A la mort d'Edward Darcy quatre ans plus tôt, son épouse Anne avait ressenti le besoin de s'éloigner de la maison familiale de Beacon Hill à Boston et de changer d'air. C'est alors qu'elle prit la décision de s'installer avec ses deux enfants dans une autre des propriétés de la famille située dans le quartier huppé de Pacific Heights à San Francisco.
Edward et Anne avaient fait un mariage d'amour, où du moins c'est ce que Monsieur Darcy pensait les premières années. Il avait beaucoup aimé sa femme mais s'était progressivement rendu compte qu'Anne était bien plus attachée à son train de vie et aux richesses familiales. Deux enfants étaient nés de leur union, un garçon prénommé William âgé à ce jour de vingt deux ans qui avait hérité du physique avantageux de son père et une fille Georgiana âgée de seize ans, d'une grande beauté.
Après dix ans de vie commune, le couple Darcy n'était plus que l'ombre de lui-même et tandis qu'Anne multipliait les soirées mondaines et les dîners en grande pompe, son époux faisait passer ses obligations professionnelles avant les exigences de sa femme et occupait la plupart de son temps à gérer ses entreprises. Il mettait cependant un point d'honneur à emmener, en période de vacances scolaires, ses enfants lors de ses déplacements, au grand dam de son épouse dont il ne sollicitait pas systématiquement la compagnie. William n'était encore qu'un adolescent lorsqu'il s'aperçut que l'entente dont ses parents faisaient preuve en famille n'était pas celle qu'ils s'efforçaient de laisser paraître.
Peu de temps avant sa mort, Edward Darcy avait confié à son fils que même si il avait profondément aimé sa femme Anne les premières années de leur mariage, elle n'était pas son premier choix d'épouse. Plutôt que d'écouter son coeur, il s'était à l'époque laissé convaincre par ses parents que Anne, d'un meilleur statut social, convenait davantage mais leur amour s'était étiolé au fil des années. « Choisis ta compagne avec ton coeur William et ne laisse personne te détourner de l'amour de ta vie. » avait-il conseillé à son fils avant de rendre son dernier soupir.
Anne Darcy voyait d'un très mauvais œil la relation amoureuse de son fils avec la jeune Elisabeth Bennet. Au début, elle n'y avait pas prêté une grande attention car elle était habituée aux flirts de son fils et la jeune fille ne correspondait pas vraiment aux critères de beauté qu'il plébiscitait. William était un très beau jeune homme, de grande taille, brun aux yeux noirs et d'allure athlétique comme son père et était la coqueluche de toutes les jeunes filles du Lycée qu'il fréquentait depuis que la famille Darcy s'était installée en Californie. Mais lorsqu'il posa les yeux sur Elisabeth Bennet, son comportement changea. Il fut dans un premier temps captivé par ses grands yeux expressifs d'une couleur toute particulière qui la rendaient différente, captivante. Dès lors, il fit en sorte de la croiser régulièrement sur le campus et l'indifférence dont la jeune fille faisait preuve à son égard le motiva à l'observer davantage. Au fil des semaines, il se rendit compte que son coeur s'emballait chaque fois qu'il la rencontrait et il dût se rendre à l'évidence. Il était pour la toute première fois tombé amoureux mais la jeune fille en question ne lui prêtait aucune attention.
Elisabeth Bennet était âgée de dix-huit ans. Bien que très jolie, elle ne faisait pas partie des beautés du Lycée qui se pavanaient sur le campus telles des mannequins défilant sur un podium. Elle avait en réalité bien plus de charme que la plupart d'entre elles, néanmoins elle s'habillait simplement, dissimulant ainsi ses atouts. Elle avait bien remarqué le très séduisant William Darcy et s'était aperçue qu'elle ne le laissait pas indifférent mais parce qu'elle était parfaitement au courant de sa longue liste de petites amies, elle l'ignorait royalement et adopta cette attitude durant de longs mois tout en l'observant discrètement.
Cela faisait plus d'un an que William voyait régulièrement Elisabeth et il n'avait d'yeux que pour elle. La jeune fille ne fut toutefois pas facile à conquérir. Le comportement volage du jeune homme n'incitait pas à la confiance et Elisabeth n'avait aucune envie d'être un numéro de plus à son « tableau de chasse ». William se racheta donc une conduite et ce ne fut que six mois plus tard que la jeune Bennet consentit à faire de lui son petit ami.
Ce n'est pas que Madame Darcy n'appréciait pas la jeune fille, qui était toujours d'humeur joyeuse et très vive et rendait visiblement son fils heureux. Mais elle nourrissait pour lui d'autres ambitions et espérait qu'il lierait son destin à une jeune femme de son rang social.
