J'ai sacrifié ton amour,

Je suis hantée par cette journée, par tes dernières minutes auxquelles je n'ai pas assisté, par ces derniers mots que je n'ai pas pu te dire.

Pour une raison que j'ignore, par un acte que je ne comprends pas, on a décidé de t'ôter la vie, de te retirer à moi.

Toutes ces années passées loin de toi, je me suis construit une personne acceptable, pas celle que j'étais, celle que les autres voulaient que je sois, cette femme sans faille, cette épouse dévouée, cette mère parfaite. Je m'étais enfermée, protégée, oubliée.

Tout s'est effondré.

Quand j'ai croisé ton regard, après tout ce temps, je n'osais pas te regarder, je n'aimais pas celle que j'étais devenue, celle que j'avais créé pour les autres, celle que tu avais pu voir à travers les écrans. Tu connaissais de moi cette femme lumineuse, solitaire et persévérante que j'étais à Georgetown, celle qui est entré dans ce milieu pour bouger les lignes, celle qui passait ses nuits à travailler avec une ambition débordante…

Et puis, il t'a fallu quelques minutes pour la faire revenir, celle que j'étais, celle que je suis, près de toi ressortait cette femme si forte qui m'effrayait, que j'ai encore quelques temps cherché à contenir, mais pas avec toi, jamais avec toi.

Auprès de toi je revivais, j'apprenais à nouveau, je me battais, pour ma carrière, pour ma place, pour ma vie.

Il y a eu ces quelques mois, hors du temps, ces déplacements, ces nuits à l'hôtel, chez toi, ces moments suspendus dans ton bureau, tes mains qui m'effleurent sous les tables, ton regard qui attrape le mien en audience, cette liberté que je m'étais accordée.

Ces sentiments que je me suis autorisé de ressentir, ta réponse que j'ai attendue et la peur qui m'a envahi. Cette peur abyssale de te perdre sans le voir venir, cette peur qu'on soit l'interdit et que tout s'effondre.

Cette peur qui m'a poussé à fuir, j'ai eu mal, j'ai voulu que tu me rappelle, que tu me retiennes, je suis parti et j'ai arrêté de regarder en arrière.

Je t'en ai voulu, je m'en suis voulu et j'ai compris : J'ai sacrifié ton amour, tu as choisis la haine.

La noirceur de ton regard, ta colère, ta souffrance, si dur a voir, mais ça passerai, avec le temps.

Ce temps je ne l'ai pas eu, ce temps s'est défilé, ce jour, ce dernier procès, cette arme, c'est toi qu'elle a choisi.

Aujourd'hui je ne trouve pas les mots, je ne trouve pas la force. Ton prénom reste imprononçable, certaines parties de mon corps sont devenues intouchables.

Mon cœur s'est arrêté, et avec toi, je me suis en aller. Il me faut avancer, vivre, mais pas comme avant, pour toi je vivrai enfin pour moi.

William, emporte mes souffrances et mes regrets, je t'aimerai a jamais.