieurs centaines de livres (la lecture était son passe-temps favori), sa garde-robe, et les quelques lettres que je lui avait écrite dans un passé plus ou moins lointain…
Et finalement, la couverture d'un magazine enterré au fond du dernier tiroir de son bureau, sous les autres papiers, et que j'avais mis négligemment de côté au début, un de ces tabloïds que je ne l'aurai jamais imaginé lire (de fait, elle n'avait jamais ressenti le besoin de lire le moindre journal ou de jeter un seul coup d'œil aux actualité, ou à n'importe quel autre programme télévisé du reste, avant que je ne dote notre appartement d'une télévision, une semaine avant sa mort).
C'est uniquement le hasard qui me poussa à déchiffrer la une de ce gâchis de papier avant de le jeter sans le moindre remords.
« Une nouvelle victoire pour Shinichi Kudo ! » Si j'en jugeais aux quelques mots qui accompagnaient ce titre aux couleurs criardes, ils s'enthousiasmaient pour un jeune détective japonais (du même âge que moi) qui avait porté la lumière sur une mystérieuse affaire de meurtre, à Tokyo.
A en juger par la photographie, Shinichi Kudo n'était rien de plus qu'un adolescent prétentieux, plutôt séduisant pour peu qu'on apprécier les gamins imbus de leur personne, mais au final sans grand intérêt, ce qui faisait que j'avais du mal à comprendre les raisons qui avait pu pousser ma mère à conserver cette coupure de presse.
Mais en examinant la date de plus près, je me rendis compte qu'elle avait acheté ce magazine le jour même de sa mort.
Quelque chose dans cette couverture avait dû éveiller son intérêt alors qu'elle l'avait aperçu sur la devanture d'un kiosque à journaux, probablement lorsqu'elle s'était présenté à ce rendez-vous à la banque.
Qu'est ce qui avait pu l'ébranler à ce point, ce jour-là ? Une question que j'adressais à la photographie du détective, qui ne me renvoya pas d'autre réponse que son sourire arrogant.
Elle était encore jeune, elle n'avait même pas franchie le cap de la quarantaine, c'était la femme la plus forte que j'ai jamais rencontré. Qu'est-ce que tu avais bien pu faire pour la tuer ?
Me levant du bureau, je m'emparai du programme télé du mois dernier, perdu au beau milieu de la pile de documents que j'avais mis de côté pour le vide-ordure (prospectus publicitaires, copies de partitions qui ne m'était plus d'aucune utilité, lettres d'amour auxquelles je n'avais jamais témoigné du moindre intérêt).
Ce qui me révéla qu'au cours de cet après-midi fatal à ma mère, la BBC avait diffusé un documentaire sur la criminalité japonaise, plus particulièrement à Tokyo et Osaka. Au cours de ce documentaire, ils avaient interviewé Shinichi Kudo, dix-huit ans, détective à Tokyo et résidant au quartier de Beika.
Qu'est ce qui avait bien pu me pousser à acheter cette maudite télévision en tout premier lieu ? Mais comment aurais-je pu savoir qu'elle avait un cœur si fragile qu'il avait suffi d'un détective pour le faire voler en éclat ?
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Les partitions des Sarcasmes de Prokofiev, les Ballades de Chopin, les sonates de Mozart et celles de Beethoven, mon ordinateur portable, quelques ouvrages de chimie que ma mère m'avait offert pour mon dix-septième anniversaire (que je n'avais pas pris la peine de lire jusqu'à maintenant), trois hauts, une veste, trois paires de pantalons, trois robes, trois paires de chaussures, une couverture de magazine, un pullover ayant appartenu à ma mère (pour ne pas oublier les raisons derrière ce voyage !) et les papiers les plus importants…
En temps normal, je prenais du plaisir à faire mes bagages, mais cette fois, je fût submergé par un certain chagrin tandis que je rangeais livres et vêtements dans ma valise. Et lorsque je refermais la porte de l'appartement derrière moi, ce fût avec le sentiment que je le quittais pour de bon, et que, quand bien même j'y retournais un jour malgré tout, plus rien ne serait comme avant.
A l'aéroport, je croisais une foule d'enfants accompagnés de leurs parents, des jeunes couples comme des unions qui avait survécu à l'épreuve des ans, des nuées d'adolescents et d'adolescentes bourdonnant d'enthousiasme à l'idée d'être en vacances, des hommes en costumes amidonnés me déshabillant du regard avant que je refroidisse leurs ardeurs du mien… La majeure partie de ceux que je croisais sur ma route me dévisagea de toutes manière, avec ou sans arrière-pensées, s'interrogeant sans doute sur ce qui me poussait à voyager seule, contrairement à cette fille au bout de la queue, au bras de sa mère, discutant avec elle de cosmétiques et d'un petit ami dont je ne cherchais pas à retenir le nom…
« Tu as de jolies cheveux. » me fît remarquer un enfant de dix ans avec un sourire effronté. « Est-ce que tu voyages seule ? »
Il jeta un regard en coin victorieux à ses amis, cachés derrière le comptoir et levant des pouces admiratifs dans sa direction. On aurait presque pu croire que ce Casanova en herbe s'était imaginé pouvoir me séduire.
