Cela faisait environ dix jours que Edward avait faussé compagnie aux sorciers de l'Ordre du Phénix et dans l'ensemble, il pouvait déjà affirmer qu'il se débrouillait très bien pour le moment…Le jeune garçon avait pris la précaution de se garder un petit pécule composé pour moitié d'argent moldu et pour moitié d'argent sorcier : il n'était pas très fortuné malgré la somme héritée des Flamel, mais ce serait largement suffisant pour vivre pendant quelques semaines. Au pire, il pouvait se résoudre à transformer grâce à son alchimie des cailloux en pépites d'or ou du charbon en diamant, mais il n'utiliserait cette solution qu'en dernier recours.
Edward n'avait pas besoin de vivre dans le luxe : il appréciait le confort, comme tout le monde, mais au cours de sa vie, il avait dormi dans des chambres insalubres, dans des bidonvilles et même à la belle étoile. Il pouvait donc sans problème s'adapter à la modestie de sa condition et était même capable d'apprécier les aspects positifs d'une vie libre et sans entrave.
La surveillance dont il avait fait l'objet l'an dernier avait failli le rendre fou et il était donc hors de question pour lui de recommencer à nouveau cet été. Bien entendu, il n'était pas stupide : il savait parfaitement que des sorciers comme Dumbledore ou, la Vérité l'en garde, Voldemort, seraient parfaitement capables de le trouver s'ils voulaient s'en donner la peine. Par chance, il ne devait pas figurer en haut de leurs listes de priorité, ce qui était plutôt bon signe. Néanmoins, cela ne l'empêchait pas de prendre des mesures de précautions : il ne dormait jamais deux nuits de suite au même endroit, il était constamment à l'affût de son environnement et il bardait de pièges alchimiques la pièce où il se reposait le soir. Les mois passés dans la clandestinité à Amnestris avaient beaucoup contribué à sa formation (ainsi qu'à sa paranoïa) de ce côté là et aujourd'hui, il en rendait grâce au ciel…
Néanmoins, cette vie sur le qui-vive ne l'empêchait nullement de profiter des petits plaisirs que ce monde pouvait lui offrir. Le petit déjeuner anglais en faisait partie, ce qui expliquait pourquoi Edward Elric se trouvait assis devant un brunch énorme à la terrasse d'un petit hôtel au charmant nom de Brockdale cottage. Mais le paysage autour de lui n'était pas aussi charmant : un brouillard lugubre et persistant, complètement hors saison, planait sur la campagne environnante. On distinguait à peine la rivière et le pont qui l'enjambait tant la brume noyait de son ombre grise le décor. Edward savait à quoi ce temps était dû : aux Détraqueurs de sinistre mémoire. Ils avaient beau ne pas être dans les alentours immédiats, leur présence suffisait à causer toute cette brume déprimante qui s'infiltrait dans son automail, ce qui gâchait une bonne partie du repas d'Edward.
Ce dernier venait de terminer son assiette et lisait la Gazette du Sorcier sans trop se faire de soucis quant aux personnes normales autour de lui : le journal avait sans aucun doute un sort pour éviter d'être remarqué et de toute façon, les rares personnes qui avaient le courage de sortir étaient trop préoccupés par leurs soucis et les émotions négatives provoquées par les Détraqueurs pour lui prêter attention. Le premier article concernait le refus haut et fort de Fudge de renoncer à quitter son poste de ministre malgré les menaces de Voldemort de tuer des Moldus en masse. Edward fronça les sourcils en lisant entre les lignes. Il n'était certainement pas une personne très versée en politique ni en stratégie, néanmoins, avoir eu pour "mentor" (faute d'un meilleur terme) un colonel qui voulait renverser le dictateur de son pays lui avait au moins appris à analyser les événements sous un autre jour. Et il voyait tout désormais, avec la même acuité que Mustang devant une partie d'échec.
