A bien y réfléchir, Atsushi avait quelque chose en commun avec lui. L'apparence d'un ange.
Non, en fait, non. Atsushi était une bête au cœur d'or. Que Dazai refusait de laisser mettre en cage, lorsque lui-même méritait l'enfermement, depuis longtemps. Et dont il devrait s'extirper, sans trop de difficultés, assurément. Mais Atsushi méritait tellement mieux ! Lui, l'être pur. Solaire. Bon et généreux. Dazai avait peut-être l'apparence d'un ange, mais Atsushi en était un. Ou du moins, en avait toutes les qualités. Un ange à protéger – L'adolescent était trop fragile. Saurait-il le préserver ?
Il fit tourner les glaçons dans son verre, pensivement. Son regard d'une infinie douceur cachant le calculateur féroce.
Il se leva, monta tranquillement les escaliers, refusant les avances d'une prostituée d'un ton doux, si doux qu'elle en rougît et revint sur ses pas, avec regret.
« Tu ne sais pas ce que tu perds, gueule d'ange. »
Dazai eut un de ces sourires qui atteignait jusqu'à son regard.
Et finit de monter les escaliers.
En haut, tout en haut de cet immeuble miteux, ses yeux s'ouvrirent de surprise.
Que cette ville lui semblait belle.
Il s'esclaffa discrètement.
Le ciel pollué de Yokohama...
Il sourit. Rien qu'à l'évocation de la ville impure, il lui semblait entendre Ryunosuke toussoter. Lui aussi avait l'allure d'un ange, mais alors, vraiment que l'allure. Il avait veillé à ce que le jeune homme n'en n'ait aucun autre attribut.
Alors il leva son verre à ses lèvres, fit tinter une dernière fois les glaçons et finit son whisky d'une traite. Cette brûlure lui parut divine. Que la souffrance faisait du bien. Qu'elle réchauffait ses entrailles et lui permettait de se concentrer sur la vie. Ses yeux un instant embués s'éclaircirent à l'idée du vent qui viendrait embraser le feu en lui. Il en frémit d'anticipation.
Perché sur le rebord du toit, il regardait tant qu'il pouvait. En un léger éclat de rire, sa tête bascula vers l'arrière. La lune était au plus haut. Si grosse. Si haute. Et si proche de lui, en même temps.
Perché sur le rebord du toit, il pensa encore à son ancien élève, bien plus puissant qu'il ne voudrait jamais le lui avouer. Refuser de le reconnaître le menait à être bien plus puissant, encore. Comprendrait-il ? Bien sûr que non. Mais il ne serait pas surpris. Après tout, il l'avait déjà cru mort.
Perché sur le rebord du toit, il ouvrit grand les bras. Dans un éclat de rire, il se laissa basculer. La vitesse était grisante, il sentit sa veste s'ouvrir, un de ses bandages se défit. Son cœur battait, battait… Il éprouvait, à cet instant précis, le sens de la vie.
Ah… L'existence n'est pas si mal, quand on est proche perdre la vie…
