1630, Asbury Avenue
Auteur : Et bien c'est toujours moi !
Date de création : Mai 2009
Genre : Amour, humour, drama… crime.
Dénégation : Seuls les personnages que j'ai créés m'appartiennent (vous reconnaîtrez vite ceux que je n'ai pas créés). Je ne tire évidemment aucun profit financier de ces écrits.
Notes :
- Sachez que je mets toujours un point d'honneur à faire très attention à mon orthographe. Cela étant dit, malgré ma vigilance et de nombreuses relectures, si quelques fautes me font l'affront de vouloir persister, j'implore votre indulgence.
Information :
Cette fic est la suite de «Apartment 17B », c'est un genre de Tome II en fait ^^
Avertissement :
Comme dans le premier tome, certains passages seront assez citronnés, je les signalerai en début de chapitre.
Elle connaissait le mode d'emploi par cœur ; patienter une dizaine de minutes, croix bleue, c'est positif, trait rose, c'est négatif. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de le relire très attentivement à chaque fois, comme si ça allait améliorer ses chances. Cependant elle ne nourrissait pas de trop grands espoirs cette fois. Elle avait juste un peu de retard, ce qui lui faisait penser que peut-être… Mais après quatre échecs, quatre espoirs déçus, elle avait compris qu'il valait mieux mettre une certaine distance, un certain détachement vis-à-vis du résultat attendu.
Elle regarda sa montre. Ça faisait un peu plus de dix minutes, presque onze en fait. Le cœur battant, elle s'approcha du lavabo, saisit le test qui était posé face contre l'émail blanc et le retourna d'un coup. Trait rose. Ça lui fit un mal de chien. Comme un coup de poignard en pleine poitrine qui lui coupa le souffle. Elle fit quelques pas pour aller s'asseoir sur le bord de la baignoire et prit de profondes respirations pour ne pas se mettre à pleurer. Et la distance, bon sang ! Et le détachement !… La vérité c'est qu'au fond d'elle, elle avait quand même espéré que cette fois serait la bonne. Mais non. Et le trait était si net, le rose si vif, qu'aucun doute n'était possible et elle eut l'impression qu'on prenait un malin plaisir à remuer la lame enfoncée dans sa poitrine pour la blesser davantage encore.
Elle jeta le test et sa boîte au fond de la poubelle. Elle se regarda dans la glace, s'assura qu'on ne lirait rien de sa désillusion sur son visage, puis sortit de la salle de bain. Elle descendit les escaliers et rejoignit la grande cuisine de la maison.
Neena était agenouillée sur un des tabourets du bar et elle tapotait son petit doigt sur le bocal de monsieur Bulle pour attirer l'attention du poisson. Ses longs cheveux étaient remontés dans une queue de cheval qui formait de jolies anglaises et elle portait une petite robe blanche à fines bretelles qui lui donnait l'allure d'un ange.
- J'aimerais bien être un poisson, soupira-t-elle.
Son menton planté dans la paume de sa main, elle faisait glisser sur le bocal le bout de son index que monsieur Bulle s'amusait à suivre.
- Au moins y sont toujours dans l'eau, y z'ont pas chaud.
Ce mois d'août était particulièrement caniculaire. Chicago n'avait jamais aussi mal porté son surnom de « Windy City ». Il n'y avait plus le moindre souffle d'air frais depuis des jours. Et il ne fallait pas avoir peur de fondre pour mettre un pied dehors.
Dans la maison, l'atmosphère était plus agréable. Michael avait réussi à détourner la ventilation pour en faire une climatisation de fortune qui diffusait un peu d'air frais dans toutes les pièces.
- Bon, on la fait cette tarte ! lança Sara avec ton le plus enjoué qu'il lui était possible d'adopter à ce moment précis.
- Ouais ! s'exclama Neena.
Elle descendit de son tabouret et vint se poster devant sa mère. Elle tendit les bras vers elle et Sara la leva pour venir l'asseoir sur l'îlot central de la cuisine. Elle y apporta ensuite la pâte sablée cuite et maintenant refroidie, la crème pâtissière préparée un peu plus tôt et les appétissantes fraises rouges déjà lavées et équeutées.
À peine avait-elle déposé la barquette de fruits sous son nez que Neena s'empara d'une fraise d'un geste vif et la porta à sa bouche avant d'afficher un petit sourire coupable et espiègle à la fois.
- Si tu commences à les manger comme ça il va plus en rester pour la tarte, lui fit remarquer Sara non sans un sourire amusé au coin des lèvres.
- C'était juste une petite pour goûter, se justifia Neena. C'est moi qu'étale la crème ! déclara-t-elle ensuite.
- Oui, oui…
Sara tendit une cuillère à sa fille, en garda une seconde pour elle, et toutes deux se mirent à repartir la crème pâtissière sur le fond de tarte. Une fois la mission accomplie, elles commencèrent à y disposer les fraises en rangs serrés. Et si Neena paraissait concentrée sur sa tâche, elle ne manquait pas de lancer de furtifs coups d'œil à sa mère dont elle constatait la mine morose.