Il savait que Fudge, aussi proche de la démission qu'il soit, ne pouvait se permettre de céder aux menaces de Voldemort car non seulement cela le discréditerait encore plus aux yeux de l'opinion sorcière mais en plus cela prouverait que le ministre n'était qu'un pantin manipulé par les mangemorts, ce qui renforcerait les craintes de la population. Mais le refus de Fudge signifiait que Voldemort passerait à l'offensive de façon imminente en mettant sa menace à exécution. Si le Ministre ne parvenait pas à empêcher le prochain attentat meurtrier, il sauterait d'un poste qu'il s'apprêtait à perdre de toute manière. Tu parles d'être coincé entre le marteau et l'enclume…
Refermant son journal, Edward soupira tout en payant l'addition : aujourd'hui ou demain, il y aurait certainement une attaque dévastatrice contre les Moldus qui feraient les frais d'une lutte de pouvoir dont ils n'auraient jamais connaissance. Et il ne pourrait rien faire pour empêcher cela. Alors qu'il se dirigeait vers la sortie, plusieurs puissants cracs retentirent à quelques centaines de mètres de lui. Une seconde plus tard, Edward s'était déjà réfugié derrière un muret : des sorciers venaient de transplaner et vu leur accoutrement et leurs masques, ils n'avaient certainement pas de bonnes intentions.
Pendant un instant, le jeune alchimiste crut qu'ils en avaient après lui mais apparemment, aucun d'entre eux ne l'avait aperçu : ils semblaient au contraire se diriger vers la direction opposée : le pont routier sur lequel circulaient rapidement des voitures peu découragées par le brouillard ambiant.
Edward crut qu'il allait vomir quand il comprit le but des fanatiques qui levaient leurs baguettes vers les piliers qui soutenaient la structure : ils mettaient leur menace à l'épreuve. Edward ne prit pas le temps de réfléchir, il courut en se faufilant derrière toutes les cachettes possibles jusqu'à ce qu'il se trouve à proximité des meurtriers. Ceux-ci venaient de faire disparaitre les pylônes, faisant ainsi basculer la construction dans l'eau, ainsi que les véhicules qui s'y trouvaient, provoquant les cris d'effrois de leurs occupants. Sans hésiter, Edward Elric claqua des mains silencieusement et les posa à terre pour faire jaillir des colonnes pour soutenir provisoirement le pont. À son grand soulagement, cela fonctionna, ce dont il n'avait pas été certain : la dernière fois qu'il avait tenté de réparer un pont pour venir en aide à une femme enceinte, il avait échoué misérablement.
Malheureusement, son acte allait certainement le faire remarquer et nul ne devait comprendre qu'il utilisait son alchimie. Il sortit donc sa baguette et se prépara à un affrontement magique, un domaine où il n'excellait pas, contrairement à Harry. Bientôt, il fut canardé de toute part par les Mangemorts, lui même ripostant tout en retenant son pouvoir pour ne pas risquer de tuer les malheureux Moldus qui venaient d'échapper à la mort. Par chance, les adversaires auxquels il avait affaire devaient être des recrus récentes, sans grand entrainement et qui devait faire leur baptême de sang en s'en prenant à des victimes incapables de se défendre. Il avait peut-être une chance de s'en sortir tant qu'il restait derrière ce muret…Mais ce fut à ce moment là qu'une voix retentit, une voix qui était gravée dans sa mémoire depuis ce jour au Ministère :
"Et bien ? Vous n'en avez toujours pas terminé ? Ou êtes vous si arriérés que vous êtes incapable de faire s'effondrer un simple pont construit par des Moldus ?
"Nous avons fait s'effondrer le pont, mais un type s'est interposé et … Je ne sais pas comment il a fait, mais regardez ! Il a fait apparaître de nouveaux piliers ! s'exclama un jeune mangemort, visiblement choqué.
"Voyons voir ça… Hum ? Je reconnais ce travail même en ne l'ayant vu qu'une fois…
Le Mangemort, qui devaient diriger les nouveaux lors de leur expédition, se tourna vers le muret où Edward s'était réfugié et éleva la voix :
"Sors de ta cachette, Edward Elric Flamel, je sais que c'est toi ! N'oublie pas que je t'ai vu à l'œuvre !
" Va crever !" répliqua le jeune alchimiste en accompagnant sa réponse d'un geste insultant.
"Je dois admettre que je suis toujours aussi impressionné par cette magie dont tu fais la démonstration…commenta Rookwood, Langue de Plomb déchue. De la métamorphose de haut niveau, à première vue… Cependant, cela doit demander beaucoup d'énergie… Ne dois tu pas être épuisé ?
"Pourquoi ne t'approcherais tu pas pour voir ? Le défia Edward tout en murmurant des prières pour que les secours se pressent d'arriver sur les lieux.
