Bien le bonjour, je ne sais pas pourquoi j'ai écris ça. Sincèrement. J'ai commencé ce ... truc il y a quelques temps et je l'avais mis de côté ... Et avant-hier j'ai eu dans l'idée de le finir, sous le coup d'une inspiration divine. Du coup c'est assez anarchique et j'en suis sincèrement désolée. Mais je le poste quand même parce que ... je sais pas. J'ai envie ? ;w;
Etant une grande fan de Tolkien et d'Aventures, je me suis dit qu'un petit crossover pourrait être sympathique. J'ignore totalement si quelqu'un a déjà eu dans l'idée d'en faire un mais il me semble que non. Alors allons-y avec les disclaimers, une bonne fois pour toutes : aucun de ces deux univers ne m'appartient. Le Seigneur des Anneaux est aux Tolkien (père et fils, j'entends) et Aventures au Bazar du Grenier et à ses joueurs - et à notre Mahyar national.
J'espère que ce prologue expérimental vous plaira !
PROLOGUE
Maintes rumeurs couraient en Terre du Milieu. Le plus souvent, on entendait parler de cavaliers drapés dans des capes noires chevauchant des chevaux au regard fou, mais également de villages saccagés sur les terres du Rohan. Il se disait aussi qu'une créature s'était échappée des prisons du lointain royaume elfique de Mirkwood et qu'elle rôdait maintenant sur certaines chemins du Nord, effrayant à la fois les voyageurs et les marchands qui osaient prendre la route en ces temps troublés. Sans parler de ces Rôdeurs ! Le nom de l'un d'entre eux était sur toutes les bouches, à Bree. Grands-Pas par ci, Grands-Pas par là … Aux yeux des habitants – tant Hommes que Hobbits – Grands-Pas était partout et jamais au bon endroit.
A vrai dire, Grands-Pas résidait à l'auberge du Poney Fringuant depuis quatre jours. Prosper Poiredebeurré, le propriétaire des lieux, n'osait pas faire remarquer au Dúnadan que sa présence dérangeait certains clients … et pas les plus fréquentables. Cependant, l'aubergiste glissait souvent des œillades inquiètes vers le vagabond. Loin d'être turbulent ou éméché, ce dernier semblait plutôt attendre quelque chose. Nul ne savait quoi et on n'allait surtout pas lui poser la moindre question.
Néanmoins, depuis que Grands-Pas gratifiait l'établissement de sa présence feutrée et quasi-silencieuse, les affaires tournaient un peu plus calmement.
Le soir du sixième jour, un groupe de Hobbits attira son attention. Ils furent quatre à se présenter à l'auberge.
Aragorn fronça les sourcils quand ils entrèrent et échangèrent quelques mots avec Poiredebeurré, qui tenait alors le comptoir, avant de s'installer à une table qu'il fut heureux d'avoir bien en vue. Il n'en reconnu aucun.
La soirée se déroula dans une ambiance assez détendue. L'un des quatre semi-hommes contamina l'ensemble des clients de sa bonne humeur, agrémentant ses discours rendus confus par l'alcool de blagues et d'histoires diverses.
Bree s'était tout juste enveloppé du manteau d'une nuit pluvieuse qu'un silence plomb tomba soudainement dans l'auberge quand Poiredebeurré poussa un cri d'effarement à l'encontre d'un voyageur.
Il y avait un homme devant le comptoir et la vieille cape de voyage dans laquelle il s'était enroulé était tout bonnement imbibée d'eau. Il avait l'air d'avoir la trentaine et son visage encadré de longs cheveux bruns, que la pluie avait raidis, arborait une expression d'agacement, voire même de frustration. Il ouvrit la bouche, dans l'intention évidente de dire quelque chose, mais une voix le devança :
« Ecoutez, mon ami et moi cherchons simplement un toit pour la nuit. Nous promettons de repartir demain à l'aube. »
L'aubergiste se pencha par-dessus son comptoir afin de voir une personne dont Aragorn pouvait juste supposer la présence. Un Hobbit, certainement, supposa-t-il en se refocalisant sur Sacquet.