- Pourquoi t'es triste ? finit-elle par demander.
- Je suis pas triste.
- Moi je trouve que t'as l'air triste.
Sara pinça ses lèvres pour refouler la peine qui menaçait de la submerger puis trouva la force de les étirer dans un sourire de façade.
- Non, ça va, je suis pas triste chérie, assura-t-elle à sa fille.
- C'est parce que papa il est jamais avec nous et qu'il te fait plus toujours des bisous comme avant ? insista Neena.
Le redoutable sens de l'observation des enfants.
- Papa travaille beaucoup, lui rappela Sara en essayant de se convaincre que c'était là une bonne raison aux absences de plus en plus pesantes de Michael. Et puis des bisous toi tu m'en fais pleins, alors tu vois, j'ai pas de raison d'être triste.
Neena la regarda en silence quelques secondes, tout sauf convaincue par l'argumentaire qu'elle venait de lui donner.
- Tu veux un câlin ? proposa-t-elle alors.
- Oui… Oui, je veux bien un câlin, souffla Sara, la voix quelque peu étouffée par toute l'émotion qu'elle contenait.
Neena s'avança à quatre pattes sur le plan de travail jusqu'à sa mère et se redressa sur ses genoux avant d'enserrer son cou entre ses petits bras. Sara referma les siens dans le dos de sa fille et la serra fort contre elle. Elle s'enivra de son parfum sucré et se gorgea de tout l'amour qu'elle lui envoyait et qui réussit à l'apaiser. Après de longues secondes, elle lui déposa un bisou sur les cheveux et relâcha son étreinte pour la libérer.
- Aller, il faut qu'on finisse la tarte avant que Lizzie arrive, déclara-t-elle tandis que Neena retrouvait sa place initiale et recommençait à disposer les fraises sur la crème pâtissière.
oOo
Assise au salon, plongée dans la lecture d'une revue médicale, Sara entendit un couinement de freins indiquant qu'une voiture venait de s'arrêter devant la maison. Elle tendit l'oreille, perçut un claquement de portière puis des cris dignes de bêtes qu'on égorge. Elle reconnut finalement la voix ferme de son amie qui ordonnait à ses fils de se calmer un peu et esquissa un sourire. Elle se leva de son fauteuil et alla ouvrir aux arrivants.
Lizzie arpentait l'allée jusqu'au perron avec un blondinet de dix-huit mois calé sur chaque hanche. Lorsqu'elle arriva enfin dans l'entrée, Sara en prit un dans ses bras.
- Bonjour Lucas, salua-t-elle le bambin en lui déposant un bisou sur la joue.
- Non, c'est Samuel, lui fit savoir Lizzie.
- Ah, mince. Bonjour Sammy, se reprit-elle. Bonjour Lucas, recommença-t-elle à l'attention du garçonnet resté dans les bras de Lizzie. Mais ils se ressemblent tellement aussi.
- Je sais, je sais, soupira Lizzie. Tu sais que j'ai encore fait ce cauchemar la nuit dernière, celui où ils sont en couche-culotte et qu'ils perdent leur gourmette tous les deux en même temps et que j'arrive plus à savoir lequel est lequel !
Sara pouffa de rire puis se dirigea vers le salon tandis que Lizzie lui emboîtait le pas. Elle déposa Samuel sur le tapis, Lizzie y déposa Lucas, puis Sara reprit sa place dans son fauteuil alors que son amie se laissait tomber sur le canapé en poussant un bruyant soupir.
- Vivement que les vacances se terminent. J'en peux plus ! David est obligé d'aller au lycée pour préparer la rentrée alors ça fait une semaine que je m'occupe des deux monstres toute seule, je crois que je vais devenir folle… Vous entendez les garçons, reprit Lizzie en élevant la voix pour se faire entendre de ses fils qui se chamaillaient bruyamment. Maman va devenir folle si ça continue et elle va se retrouver enfermée dans un asile avec tous ses patients !
- Tu dis ça mais je suis sûre que quand tu vas retourner au boulot et que tu les verras plus autant que tu le voudras ils vont te manquer, déclara Sara.
Elle observait tendrement les jumeaux qui, s'ils se ressemblaient comme deux gouttes d'eau, étaient aussi le portrait craché de leur père.
- Oh non, non, rigola doucement Lizzie. Ils me manqueront pas. Et je pense même que j'aurais plus de plaisir à passer du temps avec eux s'il m'est compté.