À la surprise d'Edward, Rookwood sembla accepter le défi et commença à s'avancer prudemment vers lui tout en continuant son discours :
"Tu sais que l'offre que je t'ai faite la dernière fois tient toujours ? Le Maitre a été intéressé par tes capacités de Magie sans Baguette une fois que je lui ai révélé l'ampleur de ton pouvoir.
"Rien à foutre ! Grogna Edward en lançant quelques sorts dont l'un fit mouche sur un mangemort imprudent, l'envoyant par dessus le parapet, droit dans la rivière.
"Je ne veux pas te tuer, Elric-Flamel. Ta vie vaut plus que celle de cette vermine que tu t'acharnes à vouloir secourir.
À ce moment là, retentit le cri perçant d'une fillette, faisant pâlir Edward. Il regarda par dessus sa cachette et frémit face au drame qui se déroulait devant lui : Rookwood faisait léviter une enfant qui ne devait pas avoir plus de sept ans et qui sanglotait de terreur, tandis que derrière, dans une voiture, les parents et un garçon de dix ans assistaient impuissants à la scène, incapables de secourir le plus jeune membre de leur famille. Mais le Mangemort idéologue ne semblait pas en avoir terminé avec sa démonstration.
"Ne me dis pas, Edward Elric Flamel, que tu estimes que la vie de ce déchet vaut plus que ta propre existence ?
"Toute vie est unique et irremplaçable, espèce de bâtard ! Hurla le jeune alchimiste fou de rage et d'angoisse.
"Tu as encore beaucoup à apprendre…murmura le Mangemort, d'un ton faussement déçu comme s'il faisait la leçon à un enfant obstiné, puis abaissant sa baguette, il laissa jaillir un éclair vert, et comme un souffle de vent, la mort s'empara de l'enfant innocent sous les yeux horrifiés d'Edward.
Alors que le Mangemort semblait vouloir ajouter quelque chose, un de ses complices se pencha vers lui et lui montra du doigt une troupe d'auror qui arrivait rapidement. Rookwood se tourna vers le jeune alchimiste immobile, lui adressa un sourire ironique et transplana avec les autres.
Edward s'approcha doucement du corps de l'enfant et s'agenouilla auprès d'elle, contemplant les yeux sans vie et la terreur figée pour toujours sur les traits de la petite victime. Tout avait été si rapide qu'il n'avait rien pu faire, encore une fois, il avait été totalement impuissant, incapable de sauver la vie de quelqu'un. Plongé dans ses sombres pensées, il ne faisait plus attention à ce qui l'entourait, les voix qui l'entouraient n'étaient plus que des bruits indistinct, les personnes n'étaient plus que des ombres : seul comptait la fillette immobile sur le bitume. Il sentit plus qu'il ne vit la famille de la malheureuse se rapprocher d'eux : le père regardait incrédule, comme s'il ne parvenait pas à croire que son enfant était morte, hébété par la douleur, la mère touchait son visage, caressant doucement ses cheveux, jusqu'à ce qu'un cri venant du plus profond du gorge et de son cœur jaillisse de ses lèvres, le garçon, lui, restait immobile et silencieux, des larmes coulant sans retenue de ses yeux écarquillés.
Edward retrouva ses esprits et avec douceur, ferma les yeux de l'enfant tout en murmurant un simple "pardon", sachant qu'il ne pouvait faire que ça. Il entendit des personnes s'approcher de lui et sentit quelqu'un lui saisir le bras et le relever brutalement tandis qu'un type hurlait :
"J'en ai trouvé un, Chef !"
L'homme auquel il s'adressait avait les cheveux blonds sables mêlés de gris, des yeux jaunes presque aussi dorés que ceux d'Edward et il semblait avoir une légère boiterie. Rien qu'en le regardant, le jeune alchimiste comprit qu'il avait affaire à un vétéran de guerre, un combattant durci par les années et les pertes Il était expérimenté et il se contenta de l'examiner d'un rapide coup d'œil professionnel tout en secouant la tête.
"Mon instinct me dit que non, mais placez des menottes anti-magie, il est peut-être sous polynectar pour qu'on baisse notre garde. On le transfèrera au Ministère après avoir réglé la situation ici.
