Chapitre un : c'est là que tout commence.

Shell, East Blue. Une petite ville tranquille, notamment grâce à sa base de la marine, qui dissuadait la plupart des pirates de venir y semer le trouble. C'est ici, dans cette petite cité insulaire, que commença cette histoire.


Il faisait beau, et les gens vaquaient à leurs affaires dans la joie et la bonne humeur. Quelques marins faisaient leur ronde, par deux, voir par quatre, prenant le temps de discuter avec les habitants et les rares voyageurs de passage. En plein milieu de la rue principale, une jeune femme marchait d'un bon pas. Elle devait avoir seize ou dix-sept ans, mesurait environ un mètre soixante-dix, avait de magnifiques yeux noisettes et de long cheveux noirs de jais coiffés en une longue natte qui lui descendait jusqu'en bas du dos. Elle était vêtue d'un débardeur blanc qui laissait voir son ventre, d'un short rouge, d'une paire de bottes noires qui lui montaient jusqu'aux genoux, d'un long manteau noir à manches longues, et avait sur la tête un bandana rouge noué à l'arrière et recouvert d'un tricorne noir. Elle portait en bandoulière un petit sac de cuir marron et arborait un petit anneau d'or à chacune de ses oreilles.

- Akina, attends-moi !

La fille s'arrêta et se retourna en soupirant d'agacement.

- Dépêche-toi un peu, Hayate.

Un jeune garçon d'une douzaine d'années la rejoignit en courant. Il s'arrêta, essoufflé, et tenta tant bien que mal de reprendre son souffle.

- T'aurais pu m'attendre, quand même, grogna-t-il entre deux halètements.

Tout comme la jeune femme, ses yeux étaient marrons et ses cheveux étaient noirs, mais ils étaient courts. Il mesurait un mètre soixante-trois, portait sur lui un t-shirt bleu et un bermuda vert, des sandales et une casquette rouge et bleue avec la visière à l'envers, ainsi qu'un sac à dos vert

La jeune femme avait tiqué à sa remarque. Elle prit une mine fâchée avant de lui répondre.

- Je t'ai pas obligé à venir, tu sais. En fait, j'aurais préférée que tu restes bien gentiment à la maison.

- Et pourquoi ça ? S'écria-t-il. De toute façon, même si t'avais pas voulu que je vienne avec toi, j'aurais pris la mer. Parce que moi aussi je veux devenir un grand p…

Rapide comme l'éclair, la jeune femme lui plaqua sa main sur la bouche et adressa un sourire gêné aux gens qui observaient la scène.

- Oui, je sais que toi aussi tu veux devenir un grand marin, dit-elle en tentant de cacher sa gêne, mais c'est pas la peine d'en faire profiter toute la population.

Apparemment, le garçon avait compris qu'il avait frisé la bourde, car lorsque la jeune femme enleva sa main de sa bouche, il affichait un air crispé. La fille, elle, se tourna vers les gens et s'inclina devant l'assistance.

- Je vous prie de bien vouloir nous pardonner pour le dérangement. Vous savez ce que c'est, les petits frères. C'est bruyants et ça tient pas en place.

Les gens retournèrent à leurs affaires, laissant les deux jeunes entre eux. Akina se tourna vers le jeune garçon et lui adressa un regard qui ne présageait rien de bon.

- Toi, grinça-t-elle.

- Oups !

Il se retrouvèrent rapidement dans une ruelle, à l'écart de la rue principale. Akina y avait trainé Hayate et le balança contre un mur.

- Non mais t'es malade ! Cria-t-elle. Tu te rends compte de la honte que tu m'as collée ?

- Dé… désolé, répondit le garçon en se frottant le nez.

- D'autant plus que tu as bien faillit nous balancer, continua-t-elle, plus doucement. Tu te rends compte que c'est un peu trop tôt pour que la marine sache que nous sommes des pirates ? On est pas prêts.

- Désolé.

Akina rongea son frein pour ne pas réduire son frère en bouillie. Elle inspira et souffla calmement à trois reprises, puis s'approcha de Hayate pour lui dire plus bas avec un regard démoniaque :

- Je te préviens, si jamais j'ai besoin de te faire la leçon une nouvelle fois, je te balance à l'eau.

Hayate tiqua.

- T… T'oserais quand même pas ?

- J'vais me gêner.