« Merci. » Lui répondis-je d'un ton glacial. Cela n'avait pas été dans mes intentions, mais la froideur avait fini par devenir une seconde nature chez moi.
« Ai Haibara, c'est aussi un joli nom. » remarqua-t-il en le déchiffrant sur l'étiquette de ma valise.
Ai Haibara… Je ne voulais pas rencontrer Shinichi Kudo sous mon véritable nom. « Shiho Miyano » aurait pu lui mettre la puce à l'oreille, s'il avait des liens avec ma mère ou sa famille, comme je le soupçonnais.
« Ai » était approprié à mon état d'esprit du moment, non pas l'amour mais une tristesse irrépressible, et depuis la mort de celle qui m'avais mise au monde, je ne voulais pas porter d'autre couleur que le gris.
Même le noir semblait trop tapageur et dramatique à mon goût pour exprimer le sentiment de vide que son absence avait creusé dans mon cœur.
J'avais prévenu le directeur que je désirais avoir un nom de scène avant de faire mes débuts, en août, et que je préférais voir « Ai Haibara » à la place de Shiho Miyano sur les affiches de mon premier concert.
Il ne trouva rien de suspect à ma demande et obtempéra de son mieux, m'apporta son aide dans les formalités nécessaire à la confection d'un nouveau passeport et d'une nouvelle carte d'identité à ce nom.
(J'avais besoin que ce soit mon pseudonyme qui figure sur mon passeport, pour être certaine que Shinichi Kudo ne me démasquerait pas trop vite).
Bien sûr, la prudence aurait également dû me pousser à faire cela sans l'aide de personne, mais je n'avais jamais été à l'aise dans mes interaction avec l'administration, pour la simple et bonne raison que je n'ai jamais pu maitriser l'art de leur adresser un sourire courtois, tout en souhaitant de tout cœur les voir se consumer en enfer.
Je suppose que je dois également mentionner que la nature m'a gratifié d'un caractère borné qui, en conjonctions avec mes sarcasmes, m'a posé un certain nombre de problèmes.
Mais à l'instant présent, je ne pouvais pas me payer le luxe d'être bornée et sarcastique. Je serais tout sucre, tout miel avec Shinichi Kudo, le détective amateur, pour gagner son amitié… Comment faudrait-il que je m'adresse à lui, d'ailleurs ? Shinichi-san? Shinichi-sama ? Shinichi-Chan ? Kudo-chan ?
(Je ne comprendrais jamais pourquoi les japonais étaient incapables de se cantonner à un monsieur ou madame !)
Je jouerais le rôle de la petite métisse japonaise, en vacances, qui avait passé la majeure partie de sa vie à Londres, qui débordait d'envie de découvrir la capitale plus en profondeur et qui, quelle incroyable coïncidence, avait entendu tant d'éloges de Shinichi Kudo qu'elle avait fini par en devenir sa plus grande fan.
La simple pensée de cette petite pantomime me rendait d'avance malade. Mais je ferais tout ce qui est en mon pouvoir, y compris sacrifier temporairement ma dignité, pour découvrir la vérité sur la connexion entre ce détective et la mort de ma mère…
Où habitait-il déjà ? Beika Street ? Ce n'était pas sans évoquer Baker street, ce qui me fît penser à Sherlock Holmes.
Il fallait espérer qu'il ne partage pas, ne serait-ce que la moitié de l'intelligence et de l'indifférence au sexe opposé du plus grand détective de la littérature (A moins que ce titre ne revienne à Poirot ? Je n'étais pas sûre). Cela ne me faciliterait guère la tâche.
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Notes du traducteur : Si, par extraordinaire, il y a des musiciens parmi les lecteurs de cette traduction, et qu'ils trouvent à redire à l'usage des termes musicaux, ne blâmez surtout pas l'auteur, pianiste de son métier, mais gardez votre ire pour le traducteur qui ne partage pas cette chance. Et si vous avez des suggestions, je suis preneur.
Oh, et au cas où quelqu'un s'aviserait de me faire remarquer que j'ai oublié le label Alternative universe/Univers alternatif pour cette fic… Tout ce que je peux dire en retour, c'est que ce n'est pas une négligence de ma part, mais le malentendu se dissipera de lui-même à la fin de cette histoire de toute manière…
