Bonjour à tous ! L'inspiration revient, aussi je vous propose cette nouvelle fic en espérant qu'elle vous plaise. Attention spoils si vous n'avez pas lu les romans sur Guren.

Bonne lecture ^^


Huf huf huf …

La vue du jeune garçon commençait à se brouiller. Alors c'était fini ? Ça y est il allait mourir, ici, seul et abandonné ? Sa respiration était saccadée. En-dessous de lui il sentait la chaleur de son propre sang qui se répandait sur le sol. Cela le réchauffait ironiquement. La pluie tombait sans discontinuer depuis une dizaine de minutes. Cette maudite pluie qui lui avait coûté la victoire et accessoirement, la vie. Voilà, son entraînement était terminé. Il n'avait pas survécu. Lorsqu'il y repensait, il trouvait cela totalement absurde. Choisir des garçons aux capacités spéciales, les acheter à leurs parents puis les entraîner à la magie et au combat … seul le meilleur survivrait, avec pour récompense une fiancée et une place dans une prestigieuse famille.

Jusque-là, il avait fait partie des meilleurs. Au début il en était fier. On le félicitait souvent. Et puis, on lui en avait demandé plus. Toujours plus. Sauf qu'à force de demander toujours plus, venait un moment où l'on ne pouvait tout simplement pas satisfaire la demande. Comme présentement. Il avait froid maintenant. Et il se sentait faible, si faible. Sa vue se brouillait de plus en plus, et se teintait de noir à présent. Il crut soudain entendre un cliquetis. Oui, c'était bien ça. Quelqu'un approchait-il ? Pourrait … pourrait-il être sauvé en fin de compte ? Non. La blessure était trop grave, et il avait perdu trop de sang. Le cliquetis se rapprocha. Finalement, deux pieds nus apparurent dans son maigre champ de vision. Deux bracelets d'or ornaient une cheville. Le cliquetis qu'il avait entendu.

« Eh bien, c'est ce qui s'appelle être dans un sale état, gamin. »

Une voix féminine.

« … »

Il vit qu'elle s'accroupissait. Une main écarta des mèches qui cachait son visage. Puis avec douceur, il fut mis sur le dos, la tête calée sur des genoux. Là, il aperçut un visage. Avec…

« ! »

Ses yeux s'arrondirent. Des yeux rouge sang avec la pupille verticale le fixait. Des mèches d'or encadrait un visage aux traits délicats. Les anges n'ont pas les yeux rouges si ?

« Tu as reçu un coup de poignard dirait-on. Si jeune et déjà bagarreur. Bon, voyons si tu mérites que je te sauve. » reprit l'inconnue.

Soudain, l'enfant la sentit entrer dans sa tête. Littéralement. Elle fouillait dans son esprit, dans sa mémoire et il sentait même une sorte de contact au niveau du cœur. Mais enfin que se passait-il ? Des images, des souvenirs défilaient devant ses yeux. Finalement, tout refoula.

« Eh bien, quelle vie de chien. »

Non sans blague ?

« Tu me parais convenir. J'ai une proposition pour toi. Il te faut du pouvoir pour survivre, et j'en ai plus que tu ne pourrais en obtenir. Ton cœur est toujours pur en dépit de que tu subis. Si tu acceptes de passer un pacte avec moi, je te donne ce pouvoir dont tu as besoin. Tu pourras ainsi décider toi-même de ta vie. La seule condition est que tu devras garder le monde. » dit-elle ensuite.

Garder le monde ? Comment ça ? Il prit une inspiration. Douloureuse bien sûr.

« Qui … »

« Éole. Je suis un vampire, mais avec une tâche bien précise. Empêcher que les portes des enfers et du ciel ne s'ouvrent, ici ou ailleurs. Et toi, tu t'appelles Shinya c'est bien ça ? » répondit-elle, anticipant sa question.

« Oui. » souffla-t-il.

« Mon pauvre Shinya. J'ai vu ton avenir. Il sera triste. Tiens, vois par toi-même. » continua Éole.

Soudain, des images envahirent son esprit. Il se vit bien portant, attendant quelque chose. Il était excité. Il avait gagné.