- Mais tu sais bien que…

- Ca, c'est pas mon problème. J'y peux rien si t'as été assez stupide pour…

- Stupide, stupide. Toi aussi, t'en a…

- Oui mais moi, c'est différent. J'étais toute petite, pas comme toi qui trouvais ça cool…

Les deux jeunes se regardèrent droit dans les yeux. Pendant un instant, il n'y eut que le silence. Puis ils éclatèrent de rire.

- Tu vois, à force on a même plus besoin de finir nos phrases pour que l'autre y réponde, parvint à articuler Akina entre deux rires.

- Faut dire aussi que depuis le temps qu'on se dispute sur ce sujet… commença son frère. Et puis avoue que tu es quand même bien contente que je sois venu avec toi.

- C'est vrai que tu t'es montré d'une grande utilité, l'autre fois, reconnut la jeune femme.

Ils s'assirent côte à côte sur une caisse le temps de souffler un peu. Akina regardait les nuages défiler sous le ciel azur tandis qu'Hayate sortit sa gourde de son sac et but un peu d'eau. Ils restèrent tous deux assis là, pensifs, jusqu'à ce que le jeune garçon rompe le silence.

- Au fait, tu crois que les types de l'autre jour s'en sont sortis ?

- J'en doute, répondit sa sœur, un sourire sadique aux lèvres.


Le navire de la marine s'approcha du bateau pirate, mais celui-ci semblait abandonné. Son grand mat était brisé, ses voiles déchirées, ses cordages coupés. Pas un signe de vie n'en émanait. Un vrai bateau fantôme.

- Vice-amiral Willows !

Un officier se mit au garde à vous devant un petit homme ventripotent, moustachu et au crane dégarni. Il venait de sortir sur le pont du cuirassé de la marine, épargnant à son subordonné de le rejoindre dans ses appartements.

- Qu'y a-t-il, lieutenant ? Demanda-t-il.

- Nous avons identifié le navire pirate comme étant le Piranha.

- Le navire de Big Fish ?

Le lieutenant donna à son supérieur un avis de recherche représentant un homme grand, avec des taches brunes sur le visage. Il était chauve, imberbe, et surtout, il avait des branchies sur le cou. Sa mâchoire inférieure proéminente laissait voir une rangée de crocs acérés. Big Fish, un homme-poisson qui, à l'instar d'Arlong, deux décennies plus tôt, était venu semer la terreur sur East Blue. Un redoutable pirate, primé à vingt millions de berrys, ce qui faisait de lui le criminel le plus dangereux de cette mer. Et là, aussi surprenant que ça puisse paraitre, son navire, reconnaissable à sa figure de proue en forme de tête de piranha (d'où le nom), était réduit à l'état d'épave.

Sans se laisser impressionné par ce sinistre spectacle, le vice-amiral donna ses ordres.

- Préparez-vous à l'aborder. Tenez prêts les filets en granit marin et les électro-lances. Faites tourner les dynamos.

Deux marins poussèrent sur le pont une grosse machine cylindrique dotée de manivelle à chaque extrémité. Des câbles la reliait à des lances dont les pointes crépitèrent d'électricité lorsque les deux soldats firent tourner les manivelles. Ceux qui tenaient les lances avaient au préalable vêtu des combinaisons en caoutchouc, ce qui les protégeait du courant électrique.

Le navire militaire arriva à la hauteur du bateau en perdition, ce qui permit aux marins, armés jusqu'aux dents, de sauter dessus. Mais ils ne virent que des corps d'hommes-poisson sans vie, chacun portant de sérieuses blessures. Certains avaient une longue entaille, d'autres portaient cinq profondes coupures parallèles. Adossé à la base du grand mat, en partie couvert de son drapeau, le fameux Big Fish reposait, une main sur la blessure sanglante qui lui barrait l'abdomen. Willows, qui avait accompagné ses hommes lors de l'abordage, s'approcha du pirate.

- Ainsi s'achève l'ère de terreur du célèbre capitaine Big Fish, celui que tout le monde appelait le Nouveau Arlong, prononça-t-il en guise d'oraison funèbre.

Mais l'homme-poisson toussa, crachant du sang au passage.

- Ne… Ne m'appelez pas… comme ça…

Les marines sursautèrent et braquèrent leurs armes sur lui. Seul le vice-amiral resta de marbre. Impassible, il fixa le moribond de son regard neutre, et, conservant son flegme, lui demanda :

- Qui t'a fait ça ?

Big Fish toussa encore alors qu'il tentait en vain de se redresser. Il ne parvint finalement qu'à prononcer ces paroles.

- V… Vent… Tranchant…

Puis il s'affaissa complètement, sous les yeux inexpressifs de l'officier. Lequel détourna ensuite la tête avant de s'éloigner du défunt pirate.

