Bonjour à tous! Je signe mon retour après un moment d'absence. Je prenais le temps d'écrire cette fiction assez compliquée, presque un challenge, qui se compose de 13 chapitres.

Elle démarre à un moment particulier de la série, que vous devinez assez vite dès les premières lignes ! Cette histoire est une suite "probable" à ce qui s'est passée, d'un point de vue d'une Rincheuse! Certains personnages n'apparaîtront pas dans l'immédiat, aussi, il ne faut pas me taper dessus :-)

Je remercie toutes les filles qui ont commenté mon dernier écrit : DanielaReese, isatis2013, xX-G0thick-Xx, Jade181184, Paige0703 et Rochelle17.

Je vous souhaite à tous une bonne lecture, en espérant que cette nouvelle histoire vous surprenne. Et encore merci à isatis2013 qui me corrige !


Chapitre 1 : L'accident.

Des voix étouffées, des pas, des froissements de tissus, des ordres incompréhensibles, des courants d'airs, des sirènes parvenaient jusqu'à ses oreilles. Pourquoi était-il allongé ? Couché sur le côté ? Recouvert d'une couverture ? Reposant dans un lit de toile ? Tout son corps était engourdi. Ses paupières lui semblaient peser une tonne. Une voix s'éleva dans les airs. Qu'est ce qu'il se passait ? Faisant appel à ses forces, il ouvrit les yeux. Sa vision était complètement trouble, il ne distingua que les contours dans un premier temps. Une douleur vint lui vriller le dos et il fronça les sourcils. S'habituant progressivement à la lumière de l'endroit où il se trouvait, il commença enfin à prendre conscience de ce qui l'entourait.

Une infirmière s'occupait de soigner une plaie à la tête d'un jeune homme, une autre pansait la jambe d'une femme qui devait avoir dans la quarantaine. Des personnes étaient debout au loin, leurs têtes bandées, ou encore leurs bras en écharpe. Un infirmier passa en courant sous son nez. Un docteur tentait de réanimer un homme sur le lit. Ce qui le frappa était l'atmosphère de panique qui régnait dans ces lieux, les vêtements ensanglantés et trempés éparpillés au sol, le nombre de poches pour ceux qui semblaient inconscients. Ce qui devait être une salle de sport avait été transformée en un lieu d'accueil pour soigner les blessés.

Des blessés ? L'était-il aussi ? Pourquoi avait-il l'impression d'être aussi engourdi ? Et cette douleur qu'il ressentait au niveau de la nuque, qui se réveillait progressivement ? Il passa une main dans son dos et toucha. Il se tendit instantanément sous la touche et bougea légèrement, tentant de se remettre sur le dos. Quelque chose avait été posé sur ce qui devait être une plaie, il avait parfaitement senti le gros sparadrap. Mais aussi un liquide. Même s'il avait la réponse, il regarda sa main pour voir le sang. Son sang. Puis tout lui revint en mémoire.

Il devait retrouver Nathan sur le quai. Parce que son ami voulait tout révéler à la presse concernant la machine, cette création qu'il avait mit sept ans à concevoir, qui lui en avait fait voir de toutes les couleurs, qui avait failli lui coûter la vie à plusieurs reprises en voulant se défendre. Il avait apprit à devenir plus vigilant que jamais. Une intelligence artificielle ne devait en aucun cas prendre le dessus sur lui, sur le monde. Il avait fait en sorte de stopper ses progrès affolants avec une décision radicale. Lui faire perdre sa mémoire tous les jours à minuit. Ce n'était qu'un bout de code parmi tant d'autres mais son but était d'une cruauté terrible. Effacer la mémoire d'une telle machine revenait à effacer la mémoire d'un être humain. Elle ne pourrait jamais apprendre. Il avait hésité longtemps avant de se lancer dans ce schéma. Il devait protéger le monde, la machine devait protéger le monde.

