-1Chapitre 1

Deux heures. Cela faisait deux heures que le docteur Brennan attendait les résultats de son bilan de santé dans un long couloir d'hôpital avec en tout et pour tout deux chaises en plastique dur et une fenêtre trop haute pour voir ce qu'il se passait dehors. Impatiente, elle faisait les cent pas tout en lisant la seule affiche qu'il y avait au mur, une fois toute les quinze minutes. Elle la connaîtrait par cœur avant de sortir de cet endroit lugubre.

Soudain, la porte par laquelle elle était sortie deux heures auparavant s'ouvrit et le docteur Vedaux apparut, un paquet de feuille à la main.

- Docteur Brennan, vous voulez bien me suivre ?

Elle l'accompagna dans son bureau et s'assit face à lui, prête à entendre tout ce qu'elle s'avait déjà.

- Vous avez besoin de repos, je vous donne trois jours, allez où bon vous semble mais ne mettez pas les pieds au Jeffersonian ou vous aurez affaire à moi, lui dit-il d'un air menaçant.

- Bien, répondit-elle simplement.

Il lui suffirait d'aller au FBI, elle pourrait y suivre l'enquête en cours sans que le docteur n'en sache quoi que ce soit. En espérant que son coéquipier ne le vire pas. Surpris par cette réaction si passive d'une patiente qu'il connaissait bien, le docteur compris vite ce qu'elle préparait.

- Mlle Tempérance Brennan, votre malaise était sans conséquences parce que c'était le premier d'une longue série si vous ne vous reposez pas immédiatement.

- Combien puis-je encore en faire avant qu'il n'y ait de séquelles ? demanda Brennan, le plus sérieusement du monde.

- Mlle Monténégra m'a …

- Monténégro !

- Mlle Monténégro, pardon, m'a expliqué que vous faisiez des heures supplémentaires non payées en plus de vos heures supplémentaires payées. Vous êtes une scientifique, n'avez-vous pas conscience des risques pour travailler autant ?

La question n'attendait aucune réponse, c'est pourquoi Brennan se tut. Qu'est-ce qu'Angela avait bien pu lui dire d'autre ?

- Voici votre arrêt de travail. J'appellerai toutes les heures chez vous pour m'assurer que vous y êtes s'il le faut.

- Au revoir docteur. Merci.

- Au revoir et faites au moins une fois dans votre vie ce que je vous recommande de faire ! ajouta-t-il alors qu'elle était déjà au bout du couloir.

- N'ayez aucun espoir surtout ! Bonne fin de journée ! lança-t-elle en fermant les portes de l'ascenseur.

Une fois installée dans un taxi, Brennan commença par allumer son portable, qui s'éteignit quelques secondes après. La batterie était vide et elle n'avait aucun moyen de contacter son équipe ou Booth pour savoir où en était l'affaire en cours. Le corps d'un adolescent de 17 ans ou plutôt ce qu'il en restait, avait été retrouvé allongé sur un canapé dans un appartement où vivait normalement une famille composée de deux parents; Mickaël et Marise Julius, 46 et 40 ans, Verona et Louisa Julius, deux filles de 7 et 10 ans, ainsi que leur frère Bryan Julius, 17 ans. Quelques heures avaient suffit à Brennan pour identifier le squelette comme étant celui de Bryan, le fils aîné de la famille Julius. Malheureusement, aucune autre informations n'avaient pu être tirée du squelette.

Les quatre autres membres de la famille restaient introuvables et les trois enfants n'étaient plus à l'école depuis une vingtaine de jours, ce qui remontait au jour de la mort de l'adolescent.

C'était un mercredi ensoleillé qui se finissait et rien d'autre n'avait été découvert depuis le lundi, jour du malaise de Brennan. Ce jour-là, tout avait pourtant commencé normalement. Un ou deux différents entre Brennan et Booth, une moquerie ou deux d'Hodgins envers Zack et la bonne humeur d'Angela étaient au rendez-vous. Brennan était comme à son habitude en train d'identifier un os; la phalange d'un homme de 82 ans en l'occurrence. À ce moment, elle avait vu des petits points noirs s'amuser à apparaître et à disparaître devant ses yeux. Elle avait fermé les yeux puis les avait rouverts pour se retrouvée face à Booth, arrivé entre temps. Il lui avait parlé mais sa voix avait résonné comme un écho lointain et ses yeux s'étaient de nouveau fermés pour se rouvrir dans une chambre d'hôpital quelques heures plus tard.

Angela lui avait alors raconté sa frayeur lorsqu'elle avait vu Booth entrer dans son bureau, Brennan inconsciente dans les bras. Il s'était empressé de la prévenir puis avait disparu de Jeffersonian et l'avait emmenée à l'hôpital. Elle était sortie le mardi matin avec un rendez-vous obligatoire chez son médecin traitant habituel pour obtenir quelques jours de repos. Surveillée par l'hôpital, elle n'avait pu faire autrement que d'accepter de s'y rendre.