- Dire qu'on venait justement pour l'arrêter, marmonna-t-il.

Il promena son regard sur les corps étendus sur le pont constellé de tâches de sang.

- Quand vous en aurez tiré tout ce que vous pouvez, brûlez-moi cette épave, ordonna-il. Moi, j'ai un rapport à faire. Lieutenant, venez avec moi.

- A vos ordres, répondit le lieutenant en l'accompagnant.

Ils passèrent dans la cabine de l'officier supérieur afin de s'entretenir dans le calme.

- Cela m'inquiète, dit le vice-amiral. Les pirates d'East Blue n'ont jamais été très forts, et les plus puissants n'excèdent jamais les dix millions de berrys de prime. Rares sont ceux qui ont le niveau de Big Fish.

- En effet, acquiesça le lieutenant. Le deuxième pirate le plus dangereux du secteur est Louis le Borgne, primé à quinze millions. Et il n'est pas suffisamment fort pour vaincre Big Fish et ses hommes-poisson.

- Vous savez ce que ça veut dire ?

- Qu'on a un visiteur.

- Reste à savoir qui.

Ned Willows avait beau ne pas le laisser paraître, le lieutenant sentait qu'il était inquiet. Car le vice-amiral faisait partie de ceux pour qui protéger les populations civiles contre vents et marées était un devoir sacré. C'était le cas avant la Grande Guerre, et ça le restait après. Qu'un inconnu débarque soudainement et élimine comme ça un pirate à vingt millions de berrys ne laissait rien présager de bon.

Willows se planta devant un panneau de bois accroché au mur, et sur lequel on pouvait voir de nombreux avis de recherche, tous représentant des pirates activement recherché. La plupart des primes contenaient au maximum neuf chiffres, mais quelques une dépassaient le milliard de berrys. Le regard de l'officier supérieur se promena sur les affiches, s'arrêtant quelques secondes sur certaines d'entre elles.

- Espérons que ce ne soit pas un de ceux-là, murmura-t-il, comme pour lui-même.

- Et ce « Vent Tranchant », dont il a parlé avant de mourir ? Un rookie ?

- Ce nom ne me dit rien, en effet. Il va falloir mener une enquête approfondie.

Puis il s'assit à son bureau, prit une feuille de papier, sa plume et un encrier, et se mit à écrire. Toute en le faisant, il donna de nouvelles instructions au lieutenant.

- Vous allez contacter le quartier général, et leur faire part de notre découverte. Parlez-leur de ce ou cette « Vent Tranchant » et demandez-leur si ce nom a déjà été entendu quelque part, que ce soit sur les trois autres océans ou sur Grand Line. Puis venez me faire part de leur réponse. Une fois que le navire pirate sera détruit, mettez le cap sur la base la plus proche. Shell, sauf erreur de ma part.

- A vos ordres, vice-amiral, répondit le lieutenant.

Il salua son supérieur, fit volte-face et sortit de la pièce. Willows, lui, se leva et retourna devant le tableau. Il observa de nouveau les affiches, son regard s'arrêtant toujours sur les mêmes. Sur l'une d'elles, une de celles dont la prime dépassait largement le milliard, on voyait un homme d'une quarantaine d'année, aux cheveux noirs coiffés d'un vieux chapeau de paille, afficher un sourire joyeux.


- Ca va, c'est pas trop serré ? Demanda Hayate.

Il serrait un bandage autour du bras droit de sa sœur.

- Non, ça va aller. Merci.

- C'était quand même limite. Cet homme-poisson a bien failli t'avoir.

- Il m'a eu par surprise. On manque encore d'expérience. Mais après tout, c'est bien pour ça qu'on s'est lancé dans notre propre aventure.

- C'est vrai. Et puis à quoi ça sert, tout ce temps passé à s'entrainer si c'est pour rester gentiment dans notre coin ?

Akina remit son manteau, tandis que son frère rangeait la trousse de premiers secours. Dans le sac, sa main rencontra un papier enroulé dont il se saisit. Il le déroula, le regarda un instant, puis le ré-enroula avant de le ranger.

- Dis, tu crois que ce type est vraiment ici ? Demanda-t-il à sa sœur.

- Si on en croit la vieille qu'on a interrogée, il a dit qu'il viendrait à Shell. Et les types auxquels j'ai parlé à notre arrivée ont confirmé sa présence en ville. Ils m'ont même montré son bateau.

- Tu crois qu'il acceptera ?

