Si vous vous attendiez à lire l'histoire d'un jeune homme qui se remet en question, d'histoire d'amour sorties d'un roman à l'eau de rose et de fantômes du passé qui reviennent, vous pouvez déjà passer votre chemin. L'histoire que je m'apprête à vous raconter est tellement hallucinante que parfois, en me levant le matin, je me dis « Putain, est-ce que c'est vrai, tout ça ? ». Mais commençons par les présentations.

Je m'appelle Gabriel, j'ai 17 ans et je viens de France. De Montmorency, plus précisément, une petite ville en région parisienne. Mais il faut savoir qu'ici, on me connait surtout sous le nom de « Midnight_Driver » (« Conducteur de Minuit » pour ceux qui ont fait Allemand LV1). Je vous expliquerais plus tard pourquoi ce surnom à la con, mais trêves de bavardages. J'étais tranquillement au volant de ma voiture, rentrant d'une difficile journée de travail. Une main posée sur le volant et le coude dépassant de la fenêtre ouverte, j'écoutais tranquillement « All Along The Watchtower » de Jimi Hendrix avant d'en profiter pour augmenter le volume de la radio.

Dieu que j'aimais cette musique, avec sa guitare et la voix de Jimi la rendait toujours aussi épique ! L'écouter en observant la route et les immeubles de nuit défiler devant soit était toujours quelque chose de génial… Mais passons, je sens déjà que je vous ennuie. Je m'arrêtais à un carrefour du centre-ville, jetant un œil à mon rétroviseur de gauche : pas de voiture en vue. Je laissais échapper un long bâillement. J'allais retrouver la tranquillité de mon appartement… Un coup sourd retentit alors, me faisant sursauter. Avant même d'avoir pu faire quelque chose, je sentis quelque chose de long et de métallique se poser sur ma tempe. Une voix féminine et agressive me somma alors en anglais :

« -Drive ! (Fonce !) »

Je gardais mon sang froid, essayant de savoir ce qu'il se passait. Je m'écriais à mon tour dans la langue de Shakespeare, toujours avec mon accent français :

« -Hey ! Who are you ? And what the… (Eh ! T'es qui ? Et qu'est-ce que…)

-JUST SHUT THE FUCK UP AND DRIVE! (TA GUEULE ET DEMARRE ! »)

La fille à côté de moi venait de m'hurler aux oreilles, me coupant dans mon élan de curiosité. De toute façon je savais que ça ne marcherais pas. Je commençais à poser mon pied sur l'accélérateur quand un SUV noir s'arrêta en trombe devant moi. La fille à côté de moi laissa échapper un juron avant de me crier dessus pour changer inutile de vous dire que le reste de notre conversation eu lieu en anglais :

« -Recule, il faut qu'on les sème !

-Ça je sais faire, chuchotai-je avant de tirer le levier de vitesse vers la position « R » et d'écraser l'accélérateur. »

Le moteur de ma voiture rugit, l'entrainant en arrière. Je donnais un bref coup de volant, ramenant la voiture dans le bon sens dans un crissement de pneus. Dans le rétroviseur central, j'aperçu le SUV se lancer à notre poursuite. A la place passager, j'apercevais la silhouette d'un homme introduire un chargeur dans son fusil d'assaut. Pas de doute, ils avaient du matos et en avait après nous, enfin, surtout après la fille. Cette dernière retira l'arme de ma tempe avant d'attacher sa ceinture en vitesse et de s'agripper à la poignée au-dessus de la portière.

Nos poursuivants se rapprochaient, mais j'avais une astuce. Alors que nous étions sur une large avenue, je donnais un coup de frein pour m'engouffrer dans une ruelle plutôt étroite. Tellement étroite que seulement quelques centimètres séparaient les portières de ma voiture aux parois. Le SUV tenta de s'engouffrer à son tour, mais sans succès en raison de la largeur du véhicule. Il reprit sa course sur la grande avenue. Nous sortîmes alors de la ruelle, arrivant dans une rue à deux sens. La fille me demanda d'une voix peu assurée :

« -On les a semés ? »

Plusieurs coups de feu retentirent soudainement, tandis que le pare-brise fut troué à plusieurs reprises, ne touchant miraculeusement personne d'autre que l'habitacle :

« -Prends ça pour un non, lançait-je alors que j'apercevais de nouveau nos poursuivants surgir en face. »

Je fis rapidement demi-tour d'un coup de volant. La poursuite reprenait. A cette heure du soir, les rues étaient plutôt encombrées et la route s'apparentait à un parcours de slalom géant. Je devais jouer du volant pour éviter à chaque instant la collision, la moindre erreur pouvant nous être fatale, d'autant plus que nos adversaires ne nous lâchaient pas d'une semelle. Le pilote du SUV n'était pas mauvais, il fallait dire. La tension augmenta d'un cran quand le passager du véhicule ennemi ouvrit sa fenêtre et s'accouder au rebord, une Kalachnikov dans les mains. Il fit feu dans notre direction mais par chance, les secousses du véhicule à chaque esquive de voiture l'empêchaient de toucher ma voiture. Le trafic se mit à ralentir, et pour cause : à deux cents mètres devant nous, les barrières d'une voie ferrée qui se fermaient. Pire encore, le train était en vue. La voie en sens inverse était immobile, m'empêchant de tourner et si je freinais pour faire demi-tour, on se ferait flinguer. Je n'eus qu'une seule solution : foncer et accessoirement prier pour passer à temps.