Pour Edward, ces paroles prouvaient que cet homme avait certainement expérimenté des situations de ce type et qu'il ne se laisserait pas abuser facilement. Il était donc inutile de chercher à attiser ses soupçons en se comportant comme un idiot. De plus, Edward était fatigué après avoir combattu et assisté à la mort de l'enfant. Il n'avait plus le cœur à rien et ne demandait qu'à s'asseoir seul dans un coin, ce qu'on lui permit, une fois les entraves attachées à ses poignets.
Perdus dans ses pensées, il ne releva la tête que quand il vit devant lui le garçon de dix ans de la famille endeuillée. Visiblement, personne n'avait pris la peine, parmi les sorciers de s'occuper de lui. La seule réaction équipes du Ministère semblait de jeter des sorts d'Oubliette pour faire oublier les événements passés, sans chercher à réconforter ces personnes traumatisées par ce qu'elles venaient de vivre. Le garçon le fixait, les yeux remplis de larmes, accentuant plus encore la culpabilité dans le cœur du jeune homme :
"Pourquoi ne l'as tu pas sauvé ? S'exclama l'enfant. Tu faisais des choses incroyables ! Je t'ai vu combattre les types en noir ! Alors pourquoi n'as tu pas sauvé Hanna ? Pourquoi ?
Le petit esclandre du petit avait attiré l'attention des Aurors qui déjà, se dirigeaient vers la famille de victimes, baguettes à la main. Sachant qu'il n'aurait pas beaucoup de temps, Edward Elric s'agenouilla devant l'enfant en se plaçant à sa hauteur et lui dit, gravement, les larmes aux yeux:
"Je suis désolée de n'avoir pu la sauver. Je suis peut-être une personne avec des pouvoirs magiques. Mais je ne peux pas sauver tout le monde même avec la magie. Je ne suis qu'un être humain avec ses limites. Pardon."
Quelques secondes plus tard, l'enfant fut emporté à l'écart par des Médicomages et Edward se retrouva à nouveau seul avec ses pensées. Comme à Amnestris, il n'avait pu sauver une petite fille qui avait presque le même âge que Nina. Que ce soit la Magie ou l'alchimie, ses pouvoirs ne pouvaient suffire pour sauver la vie d'innocents…
Quelques instants plus tard, celui qu'il avait vaguement identifié comme le chef des Aurors vint le voir et lui enleva ses menottes, sans un mot. Le dénommé Dawlish semblait étonné par le relâchement de son supérieur et commença bêtement à protester contre les ordres. Le vétéran, suprêmement agacé, le rabroua :
"- Le jour où tu sauras distinguer un mangemort d'un fond de chaudron, Dawlish, tu pourras te permettre de discuter mes ordres. Et pour ta gouverne, jamais un mangemort ne pleurerait une moldue et se mettrait à genoux devant eux pour s'excuser de la mort de l'une d'entre eux. Ils sont bien trop arrogants pour ça."
Puis, avant même que Edward ait pu se remettre de sa surprise, il empoigna le jeune alchimiste et le fit transplaner jusqu'au bureau des Aurors. Le jeune homme venait tout juste de vivre une expérience éprouvante et le transport sorcier n'avait pas vraiment arrangé les choses et dès qu'il atterrit, il vida le contenu de son estomac dans une corbeille, complètement indifférent aux grognement de dégoûts de l'auror qui fit disparaître le contenu d'un simple coup de baguette.
Néanmoins, ce petit instant de malaise avait remis une partie de ses idées en place, le rendant désormais plus attentif à son environnement. Il s'assit donc et écouta attentivement, tout en affichant un air un peu vague.
D'après ce qu'il entendait de la discussion de l'auror Scrimgeour et d'un responsable de la communication, ces derniers semblaient se demander dans quelle mesure ils pouvaient diffuser l'affaire et surtout, sous quel aspect. Devaient-ils dire la vérité en présentant Edward comme celui qui avait sauvé le monde et ainsi tenter de s'emparer d'une partie de l'aura d'Edward en en faisant une figure de proue ? Ou au contraire, occulter totalement son rôle pour mieux mettre en valeur celui des aurors ? Le petit sorcier semblait plus attiré par la première solution, arguant que le monde magique avait besoin de héros, et le jeune sorcier, avec sa participation à l'infiltration du ministère, convenait malheureusement trop à ce cliché. Mais Scrimgeour, sans doute pour des raisons politiques, semblait privilégier la seconde solution qui donnait le premier rôle à son Département.
