Au Cœur de la Pierre

Disclaimer :

Notes : Cette fanfic peut vous spoiler une partie du livre Bilbo Le Hobbit, et bien sûr, son adaptation. Comme elle est à la fois basée sur le livre (pour certains détails précis) et les films (apparence des personnages surtout), elle sera mise en attente lorsque l'histoire rejoindra celle de An Unexpected Journey, et reprendra quand The Desolation of Smaug sera sorti. Et de même pour There and Back Again.

I -Le Feu de Smaug

Ils couraient sur les flancs des Monts Brumeux, échappant de peu à la ruine. Mais ils avaient semé les gobelins seulement pour mieux tomber dans les bras des orcs à la solde d'Azog le Profanateur, et de leurs féroces ouargues. Ils seraient morts, sous les coups d'épée, par le feu ou assommés par une chute du haut d'un ravin, si ce n'est Gandalf le Gris et ses amis les grands aigles. Ils avaient même failli perdre Thorïn dans la bataille : Kili l'avait vu étendu sur la pierre du promontoire des rapaces, inerte, apparemment sans vie. Peu importait la vue imprenable sur les montagnes et la forêt en contrebas : que pouvaient-ils faire, si leur chef les abandonnait ? Où iraient-ils ? Leur quête aurait-elle encore du sens ? Kili avait lancé un regard inquiet à son grand frère, Fili, cachant mal son émotion. Thorïn Ecu-de-Chêne ne pouvait pas les quitter. Pas maintenant, pas ici, alors qu'ils avaient fait tant de chemin, et qu'il en restait tant à faire.

Kili observa soucieusement le magicien se pencher sur son Roi, poser une main sur son visage, et le ramener à la vie. Du point de vue du jeune nain, c'était exactement à ça que ça ressemblait. Gandalf était-il donc capable de défier la mort ? Jusqu'où s'étendaient les pouvoirs du magicien ? Ils avaient bien de la chance de l'avoir avec eux, et pas seulement parce qu'il avait contrecarré la malchance du nombre treize en ajoutant à leur compagnie Bilbon Sacquet, le Hobbit. Et puis, il était si puissant ! Ils auraient encore besoin de lui avant la fin, malgré son caractère intraitable. Après tout, Kili ne savait toujours pas combien de dragons Gandalf avait-il occis ? Oh et peu importait ! Le jeune nain se sentit un sourire niais pousser sur le visage, étirant sa maigre barbe jusqu'à ses oreilles. Il se précipita pour aider Thorïn à se lever, mais il s'aperçut bien vite que son chef, fier, n'avait pas besoin de lui. Il s'était redressé, et regardait Bilbon comme s'il allait le bouffer. Kili resta en retrait : il savait qu'il valait mieux se faire tout petit dans ces moments-là. Son oncle avait quelque chose à dire au Hobbit :

« Vous ! Vous vous êtes jeté tête baissée sans réfléchir ! Vous auriez pu vous faire tuer ! J'ai toujours dit que vous n'aviez pas votre place parmi nous ! Que vous seriez incapable de vous battre, de vous défendre… »

Bilbon n'était pas le seul à être complètement abasourdi par la tirade de Thorïn. Etait-il sérieux ? N'était-ce pas lui qui avait failli se faire tuer en se jetant bêtement dans la bataille ? Kili aurait bien trouvé quelque chose à dire, mais il avait depuis longtemps appris à ne pas contrarier son oncle. Valait mieux ne pas faire de réflexion… Même si on aurait très bien pu retourner les remarques de Thorïn contre lui-même.

La suite, pourtant, fut aussi inattendue que le reste de ce voyage.

« … Et je ne m'étais jamais autant trompé. »

Thorïn s'avança vers Bilbon, et le prit dans ses bras. Sans lui, il aurait fini décapité, inerte mais encore vivant, alors qu'il était resté étendu lamentablement devant Azog. Triste fin, pour un nain aussi ambitieux que lui. Ca ne lui aurait pas été du tout, et il était le premier à être de cet avis. Néanmoins, cet épisode fâcheux rappela à Fili, encore un peu trop insouciant, qu'ils n'étaient pas invincibles. Il soupira, se tourna vers son petit frère, et l'espace d'un court instant, serra sa main dans la sienne.

