CHAPITRE 1 : LE PREMIER JOUR

La cloche sonna le début des cours et Remus Lupin tressaillit. Il se sentait vaguement nauséeux et une boule semblait s'être bloquée dans sa gorge. Première heure de cours. Premier jour de cours. Premier cours… tout court.

Une fois de plus, il frotta ses mains moites l'une contre l'autre en se demandant ce qu'il faisait là. L'angoisse de cette rentrée l'avait tenu en éveil toutes les nuits de la semaine écoulée. Serait-il capable d'intéresser ses élèves ? De les faire progresser ? De leur enseigner ? Bien sûr, il avait immédiatement accepté la proposition du professeur Dumbledore.

« Remus, je viens vous demander si vous accepteriez d'enseigner à Poudlard cette année. Je voudrais vous proposer le poste de Défense Contre les Forces du Mal. »

En regardant les premiers élèves s'installer bruyamment devant lui, il eut un sourire. Et la vague de joie, de fierté, d'émotion qu'il avait ressentie alors le submergea à nouveau. Il n'avait même pas pris le temps d'être surpris. Il n'avait même pas répondu réellement à la question que lui posait le Directeur de l'école. Il avait seulement répondu « Merci Professeur Dumbledore. » de la voix la plus ferme possible à ce moment là… autant dire qu'elle tremblait quand même un peu ! Dumbledore avait sourit.

« Il y a longtemps que je pense à vous… mais… ah ! Vous connaissez mieux que moi, hélas, les difficultés, les blocages… J'ai enfin obtenu de Fudge de faire un essai. Si tout se passe bien… »

Le tumulte des chaises repoussées et des conversations s'étaient tû. Les élèves étaient maintenant assis en face de lui, silencieux, attentifs.

« Je ne vous fais pas la charité, Remus… vous serez un bon enseignant. Je suis intimement convaincu que vous êtes fait pour ce travail. Je suis heureux que vous acceptiez… »

Il se leva, avala sa salive. Des « dernière année » se tenaient devant lui. Des « grands ». La classe la plus intimidante.

« Bonjour à tous. Je suis le professeur Remus Lupin, comme le professeur Dumbledore vous l'a dit hier soir. Bon, entrons dans le vif du sujet. A la fin de l'année : les ASPIC. Mon job : vous préparer le mieux possible à les affronter et à affronter l'après-Poudlard ! Votre job : travailler, étudier, vous entraîner… En ce qui concerne la matière que j'enseigne, n'hésitez pas à venir me voir si vous avez des difficultés. Evitez d'accumuler les incompréhensions et les échecs en vous disant que vous finirez par y arriver ! Vous risquez d'être vite dépassés. Et vous ne pourrez pas vous permettre de prendre du retard cette année. En cas de problème, mieux vaut en parler le plus tôt possible afin de le résoudre le plus rapidement possible. »

Il scruta les visages. Certains semblaient l'écouter avec intérêt. D'autres avaient l'air indifférents. Un ou deux élèves tentaient visiblement de ne pas s'endormir. Son regard se porta presque malgré lui sur le banc de gauche, le deuxième du rang. Un grand garçon blond, à l'air éveillé, occupait cette place, qui était sa place, à lui, quand il était élève. Et à côté, à la place de Peter, il y avait une fille à lunettes. Derrière, à la place de …

« C'est une année difficile qui vous attend… mais ce sera une année passionnante. En tout cas, en ce qui concerne la Défense Contre les Forces du Mal » ajouta-t-il avec un sourire. « Nous étudierons, dans un premier temps, tout ce qui a trait à l'esprit, nous nous intéresserons à nos capacités de « sentir » les autres. Tout d'abord en travaillant sur le corps humains. Vous devrez être capable à la fin de l'année de détecter au toucher des blessures magiques et d'y apporter des premiers soins. Nous aborderons aussi l'occlumancie : comment fermer son esprit et empêcher qu'un autre puisse pénétrer dans notre mental et la légilimancie … Vous continuerez également cette année à apprendre le combat en duel…mais l'étude de la légilimancie devraient vous permettre également de vous initier aux combats en équipe…Avez-vous des questions ? Non ? Eh bien au travail. Rangez vos baguettes !»