Enfin, quand les deux cessèrent leur discussion pour finalement demander son avis au premier intéressé, ce fut pour se voir rétorquer avec sarcasme qu'il n'avait pas l'intention de voler la vedette aux véritables héros de cet incident. Le jeune alchimiste avait les nerfs à fleurs de peau et les petites chicanes de ces politiciens l'agaçaient plus que tout. Il demanda ensuite si, maintenant que tout était réglé, il pouvait prendre congé. Il pouvait le faire…une fois qu'il aurait fait sa déposition.
Il passa donc deux heures à faire son rapport devant un auror. Quatre années passées dans l'armée avait fait d'Edward un expert à cela, quoi qu'en dise Mustang. L'ancien alchimiste d'État avait dû apprendre à faire des exposés à la fois brefs et précis tout en omettant les éléments disons…les plus compromettants pour lui et Al. Il décrivit donc ce qu'il s'était passé tout en passant sous silence sa présence dans un hôtel alors qu'il était mineur, son alchimie et sa discussion avec Rookwood, bref, le plus intéressant. Par chance, le type avait dû recevoir des ordres de ne pas trop insister sur ses exploits, même si on lui demandait des détails sur les mangemorts présents sur les lieux.
Enfin, le cauchemar bureaucratique se termina et Edward commença à prendre le chemin de la sortie avec l'idée bien arrêtée de boire quelque chose le plus fort possible pour tenter de faire sortir de son esprit le visage figé de celle qu'il avait vu mourir. Malheureusement, la malchance semblait le poursuivre car au moment où il atteignait l'ascenseur, une voix bien connue l'apostropha :
-" Ed ! Que fais tu ici ? On t'avait cherché partout !"
Le jeune alchimiste ne put s'empêcher de maudire les aurors trop curieuses avant de se résoudre à faire face à Nymphadora Tonks. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle avait changé, et pas de façon joyeuse : ses cheveux étaient gris sombre, bien loin de leurs couleurs éclatantes de l'année dernière. Son visage semblait moins souriant et plus teinté par la dépression, ce qu'il ne se serait jamais attendu de sa part. L'auror le fixait avec un regard plus sévère, semblant exiger des réponses de sa part. Le jeune sorcier se contenta de soupirer et poursuivit son chemin, peu désireux de répondre à ses questions en ce moment.
-" Attends un peu ! Tu n'as pas répondu à ma question : que fais tu ici ? Où étais tu ? On s'et inquiété pour toi, tu sais. Et où vas tu ? Dis, tu m'écoutes quand je te parle ?
Bien qu'étant visiblement légèrement dépressive, la jeune auror était manifestement têtue et s'introduisit dans la cabine d'ascenseur en même temps que le jeune garçon, ne lui laissant pas d'autre choix que de lui répondre :
"Oui, je t'écoute quand tu me parles mais je n'avais pas envie de parler, pour où j'étais, je voyageais un peu partout. Pour ce que je faisais ici, je faisais ma déposition à cause de ce qu'il s'est passé au pont de Brockdale. Et enfin, pour mes projets futurs, cela consiste à aller me saouler pour tenter d'oublier ce qu'il s'est passé. Fin de l'histoire."
"Attends, tu étais à Brockdale quand les mangemorts ont attaqué ? Mais alors… c'est toi qui a permis d'éviter la catastrophe, n'est ce pas ?"
"Selon la Gazette du Sorcier qui paraître demain, ce sera le glorieux exploit des Aurors. Tu pourras lire tous les détails demain…" grogna Ed, désireux de se débarrasser au plus vite de la jeune femme.
"- Personne d'intelligent ne croit ce qui est écrit dans cette feuille de choux. Et tout le monde dans l'Ordre sait que ton pouvoir magique est impressionnant quand tu ne fais rien exploser par erreur. Raconte moi tout ! Exigea la jeune femme.
"Comme je te l'ai dit, je vais prendre un verre pour tenter d'oublier cela. Et soit dit en passant, tu n'as pas du boulot au Ministère ou avec l'Ordre ?" marmonna Edward en sortant dans la rue pour se diriger vers le bar le plus proche.
"Je viens de travailler près de quarante huit heures de suite, j'ai un droit légitime à me reposer. Et la réunion de l'Ordre n'est que demain, répliqua Tonks en ajoutant : et puis, il vaut mieux que je t'accompagne si tu veux te souler : personne ne te prendrait pour un adulte avec ta taille, tenta t-elle en plaisantant faiblement.
