Note : Cette fic était à l'origine un roleplay posté sur un forum, qui a été remis en page pour former une histoire complète. Les parties du point de vue de John sont écrites par Aku'Raichuu et celles du point de vue de Karkat par Plume d'Eau.

Rating M : langage vulgaire, allusions non explicites à des thèmes adultes, violence au lycée, discrimination. Boy's love, pas de lemon. Les réclamations concernant le langage grossier sont à adresser directement à Karkat. D'autres couples apparaîtront par la suite.

EDIT DE MAI 2019 : Les liens des pesterlogs images ayant été supprimés, ils seront désormais intégrés à l'histoire directement. Je rappelle que cette fic est aussi disponible sur le site Archive Of Our Own (AO3). La version AO3 a des pesterlogs en couleur et des petits "bonus" que vous ne trouverez que là-bas (impossible avec les restrictions de mise en forme de FFnet). Pour mieux profiter de cette fic, je vous conseille de lire là-bas !


Note d'Aku'Raichuu : Bonjour, bonsoir !

Voici Curiokat, une fic roleplay dans un univers alternatif (pas de spoils de Homestuck). Les rôles sont distribués ainsi : Les posts de John sont écrits par moi, et ceux de Karkat par Plume d'Eau. Les pesterlogs sont écrits par nous deux en direct. Si vous avez d'autres questions sur comment on s'organise pour l'écrire, n'hésitez pas à les poser en commentaire. Rassurez-vous, on ne mords pas. Enfin, pas trop. :)

Bonne lecture, et surtout laissez des commentaires ! C'est ce qui fait progresser les auteurs ! ;D

Note de Plume d'Eau : Hein, quoi, c'est à moi de parler ?

Euh… ouais enfin le truc c'est qu'Aku a déjà dit beaucoup, je sais pas si j'ai vraiment un truc à rajouter.
À part que… bah on s'éclate beaucoup à faire ce RP (sérieux, mes études en pâtissent même un peu, j'ai aucune force mentale pour résister à l'appel du RP quand Aku finit un de ses merveilleux posts pour aller lui répondre… ;_; ), donc on espère que vous aussi, vous apprécierez de le lire ?

À part ça, faites attention… vous le verrez vite, mais Karkat (mon personnage) a un langage…

Un charretier aurait honte de le voir parler.
Et puis bon, son caractère de merde, il est inégalable hein ;)

Enfin bref… j'espère aussi que vous aimerez lire tout ça, autant que nous on prend plaisir à l'écrire !
Et si cela vous intéresse, j'ai écrit aussi d'autres petites choses sur Homestuck, vous les trouverez sur mon profil… *voit un regard haineux* hé, quoi, Aku, j'ai le droit de faire ma pub roh !

Bonne lecture à vous, et oubliez pas les commentaires hein ! *se fait jeter*


Curiosity Killed the Karkat

Partie 1

...


John

Bon, alors... Par où commencer ?

Je m'appelle John. John Egbert. J'ai seize ans.
J'ai une vraie passion pour certains films génialissimes... Oui, ils sont géniaux. Peu importe ce que dit Dave. Et ce que dit Rose. Et Jade. G-É-N-I-A-U-X, je vous dis. Je passe aussi beaucoup de mon temps à m'entraîner à la magie. J'aspire à devenir un grand magicien un jour. Je m'intéresse aussi à la programmation informatique, même si je suis vraiment nul.

Enfin... On n'est pas là pour parler de ça.

Là, il est huit heures vingt-cinq, et les cours vont commencer. Je suis déjà assis à ma place : juste à côté de la fenêtre, à l'avant-dernier rang. Deux places devant, j'aperçois ma sœur, Jade, qui tente de s'y retrouver parmi tout un fouillis de feuilles de cours. Tout au fond, j'entends Dave - mon meilleur ami - parler avec Rose, sa sœur à lui. Comme d'habitude, ils sont en train de se disputer pour un rien. Mais je sais qu'au fond ils s'entendent bien. Quelques autres élèves sont installés, mais plus de la moitié de la classe manque à l'appel. Ils sont encore dans le couloir, et je sais qu'ils ne rentreront qu'une fois le professeur arrivé.

Et pour cause : les trolls n'aiment pas traîner avec nous, les humains. Tant qu'ils peuvent nous éviter, ils le feront. Ça m'attriste un peu, mais je peux les comprendre.

Pour que vous me suiviez, je pense qu'il faudrait faire un petit cours d'Histoire.

Depuis toujours, la Terre est partagée par deux races distinctes : d'un côté, nous, les humains, et de l'autre, les trolls. Pendant longtemps, ce sont ces derniers qui ont dominé, aussi bien du côté territorial que vis à vis de la... chaîne alimentaire. Oui, vous m'avez bien compris. Pendant des centaines d'années, les trolls ont été les principaux prédateurs des humains. C'est, euh... un peu bizarre d'y penser. Très bizarre. Un peu effrayant aussi...

Enfin bon, tout ça pour dire...

Oui, voilà. Donc, au bout d'un moment, les humains se sont mis à se rebeller. On est devenus de plus en plus puissants au fil des siècles, et rapidement la guerre a éclaté. Une très grande guerre, qui a duré à peu près deux siècles. Sauf qu'au bout d'un moment, les deux camps se sont rendu compte que si la guerre continuait encore, la planète finirait par être complètement détruite avant qu'un des deux camps ne gagne. Et aucun n'était près de gagner.

Donc, un traité de paix a été signé. C'était pas y a très longtemps, juste un demi-siècle, en fait. Les trolls ont accepté de retirer les humains de leur menu, et tout est rentré dans l'ordre. Enfin... c'est pas si simple en vrai. De ce qu'on m'a dit, il a fallu mettre en place pas mal de trucs pour faciliter la cohabitation, mais les gens avaient toujours des préjugés et refusaient de vivre avec l'autre espèce. C'est pour ça que le gouvernement a pris une décision un peu... radicale. Les enfants humains et trolls devraient étudier dans les mêmes écoles. Ce serait une façon pour eux d'apprendre à connaître les autres.

Et notre lycée, là, c'est le premier à faire ça. C'est un peu comme un modèle test. Pour voir si tout se passe bien... Et pour l'instant ça a l'air de bien marcher ! Enfin, si on passe le fait que les humains et les trolls refusent complètement de s'adresser la parole à moins d'y être obligés, ou que les professeurs trolls saquent complètement les élèves humains et inversement, ou encore qu'il ne se passe pas un jour sans qu'une bagarre éclate entre chaque groupe...

Mais, à part ça, tout va plutôt bien ! Les trolls sont sympas, enfin, du peu que je leur ai parlé. C'est à dire presque pas. Pas du tout en fait. Mais ils ont l'air plutôt sympas !

