Mon adolescence fut marquée par un nombre interminable d'épreuves et reste une des périodes les plus sombres de ma vie. Ces épreuves m'ont malgré tout façonnée, m'ont endurcie et ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Je vais maintenant vous raconter comment j'ai réussi à prendre ma revanche sur la vie.


L'adolescence, cette douce époque où normalement on se sent aimé, protégé et soutenu. Cette période importante pour notre apprentissage de la vie, moi, je ne l'ai jamais connu. J'ai eu droit à ce qu'on appelle un cours accéléré.

Je m'appelle Sakura Haruno, j'ai perdu mes parents à l'âge de douze ans dans un accident de voiture, il ne me restait à l'époque que mon grand frère, Sasori, de six ans mon ainé. Mon frère était quelqu'un d'attentionné et très protecteur envers les gens qu'il aimait. Ses cheveux rouges et ses yeux noisette, lui donnaient un charme certain. Nous vivions dans un petit studio dans un quartier pauvre de Queens. Malgré la terrible réputation de ce borough* et l'état de délabrement avancé de l'appartement, la vie y était agréable. Tout se passait bien entre nous, nous étions heureux et ce même si nous vivions simplement.

Mais tout changea dramatiquement l'année de mes quinze ans.

Un soir d'hiver, mon frère décida d'héberger temporairement des amis à lui. Je ne connus jamais les circonstances exactes de leur rencontre mais je pus constater qu'un lien étroit les liait. J'appris juste plus tard qu'ils appartenaient à une sorte de mafia encore très peu connue mais aux méthodes plus qu'efficaces. C'était après un coup qui avait mal tourné, qu'ils avaient décidé de faire profil bas pour échapper à la police. Ils avaient donc besoin d'un toit pendant quelques temps. Le notre parût leur convenir.

Lorsque je les rencontrais la première fois, je ne pouvais littéralement détacher mes yeux de leurs visages. Ils étaient beaux et le savaient. Leur assurance effaçait tout, reléguant au second plan leur manque de politesse, leurs regards perdus ou encore les revolvers maladroitement camouflés dans leurs vestes. C'est aussi ce jour là que je tombais amoureuse de Lui. Je sais que c'est ce qu'on voit dans toutes les histoires à l'eau de rose où une innocente jeune fille tombe bêtement sous le charme d'un jeune homme mystérieux et insaisissable. On ne pouvait être plus proche de la réalité. Mais vous auriez vu ces yeux ! De magnifiques yeux couleur d'encre. Si sombres et perçants qu'on pouvait y plonger jusqu'à s'oublier soit même. Ce que je fis en toute insouciance. Une erreur que je regretterais toute ma vie. Ce n'est que plus tard que je compris à qui j'avais réellement à faire. Des démons aux visages d'anges.

Ainsi de deux on s'est retrouvé à vivre à sept. A l'époque je n'étais pas ce qu'on pouvait appeler une jolie fille. Je ne savais pas me mettre en valeur. Étant d'un caractère plutôt timide et renfermé, je portais en général un pantalon et un pull aussi ample l'un que l'autre. De préférence de couleur sombre et si possible cachant au maximum mes maigres formes. N'ayant pas pris la peine de connaître mon nom, ces squatteurs m'avaient doté des jolis sobriquets de mocheté, erreur de la nature, ringarde... Autant dire que je faisais tache parmi eux.

Un mois après leur arrivée, malgré certaines blagues de mauvais goût à mon égard, je restais encore en totale admiration devant eux. J'avais pu constater que leur confiance en eux était sans limite. C'était le genre de mecs machos qui ne craignent rien ni personne. Remarquez que quand on était dans le milieu de la mafia, mieux valait avoir ce genre de philosophie pour rester en vie plus de cinq minutes. Ils formaient un groupe très soudé au point d'aller jusqu'à se tatouer le même symbole, preuve de leur appartenance à la même bande. D'après ce que j'avais entendu, cette amitié et cette loyauté indéfectible durait depuis l'enfance. Parmi ces êtres hors du commun, on pouvait compter :

Naruto, le blond au regard turquoise et au sourire aussi ravageur que glacial. Il était le bras droit de Sasuke, leader machiavélique au charme démoniaque. Le beau ténébreux par excellence. Shikamaru, le cerveau du groupe, calculateur et dont l'intelligence se reflétait dans ses beaux yeux bruns. Kiba, le chien fou de la bande, prêt à tout pour se faire remarquer, sa malice n'avait d'égal que son charme sauvage. Et enfin Neji, être froid et manipulateur hors pair. Me troublant par ses insondables yeux nacrés. Lorsqu'ils avaient fait de mon frère un des leurs, je ne m'étais pas rendu compte sur le moment qu'ils m'enlevaient mon seul allié potentiel.