Comment ? Mais je suis mourant !

Une jolie petite fille aux longs cheveux violets venait à sa rencontre. La fameuse fiancée qu'on leur promettait, qu'ils le veuillent ou non. Shinya entendit sa voix. L'enfant déclarait que son cœur était déjà pris.

Mais alors … quelle sera ma place ?

Une couverture. Pour qu'on ne la soupçonne pas. C'était tout. Il vit aussi les autres membres de la famille, les Hiiragi. Leur mépris envers lui. Il se vit ensuite plus âgé. Un adolescent. Une école. Et puis … du sang. Beaucoup de sang, de la peur, des cris, des morts. Une fois. Deux fois. Un monstre dans un zoo. Et d'autres combats, d'autres morts, encore du sang. Puis, l'apocalypse. Des monstres gigantesques, des centaines de morts, des vampires.

« Voilà ton avenir. Passe un pacte avec moi, accepte de me recevoir et tu changeras tout. » conclut Éole.

Shinya serra les dents. Il avait non seulement vu, mais aussi ressenti. Sa solitude, son impuissance, sa haine. C'était donc ça qui l'attendait s'il survivait ? Une vie dans le froid et le noir ?

« Veux pas … »

« Quoi donc ? »

« Futur. »

Le vampire sourit. Elle leva une main, ouvrit la bouche dévoilant ainsi une paire de crocs. Elle s'entailla la paume avec l'un d'eux.

« Alors deviens moi. Accepte le pacte. »

Shinya observa le sang couler. Du pouvoir. De la force. La survie, la possibilité de choisir. Un autre futur.

« Oui. »

Éole déplaça sa main et la posa sur la plaie au niveau de son ventre. Les sangs se mélangèrent. Une onde de choc traversa le corps de Shinya, qui se cabra. Un torrent furieux qui se déverse.

« AH … »

Une poussière commença à émerger du corps d'Éole. Elle s'effaçait, et les particules composant son corps entrèrent dans celui de Shinya. Par sa blessure, par son nez, ses oreilles et sa bouche.

« GAH OUAAAAAAH ! »

Il allait exploser ! Non il brûlait, il brûlait de l'intérieur. Ou bien est-ce qu'on l'électrocutait ? Il ne savait pas. En revanche, jamais Shinya n'avait ressenti pareille douleur. Jamais il ne pourrait survivre à cette transformation ! Il sentit vaguement autre chose entrer en lui. Le sang sur le sol qui rentrait au bercail. L'enfant se tordait sur le sol, hurlant à plein poumons. Et puis … plus rien. Le silence total. Shinya gisait sur le sol, le corps raide comme du bois, les yeux révulsés et la bouche grande ouverte.


« Huuuuf ! »

Il se redressa en sursaut, haletant. La pluie tombait toujours. Aussitôt, il porta la main à son ventre. Rien. Il souleva son sweat-shirt. Aucune cicatrice. La blessure avait disparu. Shinya se releva d'un bond. Plus aucune trace de sang sur le sol. Il fronça les sourcils. Il avait guéri. Les pouvoirs du vampire ?

« Bien sûr quoi d'autre ? » entendit-il dans sa tête.

Shinya sursauta.

« Qui ? »

« Éole. Le vampire avec qui tu as pactisé y'a deux minutes, tu te souviens ? »

Un vampire. Il y avait un vampire dans son corps. Là-dedans. Tout lui revint, surtout les visions du futur. Si on pouvait appeler ça un futur. Son regard s'assombrit. Il n'en voulait pas. Il ne voulait pas être le jouet de qui que ce soit. Ni un outil qu'on élève. C'était terminé. Maintenant, il pouvait enfin choisir. Il le sentait. Cette force qui évoluait en lui. Shinya regarda ses mains, puis les referma.

« Alors, que comptes-tu faire ? » interrogea Éole.

« Rentrer. Et en chemin, tu vas me dire qui tu es en détails. »

Shinya se mit à marcher.