Ce qui contrariait particulièrement Brennan, c'était que ce mercredi après-midi, elle aurait justement du accompagner Booth, qu'elle n'avait pas revu depuis le lundi, pour aller interroger un premier suspect. Non pas que son partenaire lui ait manqué mais elle était impatiente d'en savoir plus sur cette nouvelle piste.

Assise dans le taxi, l'anthropologue ne cessait de gesticuler en regardant par la fenêtre l'embouteillage qui s'était formé en peu de temps, ce qui commença à énerver le conducteur.

- On ne peut pas aller plus vite ? lui demanda-t-elle

- Si, bien sûr !

- Ah ! C'est vrai, vous connaissez un raccourci ? dit-elle sans cacher son espoir.

- Absolument. Je peux sortir les ailes intégrées de mon taxi, on s'élève au-dessus des autres et on vole en ligne droite jusqu'à votre destination. Le seul problème c'est que j'ai peur d'avoir une contravention en me garant sur le toit du FBI, lui répondit-il.

Vexée, Brennan s'enfonça dans son siège.

- Ne faites pas la tête-là mademoiselle. Je fais de mon mieux et comme ce n'est jamais suffisant pour les clients, je fais un peu d'humour ! enchaîna-t-il. Comment peut-on être aussi pressé d'aller au FBI ?

- Je travaille pour le FBI, dit-elle plus calmement.

- Vous êtes du FBI et vous n'avez pas de voiture ?

- J'ai une voiture mais je ne la récupèrerai que dans trois semaines, elle est réparation. Et je ne suis pas du FBI, mon équipe et moi collaborons avec le FBI, c'est différent.

Le conducteur fronça les yeux pour essayer d'y voir une différence puis renonça.

- Et je parie que vous êtes sur une enquête en ce moment. Oh, attendez, vous ne travaillez pas sur l'histoire de l'ado qu'on a retrouvé mort il y a quelques jours ? s'enquit le chauffeur.

- Si, dit sombrement Brennan en repensant au corps décomposé de la victime dans l'appartement.

- Triste fin pour ce petit jeune.

Le reste du trajet se passa dans le silence, jusqu'à ce qu'ils arrivent à destination. Brennan paya le chauffeur et le remercia.

- Et excusez-moi pour mon humour un peu moqueur de tout à l'heure, ajouta-t-il.

- C'est moi, je ne suis pas douée pour comprendre l'humour.

- Au revoir !

Enfin arrivée, elle fonça droit vers les grandes portes vitrées de l'entrée.

La fraîcheur du hall lui fit du bien. Elle décida de ne pas prendre l'ascenseur pour retrouver Booth au troisième étage. Elle monta les escaliers deux à deux puis sa dirigea droit vers le bureau de son partenaire. Ella allait simplement toquer puis entrer sans vraiment attendre de réponse quand une jeune secrétaire passa derrière elle.

- Frappez fort, il est un petit peu sourd, lui conseille-t-elle.

Brennan posa son regard sur la porte. « Inspecteur Marc Falconni, chef de la brigade » annonçait l'écriteau. Où était passé l'écriteau « Agent Spécial du FBI Seeley Booth » ? Elle rattrapa la secrétaire.

- Hey ! Excusez-moi, où est le bureau de Booth ?

- Je ne connais pas tout le monde ici, dit-elle. Qui est-ce ?

- C'est un agent spécial de FBI, grand, musclé, euh… cheveux châtains, décrivit Brennan.

- Ils sont tous beaux, grands, musclés et châtains ici, essayez au quatrième étage. Maintenant, je dois y aller, je vais me mettre en retard.

- Qui est-ce qui est beau, grand, musclé et châtain ? résonna une voix familière derrière son dos.

- Booth ! Votre bureau a été déplacé ! l'informa Brennan.

- Oui, merci de vous en inquiétez mais je m'en suis rendu compte par moi-même bien avant vous. Alors ?

- Alors quoi ?

- Vous me décrivez comme un homme beau, grand, musclé et châtain ? Cela me correspond plutôt bien, dit-il dans un sourire.

- J'ai dit grand et châtain. Et musclé aussi mais c'est cette secrétaire qui a rajouté beau, se défendit-elle. Et elle parlait des agents du FBI en général. Mais où est votre bureau ?

- C'est faux, il ne sont pas tous musclés et beaux, dit Booth en montrant un jeune grand et sec qui passait en courant.

- Au moins lui semble-t-il travailler, remarqua Brennan en observant le gobelet de café dans les mains de Booth. Où est votre bureau ? insista-t-elle.

- Suivez-moi, c'est au deuxième.