- Je pense connaitre un moyen de le convaincre. Mais avant toute chose…

Un gargouillis se fit entendre, interrompant leur conversation. Akina jeta un regard entendu à son frère, qui posa ses mains sur son ventre.

- On dirait bien que ton estomac a compris où je voulais en venir, dit la jeune femme en riant.

- Bah quoi ? J'ai faim.

- Remarque, moi aussi, nota Akina lorsque son propre estomac se manifesta.

- Allons manger ! S'exclama le jeune garçon, tout joyeux.

Ils revinrent sur la rue principale et partirent en quête d'un restaurant. Ils en trouvèrent un tranquille, pas trop fréquenté, et au cadre agréable. Ils entrèrent et saluèrent la tenancière, une femme d'environs trente ans aux longs cheveux châtains.

- Bonjour, leur dit-elle, soyez les bienvenus. Que puis-je pour vous ?

- Manger ! S'écria Hayate, avant que le poing de sa sœur ne l'écrase au sol.

- C'est pas des manières ! Hurla-t-elle à son attention.

Ils se retrouvèrent cinq minutes plus tard attablé devant leurs assiettes, et Hayate arborait une jolie bosse, qui ne l'empêchait pas d'engloutir les plats que la patronne avait apporté.

- Eh bien, dit-elle, quel appétit.

- Faites pas attention, c'est toujours comme ça, lui expliqua Akina, qui avait posé son chapeau sur un bord de la table.

- Ca ne vous dérange pas si je m'installe à votre table ?

- Non, je vous en prie.

La femme s'assit en face d'Akina.

- Je m'appelle Rika. Et vous ?

- Moi, c'est Akina, répondit la jeune femme. Et ça, c'est mon frère, Hayate.

Elle avait dit ça d'un ton désolé en voyant que ledit Hayate avait les joues aussi enflées que celles d'un hamster faisant ses réserves. Le pire fut quand celui-ci voulut répondre.

- Enchouanté, dit-il la bouche pleine.

- J'ai dit que c'était pas des manières, grogna sa sœur en lui assénant un nouveau coup de poing sur la tête.

- Désolé, dit le jeune garçon, qui avait avalé ce qu'il avait dans la bouche lors du coup.

De plus il arborait une seconde bosse à côté de la première. Rika, elle, ne put s'empêcher de sourire.

- Vous savez, ce n'est pas bien grave, dit-elle. Certains de mes habitués ne sont pas très portés sur les bonnes manières non plus.

- Tu dis ça pour qui, Rika ? Demanda un gros client avant de pousser un rot sonore, provoquant les rires de ces camarades.

- Vous voyez ce que je veux dire, ajouta la femme en gardant son sourire.

- Je vois ça, en effet.


L'homme marchait tranquillement à travers les rues paisibles de la ville, son katana, accroché à son côté droit, se balançant au rythme de ses pas. Pourtant, il restait aux aguets, son œil droit scrutait attentivement les environs, et sa main droite restait posée sur la poignée de son arme. Il portait un pantalon noir et une chemisette rayée verte et marron, des bottes noires, et un bandeau qui lui cachait l'œil gauche. Ses cheveux blancs étaient hérissés sur son crâne, et son œil valide était bleu. Il devait avoir la vingtaine, et arborait sur l'avant bras gauche un tatouage représentant un crâne humain transpercé d'un sabre.

Les gens qui s'affairaient dans les rues s'écartaient de son passage, car tous reconnaissaient en lui un homme qu'il valait mieux ne pas chercher. Mais lui s'en moquait. Il se moquait qu'on lui adresse la parole ou pas, qu'on le craignent ou qu'on l'adule. Car à ses yeux, une seule chose comptait. Et il était prêt à éliminer tous ceux qui se mettraient en travers de son chemin. Y compris les deux hommes, tapis dans l'ombre, qui l'espionnaient depuis un moment déjà. Ces deux hommes qu'il avait parfaitement reconnus, mais qu'il faisait mine de ne pas avoir vu.

Ils étaient tous deux vêtus d'un costume trois pièces rayé gris et noir, agrémenté d'un chapeau de gangster. L'un était grand et baraqué, l'autre était petit et fin..Le grand regardait l'homme s'éloigner et demanda à son camarade :

- Qu'est-ce qu'on fait, maintenant, Bugsy ?

Le petit s'alluma un cigare et tira quelques bouffées.

- Pour le moment on le suit, m'key ? Finit-il par dire.

