Absorption

Lorsqu'un ange prenait possession d'un véhicule, c'était afin d'interagir avec l'humanité. Apparemment, il semblait qu'avec un corps humain, lequel contenait une âme humaine avec qui il fallait partager, un être céleste pouvait mieux comprendre les hommes. Faire lui-même preuve d'humanité.

Mais ce que beaucoup parmi les anges ne savaient pas, était que s'approprier un véhicule rendait véritablement l'ange plus humain.

Une âme humaine et une grâce angélique ne pouvaient tout simplement pas cohabiter dans la même enveloppe. A la longue, il y aurait eu incompatibilité, laquelle aurait conduit à une violente réaction de rejet.

Il fallait donc que l'une des deux disparaisse.

Lorsque le véhicule n'était utilisé que pour une courte période, tout allait bien. C'était lorsque l'enveloppe devait servir à long terme que les choses se compliquaient.

Lorsque deux forces s'opposent, c'est la plus faible qui perd, tout le monde savait cela. Hélas pour les humains, leurs âmes avaient beau être d'immenses sources de puissance, elles l'étaient bien moins qu'une grâce angélique.

Le processus était graduel, dépendant surtout de la puissance de l'ange. En l'affaire de quelques semaines, Gabriel avait totalement oblitéré l'âme de Mar Einarsson, simple pêcheur islandais né au quatrième siècle après Jésus Christ.

Jimmy Novak avait survécu plus longtemps, aidé par le fait que Castiel s'était rebellé et donc coupé du Paradis qui lui apportait une dose non négligeable de puissance. Mais cela n'avait jamais été qu'un sursis : inexorablement, la grâce de l'ange gardien des Winchester avait rogné son âme, lui arrachant continuellement des miettes de souvenirs et de ressentis.

Et lorsque Castiel s'était réveillé à Delacroix, Jimmy Novak avait cessé d'exister.

Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, tel était le principe énoncé par le physicien français Antoine Lavoisier. L'âme d'un véhicule ne disparaissait pas à proprement parler, elle se fondait juste dans la grâce de son ange, comme une pincée de sel dans l'eau, sans espoir de se reformer un jour.

Fusionner avec une âme humaine n'était pas une expérience dont l'ange sortait indemne. Car il héritait de fragments d'humanité : quelques souvenirs, des goûts nouveaux, parfois des traits de caractère.

Chez certains, l'expérience connaissait des résultats négatifs, puisqu'ils n'en ressortaient pas avec une compréhension améliorée de l'humanité. Pour d'autres, l'expérience connaissait plus de réussite. Tout était une question d'individu.

Personne ne savait ce qui arrivait à la grâce d'un ange lorsque celui-ci était tué. Les anges ne croyaient pas en l'au-delà pour leur espèce, pourquoi en auraient-ils eu un alors qu'ils n'avaient pas d'âme ?

Mais les fragments d'âme fusionnés avec la grâce, que leur arrivait-il ?

Aucun ange ne le savait. Main intérieurement, beaucoup pensaient que les fragments rejoignaient enfin le Paradis. La perspective était tranquillisante pour les résidents des Sept Cieux.

Si une partie d'eux était digne de subsister après la mort, ils ne pouvaient pas être réduits à de simples drones obéissant aux ordres qu'on leur assignait.