Les « festivités » s'étaient relancées aussi rapidement qu'elles s'étaient arrêtées, si bien qu'il n'entendit ni la suite ni la fin de la conversation que Prosper, visiblement circonspect, entretint avec les nouveaux venus. Ils furent finalement autorisés à rester. Ils rejoignirent une table où ils se débarrassèrent de leurs habits de route – chose à laquelle le brun parut réticent malgré toute l'eau emprisonnée dans le tissus.
Puis Aragorn perçut l'éclat froid du métal. Il mit aussitôt la main à l'épée qu'il gardait à la ceinture, s'apprêtant à la mettre au clair, mais resta bien immobile quand enfin son regard se posa sur non pas un Hobbit, mais sur un Nain. Un Nain avec un bras entièrement fait de métal – le droit, en l'occurrence.
Il comprenait maintenant pourquoi Poiredebeurré avait poussé un tel cri de surprise car le petit homme ne paraissait pas spécialement le cacher. C'était même le contraire. Sans oublier qu'il lui semblait absolument … naturel de l'utiliser pour tout et rien. Comme pour commander leur repas auprès du serveur le plus proche.
Balthazar avait la mine sombre et gardait le nez dans son bol de ragout, n'osant pas lever les yeux vers qui que ce soit. Il sentait l'unique œil de Grunlek vissé sur lui, insistant, chose qui rendait leur absence de communication plus pesante encore. Car aucun d'entre eux n'avait dit le moindre mot depuis qu'ils s'étaient assis à cette fichue table dans cette foutue auberge. Le pyromancien avait refusé d'entrer au Poney Fringuant malgré la pluie et le froid mais son compagnon avait insisté pour qu'il l'accompagne. Une écurie n'était pas un lieu où dormir. Sauf qu'en croisant le regard de l'aubergiste, il avait vite regretté sa décision.
Alors les voici dans cette pièce chaude où le vin et la bière coulaient flot. L'ambiance y était bonne enfant et nombre de rires résonnaient dans vaste pièce. Ca y sentait un peu l'humidité et le renfermé mais soit ! ce serait un abri convenable pour la nuit, en espérant que les lits ne soient pas trop inconfortables.
Il y avait de l'animation. Balthazar aimait bien ça, ça lui rappelait qu'il appréciait la vie citadine. Alors, peu-à-peu, son aigreur se dissipa et il s'aventura par moment à lever un peu les yeux de son repas. Au bout d'un certain temps, il gratifia même son ami d'un sourire penaud. Grunlek lui répondit, levant sa choppe. Celle du mage ne tarda pas à venir la frapper, guidée par un certain entrain. Tous deux avalèrent quelques gorgées de bière et le gosier réchauffé, et d'humeur moins maussade, Balthazar laissa ses yeux jaunes courir sur l'ensemble des clients de l'auberge.
Ni lui ni Grunlek ne savaient où ils étaient. Et surtout, ils avaient du mal à se souvenir de ce qu'il leur était arrivé. Le demi-diable était cependant persuadé que c'était quelque chose de magique qui les avait transportés ici et qu'Aldo avait probablement quelque chose à voir avec ce coup du destin. Probablement. Quant à Shin et Théo … Ils n'avaient aucun moyen de savoir s'ils avaient aussi atterris sur cette terre. Quand bien même, ils ne s'inquiétaient pas : le paladin et l'archer étaient suffisamment débrouillards pour s'en sortir tous seuls.
Car l'évidence s'était imposée à eux : ils n'étaient plus dans le Cratère. Et en tout premier lieu, le parler de cette région avait un accent qu'ils n'avaient pas reconnu. Quant à l'écriture des panneaux … Ca ne ressemblait à rien que Balthazar ait déjà vu dans la réalité ou dans les livres.