C'était donc inévitable, du fait de mon caractère effacé, j'étais toute désignée pour devenir leur jouet. Après tout, qui aurait pu me défendre? Mes amis? Cela aurait été trop demander à cette époque. Je me retrouvais donc isolée et seule face à six apprentis mafieux sans scrupules.

J'étais vite devenue leur boniche attitrée. Mon frère, sur les conseils de ses « amis », avait quitté son travail pour rester avec eux. J'avais donc dû trouver un travail en plus de mes cours au lycée. J'avais déniché un poste de caissière dans une petite supérette de quartier ouverte sept jours sur sept. En plus d'être mal payée, je devais supporter les jérémiades des clientes insatisfaites et repousser les avances de vieux pervers. Je m'épuisais à la tâche de dix neuf heures à trois heures du matin pour payer leurs soirées, autrement dit, alcool, drogues… J'étais sujette à toutes les plaisanteries et à toutes les humiliations. Mon frère ne prenait plus la peine de me défendre et riait même de leurs blagues. J'étais reléguée au rang d'accessoire dans ma propre maison, je ne pouvais rien dire.

Plus mon frère se laissait entraîner dans l'illégalité, plus je sentais mon monde s'écrouler. Je ne comptais plus les soirées qu'ils avaient faites en ramenant ecstasy, héroïne, shit et prostituées. Dans ces cas là, l'appartement devenait trop petit et je me retrouvais mise à la porte pour leur laisser plus d'intimité. Quand j'y repense, quelle connerie monumentale. Ces orgies se terminaient toujours de la même manière, c'était moi qui finissais par virer les filles le lendemain et nettoyer leur crasse innommable.

Cette situation avait duré un an et demi jusqu'à ce jour fatidique. Après cet événement, je n'avais plus jamais été la même. La petite fille naïve qui disait amen à tout était définitivement morte et enterrée. Ils s'étaient servis de moi. Uchiwa encore plus que les autres. Je ne pourrais leurs pardonner sous aucun prétexte. J'avais été salie, humiliée. Comment accorder ma confiance aux hommes après ça ?


Épanouie et confortablement installée dans mon lit, je ne cessai de contempler l'homme étendu à mes cotés. Je me délectai de sentir son odeur si envoutante m'envelopper, de ressentir sa chaleur sur ma peau encore brulante. Que Sasuke et moi soyons dans mon lit à cet instant me semblait irréel.

Tout s'était passé si vite. Je venais de me donner à lui. J'avais été étonnée de son comportement plutôt entreprenant à cette heure tardive. Je ne me doutais pas que l'attirance que j'éprouvais pour lui était réciproque. Je venais de rentrer du travail épuisée, enviant mon frère et ses amis de pouvoir se prélasser tel des pachas. C'est surprise que je sentie deux bras puissants me saisir par la taille et m'emmener en direction de ma chambre. Une main impétueuse se plaqua sur mes lèvres pour étouffer mes cris de protestation. Je me calmai néanmoins en rencontrant ce visage familier, doté de sublimes onyx brillant d'une lueur inconnue. Lui refuser quoique ce soit à cet instant me fut impossible. Je restais amoureuse de lui et ce depuis que j'avais croisé son regard, c'était ma faiblesse. Et devant une telle perfection, j'abaissai les armes et toute révolte fut impensable. Le simple fait qu'il fasse enfin attention à moi me comblais de joie.

C'est avec un mélange troublant de douceur et de hâte que tout s'enchaina. Sous ses caresses expérimentées je me sentis frémir. Je me sentais enfin femme, enfin aimée, enfin importante pour quelqu'un. Et même cette douleur lancinante que je ressentais dans le bas ventre ne pouvait gâcher mon bonheur. Dans le silence de nos ébats, la certitude que les choses allaient enfin s'arranger m'envahit.

