NOTE D'AUTEUR : *Brandis un panneau lumineux* AVANT-PREMIERE !
Oui, parce que ce premier chapitre ne devait pas paraître avant longtemps... Mais ce satané Klaus me faisait de l'oeil, et me traitait d'égoïste, tout ça parce que ce chapitre était bouclé. Je le maudis.
Tout ça, ça ne va pas arranger mes délais à tenir (que je ne tiens pas souvent T.T) mais peu importe, je n'ai pas pu résister à Klaus, je n'ai pas la force de Caroline, et je suis un être faible.
Bonne Lecture !
« Qu'est-ce que le sommeil, en définitive, sinon le moyen de reléguer notre démence au fond de la trappe sombre de notre subconscient, pour nous réveiller le lendemain prêt à manger des céréales et non les gosses des voisins ? » — Ce cher Dexter Jeff Lindsay
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CHAPITRE I : Through the mind
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Le soleil brillait sur Mystic Falls, petite ville pittoresque de l'État de Virginie, les oiseaux chantaient et Caroline riait. Scène totalement habituelle dans des temps inhabituels, aurait-elle dit.
Si beaucoup de personnes la prenaient pour la petite blonde écervelée qui dépensait son énergie à organiser les festivités, Caroline n'avait jamais vraiment été telle qu'elle était décrite. Les autres, étudiants, parents et amis se trompaient lourdement. Ah les belles apparences !
Peut-être étaient-ils corrompus par ses cheveux blonds ? Son sourire ? Sons sens innés de la fête ? Son espoir illimité ? Son envie de vivre qui surpassait tout le reste ? Peut-être que toutes les facettes de sa personnalité, celles qu'elle laissait voir à tous ceux qui l'entouraient, étaient ce qui la rendait si « niaise » et « inutile » aux yeux des autres.
Oh bien sûr, pas de tous ! Certains de ses véritables amis savaient parfaitement qu'elle était loin d'être l'idiote Miss Mystic Falls, capitaine de l'équipe de cheerleading du lycée. Elle était avant tout quelqu'un de sincère. Une amie de confiance qui savait écouter et parler, sans mâcher ses mots comme la plupart des langues de putes qui coexistaient avec elle. Elle n'était pas toujours aussi écervelée qu'elle le paraissait.
Caroline devait avouer qu'elle aimait que certaines personnes la voient telle qu'elle le voulait : souriante et serviable, toujours prête à s'amuser. Ils embrassaient souvent sa philosophie de vie, et elle aimait ça. Être un modèle de vivacité, être celle qu'il fallait suivre, celle qui savait oublier les obstacles qui se dressaient devant elle.
Parfois, au contraire, cela l'agaçait. Elle avait envie de hurler qu'au fond, elle était comme tous ces gens qui déambulaient sans savoir où aller. Quand on lui disait qu'elle ne pouvait pas comprendre, qu'elle était trop impulsive, qu'elle riait trop, elle avait envie d'arracher plusieurs têtes, ou les tuer à coup de pieu.
Heureusement, cela ne durait jamais longtemps. Elle préférait garder son joli sourire qui — elle le savait — pouvait illuminer la journée de ses amis lorsqu'ils en avaient le plus besoin. Elle avait ce quelque chose que d'autres n'avaient pas, ou étaient incapables d'avoir, elle avait cette envie d'avancer, de croquer la vie à pleine dent.
Même si les épreuves pouvaient s'avérer plus difficiles qu'elle l'imaginait, elle essayait de se surpasser chaque jour. De montrer l'exemple à Elena et aux autres. De sourire encore et encore pour enfin se sentir heureuse. Cela fonctionnait. Elle voulait montrer qu'elle ne perdrait jamais l'espoir qui la faisait vivre et elle les contaminait tous par sa bonne humeur ainsi que par sa folie.
Au fond, derrière tout ça, elle était comme toutes les autres. Elle était une adolescente de dix-sept ans. Éternellement. Comme eux, il lui arrivait de temps à autre de sentir son humeur se dégrader et d'entrer dans une courte période de dépression. Dans ces jours-là, lorsqu'elle se retrouvait seule, elle faisait comme les autres. Elle se goinfrait de chocolat, à l'abri des regards indiscrets, devant un film à l'eau de rose. Accompagné d'une poche de sang. Elle attendait que cela se calme et elle retrouvait rapidement son apparence joyeuse et démesurée.
— Elena !
Seuls ceux qui cherchaient à en savoir plus sur elle pouvaient le voir. Et ils n'étaient vraiment pas nombreux. Fort heureusement. Elle aimait sa réputation telle qu'elle était, au sein de la ville. Elle adorait être celle qui redonnait le sourire à ses amies. Cela ne devait pas être l'inverse, jamais.
Caroline accourut près d'Elena qui venait d'entrer dans le Grill et lui offrit l'un de ses plus beaux sourires. Le visage de son amie s'illumina l'instant suivant, balayant toute trace d'anxiété ou de tristesse.
— Caroline, répondit-elle en l'embrassant.
— Viens, allez, on a bien le temps de boire un verre, après tous ces évènements. Mon anniversaire et tout ça…
Elle chassa les idées noires d'un geste rapide de la main, comme si elle essayait de frapper un indésirable insecte et elle entraîna Elena vers le bar. Son amie n'osa pas protester. Ou elle n'en eut pas l'envie.
Elle avait réellement besoin, elle aussi, d'apaiser son esprit qui continuait à lui hurler qu'elle serait éternellement une adolescente de dix-sept ans. Dix-sept ans, jamais dix-huit. C'était ce qui la faisait tiquer. Une des choses qui pouvait lui saper le moral en quelques minutes. Elle évitait en général d'y songer et tentait de s'épanouir du mieux qu'elle le pouvait. En général, elle y parvenait, avec ou sans l'aide de ses meilleurs amis. Elle préférait être à l'écoute plutôt que de pleurer sur son triste sort de vampire. Elle n'était pas du genre à faire pitié.
Ils avaient tous perdu tant de choses. Tant de personnes. Elena était certes toujours humaine, mais elle était celle qui avait dû voir mourir ses proches, un par un, et malgré tout, elle tentait d'oublier. De continuer à vivre. La vie continuait. Ils s'étaient tous battus et Caroline n'aurait jamais pu accepter de voir Elena dépérir.
Elle était devenue un vampire, de son côté. Elle venait de perdre son père et elle commençait, très lentement, son deuil. Du mieux qu'elle le pouvait : elle souriait, elle riait, elle tentait de s'accrocher à tout ce qui s'avérait positif pour elle, dans sa vie. Et elle pouvait y arriver. Comme Elena pouvait le faire, elle aussi.
— Tu as des nouvelles de Stefan ?
Elena grimaça légèrement alors que leur commande arrivait devant elles. Elle haussa les épaules sous le regard inquisiteur et compréhensif de son amie.