- D'accord, Bugsy. Mais je continue à dire que c'est une mauvaise idée.

- Et pourquoi c'est une mauvaise idée, Butch ? Tu peux me le dire, m'key ?

- Bah… Si le Padre l'apprend, il va pas aimer.

- Le vieux est pas là pour le moment, m'key ? Et quand le vieux est pas là, c'est moi le patron, m'key ?

- Ok, Bugsy, ok. Mais je maintiens que le Padre n'appréciera pas.

- De toute façon, il n'a rien à voir dans cette histoire. C'est entre cet homme et moi, m'key ? Un point, c'est tout, m'key ?

Sans rien ajouter, Bugsy suivit le jeune homme, imité par Butch et une demi-douzaine d'autres hommes habillés de la même façon.

Le jeune voyageur souriait. Il avait parfaitement remarquer tous les hommes en costume qui se cachaient ça et là dans les ruelles adjacentes et qui sortirent sur l'ordre du meneur du groupe. Mais il n'était pas inquiet. Il avait bien été capable de gérer ce problème par le passé, il le serait donc encore maintenant. De plus, il avait d'autres chats à fouetter. Il s'approcha d'un marchand, moitié effrayé, moitié alléché par l'éventualité de vendre ses produits.

- Que puis-je pour votre serv... Commença-t-il d'une voix tremblante.

- Je cherche un restaurant, le coupa l'homme aux cheveux blancs.

- Au bout de la rue à droite, lui répondit le commerçant, blême devant le regard sinistre de son interlocuteur.

- Merci, dit l'autre en s'éloignant.


Les deux femmes avaient rapidement sympathisé, pendant que Hayate continuait de s'empiffrer. La jeune pirate avait alors demandé à la patronne de lui parler un peu de la ville et de son histoire.

- C'est une ville plutôt tranquille, raconta Rika. Surtout depuis que le colonel Lovegood dirige la base. C'est un bon officier. On ne peut pas en dire autant de certains de ses prédécesseurs

- Ah bon ? S'étonna Akina. Je pensais pourtant que les officiers de la marine se devait d'être irréprochable ?

- Malheureusement, ils ne le sont pas tous. Le cas d'officier véreux le plus connu ici est celui du colonel Morgan.

Akina sentit que les autochtones présents dans la pièce se tendirent et affichèrent un air grave. Rika continua.

- Il estimait que le fait qu'il était l'officier commandant cette base faisait de lui l'incarnation de la justice, et que tout ce qu'il faisait ou disait avait force de loi. Il en profitait pour s'enrichir, et est même allé jusqu'à ce faire construire une statue géante qu'il voulait planté au sommet de la base.

- Mégalomanie aiguë, comme dirait le Doc.

Les deux femmes se tournèrent vers Hayate. Tandis que Rika le regardait sans comprendre, Akina opina.

- C'est vrai, et il l'ajouterait à la liste des maladies presque incurables.

- En tout cas, reprit Rika, ça a bien failli dégénéré. S'il n'y avait pas eu Roronoa Zorro et Monkey D Luffy.

Une lueur s'alluma dans l'œil des deux jeunes pirates. La tenancière allait aborder un point qui allait les intéresser.

- A cette époque, Hermepp, le fils de Morgan, était un jeune homme pourri gâté, qui, comme son père, estimait que tout lui était dû. Il profitait de l'importance de son père pour faire ce qu'il voulait, même si ce n'était pas bien. Il avait en ce temps-là une sorte de chien-loup particulièrement agressif qui faisait lui aussi ce qu'il voulait. J'étais une petite fille, et je voulais le chasser parce qu'il se servait dans les assiettes des clients. Cette animal m'aurait attaqué si Roronoa n'était pas intervenu.

Elle s'arrêta un instant, prenant le temps de rassembler ses souvenirs, avant de reprendre.

- Il a jeté un tabouret sur l'animal, le mettant au tapis une bonne fois pour toute. Mais il s'était attiré les foudres d'Hermepp qui lui fit alors du chantage. Soit il nous faisait fusiller, soit Roronoa passait un mois attaché à un poteau dans la cour de la base.

- Mais c'est monstrueux ! s'exclama Hayate.

- C'est ignoble, surenchérit Akina.

- Afin de nous protéger, Roronoa accepta de passer un mois à subir les mauvais traitements d'Hermepp. Mais c'était sans compter sur Morgan, qui voyait cette histoire comme une injure personnelle. Il aurait fait fusiller Roronoa si Chapeau de Paille n'était pas passé par là.