Alors que Lucas se tenait debout dans un équilibre précaire, agrippé d'une main au bord de la table basse, son frère lui attrapa le pantalon, ce qui eut pour effet de le faire tomber sur les fesses. Il se mit à hurler et Lizzie leva les yeux au ciel
- Bon sang, marmonna-t-elle en se levant du canapé. Arrête ton cinéma ! somma-t-elle à son fils en le remettant debout. T'es tombé de trente centimètres, t'as pas pu te faire mal. Et toi laisse ton frère tranquille ! ordonna-t-elle à Samuel qui poussa un cri strident de protestation insolente. Tu vois, c'est tout le temps comme ça, alors je t'assure qu'ils me manqueront pas, reprit-elle enfin à l'attention de Sara en se rasseyant sur le canapé. Et sinon, ça va toi ? Je te trouve une mine tristounette…
- Non, ça va.
- Sara… Pas à moi.
Sara esquissa un demi sourire. Évidemment qu'elle n'allait pas réussir à faire croire à Lizzie que tout allait bien.
- Trait rose, souffla-t-elle alors.
- Oh… Je suis désolée, se navra sincèrement Lizzie. Mais ça ne fait que cinq mois que vous essayez, tenta-t-elle de relativiser.
- Je sais mais… quand je pense que je suis tombée enceinte de Neena sous pilule et que là… Enfin je comprends pas pourquoi ça marche pas.
- T'es médecin, tu sais bien que ces choses-là il suffit pas de les vouloir pour qu'elles arrivent. La nature est capricieuse parfois. Laissez-vous encore un peu de temps, ça va finir par venir.
- Ouais… Mais encore faudrait-il que Michael veuille bien mettre un peu plus d'ardeur à la tâche parce que c'est pas avec le nombre de fois où il m'a fait l'amour ces dernières semaines que je vais multiplier mes chances de tomber enceinte, marmonna Sara.
Lizzie la regarda en fronçant les sourcils avec inquiétude.
- Y a un problème avec…, commença-t-elle avant de s'interrompre en voyant Neena arriver au salon.
- Lizzie ! s'exclama la fillette en accourant vers elle pour lui grimper sur les genoux.
- Ma puce d'amour, souffla tendrement Lizzie en la serrant dans ses bras. T'es un vrai bonheur toi ! Toute calme, toute douce… Pourquoi j'ai pas eu ça moi ? se désola-t-elle.
Sara ne put offrir qu'un petit haussement d'épaules fataliste à son amie.
- Alors, dis-moi, reprit Lizzie à l'attention de Neena. Tu vas bientôt entrer à l'école ?
- Oui, dans une semaine, confirma la fillette avec une excitation et une impatience manifestes.
- T'as pas peur ?
- Non. Et avec Ashley on espère qu'on sera dans la même classe.
- Ah oui, ce serait chouette ça ! approuva Lizzie qui savait Neena devenue très copine avec la fille des voisins.
- On a fait une tarte aux fraises avec maman, t'en voudras ? demanda ensuite Neena sans transition.
- Évidemment ! Je suis venue exprès pour ça. J'ai senti depuis ma maison que vous faisiez une tarte, c'est pour ça que j'ai rappliqué ici, qu'est-ce que tu crois !
- Non, rigola Neena. C'est pas vrai ! Maman m'a dit ce matin que tu devais venir et on avait pas encore commencé la tarte.
Lizzie émit un petit rire en regardant Sara.
- On la dupe pas comme ça ta gamine ! Y en a là-dedans, hein ? s'amusa-t-elle en tapotant son doigt sur le crâne de Neena. Y a pas que tes yeux que tu tiens de ton père !
Lizzie lui déposa ensuite un bisou sur la joue puis la relâcha pour qu'elle descende du canapé.
- Enfin je dis ça mais elle tient aussi son intelligence de toi, parce que t'es intelligente aussi, assura-t-elle à Sara.
- Trop aimable, apprécia cette dernière avec une pointe de sarcasme.
- Bon, j'ai une proposition à te faire, reprit Lizzie d'un ton plus sérieux. Ce week-end je prévois d'aller au Kaya Day Spa, histoire de me remettre en forme avant de reprendre le boulot. Est-ce que ça te dirait de venir avec moi ? Je suis sûre que ça te ferait du bien à toi aussi.
- Oui, mais ce week-end c'est après-demain et ça me laisse peu de temps pour m'organiser, parce que je sais pas si Michael va pouvoir s'occuper de Neena.
- Parce qu'il bosse aussi le week-end ? s'indigna Lizzie.
- Oui.
- Non mais ça fait plus de deux mois qu'il arrête pas au point que vous n'avez même pas pu partir en vacances ! Alors pour un week-end il va peut-être pouvoir faire en sorte de consacrer un peu de temps à sa fille, non ?
Sara allait répondre quand elle entendit quelqu'un passer la porte d'entrée. Quelques secondes plus tard Michael apparut dans le salon.
- Papa ! s'exclama Neena en lui sautant aussitôt dans les bras.
- Bonjour ma princesse, souffla-t-il en l'embrassant.
Puis il s'approcha des jumeaux qui protestèrent bruyamment lorsqu'il leur ébouriffa affectueusement les cheveux.
- Salut les terreurs, s'amusa-t-il. Ça va ? demanda-t-il ensuite à Lizzie.