Héritier de la fortune de l'une des familles les plus riches et respectées de la côte Est des Etats-Unis, William savait depuis son plus jeune âge que sa voie était toute tracée mais il ne souhaitait cependant pas prendre la tête des industries Pemberley et suivre les traces de son père. Il envisageait des études médicales et rien ni personne n'avait pu lui faire changer d'avis au grand dam de feu Edward Darcy.
Les parents d'Elisabeth, Thomas et Evelyne Bennet, habitaient dans le quartier très touristique de la Marina. Ils étaient propriétaires de deux restaurants bien cotés à San Francisco générant chacun un chiffre d'affaires annuel tout à fait conséquent qui permettait à la famille de vivre confortablement et aux enfants de fréquenter les meilleurs établissements scolaires des environs. La fille aînée prénommée Jane était âgée de vingt ans et ressemblait beaucoup à sa mère, du moins physiquement. C'était une belle jeune femme gracile au teint clair, aux cheveux blonds et aux yeux bleus alors qu'Elisabeth, plus jeune de deux ans mais tout aussi charmante, avait de grands yeux couleur ambre, une épaisse chevelure châtain clair et était de taille moyenne. Les critiques perpétuelles de sa mère à son égard n'avaient jamais incité la jeune fille à se mettre en valeur et elle s'habillait toujours très simplement. Madame Bennet ne manquait jamais une occasion pour célébrer la beauté de sa fille aînée mais Elisabeth n'en avait cure ; elle adorait Jane qui était de nature très calme et très discrète contrairement à Elisabeth, très joviale qui avait beaucoup d'esprit pour le plus grand plaisir de son père avec qui elle pouvait converser pendant des heures. Les Bennet avaient une troisième fille prénommée Mary âgée de quatorze ans. Bien que cette troisième grossesse n'était pas désirée, les parents espéraient un garçon. Ce ne fut malheureusement pas le cas et plus les années passaient plus la petite dernière se sentait délaissée par sa mère qui se plaignait sans cesse de ne pas avoir eu de fils. Monsieur Bennet avait bien tenté à maintes reprises de raisonner sa femme car la petite fille souffrait d'un manque d'affection mais c'était peine perdue.
Madame Darcy avait rencontré à de rares occasions la famille Bennet et bien qu'elle voyait en Monsieur Bennet un homme plutôt sympathique, cultivé et plaisant, certains des traits de caractère que la jeune Elisabeth avait en profusion, elle n'appréciait pas son épouse trop extravagante. Madame Bennet était encore une très belle femme mais à ses yeux, elle manquait cruellement de classe. Il était évident pour Anne Darcy que son fils était éperdument amoureux d'Elisabeth et que la jeune fille était également très éprise de son fils. Ils formaient assurément un très beau couple. Cependant il était absolument inconcevable que William se lie à cette famille de classe inférieure.
William était un jeune homme brillant qui avait été accepté dans toutes les Universités auprès desquelles il avait postulé et Madame Darcy avait réussi à le persuader que la prestigieuse Université d'Harvard était le meilleur des choix possibles. Ce serait également l'occasion pour la famille de s'installer de nouveau dans la maison familiale de Boston et profiter en période estivale de leur propriété située dans les Hamptons qu'ils avaient délaissée depuis qu'ils s'étaient installés en Californie. En son for intérieur, elle espérait que l'éloignement mettrait un terme à l'idylle de son fils pour la jolie Elisabeth Bennet.
William savait qu'Harvard était le choix le plus judicieux ; il hésitait toutefois entre la faculté de médecine d'Harvard et celle de Berkeley, deux des universités les plus sélectives et prestigieuses des Etats-Unis. Berkeley lui permettrait de rester aux côtés d'Elisabeth tandis qu'Harvard l'en éloignerait de plus de trois milles miles et il appréhendait mettre autant de distance entre eux.
Elisabeth avait toujours craint ce jour. Son petit ami avait quatre ans de plus qu'elle et alors qu'il venait d'être diplômé et s'apprêtait à intégrer une faculté de médecine, il lui restait un peu plus de trois ans pour valider son Bachelor's degree. Elle savait qu'il hésitait à choisir Harvard mais ne voulait pas influencer sa décision. Elle redoutait cependant qu'il opte effectivement pour cette Université sous la pression de sa mère plutôt que Berkeley, qu'elle-même envisageait pour la poursuite de ses études. Avec plus de trois mille miles de distance, leur relation pourrait-elle survivre ?
William était partagé entre son affection et son dévouement pour sa mère et son amour pour Elisabeth, toutefois Madame Darcy usa de toute sa force de persuasion pour convaincre son fils de choisir Harvard et finalement il céda. Elisabeth était effondrée par la nouvelle mais s'efforça de ne rien laisser paraître. Le jeune homme promit à sa petite amie de la contacter régulièrement et de revenir le plus souvent possible en Californie. La veille du départ cependant leur séparation fut si douloureuse qu'ils cédèrent finalement à leur passion pour la première fois depuis le début de leur relation.