Le sol était jonché d'éclats de verre auxquels se mêlaient des photos déchirés, comme le symbole du rejet du passé. La fenêtre était ouverte, laissant les rideaux se soulever avec une grâce presque irréelle. Et puis elle, ah elle, elle est au milieu de la pièce. Elle est droite mais si courbée, le temps lui est passée dessus avec tout son lot d'épreuves et de tests à la con. Moi je sais qu'elle a mal et pourtant elle est toujours là, toujours aussi froide. Aujourd'hui c'est différent parce que c'est moi qui suis entré dans cette pièce, et qu'elle sait qu'avec moi elle peut se laisser aller. Elle est pied nu et pourtant il ne lui vient même pas à l'idée de se plaindre alors qu'elle marche sur du verre brisé. Elle a l'air forte et pourtant c'est là qu'elle est le plus fragile, elle est faible, si faible que ses genoux n'ont même plus la force de trembler, mais c'est pas grave parce que je suis là et je vais tout arranger. Encore une fois. Après tout, c'est elle qui fait les dégâts et c'est moi qui explique tout, qui répare tout. Peut-être bien qu'un jour j'en aurais marre, tellement marre que je n'aurais plus la force de la soigner.
'' Tu es en retard. ''
J'ai envie de lui répondre que je suis toujours en retard, parce que j'ai pas envie de la voir comme ça, si forte et si faible à la fois. Elle, c'est le genre de fille qui tourbillonne jusqu'à ce qu'elle n'est plus d'air, elle s'épuise et c'est moi qui ramasse les morceaux. Encore et encore. J'ai l'impression que je suis la pour la réparer, parce que ce qu'elle préfère elle, c'est être toute cassée. Je sens le verre craquer sous mes pieds, je sens qu'elle frémis et essaie de rejeter ça sur le vent, mais c'est pas vrai, elle n'a pas froid. Elle a peur.
'' Je me fais désirer, tu le sais bien. ''
Elle grogne mais je sais bien que c'est sa façon de rire. Ses cheveux ont recommencé à pousser, moi je ne l'aime pas avec les cheveux courts. Elle est trop froide, trop dure. A ce moment là je l'ai rejoint, et je l'ai désarmé, enfin partiellement. Je sais qu'elle a glissé une lame dans ses jarretelles, et qu'elle a même réussit à en cacher dans son corset, elle est coriace.
'' Je te déteste. '' souffle-t-elle.
Et je sais qu'elle ment, parce que ce n'est pas moi qu'elle déteste, ce qu'elle déteste c'est devoir attendre que je la soigne après chaque mission, c'est de s'inquiéter que je ne rentres pas parce que je suis en retard, ce qu'elle déteste c'est qu'elle a besoin de moi autant que j'ai besoin d'elle, et ce qu'elle déteste c'est qu'elle aime ça.
'' Moi aussi je t'adore. ''
Je rigole, parce que c'est le seul moyen que j'ai pour qu'elle m'écoute, la faire rigoler. Parce que elle, elle rigole à mes blagues même quand elles ne sont pas drôle parce qu'elle a besoin de rire. Je marche sur une photo, une photo de nous et je sais que je la déteste, je la déteste parce que j'ai terriblement besoin d'elle. Moi j'inspire quand elle expire et je connais son odeur par cœur, je la connais par cœur.
'' J'ai froid. ''
Elle l'a dit si bas que j'ai l'impression de l'avoir rêvé, ou d'être branché sur ses pensées. Ma Natasha, elle n'a jamais froid alors quand elle dit ça c'est qu'elle me dit qu'elle a besoin de moi, qu'elle ne veut pas que je partes. Ma Natasha elle a peur de l'abandon, et moi j'ai peur qu'elle parte. Alors je la prends dans mes bras et je sais que je l'aime beaucoup trop, ça me dévore de l'intérieur parce que ma Natasha toute fragile et toute cassée, c'est comme ça que je l'aime.
Je suis l'agent très spécial Clint Françis Barton, je suis amoureux et je ne devrais pas.