« Bien sûr. »

Il sentait Éole sourire. Elle lui fit savoir pour commencer qu'il pouvait lui parler mentalement. Une bonne chose, songea le jeune. La base où il vivait apparut en contrebas d'un sentier. Shinya la contempla d'un œil neuf. Les choses allaient changer là-dedans, et pas plus tard que tout de suite. Éole venait de lui détailler ses pouvoirs, et il comptait bien en utiliser un. Shinya ouvrit la porte à la volée. Les adultes en blouse blanche s'interrompirent.

« Tiens mais qui voilà ! Notre petit Shinya. Ton camarade Suichiro vient de m'annoncer ton décès. Je dois dire que j'étais déçu, tu semblais si prometteur. » dit un homme.

« Mais c'est vrai ! Je l'avais tué ! » s'exclama Suichiro.

« Eh bien il a raté son coup. » répondit calmement Shinya, qui avançait toujours.

« Pourtant ton sweat-shirt porte la trace d'une blessure, et mortelle à première vue. »

L'homme s'approcha. Shinya sentit une envie d'attaquer poindre. Mais il devait se montrer patient. Il se laissa docilement examiner.

« Étrange, il n'y a aucune trace de blessure. Comment est-ce possible ? » continua l'homme, en regardant Shinya.

Ce qu'il vit dans les yeux du petit l'effraya. Son regard saphir avait pris une teinte si sombre, une teinte meurtrière. Une aura agressive s'éleva.

« Et alors ? » demanda Shinya, glacial.

« Euh … eh bien c'est embêtant. Il ne devait en rester qu'un seul. Suichiro a échoué, il nous faut donc vous départager. »

« Pas de problème. » conclut Shinya.

Il alla se positionner face à son condisciple, les mains dans les poches. Durant un instant, personne ne bougea.

« T'attends quoi ? On n'a pas la journée. Ou t'as la trouille ? » lança Shinya.

Suichiro serra les dents. Très bien, il allait lui montrer à ce petit prétentieux. Il s'avança et se mit en garde. Shinya le regardait faire, l'air paisible. Il laissa son adversaire lui porter le premier coup, écartant simplement la tête. Un deuxième coup de poing, sans plus de succès. Shinya recula, esquivant les coups portés à sa tête. Son opposant s'excita, accélérant la cadence. Puis finalement il se retourna. Suichiro, emporté par son élan, continua.

« Maintenant, Éole. »

Shinya leva le pied, et frappa dans le dos. Si fort qu'un craquement retentit. Suichiro vola dans les airs, à une distance anormale. Il retomba sur le ventre, inerte. Un adulte alla vérifier au bout de quelques secondes, puis le déclara mort. Shinya ne laissa paraître aucune émotion. Suichiro l'avait toujours détesté. Il était son rival le plus acharné ici. Tout à l'heure, il s'était allié avec d'autres pour tendre une embuscade à Shinya. Deux étaient tombés des arbres, et lui avait emprisonnés les bras. Le jeune avait résisté : écrasant leurs pieds il s'était libéré et en avait flanqué un à terre. Mais il avait dérapé sur le sol détrempé, quand deux autres avaient jailli des buissons. Les deux premiers lui immobilisèrent les pieds pendant que les deux autres maintenaient les bras. Suichiro s'était précipité pour achever le travail. Tout s'était passé si vite. Shinya n'avait eu que le temps que comprendre que c'était la fin pour lui.

« Impressionnant Shinya. » entendit-il.

Le concerné jeta un bref regard à l'homme qui l'avait examiné, puis quitta la salle. Dans le dortoir, il retrouva d'autres garçons de son âge. Ils avaient dix ans seulement, et déjà les mains pleines de sang. Tous avaient déjà un air dépressif. Shinya regagna son lit. Dix ans seulement, et une vie brisée.