La voiture prenait de plus en plus de vitesse à mesure que je passais les rapports. Les cinq secondes qui séparaient ma voiture de son passage sur la voie ferrée me parurent interminables :

« -Ça passe pas, ça passe pas, ça passe pas, répétait sans cesse la fille d'une voix de moins en moins audible. »

Je défonçais la barrière en fermant les yeux et en retenant mon souffle. Etions-nous morts ? Visiblement non, car nous roulions toujours. La jeune femme laissa échapper un soupir de soulagement en s'enfonçant dans son siège… Mais les poursuivants au fait ? Un terrible fracas se fit entendre plus loin derrière : Dans le rétroviseur, je pu apercevoir le SUV se retourner sur le toit. Un terrible enfoncement sur le flanc droit du véhicule confirmait que le véhicule avait été percuté de plein fouet par le train. La fille m'ordonna :

« -Arrêtes-toi là. »

Je m'exécutais en me garant sur le bord de la route, à côté d'un square. Elle me demanda alors :

« -T'es armé ? »

Je désignais le bas de mon dos ou dépassait la crosse de mon revolver. Elle s'en empara en me tenant en joue avec un Glock avant de lui retirer ses balles qu'elle prit dans sa poche. Puis, elle descendit, un sac sur le dos. Je coupais le moteur avant de descendre à mon tour et de lui lancer :

« -Eh ! Attends ! »

Cette dernière ne m'attendit pas, me questionnant sur mon possible manque d'autorité… à moins que ça soit son entêtement, à voir. Je trottinais vers elle avant de lui taper sur l'épaule et lui demander :

« -C'était qui, ces types ?

-T'occupes pas de ça, me répondit-elle sur un ton sec.

-T'as chopé une prime pour avoir volé une voiture et ils te couraient après, c'est ça ?

-Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Je peux me débrouiller seule…

-Seule ? Qui est rentrée dans ma voiture en me braquant pour échapper à quelqu'un et qui serait morte sans moi ? »

Elle fit la moue avant de répliquer d'un air agacé :

« -Bon, ok, merci mais ça s'arrête là.

-Je te donne pas deux jours sans que tu tiennes dans la rue, une arme à la main et encore moins avec une prime sur la tête. Qu'est ce qui s'est passé, tout à l'heure ? »

La jeune femme soupira avant de répondre :

« -Des gars ont débarqué à mon appartement pour me flinguer, j'ai réussi à leur échapper momentanément et puis je suis monté dans ta caisse, voilà tout.

-T'as pas de véhicule, lui demandais-je, intrigué.

-J'avais une Dinka Blista, mais ils bloquaient l'accès au garage, alors j'ai dû fuir par les toits avant de redescendre dans les rues.

-Donc, t'as plus rien…

-Si, mon Glock ainsi qu'un fusil dans mon sac.

-M'ouais… »

Je réfléchissais quelques secondes avant de lui proposer :

« -Bon, t'as l'air d'être vraiment dans la merde… Sérieusement, accepte au moins mon aide.

-Tu proposes quoi, me demanda-t-elle d'un regard suspicieux.

-Je t'héberges dans mon appartement le temps que tu retrouves un chez-toi ainsi qu'un véhicule.

-Et tu veux quoi en échange ? Parce que ça ne sera pas gratuit, je parie…

-Tu payes trente pourcents des frais quotidiens de l'appartement et tu me files un coup de main pour quelques Jobs. Ça marche ? »

Je lui tendis ma main. Elle la serra finalement en hochant la tête et dit tout simplement :

« -Deal. »

Nous retournâmes à ma voiture. Des impacts de balles étaient visibles sur les côtés et sur les vitres. Il était grand temps que nous rentrions. Elle reprit sa place passager tandis que je conduisais. Alors qu'elle fermait les yeux pour se reposer un peu, j'en profitais un peu pour l'observer à un feu rouge.

Elle était plutôt grande, presque autant que moi, surement à cause de ses interminables jambes et ne devait pas être plus âgée que moi. Malgré ses couches de vêtements et son pardessus noir, je devinais facilement quelques formes qui avaient dû lui valoir des « compliments » dans la rue. Elle avait des traits plutôt fins avec une peau très pâle. Ses cheveux étaient auburn et viraient presque au rouges. Ils étaient courts, ne lui arrivant que peu avant les épaules, des pointes ne dépassant seulement à cause d'un bonnet noir qui les recouvrait. Ses yeux d'un bleu froid comme la glace étaient mis en valeur par un eyeliner assez prononcé, seule trace de maquillage sur son visage.

Elle était entièrement vêtue de noir, que ce soit ses baskets, son jean, son t-shirt, son manteau au col relevé et même ses mitaines étaient noires. J'avais une vague impression de déjà vu, mais cela restait à confirmer.

Alors que le feu passait au vert, elle ouvrit les yeux avant de me demander :

« -Tu habites loin ?

-On y sera dans dix minutes, répondis-je en baillant.

-Tu t'appelles comment ?

-Midnight_Driver. Mais tu peux m'appeler Gabriel. Et toi ? »

Elle sembla pensive :

« -Midnight_Driver… C'est plutôt classe… Enfin bref, moi c'est BlackRocket. Mais appelle-moi Arey.

-Enchanté. Tu viens d'où ?

-Je suis d'Islande, et toi ?

-De France.

-C'est pas la porte à côté… »

La remarque me fit sourire.

Si depuis quelques pages vous vous demandez pourquoi deux adolescents venant de pays différents ont déjà un appartement, savent conduire une voiture et se trimballent avec des armes sur eux, félicitation vous êtes intelligents. Pour les autres, ce n'est pas grave, car je vais vous expliquer comment tout a commencé. Parce oui, j'aime ne pas commencer par le début…