— Comme d'habitude. Quand… quand je crois qu'il laisse sortir son humanité, juste quelques instants… Il s'en va à nouveau et j'ai plus l'impression de régresser que d'avancer dans cette relation. Je ne peux plus rien prévoir. Je ne peux pas savoir ce qu'il voudra de moi demain, s'il était encore capable de menacer ma vie pour se dresser sur le chemin de Klaus.
— Tu devrais arrêter d'attendre, conseilla-t-elle poliment, je ne veux pas dire abandonner, mais…
Elle prit quelques instants pour réfléchir, portant son verre à ses lèvres. Caroline sourit doucement.
— Enfin… Juste arrêter de lui courir après. Ça te mine, toute cette histoire… et ça ne l'aide pas non plus. Laisse-le essayer de s'accrocher lui-même à son humanité s'il le souhaite. Mais arrête de te faire du mal, Elena.
Elena acquiesça pensivement.
— Cela faisait un long moment que nous n'avions pas parlé, murmura-t-elle, je veux dire… en dehors des plans pour nous protéger et tout le reste. Comme si tout allait bien… Parler des garçons comme avant.
Caroline haussa les épaules et rit légèrement.
— Tu sais, je ne fais pas « comme si ». Je le fais, c'est tout. Nous vivons notre vie, singulière on peut le dire, mais nous n'avons pas le choix. Et nous avancerons comme ça. Rien ne m'empêcherait d'être heureuse et d'aller bien, tant que ça reste encore possible.
Elena sourit à son tour.
— C'est incroyable… ta manière de banaliser les choses… Care, mais ça a l'air… Plus facile comme ça. Ou tu y arrives bien mieux que moi.
La blonde termina son verre en premier. Elena n'avait jamais été très attirée vers l'alcool et évitait en général de boire aussi vite que les vampires pouvaient le faire. Elle n'aurait, de toute manière, pas tenu la cadence.
— Ce n'est pas si difficile. C'est juste qu'en général, j'évite de me prendre la tête. Même si dans certaines situations, je n'ai pas le choix, mais au fond, tout est rapidement réglé. Bref ! J'ai décidé de vivre au jour le jour, s'amusa-t-elle, étrange pour un vampire, hum ?
— Ça fait un moment que tu vis au jour le jour, se moqua gentiment Elena.
Caroline lui jeta un regard faussement outré.
— Et nous sommes censés faire quoi, alors ? Attendre en déprimant que quelque chose se passe à nouveau ? Que l'un de nous meure encore ? Non ! Je ne veux pas y penser— Caroline ravala sa tristesse —, on a la chance d'être encore en vie et on doit en profiter, même si certains jours, c'est plus difficile que d'autres…
Elena acquiesça dans un soupir.
— Bien ! Tu as toujours raison à ce sujet, je suppose. Je ne dirais plus rien. Plus de vampires ni d'hybrides pour l'instant.
— Plus de vampires, sourit la blonde, j'aimerais beaucoup !
Caroline eut un léger rire et secoua la tête. Elle refusa d'y penser. Plus de vampires… Elena devait parfois oublier qu'elle en était un.
— Et avec Damon ? C'est toujours aussi… Non… Oublie ça ! Je ne veux rien entendre à ce sujet !
Elena se crispa légèrement et fronça les sourcils.
— On avait dit plus de vampires ! Vivre normalement l'instant présent, sauf en cas de grande nécessité ! se plaignit-elle.
— Damon fait partie de ta vie. Et bizarrement, quand tu veux l'oublier, celui-là, il revient toujours à la charge. Il faut l'accepter, ce n'est pas comme si tu avais le choix.
Caroline lui envoya un clin d'œil malicieux et observa sa mine s'assombrir très légèrement.
— Franchement, Elena, ajouta-t-elle, tu ne peux pas dire qu'il ne se passe pas quelque chose. Tu ne peux pas te voiler la face à ce sujet, si ? Parce que tout le monde l'a remarqué… Même moi ! Il faut croire que je ne suis pas encore totalement bigleuse.
Elena soupira pour toute réponse.
— Je ne sais pas. Je n'ai vraiment pas envie de prendre une décision, ni même d'y penser une seconde. Je… je laisse juste le temps faire les choses.
Caroline baissa les bras.
— Vraiment, Elena… Tu rends les choses si compliquées…
— Tu voudrais que je fasse quoi ? Que j'abandonne définitivement Stefan et que j'aille rejoindre son frère ? Tu crois qu'il réagirait comment si je le faisais ? Je ne peux pas. Je ne peux pas l'imaginer une seule seconde.
— Et pourtant, résuma-t-elle, chaque jour, tu le fais un peu plus. Chaque jour qui passe, depuis tout ce temps où Stefan avait disparu, tu t'es rapprochée de Damon. Et maintenant tu te sens démunie parce que Stefan est de retour et que tu n'arrives pas à comprendre. Mais tu crois vraiment que s'il laisse son humanité revenir totalement à la surface, tout sera à nouveau comme avant ? Que tu vas pouvoir mettre tes sentiments de côté ?
Elena baissa la tête vers son verre.
— Je ne sais plus. Je n'ai vraiment pas envie d'y réfléchir maintenant.
— Ça va, la rassura son amie, vraiment, je ne te juge pas ! Mais ne te prends pas la tête au sujet de Stefan. La ville est relativement calme en ce moment, je pense qu'il vaut mieux en profiter avant que quelque chose n'arrive. Parce que j'ai appris à mes dépens que Mystic Falls ne reste jamais longtemps aussi calme. Donc autant en profiter maintenant, tu ne crois pas ?
Elena rit en même temps que Caroline. C'était ce qu'elles avaient de mieux à faire. Rire et se comporter comme les deux amies sans problèmes qu'elles avaient un jour été. Avant que tout ceci ne s'abatte sur la ville, avant que Caroline ne devienne une vampire, avant l'arrivée de Klaus à Mystic Falls… Avant la mort de leurs proches… Avant toute cette merde.
Caroline ne pouvait se permettre d'attendre anxieusement que quelque chose se passe. Elle voulait essayer de vivre normalement et d'entraîner Elena avec elle. Comme avant. Parce qu'elle savait qu'elles s'entraidaient depuis si longtemps et qu'elles étaient bénéfiques, l'une pour l'autre.
— La seule chose qui ne partira jamais, murmura Elena avec une infinie tendresse, ce sera notre amitié.
Caroline acquiesça, laissant la chaleur envahir sa poitrine où, un jour, un cœur avait battu normalement. C'était dans ces instants précieux qu'elle se sentait humaine et heureuse.
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Elena quitta le Grill la première : elle avait reçu un appel de Ric et elle était partie à une vitesse quasi surhumaine. Elle avait tout juste eu le temps de l'embrasser et de la remercier pour ce petit moment rare et délicieux entre filles.