Ils n'étaient pas invincibles non. Thorïn leur avait déjà donné cette leçon il y a bien longtemps, bien au chaud, dans les salles confortables des Montagnes Bleues.

En ce temps-là, Kili et Fili n'étaient encore que de jeunes nains, des enfants de la Montagne. Trop jeunes encore pour travailler, ils avaient gambadé toute la journée, traînant dans les pattes des nains adultes comme de parfaits parasites. Pourtant ni Kili, ni son grand frère Fili n'avaient sommeil. Ils s'étaient rassemblés, avec leur mère et leurs autres parents autour d'un feu : cette soirée était un peu spéciale, après tout. C'était le Jour de Durin ! La nouvelle année naine. Les adultes, après avoir copieusement bu et mangé, se mirent soudainement à chanter de façon bien grave. Ils parlaient des Monts Brumeux, d'une terre abandonnée, du feu dans les arbres. Kili ne comprenait pas tout, et se tourna vers son frère, attendant qu'il lui explique. Mais Fili était perdu dans ses pensées, exceptionnellement réservé. Il ne disait plus rien, lui qui était d'habitude si bavard ! Voyant qu'il n'aurait aucune conversation constructive avec son frère ce soir-là, Kili se tourna vers sa mère, Dis, qui lui tapota gentiment l'épaule.

« Thorïn… Peut-être devrions-nous profiter que Kili veille tard ce soir, non ? »

L'oncle de Kili se tourna vers lui, le jaugea de regard bleu acier, durement, sévèrement, mais s'il le pensait encore trop jeune, il n'en dit rien.

« Oui. Fili connaît déjà notre histoire. C'est au tour de son frère maintenant. »

D'une voix venue des cavernes de sa gorge, Thorïn Ecu-de-Chêne, fils de Thraïn, commença son récit. Il avait ce charisme majestueux inimitable qui imposait le silence, même quand il ne parlait pas très fort. Impossible pour Kili, Fili ou n'importe quel autre nain de l'assemblée de regarder ailleurs que dans les prunelles cristallines de Thorïn.

« Dale était un village humain agréable à vivre, même sur sa fin. On y trouvait de tout, venu des quatre coins de la Terre du Milieu. La ville des hommes était un lien entre Erebor, le royaume des Nains, et le reste du monde. Et même alors que la décadence menaçait, Dale restait prospère. Oh, beaucoup de ceux qui nous suivent désormais n'étaient pas nés lorsque la ville était à son âge d'or, prospérant à l'ombre de la Montagne Solitaire. Comme toi, Fili, ils n'ont pas connu les temps d'abondance, d'insouciance, le temps où les humains et les nains et les elfes vivaient en harmonie, rapprochés par les liens de l'amitié, et du commerce. Ce temps était révolu, déjà à cette époque, mais ce n'était pas une chute abrupte pour Dale. Pas à ce moment-là. Non, c'était plutôt une lente descente, si lente qu'on ne l'avait pas vraiment vue venir. Du moins, pas tout le monde. Il est certains nains qui n'étaient pas totalement aveugles aux nuages qui s'amoncelaient à l'horizon.

Et pourtant, ils étaient bien là, ces nuages du destin, obscurcissant l'avenir d'Erebor, la Montagne Solitaire, encore invisibles. Cette journée-là était belle en apparence, le soleil éblouissait le ciel. Les enfants jouaient à la course et aux cerfs-volants dans les rues. J'étais en faction sur les remparts, regardant la ville de Dale juste en contrebas. Cette ville… on aurait dit un cristal qui aurait poussé sur la terre, aux arêtes de briques et de verre. Les tours des hommes semblaient vouloir s'élancer vers les cieux, mais en vain. Car à côté de notre Montagne, Dale restait minuscule.

Rien que la porte principale d'Erebor était gigantesque. Elle l'est toujours, du moins… Ce qu'il en reste. Imposante, elle est encadrée de deux énormes statues de nains armés de hache. Vu les dimensions de l'entrée de la Montagne, et de ses deux gardiens de pierre, les hommes nous ont souvent demandé si nous n'avions pas quelque chose à compenser. Mais c'est là un témoignage de notre fierté, de notre grandeur. Peut-être pas physique… mais notre civilisation est empreinte de grandeur. Il n'y a pas besoin de mesurer plus de cinq pieds pour faire de grandes choses. Les Nains forgent les meilleures épées, et les plus beaux bijoux, n'en déplaise aux oreilles pointues.