Mais cela allait changer. Il lui fallait déterminer un plan maintenant. Que faire ? Selon la vision d'Éole, sa fiancée ne voudrait pas de lui. Devait-il donc rester ici et perdre son temps? Non, il avait une meilleure idée. Tout cette cruelle mascarade allait cesser, un point c'est tout. En attendant, les garçons durent retourner à leurs études. La journée s'acheva normalement. Tous allèrent se coucher, épuisés comme toujours. Mais pas Shinya. Il sentait une telle énergie remuer en lui. Il repensa à toute sa vie, depuis ses cinq ans où on l'avait choisi pour être un candidat à marier une des filles Hiiragi. Apprendre des sorts, vite, puis apprendre à se battre et à tuer. Se faire des amis pour les voir disparaître. Parce qu'ils n'avaient pas le niveau requis, parce qu'il fallait se battre contre. Tous les jours, se battre pour sa survie. Quelle merveilleuse enfance.

Il attendit. Attendit que les respirations autour de lui se fassent plus profondes. Il sentit un petit titillement au niveau de ses yeux. Comme tout à l'heure pendant le combat. Ah, et ses dents … oui, les canines avaient poussé. Il se redressa.

Sa vue lui permit de tout distinguer autour de lui quasiment aussi bien qu'en plein jour. Il entendit des battements réguliers autour de lui. Tournant la tête vers un de ses camarades, Shinya distingua la carotide de son coup qui battait. Il déglutit. Non, pas encore. Pas lui, pas tout de suite. Le jeune se leva. Il sortit en silence du dortoir. Il ne perçut pas un bruit dehors. Par contre, diverses odeurs l'assaillirent.

« Étonnant, ces sens vampiriques. Je sens les odeurs des enfants, et celle des adultes, plus mature. » pensa-t-il.

Shinya avança dans les couloirs. En principe, quelques adultes restaient debout pour compiler et analyser les résultats des enfants. Shinya perçut une respiration depuis la porte. Il sourit. Phase 1, enclenchée. L'enfant ouvrit tranquillement la porte, entra.

« Shinya ? Mais que fais-tu ici et encore debout ? » l'accueillit-on.

Shinya referma la porte, yeux clos. Lorsqu'il les rouvrit, l'homme en face sursauta.

« Mais que … »

En un éclair Shinya fut sur lui. Il le renversa de son tabouret, atterrissant à califourchon sur lui. L'adulte voulut l'écarter mais le garçon arrêta son bras.

« Je suis simplement venu apporter un peu de changement ici. Rassurez-vous, ça va vous plaire. » sourit l'enfant.

Ce faisant, il dévoila une paire de canines anormalement longues. Avant que l'adulte ne puisse réagir, Shinya planta ses crocs dans son poignet sans cesser de le regarder. Le sang se déversa dans sa bouche. Sa première réaction fut le dégoût, mais très vite cette sensation disparut. Éole, le vampire qu'il possédait avait pris le dessus et elle, elle aimait le goût du sang. Ses sens primaient sur ceux du petit. L'adulte pour sa part, afficha une drôle d'expression. La surprise et la peur disparurent, pour faire place à ce qui semblait être de l'acceptation. Shinya retira ses dents. Avec un sourire, il s'adressa à l'adulte.

« Alors, qui est ton maître maintenant ? »

« Vous, Shinya. »

« En effet. Tu vas jeter tes résultats à la poubelle. Plus aucun test à partir de maintenant. Compris ? »

« Oui maître. »

« Parfait. Et ne parle à personne de ce qui s'est passé ce soir. »

« Oui maître. »

Shinya se releva et s'en alla. Mais il ne retourna pas se coucher. À la place, il se rendit dehors. D'un bond, il arriva sur le toit. La nuit était douce, la lune dégagée quoique parcourue de nuages de temps à autre. Le garçon resta là un moment les yeux dans le vague. Bien. Il inspira, puis fonça. Il fut au sol en une seconde, et fonça dans la nuit. Shinya avait décidé de tester un peu sa nouvelle force. Le vent lui cinglait le visage, mais cela ne lui faisait rien. La vitesse qu'il atteignait amena un sourire sur son visage. Un vrai sourire, pas le faux qu'il avait appris à constamment montrer pour ne pas se laisser submerger par l'enfer quotidien. C'était phénoménal. Avisant soudain un arbre, le jeune bifurqua puis frappa le tronc d'un coup de poing expérimenté. L'écorce explosa pendant que sa main entrait dans le tronc. L'onde de choc se répandit dans le tronc qui se retrouva ainsi sectionné.