Caroline se détendit quelques secondes sur son siège et sourit à Matt qui effectuait son service. Elle terminait son troisième verre et elle avait sérieusement l'impression de n'avoir bu que de l'eau. Mais cela était suffisant pour qu'elle se sente bien et apaisée. L'esprit libre. Cet instant volé avec Elena lui avait fait énormément de bien. Elle ne saurait dire depuis combien de temps elles n'avaient pas pris le temps de boire un verre dans ce bar, toutes les deux, sans avoir à se soucier du reste. Sans avoir à regarder si quelqu'un entrerait pour les tuer. C'était exquis et vraiment unique. Il ne lui manquait plus que ça pour que sa journée lui paraisse parfaite, même si elle la terminait seule.
Tyler n'était toujours pas revenu à Mystic Falls. Il la laissait donc seule dans sa frustration. Ce n'était pas comme si elle avait l'habitude d'être délaissée. En fait, elle n'aimait pas ça du tout. La solitude était loin d'être sa meilleure amie. En vérité, elle la rendait passablement névrosée. Un mauvais cocktail, pour ses émotions de vampires.
Elle n'était pas encore à l'aise avec sa condition de vampire. C'était tout de même une situation plus que difficile. Elle aurait sérieusement giflé la personne qui serait venue lui dire qu'être une créature de la nuit était génial.
Damon lui-même ne l'aurait pas fait ! Bien sûr, il ne le dirait jamais à voix haute, mais il avait lui aussi très mal vécu sa transformation. Moins que Stefan, mais tout de même.
Et même Klaus. Elle se souvenait de ses aveux, le soir où il l'avait sauvée.
Si on pouvait appeler ça comme ça !
C'était tout de même ambigu. Dire à Tyler qu'il la morde, pour ensuite lui sauver la vie. Elle ne voyait pas ce qu'il y avait à gagner en faisant cela. D'ailleurs, elle avait perdu confiance en son propre petit-ami.
Alors qu'on ne lui dise jamais qu'être un vampire, c'était magique ! Non ! Malgré tous les avantages, c'était loin d'être une bonne chose. Tous ses rêves étaient partis en fumée elle n'aurait jamais d'enfants et si tout allait bien, elle vivrait éternellement. Assez longtemps pour voir tous ceux qu'elle aimait mourir avant elle, et subir les affreux aléas de l'humanité, des guerres…
Humaine, elle n'avait jamais été quelqu'un de stable niveau émotionnel et cela s'était empiré. Fort heureusement, cela avait approfondi ses qualités, bien plus que ses défauts.
Alors oui ! Aujourd'hui, elle pouvait écouter aux portes, elle pouvait atteindre les humains et faire ce qu'elle voulait d'eux. C'était sûrement ça, le meilleur. Plus besoin de suivre ces conventions humaines.
Merde à tout le reste ! Il n'y avait pas la place ici pour les regrets. Elle ne redeviendrait jamais humaine et elle ne devait pas y penser : cela ne servirait à rien. Elle devrait plutôt vivre au jour le jour et apprécier le tout, pendant qu'il était encore temps. Prendre le bon côté des choses, apprendre à aimer et saisir ces nouvelles opportunités qui s'offraient à elle.
Caroline aurait tout le temps pour découvrir tous les autres avantages d'être ce qu'elle était. Pourquoi continuait-elle alors à se prendre la tête à ce sujet ? Elle était une fille comme ça, après tout. Elle était peut-être blonde, mais pas totalement stupide. Bien sûr, elle ne cherchait pas forcément à débattre longuement avec les autres, cela ne l'intéressait pas. Elle préférait réfléchir, seule. Elle était une de ces filles-là. Une fille entière.
C'était toujours dans ces moments-là qu'elle adorait par-dessus tout se perdre dans les méandres de ses pensées tumultueuses, un verre long-drink à la main, qui roulait entre ses doigts en faisant joliment tinter la glace pilée. L'ambiance chaude et tamisée du Grill l'y aidait, elle s'y sentait presque bien, enfermée dans un beau cocon accueillant.
La musique langoureuse, aux notes parfois sourdes, roulait sur les murs et la rendait intérieurement euphorique. Elle se mêlait aux conversations grasses des garçons qui jouaient au billard ou aux fléchettes, aux rires clinquants des gamines plantureuses… au plus infime petit bruit qu'elle pouvait entendre. Cela lui donnait presque envie de ronronner. Sauf qu'elle n'était pas encore une chatte.
Elle n'était pas non plus le genre de fille qui aimait le silence. Les bruits assourdissants étaient plus apaisants pour elle. Le silence, c'était le néant. Elle avait presque l'impression d'être claustrophobe, invisible et elle étouffait. Toute cette vivacité, tous ces sons différents autour d'elle lui étaient indispensables pour se sentir encore en vie. Elle se mêlait aux autres, elle devenait importante. Elle était Caroline. Elle était humaine, dans ces moments-là. Elle parvenait à oublier, malgré les hurlements de son esprit, qu'elle n'était qu'une bête sauvage éternellement assoiffée de sang.
Caroline fut rapidement tirée de ses songes et de son état plus ou moins détendu, lorsque la pétasse blonde de service fit son entrée dans la petite salle aux lumières tamisées. Par 'pétasse', elle entendait bien sûr « Rebekah », cette sangsue qui servait de sœur à l'hybride sociopathe.
Elle soupira, songeant à quitter les lieux sans plus tarder, pour retourner à des affaires plus ou moins importantes. Ouais, mon cul ! Elle s'ennuyait comme un rat mort. Et encore, l'expression restait très faible.
Elle étudia La Hyène, et pouffa dans son verre en songeant que ce surnom lui allait à merveille. Ce n'était pas qu'elle la haïssait… En fait si, elle ne l'aimait pas. C'était une originelle qui passait son temps à essayer d'être plus humaine. Une de ces filles totalement détestables. Fières et rancunières, dangereuses. Alors, oui, peut-être que ce n'était que de la jalousie, parce que La Hyène avait tourné autour de Tyler peu après sa transition. Mais il y avait aussi de la méfiance. Elle préférait la surveiller. Elle était d'ailleurs incapable de prévoir ce que cette pétasse serait capable de faire. Elle pouvait devenir totalement intenable en une seconde et elle masquait ses intentions à la perfection sur sa petite gueule d'ange.
Caroline la regarda, d'un œil plutôt mauvais, s'approcher de Matt qui travaillait au bar. Elle n'aimait pas ça. Cette fille pouvait se servir de lui pour des fins bien plus obscures et elle préférait garder les deux yeux sur tout ça. Elle n'allait pas laisser Matt se débrouiller seul avec l'originelle. C'était bien trop dangereux et elle n'était pas encore assez folle pour faire ça.
Elle n'allait pas non plus réagir au quart de tour et foncer sur eux alors qu'il ne se passait strictement rien. Elle ne savait pas si Rebekah-La-Hyène se contentait de draguer Matt, ou si elle l'utilisait pour autre chose, mais elle ne pouvait pas lui tirer les vers du nez. Elle ne connaissait que trop bien son caractère, et le sien. Ils étaient clairement incompatibles. Cela n'aurait servi à rien de remuer le couteau dans la plaie en allant les surveiller de trop près.