Ah, ça y est. J'ai à peine le temps de finir mon explication que le cours commence. Le premier cours de la matinée, c'est un cours de civilisation troll. Juste après, on a une heure de civilisation humaine. C'est assez marrant qu'ils aient mis les deux l'un après l'autre. Je trouve que ça met encore plus nos différences culturelles en valeur... Mais bon. C'est marrant. On apprend des trucs chouettes, même si la plupart du temps je suis complètement paumé. Comme avec cette histoire de romance troll... Ça me dépasse un peu. Faut dire que les professeurs ne sont pas trop rentrés dans les détails.

Les cours se passent comme d'habitude. Les trolls discutent entre eux et pareil pour les humains. Le premier professeur, un troll, n'interroge que des élèves trolls. Jade, comme d'habitude, lève souvent la main pour poser des questions, et prends une quantité incroyable de notes. Je ne sais pas comment elle fait pour s'y retrouver dans toutes ses feuilles et ses mémos. Moi je dors à moitié. J'ai du mal à suivre, tout est toujours compliqué quand il s'agit de trolls. Marrant, mais compliqué.

Pendant le deuxième cours, je suis tout aussi paumé. Hé, c'est dur les cours de civi, même si on parle de sa propre espèce !

Et finalement, la matinée s'achève par notre cours d'Histoire. Là c'est un cours plus général, qui parle aussi bien de l'Histoire des humains que celle des trolls, de la guerre entre les deux, des traités de paix, etc. Le professeur est un troll, mais il n'a rien contre les humains. Ou disons plutôt qu'il n'aime pas les humains moins que les autres trolls... Et il n'aime pas vraiment les autres trolls.

Vers la fin du cours, le professeur se met à toussoter, réclamant ainsi le silence afin de faire une annonce.

« Bon... Madame la directrice m'a demandé de vous soumettre un petit... travail de groupe. »

Aussitôt, un brouhaha s'installe dans la salle de classe, chacun se retournant vers son voisin, commençant à former préalablement les groupes.

« Pas la peine de vous exciter : c'est moi qui déciderai des groupes. »

Une longue série de plaintes et protestations diverses démarre, vite interrompue par le professeur frappant le bureau avec son poing.

« Donc, reprend-il d'une voix calme, vous serez par deux ou trois. Je donnerai les groupes à la fin du cours. Ce travail prendra la forme d'un exposé, et vous aurez... Disons, un mois pour le faire. »

Je vois Jade qui commence à lever la main pour poser une question, et Rose qui fait de même, probablement pour faire une remarque totalement désapprobatrice et sarcastique. Le professeur les ignore toutes les deux.

« Bien sûr, je me fiche totalement de ce que vous mettrez dedans. Je n'ai pas envie de m'occuper de ça, j'obéis juste aux ordres de la directrice, alors une fois que vous saurez avec qui vous êtes, trouvez un sujet et débrouillez-vous. Sachez juste que votre note sera déterminante de votre passage en classe supérieure. Des questions ? »

Jade et Rose lèvent toujours la main.

« Pas de question ? Parfait. Voilà les groupes. »

Tandis que les deux filles rabaissent leur main, le prof sort une liste de noms.

« Bon, alors... Jade Egbert, avec... Terezi Pyrope. »

Silence total dans la salle. Le professeur s'apprête à lire un autre nom, mais une voix s'élève. Celle de la ci-nommée Terezi, une jeune fille troll à la particularité d'être aveugle.

« Euh... Monsieur ? Vous avez fait une erreur, je crois.
- Vous vous appelez bien Pyrope ?
- Oui.
- Alors non, pas d'erreur. Vous êtes avec Mlle. Egbert.
- Mais... c'est une humaine !
- Mlle Pyrope... Cette liste m'a été donnée par votre directrice. Je n'ai absolument rien à faire de votre avis dans cette histoire. Si vous voulez vous plaindre, allez vous adresser directement à la direction. »

Un nouveau silence s'installe à la mention du nom de la directrice. Humain ou troll, personne n'ira jamais de son propre gré rendre une visite à Snowman... Et encore moins pour se plaindre. Le silence est vite suivi par une vague de chuchotements et de plaintes outrées. Le professeur continue de nommer les groupes, à chaque fois appelant un humain et un troll.

Le cours est pratiquement terminé quand j'entends mon nom.

« Egbert, John. Vous êtes avec... Voyons... Karkat Vantas. »

Je jette des regards autour de moi, essayant de me souvenir qui est ce "car cat". Je ne connais pas trop le nom des trolls de la classe, faut dire qu'ils ne sont pas très causants et que je n'écoute pas en cours quand on les appelle au tableau. Il ne s'est encore passé que deux mois de cours, aussi, et c'est notre première année à tous dans ce lycée.

Finalement je le vois. Un autre troll derrière lui me pointe du doigt alors qu'il me fixe. Il a l'air plutôt... énervé. Mais c'est sûrement qu'une impression.

Cet exposé va être sympa, je le sens ! Ça va être l'occasion de rencontrer les trolls !
J'espère qu'on s'entendra bien et qu'on pourra être amis !


Karkat

« Heeeeeeeeyyyy Karkaaaat ! Devine de queeelle couleur tu eeees làààà ! »

Bordel de putain de saloperie de connerie de merde.
Pourquoi est-ce que c'est toujours à moi de devoir supporter cette fichue TIMBRÉE de Pyrope ?

Je lui jette un regard flamboyant de haine, de quoi embraser dix mille soleils dans toute leur splendeur.
Avant de me rappeler que c'est une putain d'aveugle qui ne peut même pas goûter la beauté de mes regards si haineux. Une veine bat sur mon front, tandis que je la vois s'approcher de moi avec sa langue gluante.
Je ne tiens pas dix secondes.

« BRAAAAHHHH MAIS PUTAIN D'ENFOIRÉ DE CUL TU VAS BIEN DÉGAGER DE LÀ OUAIS, T'AS PAS INTÉRÊT À ME TOUCHER AVEC TA LANGUE T'ENTENDS, SINON J... »

Je suis coupé par la cloche de notre établissement qui sonne la première heure de nos cours.
Putain, et maintenant il faut rentrer en classe, et s'asseoir avec ces enfoirés d'humains. Qu'est-ce qui peut être encore plus chiant que ça, franchement, j'vous le demande.
Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose me dit que je suis pas loin de bientôt connaître quelque chose d'encore pire. Va savoir quoi.

Je viens m'asseoir à côté de Gamzee, mon moirail – toujours complètement stone, défoncé par son « FaYgO, bRo » ou bien par les tartes au slime qu'il s'avale continuellement. Je n'ai pas encore réussi à savoir laquelle de ces deux merdes le rendait comme ça. Mais remarquez, quand il est dans cet état-là, il ne tente pas de décimer la moitié du lycée, donc c'est peut-être tout aussi bien comme ça.
C'est d'ailleurs peut-être même pour ça que cette foutue directrice de merde lui laisse toute cette merde.