Les clients se détendirent un peu, sachant qu'on arrivait au passage où tout s'arrangeait.

- Après avoir libéré Roronoa, il s'est allié à lui et ensemble, ils ont affronté Morgan et l'ont vaincu, donnant ainsi le courage aux subordonnés du colonel de le mettre aux arrêt et de le destituer. Quand à Hermepp, il a imité Kobby, un ami de Chapeau de Paille, et s'est engagé dans la marine. Depuis, sa personnalité a énormément changé, et aujourd'hui, il est un officier respecté et respectable qui traque les pires criminels à travers les mers.

- Super histoire ! S'exclama Hayate.

- Intéressant de voir que des pirates peuvent parfois faire de bonnes choses qui profitent également à la marine.

- Oui, acquiesça Rika. Dommage qu'il n'y en ait pas tant.

Quelqu'un entra dans le restaurant, ce qui attira l'attention des clients. Un silence soudain s'abattit dans la pièce. Akina, Rika et Hayate suivirent le mouvement et virent l'homme aux cheveux blancs qui vint s'installer sur une table voisine. Rika se leva et alla à lui.

- Bien le bonjour, monsieur. Que puis-je pour votre service ?

- Le plat du jour, s'il vous plait. Et du rhum.

- Je vous prépare ça de suite.

- Hayate, chuchota Akina, tu vois ce que je vois ?

- Mais c'est…

Les autres clients aussi ne quittaient pas le nouveau venu du regard, et chuchotèrent à son sujet.

- C'est lui.

- Qui ça ?

- Leroy Bradley.

- Le mercenaire ?

- Il a le tatouage et il lui manque l'œil gauche.

- On dit qu'il a vaincu des pirates très puissants à North Blue il y a quelques mois.

- C'est un démon.

- Oï, vous autres.

Tous sursautèrent lorsque la voix de l'homme s'éleva.

- J'aimerais manger tranquillement, alors fermez-la.

Tous obtempérèrent immédiatement, trop effrayé par cet homme. Hayate retourna à son assiette, tandis qu'Akina continuait de l'observer, un petit sourire aux lèvres. Ce que l'homme remarqua.

- Un problème ?

- Je me demandais ce que tu avais de si particulier pour effrayer ces gens.

Les clients sursautèrent de nouveaux et tournèrent leurs regards vers l'inconsciente qui parlait ainsi à ce tueur psychopathe capable de tuer père et mère pour de l'argent.

- T'as du culot, toi, répliqua le mercenaire en souriant.

- Je sais, on me le dit souvent.

Ils se regardèrent fixement, se jaugèrent du regard, se jugèrent. Puis Rika donna son assiette à cet homme, que l'on nommait Leroy, qui abandonna ce duel visuel pour se concentrer sur son repas et la chope de rhum qui l'accompagnait.

- C'est drôle, murmura Akina, il me rappelle étrangement quelqu'un. Pas toi ?

Hayate ne répondit pas, trop occupé à manger.

- Toi aussi, tu me rappelle quelqu'un, ajouta Akina, désabusée.

Un mouvement derrière la porte attira son attention. Elle aperçut un chapeau de gangster disparaitre soudainement derrière le mur. Peut être simplement une personne qui passait par là, juste devant la porte. Pourtant, avec un chapeau comme ça… Et elle avait la quasi-certitude que la personne s'était arrêtée pour observer quelqu'un. Et ce quelqu'un semblait être le mercenaire.

- Fais pas attention, dit ce dernier à la jeune pirate. C'est des minables qui ont pas aimé que je leur botte le train.

- Ca n'a pas l'air de t'inquiéter plus que ça.

- C'est des minables, je te dis. Pas de quoi paniquer.

- Si tu le dis.

Après quelques minutes, le mercenaire avait finit son assiette et sa chope.

- Merci pour le repas, dit-il en déposant quelques pièces sur la table.

Puis il sortit et repartit dans la rue. Akina se leva à son tour et alla jusqu'à la porte. Elle y resta quelques secondes, le temps de voir le mercenaire s'éloigner, suivi par les hommes en costumes. Parmi eux, elle en reconnut un et ça ne la rassura pas beaucoup. Elle se tourna vers son frère et fouilla dans sa poche.

- Hayate, on y va.

- Mais j'ai pas fini…

- Pas grave, on a une affaire importante à régler, Lion Noir.

Le garçon regarda sa sœur gravement. Lorsqu'elle utilisait ce surnom, c'est que c'était vraiment important. Alors il se leva et ramassa ses affaires, tandis que sa sœur, après avoir repris son sac et son tricorne, alla payer la note.