Sans oublier ces « nains » qui grouillaient dans la ville et dans l'auberge. En fait, Grunlek était persuadé qu'ils n'étaient pas des membres de son peuple à proprement parlé mais des genres de ''cousins''. Déjà, ils avaient des oreilles pointues et étaient légèrement plus petits que des Nains dits normaux. Ensuite, aucun ne portait des chaussures et ils étaient particulièrement velus des pieds. Et le pyromancien avait rapidement constaté qu'ils étaient très discrets, trop peut-être car il ne comptait pas le nombre de fois qu'il avait sursauté à l'approche de l'un d'entre eux. Ils avaient néanmoins l'air très jovial en plus d'être d'assez bons fêtards, comme en témoignaient les deux petits hommes quelque peu éméchés qui amusaient la galerie en enchainant blague sur blague, assis au comptoir.
Le mage avait également remarqué qu'il y en avait deux autres à une table voisine à la leur. Ceux-là, loin de prendre part à la beuverie, avaient des visages particulièrement sérieux, voire inquiets.
Aussi, Balthazar était bien placé : il avait une vue imprenable sur le fond de la salle, l'endroit le moins éclairé. Une forme immobile s'y tenait, vêtue d'habits sombres, à une table ronde et vide. Ses traits étaient occasionnellement éclairés par l'éclat de la pipe qu'elle fumait doucement, mais ça n'allait guère plus loin.
En soi ça n'aurait pas alerté le demi-diable si l'individu s'était contenté de fumer dans son coin, sans déranger personne. Or il dérangeait Balthazar. Ses yeux ne les quittaient pas, eux et leurs voisins de table. Une présence déplaisante et suspecte. Ces deux prunelles donnaient l'impression de les jauger, de les catégoriser. Des les espionner. A peine arrivés et voilà qu'eux, en tant que simples aventuriers, attiraient déjà l'attention. Ce fut cette raison qui poussa Balthazar à appeler son compagnon :
« Grun. »
Le Nain leva un sourcil attentif.
« Derrière toi, il y a un type qui nous regarde. »
Grunlek reposa sa choppe sur la table et se gratta la barbe de son bras mécanique. Il poussa ensuite un soupir.
« Et ? »
« Et alors je ne le sens pas. »
« Bob, tous les gens qui nous regardent ne veulent pas forcément notre peau. Ce n'est plus de la méfiance, c'est de la paranoïa. »
« Je ne suis pas paranoïaque. » grogna le demi-diable.
Le Golem fixa son ami sans mot dire mais son œil unique parlait pour lui. Mais au fond de cet iris luisait un peu d'amusement.
« Quoi, tu penses que je suis paranoïaque ? » s'offusqua le pyromancien.
« Je vais m'abstenir répondre à cette question. » railla le Nain avant d'avaler une gorgée de bière. « Sur ces bonnes paroles, je vais aller me chercher une nouvelle choppe. »
« Grunlek, je ne suis pas paranoïaque ! » s'exclama Balthazar alors que son ami se levait et se dirigeait vers le comptoir, s'attirant le regard de certains de leurs voisins de table.
Son comparse lui répondit d'un vague mouvement de la main et malgré le fait qu'il fut de dos, le demi-diable pouvait le sentir sourire. Il bougonna quelques malédictions à l'encontre de son ami et s'en retourna à sa propre choppe, laissé seul avec lui-même.
Ou presque.
Un coup d'œil plus tard et il apprit que l'individu en fond de salle le regardait toujours ― du moins, c'est ce qu'il crut pendant les premières secondes. En vérité, les yeux de l'inconnu regardaient vers le comptoir où continuaient de se produire en spectacle les deux ''nains'' désormais bien trop imbibés d'alcool. Les habitués riaient de bon cœur à leurs plaisanteries et applaudissaient maladroitement lors de leurs pitreries. Les seules personnes encore sobres au bar étaient au nombre de deux : l'aubergiste et Grunlek.
Il fallut plusieurs secondes au mage pour se rendre compte qu'il se tordait assez disgracieusement le cou afin de surveiller son compère. Aussi décida-t-il de se replonger dans son bol de ragout refroidi. Il avisa les petites tiges de thym sauvage flottant plus ou moins dans le jus de viande et, pris d'une inspiration soudaine, en attrapa entre deux doigts pour les voir d'un peu plus près.
Ce n'était pas du serpolet.