L'absence de réaction de la part du jeune garçon lui fit comprendre qu'il avait dû assister à une scène choquante. Ce fut donc sans un mot qu'elle commanda deux verres d'un alcool moldu quelconque, ignorant les plaisanteries graveleuses des clients et confirmant au barman que son ami avait l'âge de boire. Il commença à boire son verre lentement, n'ayant plus aucune envie de devenir ivre avec un auror et un membre de l'Ordre à proximité… S'il dévoilait des informations compromettantes, il ne donnerait pas cher de sa peau.
Par chance, il semblait clair maintenant au jeune garçon qu'il n'était pas le seul à avoir besoin d'un verre vu que Tonks venait d'avaler le sien d'un seul coup. Il fit semblant d'avaler son verre d'un coup et ils recommandèrent à nouveau.
Au bout d'une heure, le jeune alchimiste savait désormais que, même si les Métamorphomages tenaient mieux la boisson que les personnes ordinaires, ils n'étaient pas pour autant insensibles aux méfaits de l'alcool. Il avait également la preuve vivante que l'alcool était aussi efficace qu'un sérum de vérité. Visiblement, la jeune femme était dans une période de dépression et avait saisi l'occasion de noyer son chagrin dans autre chose qu'un thé. Du coup, elle était, à la grande gêne du jeune homme, en train de lui raconter son histoire d'amour entre elle et Remus, quelque chose qu'il n'avait absolument pas tenu à savoir. Mais curieusement, le bavardage de la jeune femme contribuait un peu à effacer ce qu'il s'était passé aujourd'hui : rien de tel qu'écouter les problèmes des autres pour se décentrer de ses propres problèmes.
À la fin de la soirée, il se retrouva néanmoins, avec un problème sur les bras : que faire avec son compagnon de boisson encombrant ? Il dût finalement se résoudre à rejoindre le Chaudron Baveur, à subir le regard à la fois désapprobateur et méfiant de Tom tout en s'efforçant de ne pas rougir, d'en dévoiler le moins possible de ce qu'ils avaient fait exactement et de négocier le prix d'une chambre individuelle. Une fois que ce fut réglé, il planta là l'Auror en priant pour que Nymphadora oublie sa soirée et que Remus Lupin n'apprenne jamais ce qu'il s'était passé.
Un peu plus d'une semaine plus tard, alors que la nuit était tombée, Edward se trouvait dans un cimetière, celui où, selon les journaux, était enterrée une fillette victime d'une faiblesse cardiaque incompréhensible. Il contemplait la tombe abondamment fleurie et où étaient gravés le prénom et les dates de l'enfant. Sans rien dire, le jeune garçon déposa un simple bouquet d'immortels sur la tombe et resta là, longtemps, les yeux fixés sur ses pensées, sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit. Il ne savait que dire : autrefois, il ne croyait pas dans l'existence improbable du paradis ou de l'enfer, mais maintenant… La Vérité avait impliqué cela, il avait entendu les voix de ses êtres chers qui étaient morts : tout espoir était permis. En silence, il pensa, le plus fortement possible :
"Écoute, Toi, si cette fille, Hanna, n'est pas heureuse dans un autre lieu avec Nina, Alexander, ma mère et tous mes amis, j'irais te dire deux mots."
Puis, il resta immobile, repassant encore une fois dans sa tête la scène qui avait abouti à la mort d'un innocent, cherchant désespérément dans chaque détail quelque chose, n'importe quoi qui aurait pu lui permettre de sauver la vie de cette petite, quelque chose qu'il aurait dû éviter de dire ou faire pour épargner l'enfant.
La culpabilité et sa tendance à se croire responsable de tout avaient toujours été un aspect de sa personnalité. Mais ses aventures l'avaient également forcé à admettre qu'il lui était impossible de sauver tout le monde, que même des pouvoirs pouvant distordre la réalité ne pouvaient empêcher la mort de frapper. Mais le savoir était une chose et l'accepter en était une autre.