Il s'était avancé sur la passerelle, avec une petite crainte, puis s'était mêlé à la foule qui se pressait pour rentrer dans le ferry. Puis il avait sentit ce regard qu'il connaissait si bien et avait redressé la tête, souriant.

-Je savais que tu viendrais.

A vrai dire il avait pesé le pour et le contre. Venir pour mettre au jour quelque chose qu'il avait mit autant de temps à construire et qui risquait sans doute de disparaitre en quelques secondes si jamais le monde se révoltait. Mais il portait sur ses épaules une lourde responsabilité. Ce qu'il avait fait violait la vie privée de milliers et de milliers de personnes. Lui-même n'était pas totalement ravi mais il n'y avait pas d'autre moyen de détecter les terroristes parmi cette foule. S'il avait pu faire autrement, il l'aurait fait. Partagé entre son choix cornélien de vouloir protéger les innocents des menaces terroristes et porter atteinte à la vie des humains, il avait fait son choix.

-Il est temps de faire face aux conséquences de nos actes.

Il avait réfléchi toute la nuit, retournant la situation dans tous les sens. Mais il était évident qu'il ne réussirait pas à dissimuler ce qu'il avait fait. Ce n'était pas la reconnaissance qu'il voulait, mais le pardon. Ce qu'il souhaitait était de révéler au monde l'existence de la machine tout en expliquant son but. Et avoir l'accord de tout le monde. S'il pouvait l'avoir, il serait déjà soulagé d'un poids. Il avait donc sourit à son seul et unique ami pour lui montrer son accord. Il avait prévenu Grace qu'il devait faire quelque chose et elle n'avait rien dit car elle lui laissait sa liberté.

Alors qu'il avait accentué son sourire, un flash l'avait aveuglé et il se rappela de cette impression de se faire bousculer en arrière. Il avait perdu l'équilibre et dans sa chute, son dos avait heurté un bloc de béton. Puis il avait rencontré le sol, l'avait pratiquement mangé et s'était retrouvé allongé sous d'autres personnes. Il avait perdu conscience à ce moment là.

-Nathan … Nathan !

Où était passé Nathan ? Lui qui se trouvait près de l'explosion, encore plus que lui ? S'il se sentait sérieusement blessé, que devait-il en être pour lui ? Une petite voix lui soufflait que quelque chose avait changé, que tout venait de basculer. Une jeune femme se rapprocha de lui, attrapant son bras pour l'empêcher de s'agiter davantage.

-Ne bougez pas. Il y a eu un accident.

-Je dois retrouver mon ami.

Il avait besoin de savoir qu'il allait bien. Il se souvenait de l'explosion et il était placé plus loin que Nathan lorsque la bombe s'était déclenchée. Son cœur commença à s'affoler.

-Monsieur, ne bougez pas. Vous êtes blessé au cou et au dos, vous comprenez ? Demanda-t-elle, plaçant une main professionnelle sur le côté de son cou.

Bien sûr qu'il comprenait, il sentait une gêne. Il avait mal.

-Docteur venez vite ! Interpella une voix.

-Ne bougez pas, je reviens. Intima la médecin qui s'empressa de se lever.

Ne pas bouger ? Non il ne pouvait pas rester sans rien faire. Il lui fallait des réponses. Nathan était-il toujours en vie ? Pourquoi un attentat avait-il eu lieu ? Pourquoi ce jour précis ? A cette heure-ci ? Nathan était-il visé en raison de ses activités illégales ? En raison de ce qu'il allait révéler à la presse ? Avait-on tenté de le faire taire ? Et lui ? Avait-on essayé de le tuer ? Toutes ces questions se bousculaient désormais dans sa tête et il ne put s'empêcher de placer une main sous sa nuque pour la maintenir puis il pivota avec raideur, se tournant sur le côté. Ses joues tremblaient. Son regard se posa sur l'homme allongé sur le brancard, le ventre recouvert d'un énorme pansement trempé de sang, la tête en sang : Nathan. Il eu un mince espoir. Espoir qui fut balayé en quelques secondes. Le corps fut recouvert d'un drap. Nathan était mort.