Caroline était presque certaine que Matt le prendrait très mal si elle continuait à le materner sans arrêt. Il s'estimait tout à fait capable de se protéger et s'éloigner quand il le fallait. Il oubliait juste qu'il était toujours humain et que ses muscles ne feraient jamais peur à La Hyène. Si elle voulait le tuer, elle ne se gênerait pas de le faire et de raser tous les autres obstacles.
Elle se contentait donc de surveiller de très près toutes ces petites entrevues entre eux. Les conversations n'étaient généralement pas bien intéressantes. Rebekah ne demandait jamais d'informations capitales en ce qui concernait leur petit groupe, et Matt n'était pas assez stupide pour se laisser prendre entre ses griffes. D'ailleurs, Klaus était parfaitement capable de soutirer des informations sans l'aide de sa petite sœur.
— Que nous vaut cet air renfrogné ?
Surprise dans ses marmonnements colériques, Caroline sursauta violemment, renversant son verre sur la table. Elle déclencha un léger éclat de rire et elle se sentit profondément frustrée. Elle avait été tellement absorbée par l'arrivée de Rebekah, tout en essayant de se focaliser sur leur conversation, qu'elle n'avait pas remarqué que son frère — était-il utile de préciser que c'était bel et bien Klaus ? — était entré juste après elle.
— Oh ! Je ne sais pas ! Avant c'était la présence de La Hyène qui te sert de sœur, mais j'ai changé d'avis, maintenant.
Elle appuya ses propos en lui jetant un regard noir. Il ne sembla pas offusqué, et tira la chaise en face d'elle pour s'asseoir. Il ne partirait pas, c'était évident. Elle soupira longuement et le quitta des yeux pour continuer à fixer sa sœur. D'ailleurs, il ne réagissait pas non plus à l'ignorance. C'était profondément agaçant. Ça avait plutôt l'air de l'encourager à être tenace. J'ai du miel au cul ou quoi ?
— Rebekah peut être insupportable.
Il avait toujours ce même sourire angélique et tout à fait énervant collé aux lèvres, qui illuminait son visage comme s'il était un vulgaire humain charmeur. Ce n'était qu'une façade, malheureusement.
Il essayait, presque à chaque fois, d'établir une conversation qui ne se résumerait pas à des supplications et des sarcasmes. Il n'y arrivait jamais. Caroline imaginait qu'il devait s'en sentir très frustré. Surtout pour quelqu'un comme lui qui n'avait pas forcément l'habitude d'essuyer des refus intempestifs. Pourtant, quitte à y laisser sa peau, elle préférait garder sa dignité et lui tenir tête. Après tout, elle n'était pas tout à fait immortelle.
Elle n'était pas de ces filles-là qui se mettraient à genoux devant l'hybride sociopathe sous peine de sauver leur vie. Certaines auraient été capables de lui tailler une pipe, quitte à perdre leur dignité à tout jamais. Elle préférait encore mourir pour sauver celle d'Elena, qui valait sans doute plus que la sienne aujourd'hui.
Ce n'était pas qu'elle n'avait pas peur de lui. Dire ça aurait été mentir. Tout le monde craignait Klaus et accès de folie. Mais la crainte ne menait à rien, et cela rendait les gens totalement soumis et contrôlables. D'ailleurs, elle se devait d'être celle qu'elle avait toujours été. La Caroline qui n'avait jamais eu froid aux yeux, qui se tenait droite, et qui n'hésitait pas à devenir une vraie harpie quand elle le devait.
Aussi, elle émit un son profondément las en posant à nouveau ses yeux bleus dans ceux quasiment translucides de Klaus qui ne l'avait pas quittée une seconde. Elle se renfrogna davantage et cela sembla le faire sourire encore plus, si c'était encore possible. Sociopathe de mes deux !
— Sérieusement ? T'es encore là ?
Cassante et froide. Merde ! Il fallait qu'elle le lui fasse comprendre en quelle langue ? Parce qu'elle ne pouvait pas être plus claire sans être vulgaire. Seulement, Klaus ne semblait pas vouloir comprendre ses allusions et restait encore plus buté qu'elle pouvait l'être. C'était un exploit ! Elle ne l'imaginait pas aussi patient et déterminé. Sauf quand cela le concernait lui et lui seul. Or, elle ne voyait pas en quoi elle pouvait lui importer pour qu'il se montre aussi… collant.
— Tu ne me laisses jamais l'occasion de parler ! protesta-t-il en la voyant se lever d'un bond.
— Peut-être parce que je n'ai pas le sens de la conversation ?
Elle émit un rire sans joie en jetant quelques dollars pour payer ses consommations, sans chercher à compter. De toute façon, Matt ne faisait guère attention à son départ précipité, trop obnubilé par la poitrine de Rebekah. Elle se vanta intérieurement d'avoir de plus gros seins qu'elle. Cette fille avait beau avoir mille ans, elle était moins développée qu'une gamine de quinze ans !
— Allez Caroline ! Ça te coûterait quoi de me parler le temps d'un verre ?
— Je perdrais mon temps.
Elle l'entendit émettre une espèce de grognement rageur, mais elle ne s'en préoccupa pas plus que ça. Peut-être qu'il comprenait enfin qu'elle n'était pas apte à l'écouter ?
— Tu ne peux pas me foutre la paix ? siffla-t-elle.
Il continuait à la suivre, plus déterminé que jamais. Et elle devenait vulgaire. C'était dangereux pour elle, ça. Il ne s'en offusqua pas, trop occupé à éviter les étudiants passablement ivres pour la rattraper à vitesse humaine.
Finalement, se fichant bien d'être vu, il se planta devant les portes du Grill et une lueur bagarreuse s'alluma dans ses prunelles un peu plus sombres qu'à l'ordinaire. Sa mâchoire se crispa sous son éternelle barbe naissante qui le faisait paraître un peu plus vieux et Klaus perdit légèrement son sourire. Au moins, elle ne lui échapperait pas à moins de lui passer sur le corps. Comme si ça lui faisait peur !
Elle songea à lui foncer dedans, durant un millième de seconde, puis jugea que ce n'était sûrement pas une idée très intelligente. Elle devrait y mettre beaucoup de forces, elle se ferait remarquer, et il pourrait très mal le prendre. Elle était têtue, mais pas suicidaire.
Caroline joua alors la meilleure carte qu'il lui restait et croisa les bras sur sa poitrine, dans la parfaite imitation de la garce intouchable qui se faisait poursuivre par l'adolescent boutonneux du coin de la rue. Sauf que l'adolescent boutonneux n'était pas si inoffensif et très loin d'être boutonneux. Elle manqua de s'esclaffer à cette comparaison, mais garda finalement son sérieux.