À peine assis, mon meilleur pote me tape sur l'épaule, me gratifiant d'un « HeEeEeEy BrOoOo ! » complètement défoncé. Seigneur, qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Je me contente de lui mettre un vague coup de poing sur la tête, qui suffit, pourtant à peine fort, à l'assommer pour un bon moment.
Je pousse un soupir tandis qu'il s'étale comme une loque sur le bureau.


Merde, j'imagine qu'en fait là vous devez vous poser des questions non ?
Ouais, c'est pas comme si ça me foutait quelque chose que vous y bitiez rien, mais je vais encore me faire engueuler si j'fais pas les choses correctement. Va savoir par qui, par contre.

Bon.
Vous l'aurez deviné quand l'autre cinglée a crié mon nom, moi, c'est Karkat Vantas. Et le premier qui a un problème avec ce nom, je lui explose ce qui lui sert de tête, vu ?
OK, si ça c'est clair… J'ai seize ans, bientôt dix-sept, et je suis un troll.

Ouais, un troll ouais. Avec les dents pointues – les crocs – les griffes, la peau grise, les cornes.

LE PREMIER QUI ME DIT QUE MES CORNES SONT PETITES, JE LE

Karkat ayant malheureusement perdu son self-control, veuillez patienter quelques minutes le temps que le flot d'insulte se calme…

Breeeeef.
Mon regard glisse un peu sur tous ces putains de singes à la peau rose, et je grommelle. Ça fait depuis le début de l'année que je me demande pourquoi est-ce qu'on est obligés de se coltiner ces débiles. Pourtant, y a pas si longtemps on était en guerre. Et y a même un peu plus longtemps, on les bouffait.

En fait ça me fait vraiment bizarre de me dire qu'on les bouffait. Je sais pas, je me vois pas avaler un être vivant aussi dégoûtant qu'eux. Je préfère de loin un bon vieux steak tartare, c'est bien meilleur.
Même si c'est pas faux que la viande crue, c'est pas mal délicieux en fait. Enfin bon.

Je suis pas très bon en Histoire. En fait, ça me fait chier.
Tout me fait royalement chier.
Tout ce que je sais, c'est que pendant un moment, on les a bouffés. Puis un jour ils ont plus été d'accord – eh, ça me ferait mal au cul à moi aussi de finir en steak tartare en fait – et ils sont entrés en guerre. On s'est fracassé sur le coin de la gueule pendant un moment, puis nos deux gouvernements – enfin, leur gouvernement et notre putain de royauté – se sont dit que ça serait peut-être cool de plutôt se supporter que de se dérouiller la gueule en dézinguant la planète du même coup.

Et voilà, à cause de leurs conneries, où nous on se retrouve. À devoir se supporter au beau milieu de ce putain de lycée-internat qui est l'un des premiers – si c'est pas le premier ? j'm'en cogne – à mélanger trolls et humains.
Bordel de merde.
Je passe les deux premiers cours à grommeler dans ma barbe – qu'est-ce qu'on en a à foutre du civisme troll ? Je savais même pas que ça existait cette connerie avant d'avoir ce cours. Sérieux, citez-moi un seul moment où un troll est « civilisé »… Et puis bon, me causez pas du cours de civisme humain ou sérieux je vais devenir violent.
Vraiment violent.

Quant au cours sur l'Histoire, je prévoyais d'y piquer un autre somme – ou au moins de ruminer ma haine envers ce monde de débiles – mais notre prof – un espèce d'antipathique de dernier ordre – a d'autres projets pour nous.

Il débarque avec son putain d'air blasé scotché sur le coin de la tronche et un paquet de feuilles dans les mains. J'suis sur le point de m'endormir quand il commence enfin à raconter quelque chose qui mérite ma haineuse attention.

« Bon… Madame la directrice m'a demandé de vous soumettre un petit… travail de groupe. »

Je ne prête même pas attention au brouhaha – autant humain que troll – qui s'élève, me contentant de regarder d'un œil morne par la fenêtre. De toute façon, je sais que je finirai avec ce drogué de Gamzee.

« Pas la peine de vous exciter : c'est moi qui déciderai des groupes. »

Il continue après une minute d'un autre putain de brouhaha – mais qu'est-ce qu'ils sont chiants bon sang, vos gueules !

« Donc, vous serez par deux ou trois. Je donnerai les groupes à la fin du cours. Ce travail prendra la forme d'un exposé, et vous aurez… disons, un mois pour le faire. »

Il y a un silence – sûrement cette foutue humaine qui lève tout le temps la main – avant qu'il ne termine sa phrase.

« Bien sûr, je me fiche totalement de ce que vous mettrez dedans. Je n'ai pas envie de m'occuper de ça, j'obéis juste aux ordres de la directrice, alors une fois que vous aurez les sujets, débrouillez-vous. Sachez juste que votre note sera déterminante de votre passage en classe supérieure. Des questions ? »

Après un autre silence, il lâche ce que je pressentais être une bombe, la chose encore pire que d'être dans le lycée, dans cette vie, dans ce monde pourri.

« Bon, alors… Jade Egbert, avec… Terezi Pyrope. »

Jade.
Jade.
JADE. Je ne connais pas ce nom. Ce qui signifie, étant donné qu'en tant que « leader » des trolls je connais tous ceux de notre classe, qu'elle n'est PAS troll. C'est quoi ce délire ?

Je vois Terezi lever la main, deux places devant moi.

« Euh… Monsieur ? Vous avez fait une erreur, je crois.
- Vous vous appelez bien Pyrope ?
- Oui.
- Alors non, pas d'erreur. Vous êtes avec Mlle Egbert.
- Mais… C'est une humaine ! »
- Mlle Pyrope… Cette liste m'a été donnée par votre directrice. Je n'ai absolument rien à faire de votre avis dans cette histoire. Si vous voulez vous plaindre, allez vous adresser directement à la direction. »

Aller voir la direction. Mais bien sûr.
On n'est pas complètement cinglés non plus… Si y a quelqu'un à qui il faut pas parler dans cette foutue école, c'est bien cette dégénérée de directrice complètement loufoque. Elle en a vraiment un qui sifflote dans son crâne vide…
Un exposé avec des humains, non, mais vrai…

« Egbert, John. Vous êtes avec… Voyons… Karkat Vantas. »

Je relève la tête à l'entente de mon nom. Putain mais j'avais pas saisi que j'étais moi aussi concerné. Je tourne la tête en direction des humains dont je n'ai jamais pris la peine de retenir le nom – à quoi ça aurait servi franchement ? C'est pas comme si j'allais copiner avec eux…
Sollux, derrière moi, tape mon épaule et me chuchote.