Shinya retira sa main, fit le tour et retint le végétal dans sa chute. Il souleva l'arbre sans effort d'une main, émerveillé. Avec ça, personne ne pourrait plus lui tendre de piège. Il pourrait triompher de tous ses ennemis. Shinya laissa le tronc tomber au sol. Il repartit en courant. Soudain, il fusa dans les airs. Il arriva très au-dessus des arbres.

« Woow ! »

Il arriva bientôt aux abord d'une ville. Celle-ci grouillait de gens en dépit de l'heure tardive. Shinya demanda à Éole de passer au second plan. Inutile que l'on remarque ses yeux rouges. Il marcha ainsi parmi la foule. Avisant soudain un porte-monnaie dans une poche arrière, il se demanda s'il ne pouvait pas le voler.

« Non, je ne suis pas un voleur. » se sermonna-t-il.

« Pourquoi pas ? T'es déjà un tueur tu n'es plus à ça près. » intervint Éole.

« Tu m'as choisi car j'avais le cœur pur. Je n'entends pas devenir un criminel. »

« C'est toi qui vois, gamin. »

Soudain, Shinya sentit une main sur son épaule. Il retint ses réflexes. Se retournant, il découvrit un policier.

« Qu'est-ce que tu fais tout seul à cette heure petit ? T'as fugué ? »

Shinya plissa les yeux. Il les ferma puis …

« Grrrrrr ! » gronda-t-il, les canines à l'air et les yeux rouges.

L'adulte ôta vivement sa main avec un son de peur. Shinya lui tourna le dos dans un geste de mépris et poursuivit sa route. Passant près d'un marchand de glace, il s'arrêta. Une glace … quand était-ce la dernière fois qu'il y avait goûté ? Quand il avait quatre ans, lui semblait-il. Il saliva. Il n'avait pas d'argent pour en acheter une. Mais … il avait autre chose. Il entra dans le magasin. La vendeuse sembla surprise de voir un enfant de son âge tout seul. Shinya ne prit pas la peine de la saluer. Il lui fonça dessus, puis lui planta les crocs dans le cou durant la chute.

« Un cornet vanille, s'il vous plaît. » demanda-t-il ensuite.

« Oui maître. »

La femme se releva et le servit aussitôt. Shinya prit son cornet entreprit de sortir.

« Vous partez déjà maître ? »

« Hmm ? »

« Attendez, je peux vous servir autre chose. » proposa la vendeuse.

« Non merci. »

« Mais … »

« Au revoir. »

Shinya sortit. Il lécha sa glace. Le goût sucré envahit sa langue. C'était si agréable. Il se sentit soudain plein de joie.

« Tu devrais faire attention à qui tu mords et pourquoi. » fit Éole.

« Pour quelle raison ? »

« Ainsi que je te l'ai expliqué, ma morsure asservit. Mais elle créée aussi une relation de dépendance vis-à-vis de toi. Une dépendance qui si elle n'est pas satisfaite peut conduire au suicide de la victime. »

Shinya se figea, la langue sur la vanille. Il la retira doucement. Zut, il avait oublié ce détail. Voilà pourquoi la vendeuse avait tenté de le retenir. Il l'avait rendue dépendante de lui. Il se retourna. Personne ne le suivait.

« Mince, et comment je peux défaire ça ? » demanda-t-il avec une certaine inquiétude.

« Tu ne peux pas. Sauf en tuant tes mordus. Rappelle-toi qu'ils deviennent tes serviteurs par la suite. Alors ne mords pas n'importe qui pour n'importe quoi. »

« Mais et cette femme alors ? Que va-t-elle devenir ? » s'enquit Shinya.

« Ça, tu le sauras dans quelques jours. »


Shinya décida de rentrer. Il n'avait toujours pas sommeil.

« Maître Shinya vous revoilà ! »

« WAH ! »

La première personne qu'il avait mordue. Ni plus ni moins que le directeur de l'endroit. L'homme paraissait soulagé de le voir.