Cette constatation lui donna un coup de poignard au cœur, suivi de l'apparition d'un grand sentiment de vide. Il déglutit. Désormais il était seul, le seul survivant parmi les créateurs de la machine. Peut être s'était-il occupé du code entier mais Nathan n'avait pas manqué de l'aider. Ils avaient été deux pour faire naître la machine. Son regard glissa sur les deux agents, revêtus de blousons qui semblaient un peu grand pour eux, équipés d'une oreillette. L'un d'entre eux prit son téléphone.

-C'est fait. S'il en a parlé à quelqu'un, on s'en occupera aussi.

Il avait un début de réponse. L'attentat visait Nathan. Et lui aussi. Sauf que personne du gouvernement ne se doutait que Nathan avait fait appel à son ingénieur le plus intelligent, le plus dévoué, le plus curieux et aussi son ami : lui. Si les agents venaient à découvrir son lien avec la machine, il était un homme mort. Réalisant la situation dans laquelle il se trouvait désormais, il attendit que les deux hommes tracent leur chemin pour repousser la couverture. Il était tendu comme un piquet, chaque muscle de son corps était raide, presque tétanisé par la douleur de son dos. Il replaça sa main sous son cou et se redressa en haletant. Reprenant sa respiration sur le bord du lit de camp, il jeta un bref regard aux alentours puis décida de se lever. Il ne réussit pas à se redresser totalement et boita lourdement. Il attrapa une des béquilles qu'il avait sous son nez et la cala sous son bras gauche. Il fallait qu'il sorte de cet endroit, qu'il prenne la fuite.

Puis il vit une femme rousse faire son apparition : Grace. Son corps lui dicta de s'arrêter. Son cerveau lui hurlait de partir d'ici rapidement. Une myriade de questions l'assaillit : devait-il montrer qu'il était vivant ? Ou devait-il passer pour mort ? Devait-il la protéger ? Ou devait-il la rejoindre ? Il se cacha du mieux qu'il pu, espérant qu'elle ne le remarque pas. Il la vit porter ses mains à sa tête, elle semblait réaliser la gravité de la situation puis elle s'avança parmi les rangées, le cherchant désespérément. Il se déplaça discrètement et l'observa. Elle arrêta un vigile.

-S'il vous plaît. Mon fiancé était sur ce ferry. Savez-vous où…

-Je suis désolé. Le coupa l'homme en tenue. Tous les gens qu'on a sorti de l'eau sont ici.

Il avait envie de la rejoindre, de lui montrer qu'il était toujours là mais il se ravisa en voyant les deux agents qui semblaient chercher une personne en particulier.

-Si vous ne le voyez pas, les effets personnels sont là bas.

Non. Il avait envie de lui dire de ne pas y aller. Si elle trouvait quelque chose lui appartenant et s'il n'allait pas vers elle, elle le croirait mort. Il sentit les larmes lui monter au nez, observant la femme se diriger vers les affaires récupérés. Lorsqu'elle se pencha pour ramasser le livre avec lequel il l'avait demandé en mariage, son cœur se serra à ce souvenir, pourtant merveilleux mais qui allait prendre une toute autre signification dès aujourd'hui : Plus jamais il ne pourrait la désirer. Plus jamais il ne pourrait l'approcher. Il ne pouvait pas la mettre en danger. Elle n'y était pour rien dans cette histoire de surveillance. Elle était une innocente et lui une victime.

Voyant qu'elle commençait à sangloter, il sentit qu'il était temps qu'il parte. Qu'il arrache une partie de sa vie. Arracher une page de son histoire. Il ne voulait pas garder le souvenir de ses larmes mais celui de son sourire radieux. Il se détourna et se dirigea difficilement vers la sortie, la main toujours posée sur sa nuque. Il laissait derrière lui la personne la plus chère à ses yeux. Une fois dehors, la fraîcheur du mois de septembre le frappa de plein fouet et il frissonna. Cela lui arracha un gémissement. Il attrapa un blouson qui traînait sur un lit vide et l'enfila.