Avec les années, avec les siècles, nous avions amassé sous la Montagne un trésor impressionnant, même pour les nôtres. Erebor était un vrai coffre-fort, mais Thror, mon grand-père, et votre arrière-grand-père, en finit par perdre le sens des réalités. Nous attirions trop l'attention, et ce qui arriva ensuite fut inévitable. Terrible, mais inévitable.

Une grande bourrasque balaya les arbres. Un vent chaud nous enveloppa. Un vent si peu naturel, que ça ne pouvait signifier qu'une seule chose : nous avions attisé la convoitise d'une des pires créatures qui soit. Venu du nord, le grand cracheur de feu Smaug abattit sa colère sur Dale. »

Kili frissonna, et se tourna vers sa mère, qui ne fit pourtant aucun geste vers lui. Il avait l'air terrorisé : son oncle parlait-il bien d'un dragon ? Il ne faisait pas froid au cœur de la pierre accueillante, mais le petit Kili tremblait de façon incontrôlable. Ce que racontait Thorïn n'était pas un simple conte, il le savait. Même si on lui avait narré cent fois des histoires de nains héroïques, ces derniers ne restaient que de lointains ancêtres, qui n'avaient peut-être finalement jamais vraiment existé. Ces personnages là n'avaient pas la même réalité pour Kili que son oncle, qui se tenait là, en face de lui, de l'autre côté du feu, son regard perçant planté dans le sien. Ce qu'il disait, c'était du vécu. Une véritable histoire vraie. Et ça n'en était que plus effrayant encore. Kili voyait presque le feu rougeoyant que crachait Smaug dans le fond des prunelles de Thorïn. Il y voyait la fournaise, la douleur et l'impuissance face à la bête. Thorïn avait des yeux extrêmement expressifs : s'il lui suffisait d'un regard pour calmer une assemblée un peu trop animée, il n'en fallait pas plus pour inspirer le respect, ou la crainte. Kili respectait déjà Thorïn bien sûr, mais ce dernier lui apprenait à craindre Smaug le dragon. Fili, plus âgé, connaissait déjà cette histoire, et ne lui avait rien dit. Sur le coup, Kili se sentit un peu vexé, avant de comprendre pourquoi : en se tournant vers son grand frère, il vit qu'il n'en menait pas beaucoup plus large. Leur mère avait déployé une large couverture de laine sur leurs genoux, la nuit avançant rapidement. Certains vieux nains semblaient déjà bien fatigués, et ne luttaient contre le sommeil que par la force du récit de Thorïn. Le feu ne tarderait pas à s'épuiser, lui aussi. Fili, se glissant sous la couverture, ne put s'empêcher alors de prendre la main de Kili, et d'y emmêler inextricablement ses doigts.

« Smaug n'avait pas besoin de détruire la ville des hommes. Il n'y avait rien là-bas qui l'intéressait. Rien d'important. Les hommes de Dale furent massacrés, brûlés, les pierres jetées à bas, et réduites en poussière. Tout ça était totalement vain. Ce que la bête voulait, c'était le trésor de Thror. L'or et les joyaux sous la Montagne. Il voulait Erebor, pour en faire sa demeure, son précieux nid. Et c'est pour ça qu'il nous chassa de chez nous. J'étais là, je l'ai vu passer à travers les portes monumentales d'Erebor comme à travers du papier, je l'ai vu entrer, fracasser la pierre, et marcher sur les guerriers nains qui défendaient la cité. Mais que pouvions-nous faire face à une telle monstruosité ? Face à la cruauté et à la violence personnifiée ? Nous avons tenté de résister, en vain. Smaug est entré dans Erebor, et n'en est pas sorti depuis. Car, lorsqu'un dragon veille sur son trésor, c'est jusqu'à la fin de ses jours.