« C'est le mec aux lunettes, là-bas ! »

Je jette un coup d'œil dans la direction qu'il m'indique, croisant deux billes d'un bleu presque trop profond pour être réel.
Il me fixe. Je le fixe.
Un instant en chiens de faïence, où ni l'un ni l'autre n'ose bouger d'un putain de millimètre.

Enfin, il me sourit.
Il… me… sourit.
Un… UN PUTAIN DE BORDEL DE MERDE DE SOURIRE CON COMME UNE PUTAIN DE…

« QUEWAAAA ! Je beugle. PAS POSSIBLE, NON, CERTAINEMENT PAS ! JE NE VAIS PAS FAIRE CETTE SALETÉ DE PUTAIN DE CONNERIE D'EXPOSÉ AVEC UN DÉGÉNÉRÉ DE …
- MONSIEUR VANTAS, DÉSIREZ-VOUS UN ALLER SIMPLE CHEZ LA DIRECTRICE ? »

Ça a le mérite de me calmer aussi sûrement qu'une douche froide.
Je me rassieds, en grommelant dans ma barbe.
Putain de bordel de merde.

Pourquoi je sens que cet exposé ne va vraiment être qu'un putain de cauchemar ?


John

Le cours se termine juste après que Karkat a piqué une gueulante. Au début ça m'a un peu surpris, puis finalement je me suis mis à rire. J'ai hâte de commencer cet exposé avec lui, je sens que ça va être marrant ! Il n'a pas l'air de penser pareil, mais je suis sûr qu'il va vite changer d'avis. Suffit de trouver des sujets intéressants à aborder et on deviendra amis ! Je sais, je vais lui parler des Ailes de l'Enfer, tiens ! Je ne me lasse jamais de parler de ce chef-d'œuvre. Je pourrais en parler des heures !

Oula, voilà, j'étais en train de repenser à ce super film, et voilà que je suis tout seul dans la salle vide. Je me dépêche de fourrer mes affaires dans mon sac et je file en vitesse vers le réfectoire. Quand même, j'en reviens pas que personne ne m'ait attendu !

J'arrive dans le grand bâtiment et je me place dans la longue file d'attente à l'entrée. Je me mets sur la pointe des pieds, cherchant une tête familière dans la queue, mais je ne reconnais personne. C'est pas vrai, ils sont passés où Dave et tout ?

Oh, attendez... Cette tête, avec les cornes minuscules...
Ce serait pas Karkat, juste devant ? Un grand sourire se dessine sur mon visage, alors que je passe devant le petit groupe avant moi sans écouter leurs protestations pour aller saluer le jeune troll.

« Hé, Karkat ! »

Il se retourne et me fixe comme si j'avais une salamandre sur la tête.

« Oh putain dites-moi que je rêve.
- Comment ça va ? Je demande.
- Gamzee, tape-moi, j'crois que ce connard d'inférieur d'humain est en train de me causer. »

Le troll à côté de lui, à défaut de le taper, se contente de me regarder d'un air absent. Toujours souriant, je décide de me présenter en bonne et due forme.

« Je m'appelle John.
- J'en n'ai rien à foutre de ton putain de nom.
- John Egbert, je répète.
- Je... NON MAIS BORDEL MAIS TU M'ÉCOUTES QUAND JE TE CAUSE ? JE TE DIS QUE J'EN N'AI RIEN À CIRER DE TON PUTAIN DE NOM DE MERDE ! CASSE-TOI DE LÀ !
- Héhé, ouah. Est-ce que c'est un truc de troll de hurler comme ça quand vous parlez ? Ou c'est juste toi ? »

Un silence s'est installé autour de nous, une grande partie des autres élèves observant notre discussion. Karkat met un petit moment à me répondre, l'air trop choqué pour parler. Je me contente d'attendre patiemment en souriant. Soudain, il me saisit par le col de mon pull.

« Ouah, quoi ?
- Est-ce que t'es en train de te foutre de moi, là ?
- Ben non.
- TU TE FOUS DE MA PUTAIN DE GUEULE C'EST ÇA ?! »

Le troll à côté de lui – Gamzee, si j'ai bien retenu, un type aux cheveux en pétards avec un drôle de maquillage blanc comme celui des clowns au visage – pose soudain une main sur son épaule, l'air de rien.

« Hé, relax bro, faut pas s'énerver comme ça. Bois un peu de Faygo, mon pote.
- OH BORDEL C'EST FRANCHEMENT PAS LE MOMENT DE COMMENCER À ME PRENDRE LA TÊTE AVEC TON PUTAIN DE FAYGO GAMZEE ! TU VOIS PAS QU'IL Y A UN ENFOIRÉ D'HUMAIN DE MERDE QUI ME FAIT CHIER LÀ ?! »

En disant ça, il se met à me secouer comme un poirier. Un peu sonné, je m'accroche à son bras qui me tient pour ne pas tomber, attirant de nouveau son regard furieux sur moi. Il a de jolis yeux noirs, avec du jaune au lieu du blanc. Dommage qu'il ait tout le temps les sourcils froncés comme ça. Il va finir par avoir des rides au front, à force.

Je remarque soudain qu'il n'y a plus personne devant nous, les gens devant dans la file ayant recommencé à avancer.

« Oh, Karkat, ça va être à nous de passer ! »

Profitant de sa surprise, je me dégage de son emprise et l'attire par le bras jusqu'à avoir rattrapé les autres. J'attrape un plateau sur le côté et commence à regarder les entrées avec gourmandise. Il y a toujours pas mal de choix quand on arrive tôt, c'est dur de choisir. Je n'entends plus Karkat derrière moi, il a dû se calmer... ou se résigner ? Je me retourne pour voir ce qu'il en est, et je vois alors qu'il est toujours figé là où je l'ai laissé. Finalement, son ami le réveille d'une tape dans le dos et il attrape un plateau en grommelant.

De mon côté, je termine de choisir mon entrée et mon dessert et arrive devant les cuisiniers pour le plat principal. Pendant que je médite devant les plats proposés, Gamzee prend la parole derrière moi.

« Hé, quoi de neuf ?
- Salut gamin, fait la cuisinière – une humaine.
- Alors, vous avez réfléchi à ma putain d'idée miraculeuse ? »

Le deuxième cuisinier, un troll lui, se met à rire.

« Hahaha, hors de question. On n'ajoutera pas de tarte au slime à nos menus.
- Dommage. Honk ! »

Il s'empare d'une assiette, suivi par Karkat qui n'a pas ouvert la bouche depuis. Curieux, j'observe le contenu du plateau de ce dernier, et remarque qu'il a pris un deuxième dessert au lieu d'une entrée.

