LE COURONNEMENT D'UNE REINE
J'ai toujours su que j'accomplirais de grandes choses… et puis il y a eu Fergus. Je n'ai jamais su qui était son père, mais ils l'ont tous payé de leur vie. Il n'est pas un seul jour où je ne me demande comment quelqu'un comme moi a pu engendrer un être aussi répugnant. Je ne parle pas du démon. Ça, il a très bien su le devenir tout seul – par quel merveilleux hasard, cela reste un mystère. Non… Non… Je parle de cet enfant accroché à mes jupons comme une sangsue. Je parle de cet enfant qui s'était mis en tête que je pouvais l'aimer. Moi ! Oh, j'ai bien essayé de m'en débarrasser. J'ai tout fait pour qu'il me haïsse. Hé, j'ai même essayé de le vendre ! Même à prix cassé, personne n'en voulait. Non, sérieusement, trois cochons pour ce sale morveux, pour ce bon à rien, c'était donné. Mais ce gosse était pire qu'un boomerang. Aujourd'hui encore j'arrive à me le prendre en pleine figure. C'est à se demander si je n'aurais pas dû user de magie. Bien sûr que j'ai été tentée ! Plus d'une fois même. Mais la confrérie était déjà sur mon dos pour des pratiques qu'elle jugeait trop extrêmes, alors si je m'en étais servi sur ce gosse… Dire qu'au moins une fois dans sa vie il aurait pu être utile. Et je suis sûre que cet idiot aurait été heureux de collaborer. Rien que d'y penser ça me dégoûte.
C'est un démon maintenant me direz-vous… Le Roi des Démons. On aurait pu croire que devenir cette chose l'aurait changé. Mais non. Il a encore fallu qu'il me fasse honte. Dire qu'il est devenu Roi. C'est vraiment à se demander s'il n'a pas eu ce titre dans une pochette surprise. Aucune prestance. Aucun charisme. Aucune ambition. Parmi tous les corps qu'il lui était possible d'emprunter, il a fallu qu'il choisisse celui-là ! Il aurait au moins pu choisir une enveloppe plus avantageuse. Décidément il n'en finira jamais de jeter la honte et le déshonneur sur les McLeod. Heureusement que ce nom n'est pas mien, ma réputation en aurait pâti. C'est déjà suffisamment dur de compter un démon dans cette famille.
Oui, c'est utile aussi. J'en conviens. Cette fois-ci, j'ai vraiment cru que j'allais y passer. Après mon coup d'éclat, je me suis retrouvée devant le plus haut responsable de ces terres infernales et je l'ai insulté. J'avais été enlevée, battue, torturée. Je n'avais plus grand-chose à perdre. J'attendais même le coup de grâce. Oh, je n'ai pas été déçue. Mon cœur, s'il avait existé, aurait même raté un battement avec ce simple mot "Mère ?" C'est à ce moment que j'ai su que j'étais sauvée. Parce que le Roi des Enfers débordait d'humanité. Parce que, même s'il ne l'avouerait jamais devant ses sujets, Fergus adorait toujours sa mère. Alors oui, j'ai joué la carte de la sensibilité. Oui, j'ai donné de ma personne. Mais n'allez pas croire que j'ai soudain développé la fibre maternelle. Tout est question d'instinct de survie et de vengeance. Les démons m'ont ravi ma mère. Les humains ont détruit tout ce qu'il restait de ma famille.
Aujourd'hui, plus qu'un sort, j'ai l'opportunité. De détruire ces deux mondes qui ont fait de ma vie un enfer. De me débarrasser de cet enfant dont je n'ai jamais voulu. D'avoir les moyens de mes ambitions. J'ai toujours su que j'accomplirais de grandes choses…