— Et alors quoi ? Tu vas rester planté là jusqu'à la fin des temps ?
Elle soupira. Klaus se comportait comme un enfant, quelquefois. Elle venait à oublier ce qu'il était réellement. Il ne sembla pas se préoccuper de l'image qu'il pouvait donner en cet instant précis, mais il parut plus déterminé que jamais.
— Tu devrais sérieusement penser à tester ma patience, tu serais surprise.
Un très léger sourire étira ses lèvres. Caroline secoua la tête, faisant voler ses mèches blondes autour de son visage profondément effaré et énervé.
— Et qu'est-ce que tu veux ? Une foutue conversation ? Pour quoi faire nom de dieu ? Je n'ai pas envie de parler avec quelqu'un comme toi.
Ils se jetèrent un regard noir, mais la détermination de Klaus ne faiblit pas. Il n'était même pas impressionné par la colère de la petite blonde qui lui tenait tête.
— Je t'ai sauvé la vie !
— Je ne suis qu'un « dommage collatéral » ! Est-ce que c'est trop dur à retenir pour toi ?
Il ne bougea toujours pas, mais il soupira longuement.
— Bien ! Parfait ! On est parti sur de mauvaises bases. Rien n'empêche qu'on puisse apprendre à se connaître, Caroline.
Il lui offrit un regard tout à fait suppliant. Elle ne broncha pas.
— Je ne suis pas une de ces filles que tu peux séduire en claquant des doigts. Je ne sais pas ce que tu essaies de faire, mais tu devrais m'oublier. Ça ne marchera pas avec moi.
Elle profita de sa surprise pour le pousser légèrement et sortir du Grill. Elle inspira l'air frais, espérant retrouver son calme avant que la situation ne dérape complètement. Klaus se fichait pas mal des témoins, s'il devait tuer quelqu'un. Elle ne savait pas vraiment sur quel pied danser, en ce moment.
— Je sais que tu n'es pas comme ça !
Elle eut envie de se jeter sous les roues d'une voiture, juste pour ne plus l'entendre. Elle continua à longer les murs à vitesse modérée, sans chercher à se tourner vers lui. Elle savait de toute manière qu'il continuait à la poursuivre. Tiens, elle devrait peut-être penser à porter plainte pour harcèlement. Sexuel ou moral ? Elle eut envie de rire et dut se retenir. Cela devait être ses nerfs qui commençaient à lâcher.
— Ce serait t'insulter que dire que tu es l'une de ces filles-là, Caroline. S'il te plaît, écoute-moi !
Caroline fit volte-face, s'arrêtant brusquement pour le regarder à nouveau et lui offrir son plus beau regard hostile. Encore une fois, cela ne marcha pas avec lui.
— Tu veux quoi au juste ?
Elle était à la limite de ce qu'elle pouvait supporter. Cette journée avait pourtant bien commencé…
— Je te l'ai dit. Je veux juste qu'on apprenne à se connaître. Laisse-moi une chance.
Elle eut envie de rire, mais elle ne le fit pas. Ce serait jouer avec la patience de Klaus, qui était sûrement mise à rude épreuve. Il semblait assez sûr de lui, comme s'il croyait justement qu'elle lui laisserait une chance. C'était tout de même risible !
— Je te parlerais le jour où tu seras autre chose à mes yeux que l'hybride sociopathe que tout le monde déteste. Comprends-moi bien… C'est une chose qui n'arrivera jamais.
Elle le dévisagea, appréciant les effets que ses paroles eurent sur lui : il parut d'abord frustré, puis déçu. Finalement, il sourit. Elle fut interloquée.
— Est-ce que c'est un défi ?
— Non. Mais prend ça comme tu veux, apparemment, tu es pire que buté.
— J'ai mille ans, sweetheart, et je crois que tu as encore beaucoup de choses à apprendre à mon sujet. Cela pourrait être étonnant.
Elle rit.
— Tu crois encore au père Noël à ton âge ? Ce n'est pas raisonnable !
Satisfaite de son effet, et priant pour qu'il la laisse définitivement tranquille, elle se tourna à nouveau pour rejoindre sa voiture noire.
— Je prends ça comme un défi, love !
Lorsqu'elle fit à nouveau volte-face pour lui hurler une nouvelle tirade cinglante, il avait disparu. Caroline cligna des yeux, haussa les épaules et soupira. Plus rien ne l'étonnait, aujourd'hui.
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Elle avait été un peu contrariée par Klaus, puis elle oublia cette entrevue, comme toutes les autres. En vérité, elle ne s'en préoccupait pas. Elle arrivait à lui tenir tête sans en mourir, et c'était une fierté pour elle. C'était une facette qu'elle ne perdrait sans doute jamais. Et c'était tant mieux ! Après tout, Klaus, malgré tous ses horribles défauts, restait amusant. Elle aimait vraiment voir jusqu'où il pouvait aller pour finalement être repoussé comme un vulgaire humain, plus pathétique que les autres. Elle testait ses limites, et elle jouait avec ça. Après tout, s'ils ne pouvaient pas le tuer, elle pouvait toujours essayer de l'humilier en attendant.
Il était tout de même tenace, pour un hybride sociopathe et dangereux. C'était étonnant. Mais il restait celui qui avait détruit leur vie, et il méritait sans doute de mourir. En attendant, elle gardait sa dignité à portée de main… et ses réparties à trois francs.
Elle savait qu'il reviendrait à la charge. En attendant, il ne tuait personne. Enfin, elle l'espérait. D'ailleurs, elle aussi était tenace. Et même si leurs éternelles disputes pouvaient s'apparenter à des « conversations », elle ne souhaitait pas en apprendre un peu plus sur lui. Il n'y avait pas grand-chose à savoir. Elle imaginait des meurtres, des fringantes soirées, des voyages… Quelque chose qui ressemblait à Klaus, qui avait laissé son humanité de côté depuis bien trop longtemps pour devenir un beau psychopathe. De toute façon, ses qualités — s'il en avait — ne surpasseraient jamais ses défauts. Il n'était pas quelqu'un qu'elle voulait connaître et elle était certaine qu'elle ne trouverait rien qui serait susceptible de lui plaire suffisamment pour entretenir une véritable conversation avec lui. Son pari était déjà gagné d'avance, si pari il y avait.
Malgré tout, il lui arrivait de se poser des questions existentielles au sujet de l'hybride psychopathe, qui la faisait douter. Pas qu'elle ait envie de parler avec lui, non ! Mais un défi restait un défi. Et il avait forcément, parmi ses mille facettes, une partie de lui plus appréciable. Cela l'engagerait donc à le fréquenter autrement qu'en le repoussant violemment.
Caroline frissonna de dégoût. Non. Elle espérait que non.