Les élèves rentrèrent leurs baguettes. Il les entendit rechigner… ils n'aimaient pas qu'on leur dise de ranger leur baguette ! Cela annonçait presque toujours un cours théorique… et « théorique » était synonyme d' « ennuyeux » dans la plupart (tous ?) de ces jeunes esprits. Quand tous se furent relevés, il leur sourit et reprit son propos :

« Vous avez l'habitude d'utiliser vos baguettes magiques pour faire les choses les plus simples… Or, lorsque l'on maîtrise suffisamment les sorts de base, la concentration suffit. La baguette donne de la puissance à vos sorts… mais elle ne jette pas le sort à votre place. Exemple : recurvite ! »

Le professeur Lupin avait regardé simplement le bureau de Liza Golding. Celle-ci en rangeant sa baguette avait renversé son plumier et tentait d'éponger l'encre qui dégoulinait partout avec son mouchoir. L'encre disparut aussitôt.

« C'est une notion importante à acquérir avant de se lancer dans les gestes guérisseurs. Vous devez prendre conscience de l'effort que votre cerveau est capable de fournir pour réunir votre potentiel magique. Ensuite vous apprendrez à ouvrir votre esprit à ce qui vous entoure, puis aux autres… Nous n'allons pas essayer avec le sort de nettoyage pour le moment. Je vous propose plutôt de vous mettre par deux et de mettre une feuille de parchemin entre vous. Vous maîtrisez tous, j'imagine, le sort d'attraction ? Essayez donc de la tirer à vous chacun votre tour. Et on ne souffle pas dessus ! »

Les élèves obéirent et commencèrent à travailler dans les rires. Lupin passait voir les groupes, félicitant ceux qui arrivaient du premier coup, et aidant les autres. Certains avaient visiblement de gros problèmes pour se concentrer. Alors qu'il conseillait une élève de Gryffondor, son regard fut attiré par une jeune fille qui se tenait seule et qui regardait par la fenêtre. Il s'approcha d'elle.

« Vous êtes seule ? »

Elle tourna vers lui un regard surpris. Il lui semblait visiblement tout à fait incongru d'être ainsi arrachée à sa rêverie.

« Oui.

- Comment vous appelez-vous ?

- Alix O'Brien. »

Remus se dit que son ton dédaigneux et son regard légèrement sardonique étaient merveilleusement assortis au foulard vert et argent qu'elle portait autour du cou. Mais il s'en voulut immédiatement… maintenant qu'il était professeur, il devait oublier les a priori négatifs que lui inspiraient les élèves de Serpentard. Il remarqua que les autres s'étaient tus.

« Eh bien nous allons travailler ensemble. Voyez, je pose cette feuille de papier sur la table. Allez-y … essayez de l'attirer à vous. »

Elle avait suivi son geste des yeux, qu'elle avait gris très clair, puis croisa son regard à nouveau. Il y eut un court instant durant lequel il lui sembla qu'elle hésitait. Mais, elle regarda la feuille sans rien dire, sans même remuer les lèvres et celle-ci vint à elle. Elle la prit dans sa main et la tendit à Lupin.

« Voilà.

- Bravo Miss O'Brien. Puisque cela ne vous pose aucun problème, je vous remercie de bien vouloir aider Miss Williams… euh… c'est bien ça ? Williams ? »

Une grande fille blonde fit oui de la tête en rougissant. Alix s'approcha d'elle nonchalamment et lui prit le bras.

