Chapitre 1 : Octobre 1985
Elle avait donné vie dans la souffrance et dans la douleur. Désormais, sa vie serait de toute façon condamnée. Elle vivrait avec cet enfant qui lui rappellerait chaque jour ce qu'elle avait subi un soir de février en rentrant tardivement de l'université.
Comment allait-elle le supporter ? Comment vivre tous les jours à ses côtés ? Elle n'était pas heureuse comme elle aurait dû l'être face à un acte qui rendait heureuses la plupart des femmes aspirant à ce bonheur qui leur offrait une plénitude parfaite.
Le personnel médical ayant ressenti le malaise la mère, arrivée seule et dont les seuls mots prononcés furent : « l'enfant arrive »
Elle avait éjecté d'elle-même cette toute petite vie. Quand le médecin voulu la mettre dans ses bras comme toutes les mères le rêvaient, elle refusa de prendre l'enfant et tourna sa tête. Elle ne dit rien ….son visage resta aussi impassible que le goût d'amertume qu'elle avait à ce moment-là pour la vie. Aucune larme ne vint troubler le silence de cette pièce quand l'infirmière emmena la petite fille loin de ce que l'on pouvait appeler sa génitrice.
L'infirmière désirant ne pas forcer la mère emmena l'enfant à la nurserie où elle le déposa dans un berceau. Sur son minuscule bracelet rose, rien ne fut écrit…elle fut surnommée la petite fille sans nom.
La nuit était tombée. Elle se réveilla quand même au bout de quelques heures de sommeil.
Elle se leva et longea les couloirs de la clinique. On entendait au loin quelques braillements d'enfants. Elle s'avança vers la pouponnière où étaient posés quelques nourrissons.
Il fallait qu'elle ose regarder l'enfant de ce monstre qu'elle allait devoir élever. Serait-elle capable de l'aimer ?
Elle devait oser affronter ses peurs, elle n'avait pas le choix.
A force de cogiter, de penser à sa décision, elle avait fini par dépasser le stade légal de l'avortement.
Son regard se dispersa à travers la vitre. Comment la reconnaître ? Laquelle était-ce ? Laquelle possédait les gênes de ce monstre qui avait ruiné sa vie ?
Laquelle était-ce ? Elle avait beau chercher, elle ne la reconnaissait pas, tous ces poupons se ressemblaient tellement.
- Vous cherchez votre petite fille madame Benson ?
- C'est une fille ?
- Une merveilleuse petite fille. Elle est déjà très calme.
- Je suis contente que ce soit une fille.
L'infirmière restait intriguée par cette femme qui n'avait pas souhaité regarder son enfant, ni le prendre dans ses bras.
- Vous voulez la voir ?
Elle hocha la tête sans dire un seul mot.
- La première en partant de la droite….elle est superbe. Elle est déjà très calme pour un nourrisson.
Elle regardait sa petite fille en se demandant si elle lui ressemblerait.
- Vous avez choisi un prénom.
- Pas encore
- Peut-être qu'en le tenant dans vos bras, vous aurez une idée.
La mère restait toujours silencieuse, le regard perdu.
- Je vous l'amène dans votre chambre
- Si vous voulez ?
Elle regagna sa chambre et attendit.
L'infirmière arriva avec l'enfant qu'elle lui mit dans les bras.
- Elle vous ressemble déjà
- Merci ….ces simples mots prononcés par cette infirmière qu'elle ne connaissait pas la rassurèrent un peu….ainsi sa fille lui ressemblerait peut être….
- Olivia dit-elle, je vais l'appeler Olivia
- C'est un prénom magnifique.