Pourtant, une seule chose l'intéressait. Comment avait-il pu tourner aussi mal ? Lui qui avait forcément dû être un homme comme un autre, mille ans auparavant. D'expérience, et parce qu'elle n'était pas qu'une blonde idiote, elle savait qu'on ne naissait pas psychopathe. Il y avait des étapes, des retournements, avant de le devenir. Alors, comment l'était-il devenu ?
Oui, c'était le seul détail de sa longue existence qui l'intéressait, par pure curiosité. Rien qui l'engagerait à l'approcher un peu plus.
Elle eut pitié de lui. Puis, au fil de la soirée devant un film à l'eau de rose, et une glace à la vanille, elle oublia.
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Caroline ouvrit les yeux et sursauta. Un brouhaha lui parvint lentement, comme si elle venait de retrouver l'ouïe. Elle ne voyait pas grand-chose au départ, juste d'innombrables silhouettes colorées et une lumière éclatante.
Les notes de Jazz, de saxophone, de tambours… une voix langoureuse et exagérément lente lui parvenait. Cela surpassait les éclats de rire et les conversations sifflantes qui semblaient raffinées. Le rythme s'imprima en elle et fit écho dans sa chair.
Plumes, paillettes et perles. Couleurs vives. Blanc et noir. Ou Noir et Blanc. Rouge, bleu, vert… violet éclatant… Elle fut prise à la gorge par autant de sensations étranges et inconnues. Odeur de tabac, de parfums coûteux, d'eau de Cologne, d'alcool sucré et de sang.
C'était une salle de danse. Du moins, elle était plantée en plein milieu d'une piste. Le lustre en cristal, au-dessus de sa tête, renvoyait toute la lumière des lieux et l'aveuglait légèrement. Il tremblait sous les échos de ce brouhaha constant.
Elle inspira, émerveillée, comme si elle avait été envoûtée.
Autour d'elle, les couples de danseurs et les autres riaient aux éclats. Les couleurs... Trop de couleurs. Les femmes. Les hommes. Les plumes… il ne semblait plus y avoir de tabous et de codes, et personne ne jugeait les autres. Les femmes étaient extravagantes à souhait. Des bouches inconnues se rencontraient le temps d'un discret baiser, et les mains masculines glissaient sur les fesses rebondies.
Caroline tourna sur elle-même, à présent perdue. Où était-elle ? Elle ne se souvenait pas avoir été là auparavant. Elle ne connaissait aucun visage. Elle ne connaissait aucun lieu réputé pour passer du Jazz en permanence. Du moins, pas dans sa petite ville natale. Elle y aurait déjà été depuis longtemps. Pourtant, elle était habillée comme ces gens-là. Dans une robe courte et d'un noir étincelant, parsemé de plumes et de diamants. À son bras droit, elle portait le bracelet de Klaus, qui lui renvoya le reflet de son visage étonné. Elle eut envie de l'arracher de se mettre à hurler pour obtenir des réponses, mais elle fut incapable de le faire.
Elle regarda les autres avec fascination. Ils ne semblaient même pas la remarquer. Était-elle en train de rêver ? Elle n'était pas sûre qu'on puisse réfléchir ainsi si cela avait été un rêve. D'ailleurs, elle ne pourrait pas même en avoir conscience. Cela semblait si réel… Il était impossible que cela le soit.
Des mains inconnues et humaines la firent tournoyer sur la piste, comme pour la réveiller de sa torpeur, elles se baladèrent furtivement sur ses courbes, charmeuses. Elle ne chercha pas à s'en défaire, s'émerveillant des sensations que cet endroit lui procurait, au fond de son âme. Un visage féminin lui masqua toute autre vue, et des lèvres rouge sang baisèrent les siennes, sans aucune honte. Elle reçut les effluves d'alcool par cette haleine sucrée et cligna des yeux, effarée. La jeune femme qui venait de l'embrasser éclata de rire et se colla dans les bras d'un autre homme, comme si rien ne venait de se passer.
Paniquée, elle tourna sur elle-même, à la recherche d'un indice quelconque, d'une sortie… elle résista à l'envie de danser au rythme effréné de l'orchestre. Les nombreuses voix la rendirent sourde, mais heureuse.
Caroline s'étrangla à moitié. À quelques mètres de là, près des tables où trônaient d'innombrables bouteilles d'absinthe, elle reconnut Stefan et Rebekah. Impossible !
Ils dansaient ensemble. Stefan n'aurait jamais fait ça. D'ailleurs, il avait une coiffure totalement différente de celle qu'il avait la dernière fois qu'elle l'avait vu. Dans son costume impeccable, il semblait plus souriant que jamais, offrant ses lèvres à La Hyène, plus belle et resplendissante qu'elle ne l'avait jamais été.
Où était-elle ?
Elle s'approcha, obnubilée par cette scène étrange, envoûtée par la musique et enivrée par cette ambiance digne des Années folles.
Elle s'arrêta à côté d'eux, interloquée. Derrière ce couple improbable, elle reconnut Klaus, vêtu d'un costume pâle. Il lui présentait son profil, mais elle ne doutait pas. C'était bien lui. Il tenait le poignet d'une jeune femme, totalement sous son emprise, et s'apprêtait à planter ses crocs dans sa chair. Les yeux perdus dans le vide. Il ne faisait même pas attention à l'humaine qu'il tenait. Il semblait plus solitaire qu'à l'ordinaire.
Elle n'eut même pas l'idée d'intervenir. Elle resta immobile, invisible au milieu de tout ce beau monde et cherchait encore à comprendre. Ce n'était qu'un rêve, rien d'autre.
Klaus releva ses yeux bleus et parut concentré. Il relâcha finalement la jeune femme sans la mordre.
Est-ce qu'il la regardait ? Non. Il fixait sa sœur. Un rêve.
Il se leva et un sourire se forma sur ses lèvres. Ils se fixèrent. Il la regardait. Il venait vers elle. Caroline ne chercha pas d'échappatoire, et resta totalement figée, espérant se réveiller bien vite.
— Klaus ? balbutia-t-elle un moment.
Il sembla étonné, mais garda son sourire charmeur et intrigué :
— Je peux vous offrir un verre ?
Elle reconnut cette même lueur qu'il avait toujours eue dans les yeux lorsqu'il la regardait. Elle ne refusa pas, n'en trouvant pas l'utilité. Après tout, ce n'était qu'un rêve.
Il lui toucha le bras. Elle sentit son contact et réprima un frémissement. Un rêve… un stupide rêve !
— Est-ce qu'on se connaît ? Je pense que je m'en serais souvenu.
Elle cessa de respirer, totalement fascinée et effrayée à la fois. Elle se laissa emporter jusqu'à la table de l'hybride.
— Quel jour sommes-nous ? demanda-t-elle subitement.
Klaus la regarda comme s'il venait de voir un pingouin en maillot de bain danser la samba devant lui.
Et merde Caroline ! Tu deviens vraiment cinglée. Tais-toi !