De loin, ça y ressemblait ― la faute au mauve délicat des fleurs. Mais en les étudiant plus attentivement, n'importe qui s'y connaissant un minimum en plantes aromatiques pouvait prendre conscience de son erreur. C'était le cas de Balthazar, mais aussi de Grunlek et le fait que ce dernier ne ce soit rendu compte de rien l'étonna. Même l'odeur était différente. Et il en allait de même avec le goût, une conclusion certifiée par les papilles du mage curieux.
« Je ne pensais vraiment pas que tu étais une vache même si je sais que tu aimes bien ruminer. »
Le pyromancien recracha en hâte la tige qu'il avait toujours en bouche et gratifia son ami d'un regard noir. Celui-ci se rassit face à lui, un sourire immense sur le visage et une nouvelle choppe en main.
« Ca, » dit Balthazar en lui mettant la plante sous le nez. « ce n'est pas du thym sauvage. »
« En effet. » confirma stoïquement le Nain. « Par contre j'aimerai que tu évites d'agiter ce truc à moitié mâché devant mon visage. »
Le mage obéit après un petit temps d'hésitation, murmura un mot d'excuse et s'enferma dans un silence pensif. Le fait qu'elle ait des fleurs le perturbait assez. Mais avant qu'il n'ait le temps de se perdre dans ses pensées – ou d'assommer son ami de questions sur les plantes aromatiques et leur période de floraison –, il sentit l'ambiance de la pièce changer brusquement.
Quelques rires parmi tous ceux des ivrognes de l'auberge s'étouffèrent juste assez pour marquer toute personne de leur soudain arrêt. Il sentit à peine le propriétaire des lieux passer à proximité d'eux car toute son attention se dirigeait maintenant sur l'une des tables à côté de la leur, comme aspirée, vampirisée par ce qu'il y avait – quoi ou qui que ce fut. Il n'aima pas ce qu'il sentit. Mais tout diable qu'il était, il ne put s'empêcher d'également savourer la magie qui émanait d'un ''nain'', noire, maléfique, dangereuse. Un objet de très grand pouvoir se trouvait entre les mains de ce petit être. Un objet ancien et très, très puissant.
Par les Dieux, il pourrait tuer pour avoir la chance de posséder un tel artefact.
Une douleur explosa brusquement dans sa main droite. Un objet écrasait impitoyablement ses doigts. Cet objet s'avéra être le poing métallique du Golem qu'il s'empressa de repousse tandis que sa bouche se déformait en un rictus de souffrance. Il ne manqua pas non-plus d'insulter copieusement le Nain pour son acte et l'envie de lui balancer son ragout froid à la figure lui traversa l'esprit. Il eut dans l'idée de le faire, sa main libre volant littéralement vers le bol, mais n'en eut pas l'occasion.
L'homme du fond de la salle se leva d'un coup d'un seul, en même temps qu'éclatait une rumeur au comptoir, un peu trop brusquement pour que cela paraisse anodin. Balthazar fronça les sourcils quand il l'aperçut se faufiler droit vers l'escalier menant à l'étage mais tourna néanmoins la tête pour voir ce qu'il se passait derrière lui. Une assemblée de personnes se tenait en cercle autour d'une chose qu'il ne pouvait voir de là où il se trouvait. Alors il posa son bol de ragout puis se leva à son tour.
Son ami l'imita en silence et tous deux s'approchèrent du rassemblement, abandonnant boissons et repas sur leur table. Le mage écarta les premiers ivrognes de son chemin et remarqua à peine les trois formes qui se glissaient hors de l'assemblée.
Des têtes se tournèrent et on s'écarta afin de le laisser passer jusqu'au centre du cercle … où il n'y avait rien. Absolument rien sinon un rond de plancher usé entouré de bottes sales et de pieds velus.
Grunlek le rejoignit et croisa les bras.
« Il n'y a rien. » remarqua-t-il très justement.