« J'ai bien peur que Miss Williams n'ait pas envie de jouer avec moi, Professeur. » répondit Alix O'Brien d'un ton faussement ennuyé. Elle toucha l'épaule du grand rouquin qui se trouvait juste à côté d'elle « Quant à Weasley, il est en train de se dire qu'il préfère attendre le cours de premiers soins aux blessures magiques… Pour pouvoir apposer ses mains sur moi » souffla-t-elle en baissant le nez d'un air faussement gêné.

Percy Weasley devint aussi rouge que ses cheveux.

« Non finalement, je crois que je vais rester près de la fenêtre »

Elle avança d'un pas mais Lupin l'a retint par le bras. « S'il vous plait, Miss… »

Elle regarda sa main puis leva les yeux vers lui avec une froide insolence.

Sans qu'il sut pourquoi, une gêne l'envahit.

La cloche sonna, annonçant la fin du cours.

« Sauvé par le gong ! Tout l'monde dehors ! » s'exclama alors la jeune fille en entendant la cloche. Elle attrapa son sac et s'éloigna à grands pas « A demain, Professeur Lupin ! »

Les élèves étaient restés silencieux. Ils sentaient leurs regards posés sur lui.

Il retourna vers son bureau et dit simplement en faisant apparaître quelques consignes sur le tableau, d'un coup de baguette : « Eh bien, Miss O'Brien, était bien pressée de nous quitter… Quelqu'un pourra-t-il lui faire part du devoir que vous devrez me rendre la semaine prochaine ? »

Le jeune homme blond leva la main et fit un signe de tête.

« Je vous en remercie, Monsieur ?

- Turner.

- Très bien Monsieur Turner… Bon, je vous laisse à tous le temps de faire vos recherches pour ce devoir… mais nous nous retrouvons demain… et je voudrais que vous soyez tous à même d'attirer le parchemin à vous sans baguette magique… Ce n'est pas une question de pouvoir, c'est une question de concentration… donc vous en êtes tous capables ! »

Les élèves notèrent rapidement leurs devoirs et la classe se vida dans un joyeux brouhaha … pour se remplir presque aussitôt, mais beaucoup plus silencieusement. Des premières années prenaient place, l'air impressionné. Remus leur sourit gentiment. Il regarda le banc à gauche, deuxième du rang… et l'autre, celui qui était derrière… et reporta son regard sur l'ensemble de sa classe.

« Bonjour. Je suis Remus Lupin… »

... ... ... ... ...

Lorsque Lupin prit place à table, le soir, le professeur Dumbledore lui laissa à peine le temps de s'asseoir avant de lui demander : « Alors, Remus, cette première journée ? Comment s'est-elle passée ?»

Remus sourit.

« Bien, je crois, Professeur. J'ai rencontré la plupart de mes élèves aujourd'hui. Je pense que tout s'est bien passé. Par contre, je voulais vous demander si je pouvais emmener les 3ème année, jeudi, dans la salle des professeurs… un épouvantard s'est glissé dans la penderie… Je sais que ce n'est pas le premier thème à aborder dans le programme… mais l'occasion est si belle !

- C'est une excellente idée ! Je n'y vois pas le moindre inconvénient.

- A dire vrai, je trouve que c'est un excellent sujet pour un premier cours. Neutraliser un épouvantard est facile et amusant : c'est valorisant pour les élèves les moins assurés… »

Il relatait les difficultés qu'il avait rencontrées avec un « première année » qui s'était mis à pleurer en disant qu'il pensait être un cracmol lorsqu'il eut l'impression qu'on le regardait. Il chercha dans la foule des élèves le visage qui devait être tourné vers lui et croisa très rapidement le regard d'Alix O'Brien. Celle-ci ne parut pas décontenancée le moins du monde, lui fit un léger signe de tête, et se détourna.

« Et alors Remus ? demanda Minerva Mc Gonagall. Qu'avez-vous fait ?

- Oh, il n'y avait rien que je puisse faire. C'était une véritable crise de nerfs… les parents de cet enfant semblent lui mettre une pression énorme ! Je l'ai accompagné chez Madame Pomfresh… et je lui parlerai demain.