- Merci, c'était très bon.

- Je vous en prie, revenez quand vous voulez, lui dit Rika.

Puis les deux jeunes pirates sortirent et prirent la même direction que le mercenaire et les gangsters.


Bradley se dirigeait tranquillement vers le port, afin de regagner son bateau, un petit voilier qu'il avait acheté lors de son arrivée sur East Blue. Mais alors qu'il arriva sur le quai, une quinzaine d'hommes en costume armés de fusils l'attendaient. Il ne put alors retenir un soupir.

- Bon sang, les gars, vous êtes vraiment chiant, à force.

- Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même, Leroy Bradley, m'key ? Dit une voix derrière lui.

- Balthazar "Bugsy" Malone ! S'exclama Bradley d'un ton ironique en faisant volte-face. Et son second, Butch "Gros Bras" Dordonelli ! Ca alors, quelle bonne surprise !

Le petit homme en costume tirait nerveusement sur son cigare, et jetait un regard plein de haine au jeune mercenaire. Pendant ce temps, les gens qui s'affairaient sur le quai virent se profiler la menace et désertèrent aussitôt. Sans se préoccuper de ces gêneurs, Bugsy reprit la parole.

- Tu m'as humilié, tu te rappelles, m'key ? Et tu vas payer, tu comprends, m'key ?

- J't'ai déjà dit que ta façon de parler me donnait une furieuse envie de me rouler par terre de rire ? Ou bien j'étais trop occupé à te botter le train la dernière fois qu'on s'est vu ?

- En tout cas, ça sera la dernière fois qu'on se verra, m'key ? Buttez-le, les gars, m'key ?

Les hommes qui attendaient sur le quai braquèrent leurs fusils, et ceux qui accompagnaient Bugsy dégainèrent leurs sabres.

- Tes "m'key"commencent sérieusement à me taper sur les nerfs, Bugs. Et si tu crois que tes larbins vont me faire quoi que ce soit, tu te mets le doigt dans l'œil.

Il dégaina son katana, dont la lame lisse et rouge reflétait la lumière du soleil, et le brandit devant lui.

- Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, voici mon plus fidèle ami : Ryuketsu No Ken.

Ceux qui connaissaient le « Sabre Sanglant » eurent un léger mouvement de recul. Les autres ne réagirent pas.

- Je vous ai dit de le tuer, c'est compris, m'key ? Alors, allez-y, m'key ?

Bugsy commençait à perdre patience. L'homme qui l'avait traitreusement humilié était toujours vivant, et cela lui était insupportable. Sentant l'énervement gagner leur chef, les autres se lancèrent à l'attaque. Les fusiliers tirèrent, mais, rapide comme l'éclair, Bradley fit tournoyer son sabre et intercepta toute les balles. Puis il sauta sur les tireurs.

- Burakku akuma no tsume surudoi ! S'exclama-t-il. (Griffe tranchante du démon noir)

La lame trancha dans le sens de la longueur les dix fusils qui se trouvaient à portée, ainsi que le torse de leurs porteurs. Les cinq autres n'eurent pas le temps de recharger leurs armes qu'ils subirent à leur tour un sort peu enviable.

- Dageki kuki no kami ! (Coup fatal du dieu de l'air)

Il disparut soudainement et réapparut presque aussitôt derrière les cinq fusiliers qui s'écroulèrent dans une gerbe de sang. C'est là que les six épéistes ennemis se jetèrent sur lui. Ils tentèrent d'embrocher le jeune mercenaire, mais celui-ci était très rapide. Il parvenait sans mal à parer leurs attaques minables, mais, lassé de ce petit jeu, il finit par frapper fort à nouveau.

- Dengeki no seichin ishuku ! (attaque éclair de l'esprit foudroyant)

Il porta des coups d'estoc à une vitesse fulgurante. Il allait si vite qu'on distinguait à peine son sabre et son bras. Quatre des gangsters furent touchés, les deux autres esquivèrent l'attaque de justesse. Toutefois, Bradley eut à peine le temps de préparer sa prochaine attaque qu'il fut projeté au loin par un violent coup dans l'abdomen. Il atterrit à dix mètres de son point de départ et roula par terre. puis se releva avec peine, le souffle coupé par la violence du choc. Il n'eut pas besoin de chercher la source de cette attaque, il savait pertinemment qui en était à l'origine.

- Butch… grommela-t-il finalement.