Au milieu de cette agitation, personne ne faisait attention à lui, il avait l'opportunité de fuir sans se faire remarquer. Il traversa les allées, se dirigeant vers la sortie, il étouffait dans ces lieux, une peur intense commença à envahir son cœur. Que devait-il faire ? Il s'aperçut qu'il faisait nuit. Combien de temps était-il resté inconscient ?! L'entretien devait avoir eu lieu pendant la matinée et … Il ne pouvait pas croire qu'il était resté aussi longtemps immobile. Il devait y avoir eu beaucoup de blessés et de morts. Au vu de l'état actuel du ferry, à moitié coulé, une épaisse fumée noire s'en échappant, les pompiers qui s'affairaient sur place, avec la lance incendie, puis ceux qui étaient au triage, s'occupant de mesurer la gravité des blessures des victimes. Il ferma les yeux un instant face à l'horreur. Il n'avait jamais voulu connaître un tel drame. Il pu enfin sortir de ces lieux et il franchit les barrières qui avaient été posées par la police de New-York. Aucun policier ne le remarqua, malgré son manque de discrétion à cause de sa posture et de son boitement qui commençait à devenir de plus en plus important. Il se rapprocha de la circulation et héla un taxi. L'un d'entre eux s'arrêta et il monta. Il donna une adresse à quelques pas de la bibliothèque. Il espérait avoir une réponse de la machine, elle était la seule à pouvoir la lui donner. Le conducteur le détailla, surprit mais ne rajouta rien, s'exécutant.

La nuit était bien tombée sur la ville. Lorsqu'il rejoignit le centre, il se retrouva coincé dans les embouteillages. Il souffla péniblement et regarda par la vitre. Sur les écrans géants qui illuminaient la ville, un flash était diffusé. Il reconnu sans peine le lieu de l'attentat, le ferry saccagé, les corps allongés sur le bitume, l'agitation des pompiers, des infirmiers et des médecins sur les lieux. Cela lui rappela le corps sans vie de Nathan. Et ses blessures. Il ferma les yeux et gémit. Le conducteur se retourna et détailla son client.

-Tout va bien Monsieur ?

Il rouvrit les yeux et croisa le regard de l'homme.

-Vous êtes blessé ? Demanda-t-il, avisant la béquille qu'il tenait dans les mains.

Il ne répondit pas. Que devait-il dire ? Qu'il était une des victimes et qu'il avait prit la fuite ? S'il lui disait, il allait probablement l'emmener aux urgences les plus proches et il ne le souhaitait pas. Il avait quelque chose de plus important à faire. Il tendit sa jambe, réalisant que la position lui faisait mal. Il se mordit les lèvres.

-Ca… ira.

L'homme loucha.

-Vous étiez sur les lieux ?

Surtout ne pas répondre positivement. Il détourna son regard du conducteur et ferma de nouveau les yeux, inspirant et expirant convenablement. Il sentait que la douleur devenait de plus en plus forte et il serra fermement sa canne anglaise.

-Je vois. Vous voulez rentrer chez vous pour rassurer votre famille ?

Famille. Ce mot lui mit le cœur en miettes. Il n'avait plus rien, il avait tout perdu, il était seul. Seul. Refoulant sa tristesse qui menaçait de faire surface, il prit l'unique occasion qui lui était présenté pour répondre.

-Oui.

Un mensonge pour persuader le propriétaire du taxi de terminer sa course à l'adresse qu'il lui avait donné et non à l'hôpital. Cette réponse sembla satisfaire l'homme qui reprit place devant le volant et avança doucement dans la file de voiture. Deux heures s'écoulèrent avant qu'il ne puisse arriver à destination. A cause des médias qui s'empressaient d'aller sur les lieux du drame pour tenir le monde informé et des quelques routes barrées, toute la circulation de la ville était ralentie en tout coins. Une fois garé, le conducteur se retourna vers lui.