« Eh ben, j'aurais pas cru que t'aimais les trucs sucrés ! je lui lance. Je croyais que les trolls n'aimaient que la viande.
- Ouais, fait Gamzee, c'est un putain de miracle.
- VOUS ALLEZ LA FERMER OUI ?! »

Je fais un grand sourire à Gamzee, qui me répond de son sourire habituel qui n'a pas quitté son visage depuis tout à l'heure. Je crois que je ne l'ai jamais vu avec une autre expression, en fait. Lui et Karkat se dirigent alors vers une table libre. Je cherche encore un peu Jade, Dave ou Rose du regard mais je ne vois aucun d'entre eux. Je me demande s'ils ne sont pas allés traîner quelque part avant de venir manger, en fait. Ils auraient pu me prévenir ! Bon, du coup, je décide de suivre les deux trolls.

Les deux s'arrêtent à une table encore libre, et je m'installe à côté de Gamzee, avec Karkat en face. Soudain, ce dernier, qui allait s'asseoir, se fige et me fixe.

« Je peux savoir ce que tu fous, là ? demande-t-il.
- Hein ?
- LÀ, TU FOUS QUOI BORDEL ?
- Je... m'assois ? Tu sais, pour manger, tout ça...
- NON MAIS POURQUOI TU T'ASSOIS À CÔTÉ DE NOUS ?!
- Bah, on est potes non ? »

Il ouvre la bouche, cherchant probablement quoi dire. J'ai un peu faim là, alors je n'attends pas sa réponse et je commence à manger. Mais immédiatement après, je vois Karkat poser son plateau, faire le tour de la table et s'approcher vers moi, les dents – crocs plutôt – serrés. Il tend une main, et je n'ai pas le temps de me demander s'il va encore me saisir par le col qu'un bruit sourd retentit juste à côté. Me tournant, j'aperçois un des surveillants regarder vers nous, son poing posé sur le mur contre lequel il venait probablement de frapper pour rappeler mon ami Karkat à l'ordre.

Nos surveillants sont tous hyper flippants. Je sais même pas s'ils sont humains ou trolls, ou quelque chose de totalement différent, avec leur carapace toute noire ou toute blanche, leurs yeux ronds sans pupilles et leurs tenues d'agents secrets – d'ailleurs, on les appelle les Agents je crois. Entre nous, on dit juste « les pions ». Mais pas devant eux, et personne généralement ne cherche à leur désobéir… C'est qu'ils sont pas mal forts en plus de faire peur.
Avec toutes ces disputes entre trolls et humains, il faut bien ça pour maintenir un minimum l'ordre.

Karkat, du coup, retourne en silence à sa place et se laisse tomber sur sa chaise, se prenant la tête dans les mains.

« Gamzee ? fait-il.
- Ouais, bro ?
- Je crois que je veux bien un peu de Faygo, finalement.
- Yeaaaaaah. Karkat qui boit du Faygo, c'est un putain de miracle. Un PuTaIn De MiRaClE ! HoNk ! »


Karkat

« Gamzee ? Je fais.
- Ouais, bro ?
- Je crois que je veux bien un peu de Faygo, finalement.
- Yeaaaaaah. Karkat qui boit du Faygo, c'est un putain de miracle. Un PuTaIn De MiRaClE ! HoNk ! »

Je soupire de découragement et me contente de tendre la main, sourd à ses appels au miracle.

« Ta gueule, et passe-moi ta putain de bouteille plutôt. »

Je ne relève ma tête que lorsque je sens le poids d'une bouteille bien remplie de son soda complètement chelou. Affirmant ma prise, je l'approche de moi, la décapsule, et observe d'un œil critique sa couleur étrange et son odeur… encore plus qu'étrange.
Je sais pas si c'est une bonne idée.
Mais… bon de toute façon avec tout ce qui me tombe sur la gueule, rien ne peut être pire.

Faisant fi du verre posé à côté de moi, j'attrape la bouteille un peu plus fermement et porte le goulot à ma bouche, avalant une longue gorgée du liquide.

MMH—PFFFTTT !

Ça fait à peu près très exactement ce bruit-là, lorsque le liquide atteint enfin mes papilles gustatives.
Et que je le recrache tout de go, sans aucune classe ni élégance.

« PUTAIN MAIS… C'EST DÉGUEULASSE TON TRUC BORDEL DE MERDE ! COMMENT EST— »

Je m'arrête lorsque mes yeux se posent sur ce putain d'humain assis en face de moi, qui jusque-là avait arrêté de causer comme un débile pour avaler ce qu'il y avait sur son plateau.
Il risque d'avoir un peu de mal, maintenant.
Tout ce que j'ai recraché lui est tombé en pleine figure, et il m'observe, dégoulinant, les lunettes pleines de liquide mélangé à ma salive, la bouche grande ouverte tant il est ahuri.

Gamzee, à côté, lâche un rire forgé de « Honk ! Honk ! ». Il lui faut bien une ou deux minutes pour arrêter de se marrer comme un débile, et lancer à cet abruti :

« Eh John, fallait nous le dire si tu voulais du Faygo… ! »

Et le voilà reparti en fou rire.

De mon côté, je rebouche la bouteille et la pose sur la table, replongeant mon regard sur mon plateau pour ne pas avoir à observer cette tête d'ahuri – qui me ferait assurément mourir de rire dans la demi-seconde. Tuant toute mon image de marque en même temps.
Et puis, il est hors de question que je m'excuse.
Au passage.

Je commence à piquer ma fourchette dans le steak tartare que j'ai pris lorsque j'entends l'humain me lancer :

« Mais… Mais tu…
- Ta gueule, enculé, je mange là.
- Mais tu pourrais t'excuser au moins, non ?!
- Je vois pas pourquoi.
- Mais tu viens de me recracher tout ton… ta… enfin tout à la figure !
- T'avais qu'à pas t'asseoir là, connard. »

Je l'entends grommeler et se lamenter sur quelque chose, mais n'y prête pas attention, trop focalisé sur la délicieuse viande encore crue – même si froide, mais ça n'est pas si grave – qui fond dans ma bouche.
Ça ne vaudra jamais le goût du sucre – vos gueules à propos de ça ou j'vous tabasse –, mais c'est vraiment, vraiment putain de bon. Y a pas à dire.

Qu'est-ce…

OH, PUTAIN !
C'était quoi cette fourchette ? C'ÉTAIT QUOI CETTE PUTAIN DE FOURCHETTE QUI VIENT DE SE GLISSER DANS MON ASSIETTE POUR ME RAMASSER MA BOUFFE ?

Je lève un regard où l'ahuri se dispute à la rage pure, pour apercevoir un regard totalement innocent bordé d'un sourire qui pourrait faire le tour de sa tête si ses muscles se le permettaient.
Il se permet même d'ajouter sur un petit ton joyeux :

« Bah quoi ? T'as ruiné mon plateau-repas, je me venge ! »

Je pousse un hurlement de rage, mais retiens ma folle envie de lui exploser la tête à coup de plateau en plastique – bon de toute façon face à une tronche de cake pareille, ça ne durerait pas longtemps – parce que je pense que le surveillant là-bas qui ne m'a pas lâché des yeux depuis que j'ai tenté de lui refaire le portrait n'apprécierait pas.
Du tout.