« J'étais inquiet maître Shinya. Sortir seul ainsi … il vous faudrait une escorte la prochaine fois. Je vous accompagnerais. » dit-il.

« I … inutile. Je sais me défendre tout seul. » reprit Shinya, se remettant de sa crise cardiaque.

« Mais si aviez besoin de quelque chose ? Je peux vous être utile, j'en suis certain. » reprit le directeur.

Il le suivait à présent. Shinya soupira. Une relation de dépendance hein ? Le directeur lui proposa un chocolat chaud.

« Vous avez du chocolat ici ? » s'étonna l'enfant en se retournant.

« Bien sûr. Je vous apporte une tasse immédiatement, maître. »

Le directeur fila. Shinya soupira de nouveau. Évidemment qu'ils avaient du chocolat. Les enfants n'y avaient juste pas accès, c'est tout. En attendant, il s'installa dans un fauteuil. Le directeur revint avec une tasse, qu'il servit avec déférence. Shinya savoura l'arôme.

« Cela vous plaît-il maître ? »

« Oui merci. »

Shinya vit alors l'homme afficher une expression de pure joie. Il écarta sa tasse, étonné. Le fait d'avoir remercié l'homme paraissait le combler.

« Hé Éole ? Peux-tu m'en dire plus sur cet asservissement vampirique ? »

« C'est très simple : une morsure suffit comme tu l'as constaté. Les mordus deviennent ainsi tes Serviteurs, qui n'auront plus qu'un seul but : te satisfaire. » commença la vampire.

« Voilà qui me parait fort intéressant. » commenta Shinya.

« Certes, mais il y a un inconvénient : ils veulent absolument être dans tes parages. Sans quoi ils en deviennent malheureux. Au point que cela entraîne un manque terrible, qui peut les faire sombrer dans la dépression puis la mort. » précisa Éole.

« Attends : ça veut dire que je vais le traîner partout avec moi ? » s'étonna Shinya.

Ah non merci. Il n'avait mordu ce type que pour introduire le changement, pas pour qu'il le colle. Surtout pas lui qui les forçait tous à s'entretuer.

« C'est pour ça que je t'ai dit de faire attention. Tu peux leur ordonner de t'attendre évidemment, mais tu ne dois pas t'absenter trop longtemps sans donner de nouvelles. »

« Je vois. »

D'ailleurs le directeur restait planté là, à l'affût du moindre ordre. Shinya vida sa tasse.

« Vous avez des livres ? »

« Oh oui, j'ai plusieurs romans. »

« Alors allez les chercher. »

« À vos ordres maître ! » claironna le directeur.

Shinya choisit ensuite un livre, puis congédia l'homme, lui ordonnant d'aller dormir. Le directeur accepta sans broncher. Il ajouta alors qu'il atteignait la porte, de leur préparer un bon petit-déjeuner demain, avec chocolat et viennoiseries. L'homme accepta avec joie. Shinya sourit.


Le jour suivant, les enfants eurent la surprise de découvrir une table bien garnie. Les autres adultes commentèrent, étonnés. Shinya avait regagné le dortoir juste avant le réveil. Il n'avait pas dormi. Aux questions qu'on lui posa, le directeur répondit qu'on ne discutait pas ses ordres. Comme d'habitude certes, mais enfin … Shinya se servit en premier, les autres suivirent. Le directeur fut aux anges de recevoir un discret signe de tête du jeune. Plus tard, ce fut les cours qui étonnèrent. Ils furent consacrés à des matières ordinaires qu'apprenaient les jeunes de leur âge. Les protestations furent ignorées. Les enfants eurent droit à une récréation, dont ils ne surent que faire. Shinya leur suggéra de jouer.

« Jouer ? »

« Ben oui, comme tous les enfants. »

« Mais … on n'a jamais joué. Pas depuis cinq ans au moins. »

« Eh bien faites un effort. »

Mais ils regardèrent sans savoir que faire. Shinya soupira. Le changement n'allait pas être si simple. Peu importe, ils s'y feraient bien. La nuit suivante en tout cas, le jeune alla mordre un autre adulte. Le directeur accueillit ce nouveau serviteur comme s'il venait d'entrer au paradis. Shinya chargea le nouveau d'aller acheter des jouets. Le directeur approuva comme si le garçon avait eu un éclair de génie.