-La course est de… Mais il suspendit sa phrase en voyant que son client était souffrant, crispé sur le siège, quelques gouttes de sueurs perlant sur son front.

-Combien ?

-Rien, allez retrouver votre famille. Vous allez y arriver ? Répondit finalement l'homme, avec pitié. Finch le vit parfaitement.

-Vous êtes sûr ? Je vais me débrouiller.

-Oui, considérez que c'est ma bonne action du jour.

Malgré la douleur qui traversait son corps, il esquissa un petit sourire et le remercia. Il sortit du véhicule difficilement et cala sa béquille. L'air glacial de la soirée le fit frissonner et il ferma la porte. Le véhicule démarra et il avança péniblement sur le trottoir. Volontairement, il avait donné une adresse à quelques mètres de la bibliothèque. Mais il n'avait pas prit ses blessures en compte et le regrettait, en repensant à la distance qu'il devait parcourir avant d'y arriver. Il mit une trentaine de minutes avant d'arriver devant l'entrée du bâtiment, dans cette ruelle sombre. Il y entra et s'adossa au mur après avoir refermé la porte. Il était essoufflé, épuisé. Sa jambe commençait à ne plus beaucoup supporter son poids. Il regarda l'heure sur sa montre et y lut : 21h47.

Il avait mal à la tête. Il remit sa main sur sa nuque et massa doucement au dessus de sa blessure. Mais cela s'avérait compliqué et douloureux. Une simple pression lui faisait atrocement mal et il ne pouvait s'empêcher de gémir. Il observa les marches qui menaient à l'étage. Repensa à la présence de l'ascenseur. Mais un détail lui revint en mémoire : il était hors service. Il n'avait donc pas d'autre choix que de devoir grimper un nombre incalculable de marches dans son état. Allait-il y parvenir ? Il se devait d'y arriver, il n'avait pas le choix s'il voulait avoir une réponse.

Se détachant du mur, il avança jusqu'à la première marche, évitant de piétiner sur les nombreux ouvrages qui jonchaient le sol de marbre. Il dut se résoudre à retirer sa main de sa nuque pour se cramponner à la rambarde. Lever une jambe et laisser tout le poids sur l'autre fut pénible pour lui. Il dut faire une pause à chaque marche montée. Il arriva sur le premier palier au bout d'un certain temps et il se pencha en avant, soufflant. Il se redressa péniblement et se dirigea vers le dernier escalier à monter. Mais une violente douleur traversa son dos et il perdit l'équilibre, se crispant. Il tomba sur ses genoux, mit ses mains à plat sur le sol, la béquille se fracassa à côté de lui.

Haletant, il grimaça. Il repensa au but de sa présence ici et se força à se redresser. Sa vision se troubla et il sentit ses membres devenir de plus en plus faibles. Il s'écroula lamentablement sur le sol, les dents serrées. Il ne s'en aperçut pas mais il perdit connaissance. Lorsqu'il rouvrit les yeux, il se demanda ce qu'il faisait là puis s'en rappela assez vite, les douleurs se réveillant. Il consulta sa montre : 23h50. Il écarquilla les yeux. Il n'avait plus que neuf minutes pour parvenir à l'ordinateur.

Faisant fit des décharges électriques qui parcouraient son dos et sa nuque, il se redressa. Attrapant sa canne anglaise, il prit appui dessus pour se relever. Il lâcha un petit cri et se frappa mentalement. Il était plus fort que ça. Il devait faire face et avancer, il le fallait. Du courage, de la détermination, de la volonté. Il lui fallait ces trois choses importantes. Il reprit son ascension de la même manière que précédemment et finit par arriver à l'étage. Il déverrouilla la porte et entra dans l'antre secret de son ami. Nathan…

Voyant l'ordinateur tant convoité, il s'y dirigea, posa sa canne contre une chaise et prit place au bureau. Lentement, il se tourna vers l'écran.

-Tu savais ?