Leurs regards aussi clairs l'un que l'autre s'accrochèrent avec une curiosité non feinte. Elle le fixa, plus ou moins troublée par cette situation étrange. Il sembla étudier son âme avec une facilité déconcertante — peut-être allait-il essayer de la contraindre ? — et fronça les sourcils, contrarié :
— Vous vous sentez bien ?
Sans doute était-elle devenue livide, voire même tremblante. Elle ne devait pas paraître très solide. D'ailleurs, elle se fit mentalement honte. Puis, après tout, elle s'en foutait. Ce n'était que son esprit qui lui jouait des tours. Ce n'était pas le vrai Klaus qui la regardait maintenant, elle avait donc le droit de paraître ridiculement bouche bée, quitte à ressembler à un Mérou.
— Oui, oui, je vais bien.
— Tant mieux. Je craignais vous avoir perdue.
Il lui offrit un sourire tantôt charmeur, tantôt forcé. Elle se crispa sur la banquette et baissa les yeux sur le verre d'absinthe qu'il lui tendait. Si c'est un rêve, je ne peux pas être saoule.
Caroline l'avala sans broncher, même si son esprit fatigué lui hurlait que le liquide effroyable lui brûlait la gorge. Klaus ne la quitta pas des yeux, tout en se servant à nouveau, sans en renverser une seule goutte sur la table en marbre. Il fallait absolument se réveiller.
— Hé Nik' ! N'as-tu pas terminé de te morfondre dans ton coin ? C'est horriblement déprimant.
La voix grinçante de Rebekah lui fit relever les yeux. Elle se détacha de la contemplation des humains totalement ivres qui dansaient à un rythme effarant. Les deux Barbies vampires se toisèrent avec une certaine intensité. La sœur de Klaus sembla fortement étonnée, de même que Stefan qui se tenait très près d'elle, entourant sa taille d'un bras possessif.
La Hyène ne la reconnaissait pas non plus. Après tout, tout semblait si réel et différent à la fois que Caroline n'en fut pas étonnée. Et elle ne risquait rien, pas ici. Un sourire sarcastique étira ses lèvres sans qu'elle s'en rende compte.
— Tu t'es lassé de l'humaine, Nik' ?
Pleine d'ironie, la voix de Rebekah les fit tous sourire. Visiblement, la solitude de Klaus qui en devenait taciturne n'égayait pas sa sœur.
— On rencontre mieux à Chicago, Bekah, tu devrais le savoir.
Les yeux perçants de Klaus glissèrent avec amusement sur Stefan et Rebekah sourit. De son côté, Caroline tiqua. Ce rêve devenait vraiment bizarre.
Visiblement, il n'avait pas été difficile pour eux de remarquer qu'elle n'était pas humaine. C'était à croire que c'était marqué sur son front. Peut-être que le fait d'avoir prononcé le prénom de l'hybride l'avait fait suffisamment tiquer pour qu'il s'intéresse à elle. Quelle connerie ! Même en rêve, il arrivait à être insupportable.
Pourtant, elle prenait plaisir à penser que c'était réel. Chicago. Les années vingt. Satané subconscient qui lui jouait des tours.
— Je suis Rebekah, annonça aimablement l'originelle, et malheureusement, je suis sa sœur.
Elle eut un sourire moqueur en jetant un clin d'œil à son frère qui ne sembla pas outré par sa remarque. Il se contenta de tendre un verre à Stefan, comme s'ils avaient toujours été amis. L'éventreur. Ce n'était pas vraiment le Stefan qu'elle connaissait. Son rêve lui montrait la partie sombre qu'elle avait déjà aperçue et détestée chez le vampire.
Après tout, ce n'était pas la réalité.
— Caroline, répondit-elle avec simplicité, et je ne me souviens plus comment je suis venue ici.
C'était en partie vrai. Elle n'allait tout de même pas sortir : hé, en vérité vous n'êtes pas réels et je suis en train de rêver. Je ne sais pas pourquoi je suis là et j'ai envie de m'amuser. Autant jouer le jeu. Ce n'était qu'un rêve ! Une fabulation de l'esprit.
Rebekah éclata d'un rire cristallin, presque agréable à entendre.
— Il semblerait que plus personne ne se souvienne de son arrivée à Chicago. Cette ville est magique, tu ne trouves pas ?
— Oh ! Elle l'est sans aucun doute.
Elle ne connaissait pas Chicago. Sauf sur les photos de son livre d'histoire, ou des guides touristiques. La Hyène semblait ravie et méfiante à la fois, un cocktail de sentiments improbables qui était digne d'elle.
— Qu'est-ce qui t'amène par ici, Caroline ? s'enquit Rebekah avec intérêt. Je n'ai pas beaucoup l'occasion de rencontrer beaucoup de personnes comme nous, ces derniers temps.
— Rebekah !
La voix de Klaus était froide. « N'en fais pas trop. » Méfiant à son tour, il se gardait bien de dévoiler certains détails. Sa petite sœur émit un long soupir exaspéré. Elle semblait aussi seule que son frère, à dire vrai, et c'était lamentablement drôle.
Caroline masqua son sourire en coin :
— L'alcool et les festivités, sans doute, répondit-elle.
Ouais, c'est un foutu rêve qui me force à rester collée à vous.
Même dans son sommeil, elle était incapable d'être tranquille et rêver de Bambi, de petite fleurs et d'un peu de sexe. Un nouveau verre glissa devant elle, et elle l'avala. C'était presque automatique, comme si elle ne se contrôlait pas. On ne pouvait pas être ivre, dans un rêve. Au fond, elle pouvait peut-être contrôler chaque détail.
Si elle imaginait que Klaus mourrait subitement ? Elle essaya, mais il se tenait toujours à sa droite, aussi vivant et presque aussi réel que d'habitude. Bon. Elle n'avait pas encore les capacités de Damon, en ce qui concernait les rêves. Elle aurait sans doute besoin d'entraînement. D'un entraînement intensif.
Rebekah s'accrocha au bras de Stefan. Il lui semblait que Klaus posait un regard étrange sur eux. Peut-être que Klaus aimait les plans à trois ?
Caroline eut envie de rire et de rougir à la fois. Peut-être qu'on pouvait réellement être saoul, dans un rêve. Elle ne savait pas si c'était son esprit qui s'enfonçait un peu plus dans le sommeil, ou l'effet imaginaire de l'absinthe, mais les sons tumultueux se mêlaient, dans un vacarme presque assourdissant pour son ouïe fine, et sa vue se troublait. D'ailleurs, elle avait même l'impression d'avoir la nausée et se demanda avec sérieux si se serait drôle de vomir sur Klaus.
— Je suis ravie d'avoir fait ta connaissance, Caroline. J'espère qu'on se reverra, c'est tellement ennuyeux en ce moment.