- Ouais, soupira-t-elle sans conviction.
Sa fille toujours dans les bras, Michael vint enfin à la rencontre de Sara et lui déposa un rapide baiser sur les lèvres.
- Et toi, ça va ?
- Oui, oui, marmonna-t-elle.
- On a fait une tarte aux fraises avec maman, tu vas en manger avec nous ? interrogea Neena.
- Euh… non, pas tout de suite, je peux pas rester là, se désola Michael. Je passais juste récupérer des documents mais je dois aller sur le chantier.
Neena baissa les yeux dans une petite moue déçue.
- Mais tu m'en gardes une part, reprit Michael. Et je la mangerai en rentrant ce soir, d'accord ?
Neena hocha la tête, Michael lui déposa un bisou sur le front et la reposa à terre avant de se diriger vers son bureau.
- Tu vas en avoir pour longtemps ? lui demanda Sara tandis que sa fille lui grimpait sur les genoux en quête de réconfort.
- Je sais pas, répondit-il depuis la pièce voisine. Ça va dépendre de la complexité du problème, indiqua-t-il en réapparaissant dans le salon, un dossier sous le bras. Tim a essayé de m'expliquer au téléphone mais j'ai pas bien compris… donc c'est que ça doit être complexe, réalisa-t-il dans un marmonnement pour lui-même. Aller, j'y vais, salut !
Après avoir entendu la porte claquer derrière Michael, Sara reporta son attention sur Lizzie.
- Oui, c'est d'accord, je viens avec toi ce week-end, déclara-t-elle.
oOo
Sara termina de remplir le lave-vaisselle avec les verres, couverts et assiettes du dîner puis elle le programma pour qu'il tourne pendant la nuit. Elle vérifia ensuite que plus rien ne traînait sur les différents plans de travail de la cuisine et éteignit la lumière.
Toute la maison était plongée dans la pénombre et le silence. Neena était déjà couchée et Michael travaillait dans son bureau.
Elle entra dans la pièce, le trouva installé devant son ordinateur, les yeux rivés sur l'écran, la mine concentrée. Elle s'avança doucement, se posta derrière lui, l'encercla de ses bras et lui déposa un baiser dans le cou en glissant une main dans l'encolure de sa chemise pour caresser son torse. Sans quitter son écran du regard, Michael répliqua en relevant une main vers le visage de Sara dont il effleura la joue d'un geste peu investi ; un geste qui signifiait qu'il savait ce qu'elle voulait, mais qu'il n'avait pas le temps et qu'elle serait gentille de ne pas insister.
- J'ai du travail, souffla-t-il d'ailleurs au cas où le message n'aurait pas été assez clair.
- Ouais, se résigna Sara en le relâchant.
Elle s'apprêtait à sortir du bureau lorsqu'elle s'arrêta pour se retourner vers Michael.
- Je suis pas là demain, annonça-t-elle. Ni dimanche. Je vais passer le week-end au Kaya Day Spa avec Lizzie.
Michael lâcha enfin son ordinateur des yeux pour la fixer avec étonnement.
- Quoi ? Mais pourquoi tu me le dis que maintenant ? Pourquoi tu me l'as pas dit plus tôt ?
- Parce que hier soir t'es rentré trop tard, je dormais déjà, et ce matin t'es parti avant que je me réveille, alors j'ai pas vraiment eu l'occasion.
- Mais madame Walker est d'accord pour garder Neena ? Parce que moi je vais pas avoir…
- Si, si ! le coupa Sara. Tu vas l'avoir le temps ! Du moins tu vas te débrouiller pour le trouver ! Je veux que ce soit toi qui t'occupes de Neena ce week-end et si j'apprends que tu l'as collée chez madame Walker pour pouvoir bosser tranquille je te jure que ça va très mal se passer !
Michael resta perplexe quelques secondes.
- Ça veut dire quoi ça ? demanda-t-il en se méfiant de la tournure qu'était en train de prendre la discussion.
- Ça veut dire que j'en ai ras-le-bol ! Qu'on en a toutes les deux ras-le-bol de cette situation ! Depuis que ton patron t'a proposé de remplacer Stevens t'es devenu un courant d'air dans cette maison ! Dans les bons jours on arrive à te croiser sinon on se souvient que t'habites ici aux déplacements d'air qui accompagnent tes passages en coup de vent !
- Mais je t'ai déjà expliqué que c'était temporaire comme situation. Je dois boucler ce projet pour faire mes preuves et après je retrouverai un rythme de boulot normal.
- Ah oui ? T'es sûr ? Parce que moi j'ai rarement vu une promotion s'accompagner d'une réduction de temps de travail !
- Mais faut savoir ce qu'on veut ! s'impatienta Michael. En plus c'est aussi pour vous que je fais ça je te rappelle !