Il commença à taper ses lignes de codes pour déverrouiller l'accès à la machine. Il l'avait fermé lorsqu'il avait compris quel rôle Nathan avait prit. Puis comme par magie, la machine sembla comprendre sa demande et parcouru les divers numéros de sécurité sociale qui étaient affichés. Elle s'arrêta sur une ligne et ouvrit le fichier d'identité. Il resta sans voix lorsqu'il vit la photo de son ami. La machine le savait et il l'avait empêché de l'annoncer. Accusant le choc de sa découverte, il resta immobile quelques secondes puis baissa la tête, ravalant sa salive. Un sentiment de culpabilité commença à prendre possession de son corps. Il avait une fois de plus freiné sa création. Tout cela parce qu'il voulait protéger Nathan mais aussi la machine. Il soupira et se passa une main lasse sur le front.

-Je suis vraiment désolé…. Nathan…Murmura-t-il, brisé mais incapable de pleurer. Il regarda à nouveau l'écran, qui avait fait disparaître les numéros non pertinents de la journée.

-Je sais que tu ne peux pas parler…

Il fit une pause.

-Comme tu peux le voir…

L'écran devint noir et il continua, ne s'en souciant guère.

-..Je suis blessé parce que je voulais te révéler au grand jour. Nathan est mort. Alors si tu veux me sauver du gouvernement…aide-moi.

Il gémit et se passa la langue sur ses lèvres. L'image s'anima et plusieurs articles de presse apparurent, dont certains mots étaient surlignés. Il fronça les sourcils et tenta de lire malgré sa migraine.

-Je… Vous … Protégerais… toujours... Parvint-il à lire.

Il vit sa photo apparaître à l'écran et un nom qu'il connaissait si bien : Harold Wren, gestionnaire d'assurances. Harold ne se douta pas que sa création avait parfaitement deviné que Wren était le nom avec lequel Nathan l'avait connu. Mais en élaborant la machine, il avait prit un autre nom, mettant Nathan au courant. Il avait prit le nom de Harold Martin.

-Tu veux …que je continue avec cette identité ?

-« Oui ».

-Tu contournes ton manque de communication avec des mots d'articles de presse. Il esquissa un faible sourire. Sa création était très intelligente, il ne pouvait pas le nier. Il ferma les yeux et baissa la tête, étouffant sa douleur. Son dos était endolori et ses jambes lui semblaient lourdes. Posant une main sur la table, il prit appui dessus et se redressa. Attrapant la canne, il entama un pas. Un bip sonore attira son attention. Il se retourna pour voir sur l'écran : « Soignez-vous. Je veille. »

-Comment … peux-tu …veiller ?

-« Vous m'avez tout appris. »

-Comment pourras-tu …justifier ma présence …sur ces lieux ?

-« Faites-moi confiance. RDV avec un client ».

Il ne dit rien. Il ne pouvait pas l'empêcher d'agir. La machine malgré ses avertissements l'avait toujours protégé une fois qu'elle avait été fonctionnelle. Au bout de 43 versions, elle était devenue plus humaine, communicative. Il ravala sa salive et prit la direction de la sortie. Un liquide chaud coulait le long de son dos et il grimaça. Il redescendit avec labeur et retourna dans la rue. Un taxi s'arrêta et il monta.

-Les urgences s'il vous plaît.

Le conducteur se retourna vivement. Le reclus glissa sa main dans sa poche et en extirpa un billet de cent dollars, qu'il agita sous le nez de l'autre homme. Il ne chercha pas et démarra en trombe, roulant sur les lignes réservées aux bus. La circulation était toujours aussi difficile mais étonnamment, tous les feux passèrent au vert à chaque fois qu'ils arrivaient à un feu tricolore. Il arriva sur place en un temps record et tendit le billet au conducteur, qui le remercia. Se retrouvant face à l'immense bâtisse de l'hôpital et à l'entrée des urgences, il s'y dirigea. Il parvint au comptoir de l'accueil à court de souffle, fatigué et s'y accouda sous les yeux perplexes des autres patients de la salle d'attente.

L'infirmière derrière le bureau se redressa en le voyant et fronça les sourcils.