« Me demande combien de temps je vais supporter ce genre d'attitude. » songea-t-il les yeux en bille.

Le lendemain, les enfants découvrirent leurs présents. Shinya les observa examiner les jouets, puis tenter de s'en servir. Au bout d'une demi-heure, il vit des sourires se dessiner. Il écarquilla les yeux, puis sourit à son tour. Voilà qui était mieux. La nuit d'après, un autre Serviteur fut créé. Et un pique-nique commandé. Shinya alla voir la vendeuse de glace, qui l'accueillit avec des larmes de joies, le suppliant de la laisser le servir. Devinant une réaction excessive, Shinya avait attendu que les clients précédents partent.

« Relevez-vous enfin, ce n'est pas digne d'un serviteur de maître Shinya ! » sermonna le dernier serviteur en date.

« Oui, pardon maître. » fit la vendeuse en lâchant ses genoux.

Shinya commanda des glaces pour tout le monde. Nouvelle joie pour ses condisciples. Petit à petit, le jeune garçon mordit tous les adultes. La vie changea radicalement à la base. Les enfants retrouvaient le sourire, apprenaient des choses utiles pour leur futur. Un beau jour cependant, l'instructeur des Hiiragi vint leur rendre visite.

« Qui est-ce ? » demanda Shinya.

« Un homme des Hiiragi maître. Il vient choisir le fiancé de la jeune Mahiru. » répondit un serviteur.

« Ah. Cachez les autres, et annoncez-moi comme le vainqueur. »

« Tout de suite maître. »

Shinya se montra lorsqu'il fut informé que tout était ok. L'instructeur le reçut, annonçant qu'il avait réussi. Shinya joua la comédie, s'avouant soulagé que tout soit terminé. Après quoi, il fut annoncé que Mahiru avait demandé à le rencontrer. L'instructeur les laissa seuls. Shinya découvrit une ravissante fillette venir à lui.

« Alors, tu es donc le survivant destiné à se marier avec moi ? » dit-elle de but en blanc.

« Quelle entrée en matière. Il parait oui. »

Mahiru l'étudia. Shinya avait gagné en assurance ces derniers jours, et il émanait de lui une confiance en soi et une force qui la surprirent.

« Ton nom ? »

« Shinya. »

Écrit avec les mots pour former le mot nuit.

« Bon. Mais je ne suis pas là pour ça. Aujourd'hui, je suis simplement venue te dire que j'aime déjà quelqu'un. Tu ne m'intéresses pas et je ne peux pas t'accepter. » reprit-elle.

« Ça tombe bien, tu ne m'intéresses pas non plus. » avoua franchement Shinya avec un sourire.

« Ah bon ? » s'étonna Mahiru.

« Non. Il y a quelques jours peut-être, mais j'ai d'autres projets depuis. »

Mahiru cligna des yeux. Elle savait qu'on lui avait choisir un fiancé selon des critères très spécifiques. Elle croyait que le vainqueur n'attendait qu'une chose : la rencontrer. Elle pensait s'en servir comme d'un substitut, une couverture pour cacher son secret.

« Quels projets ? » demanda-t-elle.

« Ça me regarde. Mais j'imagine que je n'aurais d'autres choix que d'être des tiens. Hmmm … c'est embêtant. » fit Shinya, pensif.

« Tu n'es pas du tout ce à quoi je m'attendais. » confessa Mahiru.

« Navré, mais ce n'est pas mon problème. Soit, j'accepte de faire partie de ta famille. » dit-il comme si le choix lui revenait.

Ce qui ne manqua pas de faire rire Mahiru.

« Tu es au courant que tu n'as pas le choix ? »

Shinya sourit.

« Crois-tu ? »

Mahiru fronça les sourcils. Il y avait quelque chose de pas banal chez ce gamin. Il annonça aller rassembler ses affaires pour la suivre. Elle l'observa avec plus d'attention. Cette façon de marcher, son port de tête droit … oui, il était peu ordinaire.