« Il y avait quelque chose. » rectifia Balthazar en laissant ses yeux dorés parcourir les différents visages composant le regroupement. « Ou quelqu'un. Est-ce que je me trompe ? »
Les hommes, surtout ceux déjà ronds comme des œufs, haussèrent juste les épaules et retournèrent à leurs occupations. Les autres confirmèrent vaguement avant de reprendre leur boisson en main et de recommencer à boire.
« Est-ce que je me trompe ? » répéta le pyromancien d'une voix plus forte, agacé par l'absence de réponses concrètes.
« Occupez-vous de vos affaires, étranger. » lâcha l'aubergiste depuis le comptoir. « Et si vous voulez un bon conseil : évitez de vous mêler de cette histoire, surtout que ça a l'air d'avoir attiré l'attention de Grand-Pas. »
« Grand-Pas ? » s'enquit aussitôt le Golem sans laisser le temps à Balthazar de proférer un mot.
« C'est un Rôdeur venu du Nord, vaut mieux ne pas frayer avec lui. »
L'homme ricana soudain et continua d'une voix sombre :
« Vaut mieux ne frayer avec personne de son espèce, à dire vrai. Ces gens-là ne sont pas fréquentables. Un Rôdeur qui quitte les routes d'Arnor pour venir ici, à Bree ? » Il renifla. « Ce n'est pas bon signe. Ca veut probablement dire qu'un danger nous guette. » expliqua-t-il face au froncement de sourcils de Balthazar. « D'ailleurs, vous aussi vous avez l'air louche avec ces … ces trucs sur votre figure. »
« Et où est ce Grand-Pas, maintenant ? » demanda le mage sans se démonter.
« Je ne sais pas et je dois dire que je m'en contrefous. Mais c'était lui qu'était assis dans le fond. » indiqua l'aubergiste. Il posa la pinte vide qu'il nettoyait devant lui et secoua la tête : « Vous mêlez pas de ça, je vous dis. »
Balthazar se tourna brusquement sans dire un mot de plus et traversa la salle d'un pas vif, Grunlek sur les talons. L'expression fermée du Nain en disait long sur ce qu'il pensait. Quand bien même, le demi-diable ignora ses potentielles inquiétudes et monta les escaliers. Le Rôdeur savait pour la magie, il en était absolument certain. Mieux, il avait vu ce que lui n'avait pas vu, il avait vu l'invisible.
Ils débouchèrent sur long couloir miteux, clairsemé de portes brièvement numérotées. La main de Grunlek saisit la robe du pyromancien alors que ce dernier s'apprêtait à avancer dans le corridor.
« Ce n'est pas une bonne idée. On devrait retourner à notre table et faire comme si rien ne s'était passé. »
Balthazar hésita. Vraiment. Son ami avait raison mais il y avait cette magie, cette présence maléfique. Ca émanait d'une chambre en particulier et … Oh, il n'avait pas envie de résister ni à sa curiosité dévorante ni à l'appel de ce pouvoir. Ca lui susurrait des mots à l'oreille, des mots mille fois plus agréables, plus tentants, que ceux que sa part démoniaque lui murmurait habituellement.
Il ne répondit pas et, au bout d'un moment, son compère poussa un long soupir et le lâcha.
« C'est pour la science. » dit le demi-diable avec une conviction sans faille.
« Tais-toi et trouve ce Grand-Pas, qu'on en finisse. » grogna le Nain.
Un sourire naquit sur le visage du mage qui leva une main où des flammes ne tardèrent pas à danser. La trace maléfique était simple à suivre tant elle infectait son porteur. C'était au moins aussi perceptible qu'un puits de magie en plus d'être aussi tractable qu'une trainée de sang sur une route pavée. C'était presque trop facile.
Non. C'était définitivement trop facile. Si lui pouvait sentir cette magie à des kilomètres à la ronde, qui ou quoi d'autre le pouvait ? Pour sûr, son côté diable y était pour quelque chose. Et à bien y regarder, Grunlek ne semblait pas spécialement interpellé par cette émanation de magie. Peut-être qu'il ne la sentait tout simplement pas, ou alors pas avec autant d'intensité.