Nous sommes sortis de la Montagne, tentant de battre en retraite. J'ai vu alors sur la colline les elfes de Vert-Bois, avec Thranduil le Roi-Elfe à leur tête. J'ai crié, je leur ai demandé de nous aider, mais ils ne sont pas venus. Ils n'ont même pas bougé le petit doigt, alors que les hommes de Dale et les nains d'Erebor mouraient sous leurs yeux. La ville fut rasée, la porte de la Montagne scellée. Quant à nous… Nous fûmes jetés sur les routes. Nous sommes devenus des vagabonds, marchant de ville en ville pour offrir nos services à des humains ingrats. Nous n'avions pas le choix, parce que nous n'avions plus de mine, plus d'or, plus de chez nous. Nous avons marché jusqu'à l'ancienne demeure des nains : Khazad-Dûm, mais elle aussi était perdue, infestée d'orques et d'autres choses plus terribles encore. Il y eut une grande bataille, un combat féroce. Nous avons repoussé les orques ce jour-là, mais le prix à payer était trop grand. Le Roi Thror est mort ce jour-là et pourtant, il était évident que la Moria nous était inaccessible. Alors nous avons repris la route, jusqu'à ce que nous trouvions un abri sûr ici, dans les Montagnes Bleues. »

Les deux frères s'étaient encore rapprochés, et regardaient autour d'eux : les nains les plus vieux semblaient vraiment émus. Eux n'étaient que de jeunes impertinents, qui n'avaient pas connu la sensation de ne pas avoir un toit, ou plutôt une Montagne, au-dessus de la tête. Tout d'un coup, Kili se sentit bête. Complètement idiot. Il se souvenait de tout ce qu'il avait pu dire, comme ça, sans y réfléchir. Pour lui, les Montagnes Bleues étaient son foyer, mais on venait de lui dire que ça ne l'était pas vraiment, au final. Pas pour tout le monde. Il était difficile pour les anciens d'oublier la splendeur d'Erebor. C'était impossible d'oublier une telle merveille. Et impossible pour Thorïn de ne pas songer à la reprendre, par la force s'il le fallait.

« Nous avons perdu Erebor à cause d'un dragon et de la lâcheté des elfes. Nous n'avons pas pu reprendre Khazad-Dûm à cause des orques… »

Ce dernier avait baissé les yeux vers le feu, et semblait ne rien vouloir ajouter. Comme le reste des nains, d'ailleurs, qui restaient désespérément muets. Kili n'avait pas besoin d'être grand pour comprendre qu'ils étaient émus. Surtout son oncle, Thorïn. Il était en colère, contre le dragon, contre l'elfe, contre les orques et aussi contre lui-même. Parce qu'il n'avait rien pu faire pour empêcher ça. Et il était triste aussi, parce qu'il n'avait rien pu offrir de mieux à son peuple qu'une vie loin de leur Montagne d'origine. Kili comprenait ça. C'est pour ça qu'il ne disait rien, pas plus que Fili. Lui aussi devait comprendre.

« Allez, il est l'heure. »

Leur mère était revenue, et les secouait doucement. Apparemment, ils s'étaient assoupis après le récit de leur oncle, encoconnés par le silence méditatif qui avait suivi. Thorïn, quant à lui, était toujours là, avec la même expression placide sur le visage, la même impassibilité. Un Prince sans couronne reste un prince.

« Bonne nuit, mon oncle. »

Fili et Kili le dirent à tour de rôle, de façon bien moins innocente qu'à leur habitude. Une bonne chose pour leur mère, qui trouvait qu'il était enfin temps pour eux d'avoir du plomb dans la tête. Ils s'étendirent l'un à côté de l'autre, lovés sur le côté. Ils avaient pourtant de la place dans leur chambre, mais leur mère ne s'étonnait même plus qu'ils n'en profitent pas. Ces deux-là alors ! C'étaient de vrais jumeaux, avec cinq ans d'écart. Dis n'aurait jamais pensé, en les voyant, que ses fils puissent s'entendre aussi bien. Physiquement, c'était le jour et la nuit : la noirceur des cheveux de Kili contrastait avec le caramel doré de ceux de Fili. Même la couleur de leurs yeux était différente ! Il n'y avait que leur grande complicité qui prouvait qu'ils étaient frères.