C'est sur cette pensée apaisante que je le vis se lever paresseusement, sa nudité n'enlevait rien à sa beauté. J'admirais son dos superbement musclé et l'observait prendre une cigarette avec nonchalance sur mon bureau. C'était le paquet de mon frère mais je ne lui fis aucune remarque. Maintenant que j'existais pour lui, je ne prendrais pas le risque de le faire fuir pour une broutille. Il porta ensuite avec aisance l'objet de son addiction à ses lèvres finement dessinées puis s'accouda à la fenêtre avec désinvolture. Son succès auprès des filles m'apparut comme une évidence. Cet homme était tout simplement parfait. Cette posture, ce regard perdu dans le vide, ce visage carré si masculin, juste parfait. Se sentant épié, il se tourna enfin vers moi, me permettant de l'admirer dans toute sa splendeur. Ses yeux sombres vrillèrent les miens quelques secondes. Cet échange fut rapidement rompu par un sourire narquois qui vint déformer son beau visage. A cet instant, il me toisait de ce regard méprisant que je ne connaissais que trop bien et que j'espérais ne plus voir. Ce brusque changement de comportement me plongea dans l'incompréhension la plus totale.

Puis sa réplique cinglante claqua, faite tout spécialement pour moi et pour me blesser. Cette phrase horrible pour n'importe quelle femme venant de se donner à l'homme qu'elle aimait :

« Vire de là et va me chercher un truc à boire. J'ai gagné mon pari en couchant avec une fille aussi laide que toi. » Tirant sur le filtre de sa cigarette, il poursuivi. « Tu es vraiment pitoyable mais t'es plutôt un bon coup finalement.»

Choquée, je sentis mes yeux s'embuer de larmes sous son sourire goguenard. Mon premier réflexe fut de prendre mes vêtements en vitesse pour pouvoir partir et mettre le plus de distance entre lui et moi. Dieu que ca faisait mal. Je trébuchais à plusieurs reprises et l'entendis rire de ma maladresse. Je me sentais nauséeuse, j'avais envie de vomir. Il s'était bien joué de moi.

Je traversais le salon rempli de bouteilles d'alcools, de caleçons sales et de boites de pizzas à moitié vides. Le petit cocon protecteur que j'avais réussi à préserver à la mort de mes parents était définitivement brisé. Il était désormais rempli de détritus et de linge sale. Arrivée dehors, je me mis à courir, courir comme si ma vie en dépendait. Pour mettre le plus de distance entre mon enfer et moi. Le froid mordant de l'hiver me fouettait violemment le visage, glaçant mes joues rougies. L'air forçait le passage entre mes lèvres gercées pour mieux s'infiltrer dans mes poumons déjà éreintés. C'est hors d'haleine que je m'écoulais à terre, m'écorchant les genoux au passage. Exténuée et meurtrie, je laissais mon corps rendre mon repas, m'étouffant à moitié. Je m'affalais sur le coté et repris mon souffle après un moment. Plus rien ne comptait à cet instant à part la douleur insupportable de mon cœur brisé.

Après être resté prostrée une éternité, je me levais lentement, prenant appui sur un mur avec difficulté. Tentant d'observer les environs, je repris peu à peu mes esprits. Mes jambes m'avaient inconsciemment portées dans un endroit très éloigné de l'appartement et peu fréquenté, fuyant la honte et la douleur. Je n'avais nulle part où aller. Il me fallait une solution. Avalant difficilement, je regardais ma montre. Il était déjà sept heures du matin, il me fallait attendre encore un peu que mes squatteurs aillent vaquer à leurs occupations. Je devais prévenir mon frère pour qu'il m'aide à trouver une échappatoire à cette situation. Cela devenait invivable. Le seul hic, c'était que je n'étais même pas sûre que mon frère daigne m'écouter.