Il suivit toutefois la trace, le Nain sur les talons. Plus ils approchaient, plus les échos d'une conversation devenaient audibles. Le mage fit signe à son ami de ralentir l'allure et de se faire plus discret et tous deux se dissimulèrent à l'angle du mur, au tournant du couloir, ce dernier traversant tout le premier étage du bâtiment et dévoilant son agencement en u. L'ensemble était sombre – en plus d'être passablement mal entretenu – et seuls les bougeoirs dispensaient un peu de lumière. L'atmosphère était lourde l'air figé et aux relents âcres. Tout l'endroit craquait au moindre mouvement, ajoutant à cette ambiance une petite nuance d'angoisse, une petite touche de peur juste suffisante.
Balthazar grogna pour lui-même et passa la tête derrière la paroi. Ce qu'il vit fit naitre un sourire amusé sur son visage : il y avait trois petits hommes devant une porte grande ouverte et l'un d'eux brandissait un tabouret, un autre un bougeoir de table et le dernier paraissait menacer de ses poings quiconque se trouvant dans la chambre. Le demi-diable ne savait pas s'il devait trouver ça ridicule ou adorable.
« Bob ? » fit le Nain dans un murmure.
« Hm ? »
« Encore une fois, nous devrions partir. Nous sommes en train de mettre notre nez dans quelque chose qui ne nous regarde pas. »
« Ce n'est pas ce qu'on fait d'habitude ? » demanda le pyromancien comme si on venait de lui annoncer que le monde n'était qu'illusions et tromperies.
Un soupir s'échappa de la bouche du Golem.
« Fais ce que tu veux. Moi je retourne à notre table. » grommela-t-il ensuite.
« Hey, att- … AÏE ! »
Le cri de douleur du demi-diable traversa pratiquement tout l'étage et arriva à coup sûr aux oreilles de ceux qu'il espionnait quelques secondes auparavant. Le mage bondit hors de sa cachette en sifflant tant de colère que de douleur sous l'œil atterré de son comparse. Balthazar s'appuya contre le mur d'en face, toute discrétion oubliée, avant de rugir une insulte dans un patois quelconque.
Une flopée d'injures ne demandait qu'à sortir de sa bouche. Quand bien même il avait maintes raisons d'en vouloir au Golem, il jugea sage de se taire. Les mots s'étranglèrent donc dans sa gorge quand un chuintement caractéristique retentit dans le couloir et qu'une longue épée vint se poser à quelques centimètres seulement de son cou.
Ses yeux furibonds croisèrent ceux, froids et menaçants, de l'homme désormais face à lui. Sa colère tomba immédiatement pour laisser place à une certaine surprise teintée de crainte. Il se racla la gorge.
« Bonsoir ? » tenta-t-il.
Un cliquetis, juste un, suffit pour que les deux hommes tournent la tête vers le Nain resté en retrait. Son bras artificiel était levé devant lui, une petite partie déployée afin de former une petite arbalète qu'il avait pointée sur le Rôdeur. Le mage, de son côté, levait lentement les mains en l'air en signe de reddition.
« Je vous conseille de baisser votre arme, maître Nain. » proféra lentement Grand-Pas.
« Vous menacez mon ami alors ne m'en voulez pas si je vous laisse cet honneur. » rétorqua Grunlek sans ciller.
La pointe de l'épée eut l'impertinence de s'appuyer légèrement sur le creux de la gorge de Balthazar. Le mage considéra l'arme d'un œil critique, puis le Nain et enfin celui que le menaçait.
C'était un humain. Pas d'oreille pointue, pas de défense. Juste un homme. Il était d'assez grande taille, dépassant le mage d'une bonne tête, et ses vêtements de vagabond lui conféraient une allure presque déplorable. Pourtant Balthazar ne put s'empêcher d'admirer la noblesse de ses traits alors qu'autour de ce visage altier tombaient des cheveux bruns mi-longs et sales.
Le demi-diable avala sa salive et, prudent, pencha doucement la tête sur le côté. Il était celui dont la situation était la plus inconfortable – mais il n'en serait certainement pas là si Grunlek ne lui avait pas anéanti le pied. Il avait toujours mal d'ailleurs, sauf que les circonstances du moment l'empêchaient d'y penser de façon plus approfondie.