- Faux ! Arrête de dire ça ! s'énerva Sara. On t'a jamais rien demandé nous ! Dis que tu le fais pour toi, parce que c'est une évolution professionnelle intéressante, mais te poses pas en victime qui se sacrifie pour sa famille parce que je te répète qu'on t'a absolument rien demandé ! On était très bien comme on était ! Peut-être que tu vas gagner plus si tu décroches cette promotion mais je t'assure que 50% de salaire en plus ça nous intéresse pas si ça veut dire 50% de temps en moins avec toi !
Sara se tut quelques secondes pour essayer de se calmer mais ses yeux se mirent à briller de larmes.
- Tu sais, reprit-elle d'une voix tremblante, tu me rappelles mon père. Ça avait commencé comme ça. Et je ne sais que trop bien comment ça évolue après… Sauf que je compte pas revivre ça une deuxième fois, et je laisserai certainement pas Neena faire l'expérience de ce que j'ai vécu. Je vais te dire : je préfèrerais mille fois qu'elle grandisse dans une maison et dîne autour d'une table où son père n'a plus sa place plutôt qu'elle ne la voie toujours vide ! asséna-t-elle avant de quitter le bureau en refermant la porte derrière elle.
Michael resta d'abord abasourdi. Puis une vague d'angoisse lui déchira le ventre lorsqu'il réalisa pleinement ce que Sara venait d'insinuer. Il se leva d'un bond de son fauteuil et sortit précipitamment de son bureau pour se lancer à sa poursuite.
- Sara ! l'appela-t-il en se ruant dans les escaliers qu'il monta quatre à quatre.
En arrivant sur le palier, il eut tout juste le temps de la voir disparaître derrière la porte de leur chambre. Il s'avança d'un pas rapide le long du couloir et ne fut pas surpris de trouver la porte verrouillée lorsqu'il actionna la poignée.
- Sara, appela-t-il doucement.
Il tapotait son doigt sur la porte avec une fermeté légère afin de ne pas réveiller Neena.
- Sara, ouvre-moi !
Il ne perçut pas la moindre réponse.
- Sara ! insista-t-il.
C'était peine perdue. Il savait que Sara pouvait se montrer d'un entêtement inébranlable quand elle le voulait.
- Bon, se résigna-t-il dans un soupir.
Il redescendit à son bureau sans savoir s'il allait être en mesure de pouvoir se reconcentrer sur son travail. Il se repassait les paroles de Sara dans sa tête ; il ne savait pas si elle était sérieuse, si elle serait capable de mettre ses menaces à exécution ou si elle avait juste dit ça pour le faire réagir… En revanche il était sûr d'une chose : cette nuit, il allait la passer dans la chambre d'ami.
oOo
Le réveil sonna à 6 heures du matin. Sara se leva sans envie, alla dans la salle de bain attenante à la chambre et fit couler un petit filet d'eau froide du robinet pour humecter ses paupières gonflées d'avoir pleuré la veille.
Elle entreprit ensuite de se préparer en faisant le moins de bruit possible puis elle rassembla ses affaires de toilette dans une petite trousse. Elle se dirigea vers le dressing, sortit d'un des placards un sac de voyage, y rangea la trousse et y enfourna des vêtements et sous-vêtements de rechange ainsi qu'un maillot de bain.
Une fois prête, son bagage en main, elle sortit discrètement de la chambre et se dirigea vers celle de Neena. Elle parcourut le couloir sur la pointe des pieds en priant pour que Michael ne l'entende pas. Une nouvelle confrontation avec lui était bien la dernière chose dont elle avait envie dans l'immédiat.
Elle s'approcha du lit de sa fille, s'accroupit et caressa doucement les cheveux de Neena pour la réveiller.
- C'est l'heure d'aller à l'école ? demanda la fillette d'une voix endormie.
- Non, rigola Sara en lui déposant un bisou sur le front. C'est pas encore tout de suite la rentrée. Je venais juste te dire au revoir parce que je m'en vais, murmura-t-elle. Je passe le week-end au spa avec Lizzie, tu te souviens ?
Neena hocha la tête.
- Je rentre demain soir et toi tu restes avec papa, d'accord ?
- Oui.
Sara l'embrassa une dernière fois.
- Rendors-toi, à demain, je t'aime, souffla-t-elle avant de quitter la chambre.
Elle descendit les escaliers sans bruit et sortit sur le perron de la maison. Il était presque 7 heures. Le jour se levait doucement mais il faisait déjà très chaud.
Sara inspira profondément, descendit les quatre marches du perron et parcourut l'allée jusqu'au trottoir. La rue était silencieuse, toutes les maisonnées voisines dormaient encore, pas une voiture ne circulait. Lizzie ne devait pas tarder.
Sara se retourna pour contempler sa maison. Au 1630 Asbury Avenue. À Evanston, dans la banlieue nord de Chicago. Un quartier chic, résidentiel et surtout très calme. Michael et elle avait eu un véritable coup de cœur pour la maison mais aussi pour le quartier lorsque l'agent immobilier les avait amenés ici pour la première fois, il y avait maintenant huit mois.