- Bien sûr, si vous voulez… mais en tant que Maîtresse de Gryffondor je pense que cela me revient.

- Bien sûr, Minerva… pardonnez-moi, je n'y ai même pas pensé ! … Dites-moi… que pouvez-vous me dire sur Alix O'Brien ? »

Les lèvres du Professeur McGonagall se pincèrent.

« Ah ! Je vois : vous avez eu à faire à elle !

- Une jeune fille remarquablement douée ! intervint Rogue

- Il n'y a aucun doute là-dessus ! mais elle est aussi d'une insolence insupportable, mon cher Severus.

- Que s'est-il passé avec Alix O'Brien ? demanda Dumbledore, en se détournant de Madame Bibinne avec laquelle il semblait pourtant en grande conversation.

- Oh rien… enfin si ! Mais rien de grave, répondit Lupin. Elle refuse de se mêler aux autres, de travailler avec les autres. Et surtout, pour ce que j'en ai vu ce matin… elle est d'un niveau bien supérieur à celui de la classe. J'exagère peut-être, mais je me demande ce que je vais lui apprendre ! Elle fait bouger les objets sans baguette, elle est légilimens et je suis persuadée qu'elle est aussi occlumens.

- Je n'ai jamais aimé travailler avec les autres ! dit Rogue d'un ton dédaigneux. Je trouve que cette manie de faire travailler les élèves deux par deux , systématiquement, est une perte de temps… On travaille aussi bien tout seul ! Et plus silencieusement !

- Je ne me souviens pas de ce qu'il en était pour toi, Séverus, répondit Lupin, hypocritement mais une pointe d'ironie dans la voix, mais j'ai eu l'impression que les autres non plus ne voulaient pas d'elle.

- Alix O'Brien est la morgue en personne ! coupa McGonagall. Elle se tient à l'écart de tous et n'en fait qu'à sa tête depuis le premier jour. Elle est la seule élève à avoir refusé de poser le choixpeau sur sa tête !

- Comment ça ?

- Elle est montée sur l'estrade, elle est restée debout et elle a clamé « Serpentard ! » avant même que j'aie eu le temps de prendre le chapeau. Puis elle a regardé Dumbledore et elle est descendue s'asseoir à la table des serpentards.

- Elle ne veut pas que l'on décide pour elle, voilà tout ! s'exclama Rogue. Et vous n'y verriez pas d'inconvénient si elle avait choisi Gryffondor !

- Nous avons nos traditions, ici, Severus ! Il y des choses qui se respectent ! Elle ne respecte rien. Elle a refusé d'être Préfète !

- Elle s'en est expliquée dans une lettre très bien tournée ! précisa Dumbledore. Vu ses résultats scolaires, nous ne pouvions que lui proposer cette responsabilité. Elle a répondu qu'elle ne pouvait pas être préfète et représenter auprès des élèves une direction dont elle n'approuvait pas la politique. Toutefois, elle nous remerciait de l'en avoir estimée capable. Mais, il demeure que c'est la seule fois qu'un refus nous ait été opposé !

- Elle est ici pour apprendre…et elle le fait bien ! Elle travaille plus que tout autre. Elle va plus vite que les autres. Elle passe son temps à la bibliothèque. Et effectivement, elle est en avance sur les programmes depuis le début. Moi, je la fais travailler à part !

- Bien sûr , Severus… mais votre matière s'y prête peut-être mieux que la Défense Contre les Forces du Mal ou la Métamorphose… et puis surtout…- Albus Dumbledore soupira – j'aimerais mieux avoir Miss O'Brien avec nous que contre nous… Nous savons que peuvent venir des temps où nous compterons nos forces. Ce ne serait pas un mal que Miss O'Brien apprenne la solidarité avant de faire des choix… Mon Dieu… les choix que l'on imagine ! »