Cependant, après quelques jours de ruminations, il avait fini par accepter le fait qu'il n'aurait rien pu faire pour la sauver : l'enfoiré qui l'avait tué avait voulu lui démontrer personnellement jusqu'où il était prêt à aller pour lui expliquer son point de vue. Pour cette enflure, il s'était agi d'un simple test pour savoir ce qui pouvait l'atteindre et qu'elle que soit la manière dont il aurait réagi, le mangemort aurait quand même tué sa victime pour le savoir. Le seul moyen de l'éviter aurait été son absence sur le lieu de l'attentat, ce qui aurait résulté à un plus grand nombre de morts. Son intervention, il le savait parfaitement, avait sauvé la vie de dizaines de personnes ce jour là et penser autrement aurait été irrationnel. Mais alors, pourquoi ne parvenait il pas à se pardonner la mort de cette enfant ?
" Vous êtes donc ici, Mr Elric ?"
Edward se retourna brusquement et fit face à Albus Dumbledore. Le vieux directeur semblait étrangement peu à sa place dans ce cimetière sobre et mélancolique avec sa robe trop coloré. Le jeune alchimiste songea qu'il aurait dû être plus prudent : si cela avait été un mangemort, il se serait fait surprendre comme un débutant et être surpris par Dumbledore n'avait pas non plus fait partie des projets immédiat d'Edward. Maintenant que le vieux sorcier l'avait retrouvé, Edward doutait qu'il lui soit possible d'échapper à l'Ordre du Phénix, ce qui voulait dire qu'il pouvait probablement dire adieu à sa tranquillité et à son indépendance…pour le moment.
Le jeune garçon mit de côté son énervement : il ne tenait pas à commencer une altercation dans un cimetière paisible par respect pour les morts y reposant. Il se contenta de fixer le vieux sorcier avec un regard de défi : techniquement, il n'avait pas vraiment de comptes à rendre au directeur de Poudlard à part lorsqu'il était dans l'école même, donc le fondateur de l'Ordre n'avait pas le droit de lui imposer quoi que ce soit, toujours en théorie.
De son côté, le vieux sorcier soupira intérieurement : Edward ne lui avait visiblement pas pardonné son expérience de l'année dernière destinée à prouver s'il était digne de confiance. Encore une fois, il se reprocha sa précipitation et sa trop grande curiosité qui avait manifestement creusé une faille énorme dans une relation très récente et encore fragile. Il aurait dû s'en douter : les garçons comme Edward n'accordaient leur confiance aux adultes qu'au compte goutte, avec prudence et une certaine dose de méfiance. Trahissez cette confiance et vous pouvez être certain que la regagner totalement serait pratiquement impossible et malheureusement, le regard d'Edward Elric ne prédisait pas un changement d'attitude dans un avenir proche.
Il regarda Edward qui fixait à nouveau la tombe toute récente avec des yeux d'où n'émanait que du regret et de la culpabilité. Puis, une flamme nouvelle vint remplacer ces sentiments dans les prunelles dorées du jeune homme, la détermination et une volonté indomptable brillant désormais à leur place. D'un mouvement vif, il se retourna et commença à prendre la direction de la sortie, le vent s'engouffrant dans son manteau rouge mais ce départ fut interrompu par la voix pressante du vieux directeur de Poudlard :
"Edward… Si tu comptes te mettre à la poursuite des responsables de la mort de cette enfant, je te conjure de revenir sur ta décision. Seul, tu n'as aucune chance et la vengeance n'a jamais apporté la paix à qui que ce soit."
"Je ne cherche pas la paix, professeur, répliqua Edward d'une voix lasse, cela n'a jamais été une option pour moi."
"Je sais ce que tu ressens, Edward. Tu n'es en rien responsable de ce qu'il s'est passé, au contraire, tu as sauvé beaucoup de gens, ce jour là." Lui fit remarquer le professeur Dumbledore avec compassion.
"N'essayez pas de vous mettre à ma place. J'ai juré de faire ce qui est en mon pouvoir pour que ces salopards reçoivent la justice qu'ils méritent." Gronda Edward avec détermination.
"Une noble intention, Edward et qui te ressemble bien." Déclara le vieil homme en continuant : "Néanmoins, il existe pour toi d'autres façons d'aider qui ne mette pas ta vie en danger constamment et je suis venu te proposer de m'aider ce soir."
"Oh ? Vous commenceriez à me faire confiance par miracle ?" Ironisa le jeune alchimiste avant de déclarer : "D'accord. De toute manière j'ai rien de mieux à faire ce soir."
Et agrippant le bras du directeur, le jeune garçon s'apprêta à découvrir, à son plus profond malaise, une nouvelle méthode de transport sorcier.