Préparant mon meilleur regard de tueur – il parait que je suis très doué pour ça – je relève lentement la tête pour le planter dans les deux pupilles couleur cyan de ce putain de taré d'humain.
Je souffle avec rage.

« Retouche encore ma bouffe et je t'explose la cage thoracique pour te faire bouffer tes propres intestins. C'est pigé ? »

Pour une fois, il ne répond rien et rebaisse la tête.
Aurais-je réussi à lui faire peur ? Ça m'étonnerait beaucoup, mais bon, on a le droit de rêver quand même.
Peu rassuré tout de même, je tire mon plateau plus près de moi et termine de manger mon repas à toute vitesse, pas du tout désireux de le voir se volatiliser dans l'estomac d'un autre. Quelque cinq minutes plus tard, une fois mon steak tartare et mes deux desserts – quoi, y a un truc qui vous emmerde ?! – engloutis, je me lève et vais déposer mon plateau sur un des chariots prévus à cet effet. J'ai déjà quitté la cafet et ai la ferme intention de me perdre dans les couloirs pendant les dix minutes qu'il me reste avant l'heure de perm, mais un petit bruit insistant de pas près de mon oreille droite semble décidé à m'en empêcher.
Je jette un regard sur la droite et pousse un soupir en découvrant cette tête d'abruti qui me suis toujours, son éternel sourire de con scotché sur sa tronche.

« Qu'est-ce que tu veux encore, tas de merde ?
- Eh, c'est pas sympa comme surnom !
- C'était pas un surnom, c'était une description. »

Il lui faut quelques secondes avant que la seconde insulte remonte dans son cerveau et y allume une lumière. Après un « EEEEHH ! » de protestation qui me fait lever les yeux au ciel, il reprend :

« Du coup on va déjà à la bibliothèque c'est ça ?
- On ? T'as vraiment aucun putain de cerveau hein. Y'a pas de on qui tienne. Toi tu vas aller te faire foutre bien gentiment, et moi je… ça te regarde pas de toute façon. Dégage !
- Mais on doit travailler ensemble sur le projet d'Histoire, tu te souv…
- TA. GUEULE. Sérieux approche-moi encore sous ce prétexte et je t'encastre ta sale petite tête de con dans le mur, c'est vu ?! »

Un silence.

« Je sais pas pour toi, mais moi j'ai envie d'avoir la moyenne. Et de passer mon année.
- Quoi ?
- T'as pas écouté le prof ? La note qu'on va avoir pour cet exposé est capitale pour passer notre année. »


Oh putain.
Sa race de sa mère de putain bordel de merde de connerie de FOUTRE !
Mais ils ont tous décidé de me faire chier jusqu'au bout du monde c'est pas possible, raaaaah !
Je lui jette un regard haineux.

« TRÈS BIEN ! On va à cette putain de bibliothèque alors. MAIS JE TE PRÉVIENS ! »

J'ai quasiment hurlé les derniers mots en me tournant vers lui, appuyant sur son épaule jusqu'à le plaquer contre le mur à côté duquel il marchait. Il fait un petit bruit de canard étranglé qui quelque part me satisfait dans mon estime.
Je lui montre mes crocs tandis que je termine ma phrase.

« Fais-moi un peu trop chier, et je te balance par la fenêtre. C'est vu ?
- Vu. Mais…
- QUOI ?!
- … la bibliothèque est au rez-de-chaussée, non ? »

Un grognement de bête enragée sort de ma gorge. Je le relâche et pars à grands pas en direction de cette foutue putain de bibliothèque, bien décidé à mettre le plus de distance possible entre cette tête de con et moi, le plus longtemps que je peux.

« Alors, on prend quel sujet ? »

Il a chuchoté – enfin, parlé à peine moins fort que d'habitude – tandis que je m'asseyais en face de lui à la table la plus près de la fenêtre de la bibliothèque.
Je lui décoche un autre regard noir.

« J'en sais foutrement rien. T'as une idée, ou tu sers vraiment à rien ? »

Il en reste quelques secondes silencieux avant de me faire une moue boudeuse.

« T'as vraiment une façon de parler pas très sympa…
- J'm'en branle. T'as une idée ou pas ?
- Ben… je sais pas, pas trop non… t'en as une toi ?
- Non. »

On reste comme ça bien cinq minutes, à soit regarder l'autre à la dérobade – en tout cas je capte ses regards… mais j'imagine qu'il ne doit pas voir les miens, je suis trop discret pour ça – soit à fixer l'espace vert, au dehors.
Au bout d'un moment, il relève la tête.

« Et si on le faisait sur la période avant la guerre ? Quand vous… enfin…
- Quand vous nous serviez de steak tartare ?
- Je l'aurais pas dit comme ça, mais oui ? »

Je pousse un autre soupir – dingue comme j'ai tendance à multiplier ça dès qu'il est dans les alentours. Après tout, ça pourrait être pire que ça. Suffit juste qu'on ne nous pique pas l'idée. Bon après, les sources seraient peut-être un peu dures à trouver vu qu'il parait qu'il y a beaucoup de choses qui se sont fait destroyer – dont les archives – pendant la guerre, mais ça, on pourra toujours voir comment faire.

« OK, je finis par dire. Va pour l'avant-guerre. Faudra envoyer un mail au prof pour lui dire qu'on a pris ce sujet. Tu t'en charges – et pas de discussion » je rajoute en le voyant ouvrir la bouche.

Il la ferme tout de suite après, et semble réfléchir.
Tout à coup ses yeux s'illuminent.


J'ai peur.

« Dis dis ! Je peux te poser une question ?
- Non.
- Pourquoi tes cornes elles sont si petites ? J'veux dire… celles des autres trolls sont pas mal grandes, tu es le seul qui a des cornes de cett…
- BWAAAAHHHHHHH TA GUEULE BON SANG ! »

Avant même de m'en rendre compte, je suis debout, les deux poings sur la table, le visage ostensiblement rapproché du sien.
PUTAIN !
IL FAIT EXPRÈS OU QUOI ? IL ME CHERCHE, À REMARQUER TOUS LES DÉTAILS LES PLUS GÊNANTS DE MA VIE JUSTE POUR ME FAIRE CHIER ?

J'attrape un bout de son col pour le rapprocher de moi, le levant à moitié par la seule force de mon poignet, lui hurlant dans les oreilles.

