De Feu et de Glace
Ch 1, Prologue
La pluie s'abattait doucement contre la vitre froide, presque comme si elle avait craint de la déranger en faisant trop de bruit. Le ciel, derrière la petite fenêtre embuée de sa chambre était aussi gris et morne que ses émotions. Elle soupira. Avec l'air son corps recrachait cette détresse amère qui la berçait depuis maintenant une semaine. Elle leva les yeux vers l'horizon incertain. Il ne viendrait pas. Elle avait été idiote de croire qu'il viendrait, qu'elle le reverrait tout court. Après tout, pourquoi reviendrait-il ? Une larme se forma au coin de son œil et coula lentement le long de sa joue, de son menton, dans son cou avant de se perdre dans le col de son pull, brûlant tout sur son passage. Elle avait été idiote. Elle soupira à nouveau, plus agressive cette fois, et déplia lentement ses jambes engourdies de sous elle. Elle sauta du rebord de la fenêtre alors que le jour commençait à reprendre vraiment le pouvoir sur le paysage vert du dehors. Il y a encore quelques instant, les plaines étaient grises, plongées dans cette lumière terne qui tombe comme la pluie et impose le silence. Maintenant, les oiseaux commençaient à chanter. Les arbres et l'herbe sortaient de leur torpeur pour revenir à la vie. Et Ginny voulait revenir à la mort. Ne plus rien voir, ne plus rien sentir. Ne plus l'attendre, tout en sachant que c'était en vain. Ne plus souffrir.
Elle secoua la tête, faisant danser son épaisse crinière de feu. Prenant une mèche entre ses doigts, elle la fit jouer dans le soleil naissant alors qu'elle regagnait son lit, admirant les nuances de roux et les reflets d'or. Il lui avait dit une fois qu'il adorait ses cheveux. Depuis, elle aussi avait appris à les aimer. Avant, ils n'étaient qu'un trait caractéristique de sa famille. Elle les avait toujours porté longs, parce qu'épais et lisses comme ils étaient, ils tombaient en cascade le long de son dos, et ne supportaient pas les demi-longueurs. Mais elle ne les avait jamais vraiment considérés comme quelque chose de spécial, jusqu'à ce qu'il lui fasse la remarque. Elle avait passé des heures à se contempler dans son miroir, radieuse. Aujourd'hui, alors qu'elle jeta un coup d'œil au dit miroir depuis son lit, elle détesta ses cheveux.
La pendule au dessus de son bureau affichait six heures moins le quart. Il était trop tard pour aller dormir. Bientôt, Molly serait levée et entrebâillerait la porte de sa chambre du deuxième étage. Alors elle trouverait Ginny sous ses couvertures qui ouvrirait les yeux. La mère sourirait à sa fille, croyant qu'elle se levait tout juste. Puis elle lui proposerait de l'aider à préparer le petit déjeuner pour ceux qui se lèveraient plus tard. Et Ginny acquiescerait. Elle plaquerait sur son visage le masque de la sympathie, de la crainte et de la solidarité. Elle parlerait à ses frères, elle cuisinerait avec sa mère, elle prendrait peut-être même un balais pour aller jouer avec les jumeaux. Et puis elle tiendrait les mains les plus proches, tandis qu'ils écouteraient la radio leur donner des nouvelles du monde magique, de Ron, Hermione et Harry, avec sur son visage l'expression d'angoisse, puis de soulagement lorsque le programme se serait terminé sans annoncer la mort d'un proche. Cette expression qu'elle savait si bien faire, à force de s'entrainer à cacher son vrai visage.
Car sous ses airs tout à fait normaux, à une semaine de l'attaque de Mangemorts en plein milieux du mariage d'un de ses frères, Ginny n'avait que faire du monde qui l'entourait. Tout ce qui comptait, c'était ce monde qu'ils s'étaient créés, et qu'on leur avait détruit. Elle haïssait de toute son âme celui qui les séparait ainsi. Oui. Ginny Weasley, comme le reste de sa famille, haïssait Voldemort. Mais elle, ce n'était pas le retour à un monde en paix et en sécurité qu'elle voulait. C'était de retrouver son monde avec lui. Et elle se fichait pertinemment du triomphe d'Harry Potter. Elle ne voulait pas sa mort, bien entendu. Pas plus que celle de son plus jeune frère ou de sa meilleure amie. Elle était juste complètement indifférente à ce qui pourrait leur arriver. Il fut un temps où ces trois-là avaient été sa vie. Où elle aurait tout donné pour qu'Harry la regarde de la façon dont il l'avait regardée au mariage de Bill. Mais à présent, elle vivait dans un autre univers. Moins gai, plus sombre, plus complexe. Il fallait l'admettre. Mais tellement plus captivant. Elle n'avait jamais ressenti de passion, avant de rencontrer Draco Malfoy.