C'était l'endroit idéal pour élever des enfants. À l'écart du centre ville mais pas trop loin non plus, une vingtaine de minutes à peine. Il y avait un parc boisé agrémenté d'une aire de jeux à deux rues de là. L'école était à quelques pas. Le voisinage était cordial et chaleureux. Il semblait faire si bon vivre ici.
Ils avaient signé sans hésiter, emménagé deux mois plus tard. Après des premières semaines conformes à leurs attentes - idylliques - ils avaient pris la décision de concevoir un petit occupant pour la chambre vacante de la maison. Un projet qui n'arrivait pas à se concrétiser aussi facilement qu'elle l'aurait pensé et Sara avait rapidement commencé à en souffrir.
Il fallait rajouter à ça l'événement qui s'était présenté trois mois plus tôt. Victor Stevens, ingénieur cadre chez Middleton, Maxwell et Schaum, avait annoncé son départ à la retraite pour la fin de l'année. Paul Schreiber, le patron de la société, avait alors proposé à Michael de prendre son poste. Mais avant de se voir définitivement offrir cette prestigieuse promotion, il lui fallait montrer qu'il en était à la hauteur.
Schreiber lui avait confié l'entière supervision d'un projet conséquent. Michael devait se montrer capable de faire son travail habituel d'ingénieur tout en sachant aussi gérer une équipe, traiter avec les différents partenaires, dialoguer avec les clients, régler chaque problème posé, surveiller la progression du chantier et intervenir sur place si besoin… Un travail passionnant, sûrement. Mais un travail prenant. Très prenant. Trop prenant.
Sara fut tirée de ses pensées lorsque la voiture de Lizzie s'arrêta à sa hauteur. Elle mit son bagage dans le coffre puis s'installa sur le siège passager à côté de son amie.
- Regarde, lança aussitôt Lizzie en exhibant son avant-bras sous le nez de Sara qui y distingua des marques rouges dessinant une petite empreinte de mâchoire. Lucas m'a fait une crise ce matin parce qu'il voulait pas que je parte et il m'a mordu ! expliqua-t-elle.
Sara esquissa un sourire qui, malgré ses efforts, transpira toute la mélancolie qui l'habitait.
- Ça va pas toi, hein ? remarqua Lizzie.
- Non, pas trop, confirma Sara dans un souffle.
- Bon, aller, on oublie les problèmes le temps d'un week-end et on va se faire bichonner !
Lizzie enclencha sa première et prit la direction du Kaya Day Spa, un établissement d'inspiration japonaise à une petite heure de route.
oOo
- Tu crois que ça marche leurs soins amincissants ?
Assise au bord de son lit, dans la chambre double qu'elle partageait avec Sara, Lizzie consultait la carte qui présentait les différents soins proposés.
- Ben… peut-être si t'en fais plusieurs et régulièrement, répondit Sara. Mais ça m'étonnerait que ce soit en une fois que ça fasse des miracles.
- Ouais… Non mais parce que j'ai gardé cinq kilos de ma grossesse, j'arrive pas à m'en débarrasser. David aime bien, il dit que je suis plus moelleuse, mais bon… moi ça m'aurait pas dérangé de les garder si ça avait été dans les nichons sauf que tout m'est resté sur les hanches, déplora Lizzie.
- Ça se voit pas, la rassura Sara avec un sourire amusé. Pour une femme qui a mené une grossesse gémellaire quasiment à terme tu t'en sors très bien.
- Ouais. Alors je vais plutôt me concentrer sur les soins relaxants, ça j'en ai vraiment besoin !… Oh, tiens, y a un truc qu'a l'air pas mal là : un massage aux huiles essentielles d'une heure, on peut le faire à deux, ça te dit ?
- Oui…
- Tu penses que c'est des hommes ou des femmes qui massent ?
- J'en sais rien, pourquoi ? Qu'est-ce qui te dérangerait ?
- Ben… non, je sais pas, mais… je suis pas sûre d'avoir très envie de me faire tripoter par un mec, confia Lizzie avec une petite moue rebutée.
- Ils te tripotent pas, ils te massent, ce sont des pros.
- Ouais, mais c'est vis-à-vis de David que ça me gênerait je crois… Tu te sentirais pas mal par rapport à Michael, toi, si tu te faisais toucher par un autre homme ? Et en éprouvant un certain plaisir en plus, parce que c'est quand même très agréable de se faire masser !
- Mais je te répète qu'il y a toucher et « toucher ». Et puis non, je me sentirais pas coupable de me retrouver entre les mains d'un autre homme. Je vais même te dire, murmura Sara, avec le peu de fois où Michael a posé les siennes sur moi ces derniers temps, je crois que ça me ferait beaucoup de bien.
Elle attrapa ensuite les clefs de la chambre et se dirigea vers la porte sans se rendre compte que ces derniers mots avaient profondément déconcerté Lizzie. Elle restait à la fixer, abasourdie.