« T'AS ENVIE DE CREVER, PAUVRE CON, C'EST ÇA ? T'AS ENVIE DE CREVER, AVOUE-LE ! PARLE JAMAIS DE ÇA, JAMAIS ! DE TOUTE FAÇON ME PARLE PAS ! PUTAIN DE BORDEL DE MERDE JE VOIS MÊME PAS POURQUOI UNE LOQUE COMME TOI M'ADRESSE LA PAROLE, ESPÈCE DE… DE… DE GROS SEAU RÉPUGNANT PUTAIN DE BORDEL DE… »

Je voudrais bien continuer, mais la bibliothécaire – une espèce de vieille pie grinçante, humaine, mais qui pousse des hurlements suraigus à vous en démolir le cerveau jusqu'à ce qu'il dégouline par vos oreilles – m'interrompt en poussant justement une de ses vociférations favorites.
Après deux minutes où je comprends enfin que si je ne cesse pas de crier et qu'on ne se barre pas TRÈS vite de la bibliothèque, on risque notre peau, je grommelle quelques gros mots bien sentis en direction de ce putain d'humain que je vais finir par tuer avant même qu'on ait commencé notre exposé et le lâche. J'attrape mon sac, le balance sur mon épaule et pars à grands pas de la bibliothèque, m'arrêtant juste à la sortie de celle-ci, dans un coin sombre – pratique, la peau grise qui se fond dans l'obscurité – et observant l'humain sortir à ma suite et continuer tout droit sans me voir.

Je pars à sa suite et tourne dans un des couloirs menant aux dortoirs, histoire d'aller me coucher et récupérer un peu.
De toute façon je ne vois pas quoi faire d'autre, pendant que mes potes sont en perm…
Au moins, je suis loin de cet abruti d'humain et de ce monde de merde.


John

Je sors de la bibliothèque en vitesse avant de m'en faire bannir à vie.

J'ai... pas trop bien compris ce qui venait de se passer, là. Tout ce que j'ai fait c'est lui poser une question sur ses cornes – j'y suis pour rien si elles sont petites, moi ! – et il s'est mis à hurler comme un malade fou furieux et à me traiter de tous les noms.

Et d'abord... Pourquoi un seau ?
C'est une sorte d'insulte troll, ou quoi ?

Je pars à sa recherche pour lui demander, mais ne le trouve nulle part. Finalement j'arrive à un espace vert, avec plusieurs arbres et des bancs pour s'asseoir. Là, debout sur l'herbe, je retrouve Gamzee, la tête levée, regardant le ciel d'un air d'un air, euh...

Bref, il regarde le ciel.

« Hé, Gamzee ! Qu'est-ce que tu fais ? »

Le jeune troll tourne lentement la tête vers moi et me regarde.

« Hey, John, quoi de neuf ?
- Hm, pas grand-chose. Mais, euh... tu fais quoi, là ? Pourquoi t'es pas en permanence avec les autres ? »

Il me regarde pendant dix bonnes secondes avant de répondre.

« On avait perm ?
- Euh... Oui ? Enfin, peu importe... Dis voir, ça t'évoque quoi toi, un seau ? »

Gamzee se fige soudain. Est-ce que j'ai dit un truc qu'il fallait pas ? Il se met à jeter des regards inquiets autour de nous, et une fois assuré qu'il n'y a personne, se rapproche de moi et me fixe sérieusement.

« Bro, qui t'a parlé de ça ? »

OK, j'ai vraiment dû dire un truc qui allait pas, là. Gêné, je bafouille.

« Euh... Ben c'est Karkat, quand je lui ai parlé de ses cornes, il m'a traité de grand...
- Oh, wow, arrête ça, mec ! s'écrie-t-il pour me faire taire. Karkat a dit ça, sérieux ? Putain, j'ai... j'ai honte pour lui là.
- C'est si gênant que ça ? »

Il hoche la tête. Je suis de plus en plus paumé. Moi qui pensais commencer à comprendre les trolls, j'ai l'impression de les saisir de moins en moins maintenant. Je m'arrête un instant pour réfléchir à tout ça. Au bout d'un moment, je m'apprête à poser une nouvelle question à Gamzee, mais je vois que ce dernier est reparti dans son observation. Je décide de le laisser tranquille et me dirige vers la salle informatique. Puisque je ne peux plus aller à la bibliothèque et que la journée est loin d'être finie, autant la terminer en regardant quelques vidéos sur le net.

Finalement, l'heure du repas du soir arrive. Cette fois, je peux manger avec mes amis. Apparemment, à midi, ils étaient tous partis pour discuter de cet exposé avant de manger – sans m'inviter, bien sûr. Mais bon, je leur en veux pas.

« Vous avez pu discuter avec vos trolls, vous ? demande Jade une fois tous à table.
- Un peu, mais après je me suis fait traiter de seau.
- De seau ? répète Rose, interloquée.
- Ouais... Cherchez pas, j'ai pas compris non plus. Mais bon, j'ai rencontré un troll sympa. Gamzee, il s'appelle.
- Oh, c'est pas avec lui que t'es, Dave ? demande Rose.
- Possible.
- Oh, franchement ! je m'exclame. T'es pas un peu intéressé ? Ça va être super de se rapprocher des trolls !
- Oh, mais Dave est trop cool pour être intéressé ! dit Jade en riant. Hein, monsieur le mec cool ?
- T'as tout compris, réponds Dave.
- Héhéhé. »

Je ne vois pas Karkat de la soirée. Bizarre. Je me demande ce qu'il a.
Par contre, Gamzee est bien là, assis à une table avec d'autres trolls de notre classe. Tiens, ça me fait penser...

Me levant, je me dirige vers mon nouvel ami.

« Hé, Gamzee ! »

Les autres trolls à sa table se figent, mais Gamzee tourne vers moi son habituel visage souriant.

« Un problème, bro ? T'as vu un miracle quelque part ?
- Pas de miracle, non ! Je voulais te demander... Tu peux me passer le chumhandle de Karkat ?
- Pas de souci, mec. »

Je le remercie – prends son identifiant aussi au passage – et m'apprête à repartir à ma table quand une des trolls à côté lève la voix. Je la reconnais, c'est Kanaya, elle est dans notre classe.

« Hé, Gamzee. Pourquoi tu parles à un humain ?
- Naaaan, c'est cool, c'est un ami à Karkat.
- Karkat a des amis humains ? fait un autre garçon, assis à côté.
- Ça m'étonne autant que toi, Sollux, dit Kanaya.
- Qui est partant pour aller se foutre de sa tronche après manger ? » lance Terezi.

Les autres se mettent à rire. Oh. Je crois que... Karkat va pas apprécier sa soirée.

Héhéhé.


- ectoBiologist [EB] began pestering carcinoGeneticist [CG] at 23:04 -

EB: hey karkat ! :D

CG: ?

EB: c'est moi, john.

CG: ...

CG: TOI !

CG: BORDEL DE SALOPERIE DE CONNERIE DE PUTAIN DE SA RACE DE MERDE.

CG: JE VAIS TE DEFONCER LA GUEULE TU PEUX PAS SAVOIR.