Kili n'arrêtait pas de bouger. Il était pire qu'un sac de vers ! Fili avait l'habitude de dormir avec son petit frère, mais il n'était pas aussi remuant d'ordinaire. Gêné, il se tourna, toujours empêtré dans le sommeil, mais rien n'y fit. Il continuait à sentir Kili près de lui, qui lui mettait des coups à intervalles réguliers. Fatigué, et surtout blasé, Fili se réveilla pour de bon, et secoua énergiquement son frère.

« Kili… Kili ! »

Ce dernier sembla perdu un moment, les yeux pas très bien ouverts, le regard dans le vague. Puis il reconnu son frère, et l'endroit où ils étaient. Une tente, des couvertures, et le lit déjà vide de leur mère. Frappée d'insomnies, elle se levait très tôt et aidait aux tâches quotidiennes du camp.

« Hein… ? Qu'est-ce qu'il y a ? » demanda Kili.

« Tu te fous de moi !? T'arrêtes pas de gigoter ! J'arrive pas à dormir à cause de toi ! »

Kili resta muet quelques instants, visiblement désolé d'avoir dérangé ainsi son grand frère. Il n'était pas rare que Fili se mette en colère contre lui, de façon exagérée mais heureusement brève, mais à chaque fois, Kili avait cette tête de chien battu. Il n'avait pas fait exprès, vraiment, et il s'excusa donc platement.

« Pardon grand frère. Je le referais plus. »

Et c'était à ce moment-là, quand Kili détournait le regard, l'air abattu, que Fili soupirait, et qu'il venait passer une main sur la tête blonde de son idiot de frère. Il dormait. C'était évident qu'il n'y était pour rien s'il n'arrêtait pas de bouger… Mais quand Fili râlait, Kili s'excusait. C'était inévitable.

« C'est rien va. » répondit Fili d'une voix douce. « T'as fait un cauchemar ? »

Lentement, Kili hocha la tête.

« Oui… C'est à cause du dragon… »

Fili ne put s'empêcher de prendre son frère dans ses bras en entendant ça. Peut-être qu'après tout, il était encore trop jeune pour qu'on lui raconte tout ça. Même s'il restait un nain, avec tout ce que ça comporte de force physique et mentale, Kili était encore un enfant. Un neveu de Thorïn, le Roi sans Montagne, qui plus est. Un énorme poids venait de s'abattre sur ses épaules. Fili le savait bien… il était passé par là, lui aussi.

« Je vois… C'est rien va. N'y pense plus. »

« Facile à dire… Alors c'est vrai ? Y'a un grand dragon qui nous a chassé de chez nous ? »

« Douterais-tu de la parole de notre oncle ? »

Fili ne put s'empêcher de dire ça avec un petit sourire en coin. Mais Kili ne sembla pas si amusé : bien sûr qu'il ne remettait pas en cause la parole de Thorïn ! Comment aurait-il pu ?

« Non… Non. Mais on va faire comment ? Si c'est chez nous là-bas… On peut pas laisser un… là-bas. »

« Kili, autant dire que notre chez nous c'est ici, dans les Montagnes Bleues. C'est plus simple. On n'arrivera jamais à tuer ce dragon, encore moins à le déloger. »

« Alors on va rester comme ça ? Sans rien faire ? »

Non, c'était impossible, et Fili le savait. Leur oncle allait faire quelque chose pour retrouver son héritage, sa véritable Montagne, celle sous laquelle il était né. Il ne supporterait pas de vivre sans au moins essayer de récupérer ce qui lui appartenait, à lui, et à son peuple.

« Oncle Thorïn nous a trouvé un autre chez nous, Kili. Un endroit calme et sûr, où nous ne gênons personne, et où nous pouvons vivre en paix. Un vrai foyer, sous la Montagne. »

« Et si le dragon nous poursuit jusqu'ici ? »

Fili soupira à nouveau, et regarda son frère droit dans les yeux, pensant ainsi mettre fin à la conversation, et finir sa nuit. C'était complètement stupide : les richesses d'Erebor étaient incomparables. Il y avait bien peu de chance que Smaug bouge son énorme carcasse de la Montagne Solitaire jusqu'ici, de l'autre côté de la Terre du Milieu. Mais Fili n'avait pas pensé que Kili pouvait être réellement terrorisé. Il lui prit alors le visage entre les mains, et lui murmura :

« On te protègera. Je te protègerai. »