- Bon alors, tu viens ? s'impatienta Sara qui l'attendait pour partir rejoindre le spa.
oOo
Après s'être levé et préparé, Michael descendit à son bureau et changea le message d'accueil du répondeur de son téléphone, indiquant qu'il ne serait pas joignable du week-end. Il ressortit ensuite de la pièce et ferma la porte à clef. Bien sûr ce geste était plus symbolique qu'autre chose puisqu'il avait la clef en sa possession et pouvait rouvrir la porte quand il le voulait. Mais c'était là le point de départ d'un week-end entièrement et exclusivement consacré à sa fille. Et en attendant qu'elle se réveille, il alla s'atteler à la préparation du petit-déjeuner.
Il avait presque fini lorsqu'il entendit des petits pas dans l'escalier. Il rejoignit le vestibule d'entrée et s'approcha des marches que sa fille descendait prudemment une à une, les yeux à demi ouverts, le sommeil ne l'ayant de toute évidence pas encore complètement quittée. Michael la prit dans ses bras.
- Bonjour princesse, t'as bien dormi ? lui demanda-t-il en peignant ses cheveux d'une main pour dégager son visage.
- Oui, marmonna Neena qui maintenait étroitement contre elle monsieur Arthur, son lapin en peluche.
- T'as faim ?
Elle hocha la tête et Michael lui déposa un long bisou sur le front avant d'aller l'installer à table. Il lui servit son bol de chocolat chaud encore fumant, se remplit rapidement une tasse de café et revint s'asseoir auprès d'elle.
- Qu'est-ce qui y a ? s'inquiéta-t-il lorsqu'il la vit faire une grimace après avoir bu une gorgée de son chocolat. C'est pas bon ?
- T'as pas mis de la crème ?
- De la crème ?… Non.
- Maman elle met toujours un peu de la crème dedans pour que c'est plus onctueux, elle sait c'est comme ça que j'aime.
- Ah… oui, c'est vrai, je me souvenais plus…
- C'est parce que t'as pas l'habitude, tu le fais jamais.
Neena avait voulu l'excuser en disant ça mais Michael reçut sa phrase comme une violente gifle qui lui rappelait à quel point il avait manqué à tous ses devoirs ces derniers temps.
- Attends, je vais le refaire, proposa-t-il.
- Non, c'est pas la peine. C'est un peu moins bon mais j'aime bien quand même.
Michael esquissa un sourire et passa une main caressante sur le visage de sa fille.
- Alors, on passe le week-end rien que tous les deux ? reprit-il.
- Oui…
- On va faire tout ce que t'auras envie, tout ce qui te fera plaisir. Tiens, qu'est-ce que tu voudrais faire aujourd'hui ?
- Ben… j'aimerais bien…
Le regard de Neena dévia vers le bocal de monsieur Bulle.
- … aller à la piscine, déclara-t-elle.
- D'accord, rigola Michael.
oOo
Elle est pas sérieuse, pensait-elle. Elle est pas sérieuse, se répétait-elle. Elle est pas sérieuse, essayait-elle de se convaincre et de se rassurer.
- T'es pas sérieuse ? finit-elle par lâcher tout haut.
Elles étaient toutes deux allongées sur des tables de massage voisines pendant que des masseuses d'origine asiatique s'occupaient de leur pétrir le dos avec un savoir-faire incomparable. Sara ouvrit les yeux et regarda Lizzie avec perplexité.
- De quoi « je suis pas sérieuse » ?
- Ce que t'as dit tout à l'heure, que ça te ferait du bien de te retrouver entre les mains d'un autre homme, t'es pas sérieuse ?
Sara resta silencieuse.
- Sara ! insista Lizzie alors que ses yeux semblaient l'implorer de lui dire qu'elle n'était pas sérieuse.
- Si tu veux tout savoir ça fait plus de deux semaines que Michael m'a pas touchée, alors je te laisse juger du sérieux de mes propos, répondit Sara.
- Mais… c'est quoi le problème ? Tu crois qu'il a plus envie de toi ?
- Mais non, mais c'est toujours la même chose. Il bosse tellement que la plupart du temps, quand il rentre le soir, je dors déjà. Le matin il se lève avant que je me réveille. Quand il est pas à son bureau de Chicago il est enfermé dans celui de la maison, et le peu de fois où je l'ai sous la main et que j'essaye d'entreprendre quelque chose il me dit qu'il est fatigué. C'est sûr ! Je veux bien le croire qu'il est fatigué avec les heures qu'il fait, mais en attendant je commence à être frustrée moi !
- Tu lui en as parlé ?
- C'est difficile de lui parler, notamment pour les raisons que je viens de te citer. Et puis ça a vite tendance à dégénérer quand on se parle ces jours-ci.
- C'est ce qui s'est passé hier ? Vous vous êtes engueulés ? C'est pour ça que t'étais pas bien ce matin ? comprit Lizzie.