« J'aimerai savoir ce que deux étrangers font à écouter aux portes à cette heure tardive. » lâcha le Rôdeur tandis ses prunelles revenaient sur le pyromancien.
« Ca vous intéresse ? » s'enquit Balthazar moyennant un haussement de sourcil afin d'étayer ses paroles, sautant sur l'occasion. « Alors c'est parfait. Rengainez votre épée et nous vous dirons qui nous sommes et ce que nous faisons ici. »
Un silence tomba dans le couloir, un silence assez pesant. L'homme ne bougea pas d'un cil mais paraissait jauger la proposition. Nouveau déclic. Une nouvelle fois, tous tournèrent la tête vers le Nain. Il avait simplement baissé le bras où l'arbalète semblait n'avoir jamais existée.
« Entendu. » grommela Grand-Pas qui, dans un mouvement lent, fit glisser sa lame dans le fourreau contre son flanc gauche.
La respiration du demi-diable se relâcha doucement. Ses mains retombèrent en douceur le long de son corps.
« Je me nomme Balthazar Octavius Barnabé Lennon et voici Grunlek von Krayn. » fit-il d'une voix posée. « Originellement, nous sommes un groupe de quatre aventuriers mais nous avons été séparés de nos compagnons. Nous sommes arrivés dans cette ville après l'incident. Seulement, j'ai senti quelque chose de maléfique et je dois dire que ça m'inquiète, donc je suis venu enquêter. Voyez, c'est ma foi une histoire très simple. »
« Vous l'avez senti ? »
La question avait littéralement fusé. Ce n'était pas juste une interrogation, non, c'était une mise en garde que le Rôdeur dissimulait à peine. Grunlek se tendit sur ses appuis et Balthazar perçut sa mâchoire se serrer. La conversation prenait un virage dangereux, tant et si bien que le pyromancien décida de jouer sa carte de sécurité :
« Je suis mage, je perçois ce genre de chose. »
« Tiens donc. » trancha froidement Grand-Pas. « On peut dire que vous ne payez pas de mine. »
Très bien. Donc il préférait clouer la main à la table plutôt que de regarder la carte.
« Je ne vous crois pas. »
Pas seulement la main. Le bras aussi.
« Vous n'êtes pas un Mage mais un menteur et un imposteur. »
« Je suis mage ! » s'offusqua Balthazar.
« Répétez une nouvelle fois cette ineptie et je vous assure qu'à l'aube les charognards se repaitront de votre chair. » siffla l'homme en retour, une main sur la garde de son épée.
« De la vôtre également, Rôdeur, si vous osez mettre votre menace à exécution. » grinça Grunlek alors qu'il se positionnait aux côtés de son ami.
« Je suis mage. »
Le timbre fier et assuré de Balthazar ramena le silence dans le corridor. Il se tenait là, face à Grand-Pas, provocateur, et le fixait droit dans les yeux. Il paraissait grandi, plus inquiétant, plus dangereux aussi. Or son visage devenu sérieux n'était parcouru d'aucun sourire mesquin : il était d'une austérité glaciale. Le demi-diable leva une main devant lui et conjura des flammes. Elles apparurent au-dessus de sa paume où elles dansèrent, fragiles, en rien comparable à celles qu'il utilisait pour se battre contre ses ennemis.
Le Rôdeur les fixa, la main toujours sur arme. Finalement, il l'en éloigna.
« Mes excuses. » dit-il alors. « Il peut en effet exister d'autres Maiar(1) que ceux envoyés en Terre du Milieu. »
Le feu disparut aussi soudainement qu'il était apparu. Balthazar se frotta les mains tandis que Grunlek croisait les bras en prenant une mine songeuse.
« Mais sachez une chose : vous avez mon respect, pas ma confiance. » les avertit le Rôdeur.
« Tant que vous ne me menacez pas, ou Grunlek, ça me va. »
« Je ne peux pas non-plus vous révéler la nature exacte de ce que vous avez perçu : vous en savez déjà beaucoup trop pour de simples voyageurs. »
Le Rôdeur parut sur le point de dire quelque chose face à l'air déçu du mage. Il se ravisa.