CG: MÊME LES ASTICOTS QUI BOUFFERONT TON CORPS POURRONT PAS TE RECONNAÎTRE QUAND J'LAISSERAI POURRIR TON CADAVRE !

EB: qu'est-ce qui se passe ?

CG: QUOI.

CG: QUOI !

CG: COMMENT ÇA QU'EST-CE QUI SE PASSE.

CG: BORDEL DE SALOPERIE DE FOUTRE DE MERDE.

CG: J'COMPTAIS ROUPILLER TRANQUILLE ET TOUT.

CG: MAIS NON Y'A LA MOITIÉ DE L'ÉCOLE QU'EST VENUE SE FOUTRE DE MA GUEULE PARCE QUE TU M'AS PARLÉ.

CG: TU VAS ARRÊTER ÇA TOUT DE SUITE ESPÈCE DE PUTAIN DE SALOPERIE DE SEAU RÉPUGNANT !

EB: ah.

CG: QUOI AH.

CG: QUOI.

CG: FERME-LA BORDEL.

CG: TA GUEULE.

CG: TA GUEULE OU JE VAIS TE TABASSER ENCORE PLUS !

EB: mais tu m'as jamais tabassé !

CG: PUTAIN MAIS T'ES CON OU TU LE FAIS EXPRÈS ?

CG: TU ME CHERCHES LÀ, TU VAS DÉGUSTER BORDEL DE PUTAIN DE TA RACE !

CG: J'VAIS TE BOUFFER COMME MES ANCÊTRES BOUFFAIENT LES TIENS !

CG: ET APRES J'TE FERAI BOUFFER DES VERS DE TERRE PAR LES TROUS DE NEZ !

EB: hahaha. au fait, sinon...

CG: QUOI ENCORE.

CG: QU'EST-CE QUE TU VEUX ENCORE ME FAIRE CHIER, ÇA T'A PAS SUFFI DE ME POURRIR MON APRÈS-MIDI ?

EB: pour l'exposé,

EB: je me disais qu'on pouvait se retrouver demain après les cours.

EB: et on pourra aller faire des recherches ensemble !

CG: HORS DE QUESTION.

CG: JE VOIS PAS POURQUOI J'IRAIS ME FAIRE CHIER AVEC UN HUMAIN CON COMME TOI.

CG: RESTE AVEC TES PUTAIN DE POTES HUMAINS DÉGÉNÉRÉS.

CG: JE FERAI CE PUTAIN D'EXPOSÉ À LA CON TOUT SEUL.

CG: ET VA TE FAIRE FOUTRE.

EB: oh allez, ça va être marrant ! :D

EB: on pourra discuter des trucs qu'on aime.

EB: je suis sûr qu'on a des trucs en commun !

CG: MOI PAS.

CG: J'AI PAS ENVIE D'ÊTRE TON PUTAIN D'AMI, ABRUTI.

CG: TIENS-TOI AUSSI LOIN DE MOI QUE POSSIBLE ET ÇA IRA TRÈS BIEN.

EB: mais j'ai envie de faire cet exposé avec toi. D:

CG: QUOI.

CG: ...

CG: MAIS PUTAIN ÇA VA VRAIMENT PAS BIEN DANS TA TÊTE !

CG: EH, TU SAIS QUI JE SUIS ?

EB: ...karkat ?

CG: UN TROLL.

CG: UN TROLL, PUTAIN D'ABRUTI.

CG: TU SAIS, CETTE RACE QUI VOUS A BOUFFÉS PENDANT DES CENTAINES D'ANNÉES.

CG: ET QUI A ÉTÉ EN GUERRE CONTRE VOUS.

CG: ET QUE VOUS ÉVITEZ COMME LA PESTE, MAINTENANT.

CG: D'OÙ T'AS VU QUE TU VOULAIS FAIRE ÇA AVEC MOI ? ET PUIS QUOI ENCORE, ÊTRE MON AMI ENSUITE ?

CG: T'AS FUMÉ LA MÊME CONNERIE QUE GAMZEE C'EST PAS POSSIBLE !

CG: LES HUMAINS NE DEVIENNENT PAS AMIS AVEC LES TROLLS, ET LES TROLLS NE DEVIENNENT PAS AMIS AVEC LES HUMAINS.

CG: C'EST BON, C'EST IMPRIMÉ DANS TA PUTAIN DE SALE CABOCHE ?

EB: moi je pense qu'on pourra être amis !

EB: je t'aime bien, t'es sympa.

EB: et puis ces histoires d'être troll ou humain, on s'en fiche !

CG: ...

CG: QUOI.

CG: QU'EST-CE...

CG: PUTAIN MAIS QU'EST-CE QUI VA PAS DROIT DANS TA TÊTE ?

CG: ET PUIS NON.

CG: NON.

CG: JE T'AIME PAS MOI.

CG: JE TE HAIS MÊME.

CG: TU ME RUINES LA VIE TOUS LES JOURS !

EB: mais on se parle que depuis aujourd'hui !

CG: RAAAHHHHHHHH

CG: PUTAIN DE BORDEL DE SALOPERIE DE TA RACE DE MERDE !

CG: TA GUEULE.

CG: SÉRIEUX.

CG: SÉRIEUX.

CG: TA GUEULE OU JE VAIS ENCORE PLUS TE FRAPPER.

CG: MA HAINE VA TELLEMENT TE BRÛLER QU'IL NE RESTERA QU'UN TOUT PETIT TAS DE CENDRE DE TOI.

CG: MÊME TES AMIS NE TE RECONNAÎTRONT PLUS.

CG: MÊME TA FAMILLE NE POURRA JAMAIS PLUS COMPRENDRE QUI

EB: oh attends.

EB: faut que j'y aille.

CG: QUOI ?

EB: désolé, à plus ! :D

CG: HEIN ?

- ectoBiologist [EB] ceased pestering carcinoGeneticist [CG] at 23:33 –-

CG: NON !

CG: ATTENDS !

CG: RAAAAAHHHHH BORDEL DE SALOPERIE DE MERDE !

CG: ESPÈCE D'ENCULÉ DE TA RACE DE PUTAIN DE CONNERIE DE SEAU RÉPUGNANT !

- ectoBiologist [EB] began pestering carcinoGeneticist [CG] at 23:34 -

EB: oh, au fait

EB: c'est quoi ces histoires de seaux ?

CG: RAAAHHHH

CG: KFEAÀJOFEÉAJIFOEÉAWJIOFÉ AOFÉJEIAOÉFJEIWOJFOEÉA JFOEIJO

CG: PUTAIN DE SALOPERIE DE BORDEL DE

EB: bah laisse tomber, tu me diras demain !

EB: bye karkat ! :D

- ectoBiologist [EB] ceased pestering carcinoGeneticist [CG] at 23:35 -

CG: BRAAAAAAAAAAAHHHHHH JE VAIS TE TUEEEER !