Le temps d'un battement de coeur
Tenkû no Escaflowne – Le temps d'un rêve
Hitomi posa la feuille vierge devant elle, elle tendit sa fine main vers le tiroir, l'ouvrit doucement, sans faire de bruit, et saisit un crayon de papier qu'elle avait taillé plus tôt dans la soirée. Elle le déposa sur la feuille et ouvrit un second tiroir. Il ne contenait qu'un seul et précieux objet. Elle prit le paquet de cartes, le garda entre ces mains quelques secondes, puis l'ouvrit. Elle tira une carte et sourit en reconnaissant le tarot du dragon.
Dans son esprit, elle vit de grandes ailes blanches s'élever vers le ciel et disparaître dans un nuage. Elle installa la carte de tarot en appuie sur la lampe et attrapa son crayon. Elle le fit tournoyer entre ces doigts. Elle ferma les yeux et elle traversa la grande cour de Fanélia. Le marché de Fanélia battait son plein, des enfants courraient entre les étales, les hommes criaient, les femmes marchandaient les prix, les tentures d'Astria se mélangeaient aux légumes et épices de Fanélia.
Une odeur de cannelle l'enveloppa et elle laissa son nez la conduire. Elle s'approcha du palais, reconstruit avec goût et élégance. Elle passa devant les gardes, elle longea de nombreuses carrioles. Les fêtes de Fanélia attiraient toujours du beau monde. Peut-être reverrait-elle quelques amis de cette lointaine époque où sa vie croisa celle des habitants de Gaia.
Elle s'immisça dans une file d'invités et la grande salle préparée pour les festivités s'ouvrit sur une coupole de verre où la vue sur la Lune des Illusions lui coupa le souffle. Elle resta quelques secondes, les yeux levés vers le ciel de Gaia, elle ferma les yeux et laissa les rires, les chants et les conversations la traverser.
Deux clochettes tintèrent et le silence se fit. Les invités se pressèrent vers le fond de la salle.
« Notre roi, Van Fanel ! Que paix et prospérité soit avec lui pour l'ouverture des fêtes du Printemps de Gaia, » déclama une femme-chat aux longs cheveux roses.
Hitomi mit quelques secondes pour la reconnaître. Elle n'avait plus rien à voir avec l'enfant-chat qu'elle avait rencontré et aimé ces quelques mois passé sur Gaia. Merle était une vraie lady dorénavant et elle comprit parfaitement les petits sifflements admiratifs qui s'élevèrent de la foule.
Et elle le vit arriver, traverser la foule, saluer quelques amis et quelques couronnes de Gaia, embrasser chaleureusement Merle et la remercier de cette charmante entrée pour les fêtes. Il avait grandi, prit de la force et de la noblesse dans ces mouvements. Il n'avait pas touché à ces cheveux, toujours noirs et aussi long que la première fois où elle l'avait rencontré.
Hitomi s'avança sur l'espace laissé entre la foule et le roi de Fanélia. Elle s'immobilisa à quelques mètres de ce roi, absorbé par le chevalier qui venait de s'agenouiller devant lui. Van prit l'épée que lui tendait, agenouillé devant lui, Allen Schezar. Et la brandissant au dessus de sa tête, il murmura : « Que cette année, comme toutes celle à venir, soit remplis de paix, de prospérité, de joie et de nouvelles rencontres. Que la paix de Gaia soit éternellement bénie ! Et… »
Van se tourna légèrement vers la foule et il la vit, lui souriant, les yeux remplis de souvenirs et de fierté. Ils restèrent l'éternité comme cela, se regardant, plus rien n'existait autour d'eux, seulement leurs âmes et leurs souvenirs lointain en communion.
Mais Van cligna des yeux et il revint devant cette foule qui attendait la fin de son discours.
« Et… - il ne quitta pas Hitomi des yeux - au souvenir de celle qui a permis que cela se produise ! » Il sortit de sa poche le pendentif qu'elle lui avait confié, fit un signe de la main à Merle et Allen qui s'approchèrent d'un long tissu tendu derrière Van, tirèrent et dévoilèrent une statue à échelle humaine.
Hitomi se força à quitter Van des yeux et ils s'ouvrirent d'étonnement en découvrant une magnifique statue d'elle-même, les cheveux aux vents, deux ailes blanches immaculées ouvertes dans son dos.
Van sourit puis s'approcha de la statue et déposa autour de son cou le précieux pendentif qui brilla un instant d'une lueur rose, emplit la salle et disparut.
La foule se dissipa doucement, sans heurte. Ne resta bientôt plus que Van, les yeux fixant l'endroit où elle se tenait encore quelques instants plus tôt, et ces amis. Merle lui saisit le bras et agita l'autre pour inviter tous leurs amis de cette époque-là à s'approcher.
« Elle est magnifique, Dryden. Vous féliciterez celui qui l'a sculpté, murmura Mirana en saluant Merle et Van.
- J'ai cru un instant qu'elle était parmi nous, souffla Allen. Là – il tendit la main vers l'endroit où elle s'était tenu – juste devant toi, Van. Te souriant avec tendresse.
Van se tourna vers son ami, et éclata de rire en s'éloignant pour rejoindre les festivités qui résonnaient dans le château.
« Mais… elle était là, Allen. Elle est toujours là à cette époque de l'année. Et depuis huit ans, elle ne loupe jamais ce rendez-vous ! »
Hitomi posa le crayon, remit la carte de tarot dans le jeu, le déposa dans le tiroir qu'elle n'ouvrirait de nouveau que dans un an. Elle éteignit la lumière de sa lampe de bureau et rejoignit son lit.
Un rayon de lumière traversa la fenêtre et éclaira faiblement la feuille de papier. A peine lisible, on put reconnaître la salle de réception et l'immense dôme de verre donnant sur la Lune des Illusions, et tout au fond, Van assis au pied de la statue… sa statue.
Hitomi sourit dans son sommeil. « Van… à l'année prochaine ! ».