En effet, "Gros Bras" était passé à l'action. Un gant recouvert de plaquettes en métal sur chaque main, il avait relevé ses manches et sautillait comme un boxeur.

Avant que Bradley ait eu le temps de se remettre, Butch revint à la charge et le frappa à nouveau, le projetant dans un tas de caisses et de cageots en bois qui se brisèrent sous l'impact.

- C'est bien, Butch, m'key ? Continue comme ça, m'key ?

- Merde, grogna Bradley en se relevant. J'crois bien que je l'ai sous-estimé, ce lourdaud.

- Le lourdaud est là.

Le mercenaire vit le gangster lui bondir dessus, poing en avant. Mais cette fois-ci, il n'allait pas se faire avoir. Il para le coup avec son sabre, et ce malgré la violence du choc qui le fit reculer de quelques millimètres. Butch profita que le katana du mercenaire soit immobile pour attraper sa lame avec son autre main, empêchant le jeune homme d'exécuter le moindre mouvement avec son arme.

- Bien joué, dit le colosse. Mais tu as quand même perdu.

Bradley eut un mauvais pressentiment. Il tourna la tête vers la droite et vit un des deux gangsters encore vivants abaisser sa lame sur sa nuque. Il n'avait plus le temps d'esquiver et ne pouvait parer. Cette fois-ci, il était mort.

Une entaille profonde barra soudainement le torse de l'attaquant, et son sabre se brisa sous l'effet d'une force invisible. La violence de l'impact le projeta en arrière, et il s'écroula, gravement blessé.

Les deux combattants, ainsi que Bugsy, qui s'était approché, tournèrent la tête en même temps dans l'autre sens, et virent une jeune femme brune, vêtue d'un grand manteau noir, d'un débardeur blanc, d'un short rouge, d'une paire de bottes noires, d'un bandana rouge et d'un tricorne, avec un petit sabre à la main. Bradley la reconnut aussitôt.

- Tu es… la fille du restau…

- Je croyais que c'étaient que des minables ? Se moqua Akina, le sourire aux lèvres.

Bradley tiqua. Il n'aimait pas qu'on se moque de lui.

- Ah ça va, hein ? Hurla-t-il. Ca arrive à tout le monde d'avoir des mauvaises passes !

- Ca va, je plaisantais.

- T'as plutôt mauvais goûts en matière de plaisanterie.

- Vous le dites si on gêne, m'key ?

Tous les deux tournèrent la tête vers Bugsy. Celui-ci se trouvait à la droite de la jeune fille, ainsi que l'autre gangster, qui avait un pistolet à la main, dont le canon était pointé droit sur elle.

- Tu joue avec ta vie, l'ami, dit-elle calmement.

- C'est pas moi qui suis du mauvais côté du pistolet, répondit le gangster.

- Alors qu'attends-tu pour tirer ?

Les trois gangster la regardaient d'un air surpris. Loin d'être inquiète de son sort, elle paraissait parfaitement calme, maîtresse de ses émotions. Bradley aussi fut impressionné par le sang-froid de la jeune femme. Mais il s'aperçut aussi qu'il manquait quelque chose. Son regard rencontra celui d'Akina, dont le sourire s'accentua.

- Règle numéro un : toujours sortir couvert.

Une ombre bondit du haut d'un toit. Un rugissement retentit et une masse sombre atterrit sur le bandit au pistolet. Celui-ci fut frappé par une puissante patte griffue. Une patte de félin. Projeté dans un tas de caisses et de tonneaux, il n'eut pas le temps de détailler ce qui l'avait frappé. Les autres virent que c'était un être à mi-chemin entre un humain et un jeune lion. Un lion avec un bermuda vert et un t-shirt bleu. La créature se dressa fièrement aux côtés d'Akina dardant sur le petit gangster son regard de prédateur.

- Oï, Hayate, t'es en retard, râla la jeune femme.

- Désolé, ranger les affaires sur le bateau m'a pris plus de temps que prévu.

Bradley, Butch et Bugsy revinrent à eux. Le mercenaire fuit le premier à s'exprimer.

- Un fruit du démon de type zoan. Neko neko, modèle lion.

- La classe, hein ? Ajouta Hayate en jouant des biceps.

- On peut savoir qui vous êtes ? S'exclama Bradley.

- Je suis Akina "Vent Tranchant". Et voici mon frère, Hayate "Lion Noir".

Bugsy sursauta à la mention de ces noms.

- Vous… Vous êtes… des pirates de Grand Line !

- Exactement, répondit Akina. Et toi, tu vas passer un sale quart d'heure.