C'est après deux heures et demie d'errance que je me décidais à rentrer chez moi, la peur au ventre. Avec appréhension, j'ouvris la porte silencieusement au cas où ils seraient encore à l'appartement. Je ne voulais pas avoir à faire face à leurs insultes dès le matin ni à son regard dédaigneux. Je m'avançais donc lentement dans le corridor quand soudain j'entendis des rires provenant du salon. Je me faufilais dans l'entrebâillement de la porte et constatais que la bande et mon frère regardaient quelque chose à l'écran de l'ordinateur. Cela devait être très drôle car ils hurlaient littéralement de rire. Curieuse, je m'avançai pour mieux voir l'écran. Grossière erreur. Mon entrée fut suivie d'un silence de plomb.

Sasuke me regarda avec un sourire en coin arrogant.

Naruto me faisait un pseudo sourire compatissant mais j'avais appris à me méfier de son caractère tordu. Avec lui, il fallait toujours être sur ses gardes. S'il avait souri maintenant, c'est que ça allait très mal pour moi.

Shikamaru de son côté, semblait indifférent à ce qu'il voyait. Un air de profond ennui se peignait sur son visage.

Neji me toisait d'un air détaché avec une lueur d'amusement qui ne me disait rien qui vaille.

Kiba, lui, me regardait avec un regard lubrique qui me plongea dans l'incompréhension.

Je pris peur lorsqu'il lança à ses amis :

«Je ne serais pas contre la tester moi aussi, t'avais l'air de prendre ton pied Saskette. »

Sa vanne fut suivi des rires des ses amis. Tous? Non, sauf mon frère. Son regard était terrifiant. Ses yeux noisette me lançaient des éclairs. Voyant à quel point j'étais perdue, il décida de tourner l'écran de l'ordinateur.

Ce que je vis me glaça le sang. J'eus de nouveau envie de vomir. A l'écran, il y avait moi, et Sasuke, en pleine action. Ma première fois, filmée contre mon gré. Un sentiment d'horreur me submergea. J'étais paralysée, les yeux rivés sur les images dégradantes qui défilaient à l'écran. Je ne vis pas mon frère s'approcher de moi, je ne vis pas non plus son bras se lever, et enfin je ne vis pas sa main arriver sur mon visage.

Un choc.

La violence du coup me projeta à terre. La douleur était telle que je perdis presque connaissance.

Je le sentis juste se rapprocher inexorablement tout en posant ses prunelles furieuses sur ce qu'il restait de moi.

Puis j'entendis deux mots, deux mots pour finir de me briser. Deux mots prononcés par la dernière famille qui me restait.

« Trainée... Dégage. »


Notes

Styx : Dans la mythologie Grec, le Styx est une des rivières des enfers qui sépare le monde des vivants au monde des morts. Il y a quatre autres fleuves qui coulent dans les Enfers : Le Phlégéthon, l'Archéon, le Cocyte et le Léthé.

C'est sur les rivages du Styx notamment que les âmes qui n'avaient pas été ensevelies erraient. Une foi le rite funéraire effectué, l'âme du défunt devait franchir le Styx avec l'aide du passeur, Charon, sans qui la traversée était impossible. Et afin de louer ses services, les grecs mettaient dans la bouche de leurs proches défunts une obole (petite offrande en argent) et ainsi lui garantir la traversé vers le Royaume d'Hadès. Une fois franchi, l'âme du défunt se retrouvait devant la porte des Enfers, gardés par le cerbère, le chien à trois têtes. Ce dernier était la garantie qu'aucune âme ne sorte et échappe à son sors.

Je précise que la mythologie Grecque parle des enfers. Ainsi le royaume du Dieu Hadès est bien divisé en trois parties : L'Asphodèle, le Tartare et les Champs Elysées. Pour résumer grossièrement, la plaine des Asphodèles est peuplé par les âmes des mortels n'ayant rien accompli de leurs vivants, en bien ou en mal. Pour ce qui est du Tartare, c'est là où allaient les âmes des humains ayant commis de grand crime durant leurs vie. Ils y subissaient toutes sortes de supplices pour l'éternité. Enfin, les champs Elysées étaient réservés aux grand héros et on y trouvait aussi le palais du dieu Hadès.

*Borough : Pour résumer grossièrement, c'est ce qu'on peut appeler en français un district ou une circonscription. Il en existe cinq à New York. Manhattan, Brooklyn, Queens, le Bronx et Staten Island.


Terminé ! J'espère que ca vous a plu ^^

En tout cas merci beaucoup d'avoir lu. N'oubliez pas de laissez vos impressions.

Aede