-Monsieur ? Pouvez vous me donnez votre nom ?

-Harold Wren. Articula-t-il péniblement. Il avait du mal à rester debout, même sa béquille ne l'aidait plus. Il était prit de légers tremblements. La femme appela un collègue qui accouru derrière l'informaticien. Il remarqua le col de tee-shirt rouge à l'arrière et tira doucement sur le haut de la veste pour y voir une grosse tâche de sang frais.

-Appelle les renforts Anna !

L'infirmière s'empara du téléphone fixe et donna des ordres. Quant à l'infirmier, il rattrapa de justesse l'homme à lunettes, qui ne pouvait plus tenir et l'allongea doucement au sol, maintenant sa tête en place.

-Monsieur, ne vous endormez surtout pas.

En réalité, le milliardaire luttait contre la fatigue fracassante. Il serrait les dents, tant la douleur lui semblait insupportable.

-Vous êtes blessé où ? Demanda l'homme au dessus de lui, alors qu'il prenait son pouls au cou.

-Dos…mon dos…

-Ailleurs ? Encouragea-t-il.

-Ma nuque…. Et …et …

-Respirez. Mes collègues vont bientôt arriver.

-Ma hanche…

-De quel côté ?

Il ne répondit pas, se contentant de bouger sa main du côté gauche pour designer l'endroit.

-Je vois.

Un brancard arriva rapidement, une infirmière qui devait avoir une quarantaine d'années, aux cheveux blonds noués en un chignon impeccable puis un médecin qui se situait dans la trentaine s'approchèrent de lui. Le premier infirmier fit rapidement un état de santé de l'informaticien au sol et l'infirmière s'empressa de placer une minerve.

-Maryse , Jack, aidez-moi à le placer sur le brancard.

Ils le prirent délicatement, sans geste brusques et l'emmenèrent dans une salle d'auscultation. Le médecin ordonna à Maryse d'administrer un anti douleur, voyant les grimaces de son patient. Aussitôt le produit injecté, le praticien repoussa les pans du blouson et fit basculer Harold sur le côté droit pour lui retirer le tissu. Maryse posa une main sur son épaule pour le maintenir, mais il avait affreusement mal. Il gémissait sans retenue. Le médecin découpa son tee-shirt dans son dos et il sentit qu'on lui retirait le pansement. Le simple fait de sentir le scotch de la compresse lui tirer la peau le fit hurler de douleur. Maryse lança un regard inquiet vers l'homme en blouse blanche. Celui-ci se mordit la lèvre.

-Je vais devoir l'enlever, je ne vois rien.

Maryse baissa les yeux sur son patient. Elle remarqua ses yeux bleu rougis derrière ses petites lunettes rondes. Elle se pencha, pour capturer son attention.

-Mr Wren, nous allons dev…

-J'ai entendu. Coupa-t-il, inquiet et souffrant.

L'infirmière acquiesça et fit comprendre au médecin de continuer. Mais dès qu'il tira dessus, Harold se mit de nouveau à hurler. Maryse prit sa main et la serra. Harold accepta le soutien, malgré la souffrance endurée, et essayait de ne pas hurler, mais c'était peine perdue. Il sanglota lorsque le bandage fut retiré et se sentit soudainement assommé. Sa tête était trop lourde, il n'arrivait plus à serrer la main de l'infirmière et le pire, c'est qu'il ne sentait plus ses jambes. Sa vue se fit de plus en plus trouble, sa respiration commença à ralentir dangereusement.

-Merde ! S'exclama le praticien.

Harold poussa un râle. Pourquoi ne voyait-il plus correctement ? Pourquoi sentait-il ses dernières forces quitter son corps ?

-Maryse, prend son pouls !

Il sentit qu'on lui arrachait son haut, qu'on lui découvrait son torse. Des patchs collants furent posés dessus et il entendit le bip d'une machine. Malgré ce son rassurant, il perdit la lutte et sombra dans l'inconscience.

A suivre...