En descendant les escaliers, Booth lui expliqua que de nouvelles recrues arrivaient et que le troisième étage leur était désormais réservé. Il fit entrer Brennan fièrement dans son nouveau bureau et la vit ouvrir de grands yeux en constatant que la taille de la pièce avait doublé. Les murs avaient une couleur orange très pâle reposante et à cette heure, le soleil entrait dans le bureau par une très belle et grande fenêtre.

- Eh oui, c'est nettement mieux n'est-ce pas ? approuva Booth.

Puis comme s'il venait de redescendre sur Terre, les derniers évènements lui revinrent en mémoire.

- Mais vous ne deviez pas être chez le médecin aujourd'hui ?

- Pas toute la journée, non. J'en sors.

Brennan s'assit sur la chaise en face du bureau et Booth prit place dans son fauteuil.

- Qu'a-t-il dit ? Questionna-t-il.

Brennan ne voulait pas répondre de peur que Booth lui reproche d'être venue ici.

- Oh ! C'est confidentiel ? Désolé, s'excusa-t-il. Mais alors pourquoi êtes-vous venue ici au lieu d'aller à l'institut Jefferson? Je vous manquais tant que ça ? ajouta-t-il en connaissant déjà la réponse.

- Je… En fait…

Ne sachant pas mentir, elle choisit sans attendre de dire la vérité.

- Je n'ai pas le droit d'aller au Jeffersonian pendant trois jours donc j'ai décidé de venir ici, expliqua-t-elle.

Booth essaya de lire entre les lignes et malheureusement pour Brennan, il y parvint et réagit brutalement mais pour son bien.

- Alors vous êtes en repos si j'ai bien compris ! Rentrez chez vous, Bones ! Allez, déguerpissez, ne jouez pas avec votre santé bon sang !

- Je vais très bien, je suis venue pour en apprendre plus sur ce suspect que vous êtes allé voir cet après-midi.

- Premièrement, il y a deux suspects. Joddie et Andrew Gracker, voisins des Julius, censés revenir de leurs vacances ce matin mais leur avion n'a pas décollé, je dois donc aller les voir maintenant puisqu'ils viennent normalement de rentrer. Deuxièmement, rentrez chez vous où je vous met en prison pour non-respect d'un agent du FBI, la menaça Booth.

- Oh ! Vous allez les voir maintenant ? Je viens avec vous ! déclara Brennan en ignorant ce que Booth venait de lui dire.

- Vous avez entendu ce que je viens de vous dire, Bones ?

- Ne m'appelez pas Bones. Allons-y s'ils nous attendent.

- Non, ils ne nous attendent pas, ils m'attendent moi, dit Booth en essayant de la retenir par le bras.

- Lâchez-moi, je vais y aller seule en taxi si vous ne voulez pas que je monte dans votre voiture.

- Mais Bones, ça n'a aucun rapport, dit-il en lui courant après dans les escaliers. Vous ne participerez pas à cet interrogatoire tant que je suis chargé de cette affaire, ajouta-t-il d'un ton sec.

Quelques minutes plus tard, Brennan, assise sur le côté passager, regardait défiler les trottoirs par la fenêtre de la voiture. Le silence devenant pesant, elle se tourna vers Booth dans l'espoir qu'il soit un peu moins fâché contre elle et fit une tentative.

- Je n'ai pas eu l'occasion de vous remercier pour lundi. Angela m'a raconté que vous m'aviez emmenée à l'hôpital, c'est gentil.

- Et vous, vous êtes méchante de m'avoir fait un truc pareil. J'ai eu peur et je ne tiens pas à ce que ça se reproduise alors j'aurais préféré que vous ne veniez pas et donc, je suis contrarié.

Brennan poussa un soupir et abandonna. Il leur restait quinze minutes de trajet qu'ils étaient sur le point de faire en silence lorsque Booth repris.

- Qu'a dit votre médecin, exactement ?

Brennan inspira longuement puis répondit.

- Que j'avais soi-disant besoin de repos…

- Tout à fait, la coupa Booth.

- Que je ne devais pas aller au Jeffersonian…

- C'est un bon médecin !

- Et que si j'insistais pour travailler, je devais surtout faire attention de ne pas être en contact avec des gens contrariés, finit-elle par dire.

Booth se tourna vers elle, souleva ses lunettes de soleil et la vit esquisser un sourire timide.

- Vous savez bien que je n'arrive pas à « ne rien faire »…

- Bones, vous êtes… vous êtes… Vous êtes insupportable… dit-il en rigolant et en remettant ses lunettes.

Cette fois-ci, un sourire franc s'installa sur le visage de sa coéquipière.

- C'est vert.

- Quoi ?

- Le feu est vert et vous allez faire un embouteillage si vous ne démarrez pas.

Booth accéléra et ils se rendirent chez les Gracker dans une ambiance plus décontractée.