L'originelle était étrangement joviale. Presque insouciante. Elle fut dubitative en les regardant s'éloigner à nouveau pour s'entrelacer joyeusement un peu plus loin. Elle n'aurait pu imaginer la voir comme ça dans la réalité. Peut-être qu'elle n'était tout simplement pas d'un naturel agressif et méfiant. Après tout, cette Hyène avait dû être humaine, elle aussi. Elle n'avait sans doute pas oublié ce que c'était. Elle se souvenait qu'Elena avait déjà eu pitié d'elle, mais ça ne la dérangerait pas de la voir disparaître. Et un souci de moins ! Un !
En attendant, le rêve s'éternisait, et elle avait la nausée. C'était peut-être la multitude d'odeurs et toutes ces sensations improbables qui se mêlaient qui lui donnaient envie de vomir. Elle trouvait cela étrangement délicieux.
— Alors… Caroline, qu'est-ce que tu viens faire ici ?
Elle avait l'impression qu'il essayait d'user de son pouvoir pour la contraindre à lui répondre sincèrement. Sa voix, à l'accent terriblement agaçant, la confortait dans cette idée, de même que ses prunelles étincelantes plongées dans les siennes. Ses pupilles se dilatèrent dangereusement. Cela ne fonctionna pas. Fort heureusement, elle aurait fini par se poser des questions.
Caroline força un sourire aimable :
— J'essaie de survivre et d'être heureuse, même s'il paraît que je suis morte.
Sa réponse n'avait rien de bien joyeux, contrairement à ce que son visage laissait paraître. Elle était même totalement ironique, comme jamais. Elle évitait de dire ce genre de choses, qu'elle pensait réellement.
Ses mots semblèrent décontenancer l'hybride. Il ne s'attendait sans doute pas à sa réponse. Un drôle d'éclat traversa ses prunelles, comme une vérité qu'il peinait à masquer aux yeux des autres. Elle s'en foutait pas mal, après tout. Il avait mille ans d'existence, et il n'était même pas réel.
Finalement, il sourit, sans faire semblant et parut fasciné.
— Vraiment ? Tu ne sembles pourtant pas si désabusée, Caroline.
— Alors je suis une bonne comédienne.
Elle rit, comme elle en avait l'habitude, et se sentit un peu mieux. La nausée l'avait quittée. Elle cessa son éclat de rire lorsque dans un étrange élan, la main brûlante de Klaus glissa sur son avant-bras, pour rencontrer le bracelet en diamant qu'elle portait. Il la regarda curieusement, puis baissa les yeux vers son bras, interloqué.
Elle frissonna et le sentit se tendre, très proche d'elle. Il ne semblait plus si charmeur, à présent. Il était de plus en plus méfiant, tout en restant fasciné. Je ne risque rien du tout.
Il cessa tout bonnement de sourire lorsqu'il releva le visage vers le sien.
— Où as-tu eu ça ?
Sa voix n'était plus qu'un souffle rauque et dangereux, qui lui fit peur. Elle se reprit cependant et sourit, ingénue.
— Ça ? C'est un salaud qui me l'a offert.
Il avait sans doute reconnu le bracelet. Klaus n'était pas du genre à oublier les choses qu'il avait en sa possession. Il se crispa, et un éclat de colère surpassa le reste de ses émotions. Ses yeux devinrent impénétrables et son visage se ferma. C'en était terminé, de ses sourires charmeurs et agaçants. Tant mieux. Elle ne rêverait sans doute plus de cet hybride.
Un rêve, c'est un rêve. Elle pouvait parfaitement en rester maîtresse.
Il enserra davantage son bras, lui infligeant une légère douleur, qui s'estompa et la tira vers lui. Il voulait sans doute l'effrayer.
— Où as-tu eu ça ? répéta-t-il.
Elle écarquilla les yeux, à présent terrifiée. Réveille-toi bordel ! Ils étaient si proches qu'elle pouvait distinguer la profondeur abyssale de son regard, et chacun de ses traits dangereusement froids. Sa chaleur corporelle sembla même changer sous l'effet de la colère, et il cessa de respirer. Les veines disparaissaient autour de ses yeux, pour revenir tout aussi vite.
— Comment est-ce que tu me connais ? Réponds ! siffla-t-il.
Caroline pria pour se réveiller, et tenta de se dégager.
— Lâche-moi, souffla-t-elle. Bordel de cauchemar de merde !
La politesse lui échappait, et cela arracha un sourire cruel à l'hybride. La fascination et l'étonnement dansèrent encore dans ses prunelles avant de disparaître. Il la relâcha lentement et s'écarta, pour s'asseoir à nouveau convenablement. Comme si rien ne s'était passé.
Autour d'eux, personne ne semblait avoir remarqué la scène, et Caroline semblait au bord de la suffocation.
— Ce n'est que partie remise, sweetheart.
La lueur de défi éclaira le visage de Klaus. Quelque chose qu'elle connaissait maintenant très bien.
La nausée la reprit, et elle se leva rapidement pour trouver la sortie et vomir. Elle était sûre qu'elle allait vomir.
Trompettes, rires, fumée, alcool, parfums et couleurs… Tout repassa dans son regard, dans un kaléidoscope plus désagréable que jamais de sensations, et elle se fraya un chemin jusqu'aux portes. Elle sentait son regard posé sur elle. Il fallait qu'elle sorte. Vomir. Vite.
Lorsqu'elle poussa enfin les doubles portes, lourdes et étanches, elle tomba à genoux et ne ressentit plus rien.
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BOUM
Le fracas la réveilla en sursaut. Elle s'était lamentablement étalée dans son sommeil sur le sol du salon, où son film à l'eau de rose se terminait.
Elle mit plusieurs secondes avant de réaliser qu'elle n'était pas à Chicago, entourée de ses ennemis jurés, mais bel et bien au pied de son canapé, là où elle s'était trouvée avant ce cauchemar.
C'était bel et bien un rêve. Un rêve qui lui semblait tellement réel qu'elle avait eu l'impression d'y passer.
La seconde d'après, la nausée la reprit et Caroline se précipita aux toilettes pour y vomir tout ce qu'elle avait ingurgité.
Elle eut l'épouvantable impression de renvoyer de l'absinthe, ce qui lui brûlait les narines, alors qu'elle était persuadée de ne pas en avoir bu. C'était un goût reconnaissable entre mille.
Une chose était sûre, elle devenait folle. Le fait que Klaus ne la lâche plus d'une semelle la rendait cinglée et elle serait bientôt à enfermer.
Ça ne sert à rien d'en faire tout un plat. Demain tout redeviendra comme d'habitude. Tu es juste malade.
On aurait dû la prévenir que même un vampire pouvait vomir. Elle avait une subite envie de frapper son poing contre la cuvette et de crier 'REMBOURSEZ-MOI !'.
Ouais. Sauf qu'on pouvait devenir vampire, mais qu'on ne redeviendrait jamais humain.
Quelle merde !
Subitement, elle haïssait encore plus Klaus le sociopathe, sa petite famille, et elle se détesta.
Tu deviens vraiment cinglée, ma pauvre fille.