« Vous étiez quatre ? » demanda-t-il soudain. « Que s'est-il passé ? »
« Oh. » fit Balthazar avec un mouvement d'épaule. « C'est peut-être la faute d'un ami barde si nous sommes ici. Nous venons d'un endroit appelé le Cratère et j'imagine que l'ami en question nous a ''malencontreusement'' fait apparaître dans vos contrées. C'est un peu flou. »
« Je connais des personnes qui pourraient vous aider. »
Les deux aventuriers échangèrent un regard.
« Vraiment ? » s'enquit Grunlek.
« Je n'en dirai pas plus ici, nous ne sommes pas à l'abri d'oreilles plus indiscrètes que les vôtres. » renifla le Rôdeur. « Retrouvez-moi demain à l'aube devant l'auberge. Avec vos affaires. »
Le Rôdeur se retourna simplement et, sans un mot de plus, ouvrit la porte de la chambre qu'il semblait avoir investi – porte qui s'était d'ailleurs miraculeusement fermée pendant leur altercation, nota le demi-diable.
« Une dernière chose. » dit-il en se tournant une dernière fois vers eux. « Cette nuit, verrouillez votre porte à double tour et ne sortez sous aucun prétexte. Si vous l'avez senti, Mage, d'autres aussi. »
Et lui-même s'enferma dans la chambre.
« Bob ? »
« Hmm ? »
« Tu lui fais confiance ? »
« Non. »
Silence dans la chambre.
« Tu fais chier, Bob. »
« Possible mais au moins on a peut-être une chance de régler notre problème. »
« Arrête de parler. »
« Bonne nuit Grun. »
« Tais-toi. »
Aucun des deux ne parla. Puis le Golem soupira :
« Bonne nuit. »
« Grmbl. »
... Et voilà !
Bon, on ne va pas se mentir, j'ai un peu joué avec la mythologie de la Terre du Milieu dans ce chapitre. Pour ceux qui ne s'y connaissent pas trop dans ce domaine, je vous explique. ^^ Normalement, vous avez dû voir traîner un "(1)" dans le texte.
(1) = Les Maiar ( et pas les "les Mahyar" même si la coïncidence m'a beaucoup fait rire ) sont toutes les personnes capable de faire de la magie en Terre du Milieu. Et ces personnes sont normalement toutes des serviteurs des Dieux. Il faut donc mettre tous les Mages (Saroumane, Gandalf, Radagast et les deux Mages Bleus), Sauron et même les Aigles ou les Balrogs dans le même panier. Ce sont tous des Maiar. Un Maia n'est pas forcément bienveillant, ceci dit, preuves étant Sauron et Saroumane. Somme toute, Aragorn prend Bob pour un Maia ... Et il n'a pas tort, quelque part ! Dans l'univers de Tolkien, nos aventuriers seraient des Maiar car ils sont capable d'user de magie et sont liés à des entités dites "supérieures" ( démons/diables, élémentaires, dieux, ect ).
De plus, les Mages sont respectés en Terre du Milieu de par leur statut divin et par le fait qu'ils sont les seuls Maiar (avec les Aigles même si eux sont plus passifs) à se manifester auprès des races, mortelles ou non. Usurper leur identité n'est pas un crime mais ... j'imagine que c'est le meilleur moyen de se mettre les Valar à dos et d'agacer lesdits Mages. Surtout quand tu es demi-diable.
J'espère ne pas vous avoir trop perdu avec tout ça !
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé (même si j'ai conscience que c'est assez moyen pour un premier chapitre, je ne sais absolument pas quels seront vos retours D:). Mais si ça vous a quand même plu, je vous fais des bisous et je vous dis au prochain chapitre.
ps : Qui est avec moi pour faire rentrer Mahyar chez les Dieux de la Terre du Milieu ? Parce que bon, ce serait dommage de ne pas exploiter cette coïncidence. Je le vois bien troller Morgoth et Sauron avec ses dés. Pas vous ?