- Ouais… Je lui ai dit que Neena et moi on en avait marre de plus le voir autant qu'avant et… je lui ai dit… qu'il me faisait penser à mon père, avoua Sara dans un murmure.
- Tu le penses vraiment ?
- Euh… non… Enfin si, un peu. Mais bon, je voulais surtout le faire réagir.
oOo
Michael gara la voiture devant la porte du garage, sortit du véhicule puis ouvrit la portière arrière pour permettre à Neena de descendre. Ses petites claquettes aux pieds, elle se précipita jusqu'à la porte d'entrée de la maison.
- Vite, vite vite, s'impatienta-t-elle en se dandinant alors que Michael arrivait pour la lui ouvrir.
À peine la porte déverrouillée, elle se faufila en vitesse dans la maison et se rua vers les toilettes. Un sourire amusé aux lèvres, Michael se dirigea vers la buanderie où il pendit les maillots de bain et les serviettes mouillés, vestiges d'une après-midi passée à la piscine.
- T'aurais pu faire pipi à la piscine, indiqua-t-il lorsque Neena le retrouva à la cuisine quelques minutes plus tard.
- Oh non, c'est dégoûtant, grimaça-t-elle.
- Non mais pas dans l'eau, rigola Michael. Y avait des toilettes là-bas, il suffisait que tu me le dises.
- Oui mais j'ai surtout eu envie après que je suis montée dans la voiture, expliqua-t-elle en attrapant le pain au chocolat que son père lui tendait. Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? demanda-t-elle avant de mordre dans la viennoiserie.
- Ben je sais pas… On pourrait peut-être se reposer un peu, ça m'a épuisé la piscine moi, pas toi ?
- Si, un peu.
- Qu'est-ce que tu dirais de faire une sieste dehors, dans le hamac ?
- Non, pas une sieste, tu me lis une histoire !
- Bon, ok. Laquelle ?
- Hum… Les 101 dalmatiens.
- Je vais chercher le bouquin, déclara Michael en montant à l'étage.
Michael alla chercher le livre dans la chambre de Neena puis ils sortirent dans le jardin et s'installèrent dans le hamac pendu entre deux gros arbres qui les protégeraient du soleil cuisant. Allongée dans les bras de son père, Neena grignotait son pain au chocolat tandis qu'il ouvrait le livre pour commencer la lecture.
- Tu fais les voix, hein ! réclama Neena avant qu'il ne démarre.
- Oui, je vais essayer. Je suis pas sûr d'être très crédible sur Cruella mais je vais faire mon possible…
Quelques minutes après le début du récit, Michael fut interrompu par la sonnerie de son téléphone portable. Il sortit l'appareil de sa poche pour consulter l'identité de l'appelant.
- C'est ton travail ? demanda Neena.
- Non, c'est tonton, indiqua-t-il avant de décrocher. Oui ?
- J'ai une nouvelle piste, lança Lincoln à l'autre bout du fil, sans préambule.
Michael poussa un soupir las.
- Non mais c'est sérieux cette fois, lui assura Lincoln. Je dois aller rencontrer quelqu'un à Sycamore, j'ai juste besoin que tu me couvres. J'ai dit à Vee que je passais la soirée chez toi…
- Ça va mal se terminer ça, elle va finir par se poser des questions !
- Mais non, entre le boulot et Noah, elle a pas le temps de faire attention à ce que je fabrique.
- Pourquoi tu lui en parles pas, elle pourrait t'aider en plus si…
- Non ! le coupa Lincoln. On a dit qu'on en parlait pas. À personne. Tu l'as pas dit à Sara, hein ?
- Non.
- Bon, c'est ok pour ce soir ?
- Oui… Et Linc ?
- Quoi ?
- Fais attention à toi.
- Ouais, ouais, t'inquiète. Salut, et merci.
Michael remit son portable dans sa poche et reprit la lecture. Leurs chiots venaient d'être enlevés, Pongo et Perdy partaient à leur recherche.
oOo
- Je suis naze !
Drapée dans un peignoir blanc, Lizzie se laissa tomber sur son lit en poussant un bruyant soupir.
- C'est pas si reposant que ça finalement d'enchaîner tous ces soins.
- Est-ce qu'on descend au resto manger un morceau ? demanda Sara depuis la salle de bain.
- Arf… non, j'ai pas faim.
- Ouais… Moi non plus en fait.
Sara termina de brosser ses cheveux, réajusta le tombé de la petite robe légère qu'elle portait, puis sortit de la salle de bain.
- Est-ce qu'on va quand même boire un verre au bar ?
Lizzie ne répondit pas et Sara perçut bientôt le bruit de sa respiration, lente et profonde. Elle s'approcha, se pencha au-dessus de son amie et constata qu'elle était endormie. Elle esquissa un sourire attendri et décida de ne pas la réveiller. Elle quitta la chambre et descendit seule au bar de l'hôtel.
À cette heure-là, la plus part des clients dînait au restaurant. Le bar était peu fréquenté et les conversations des quelques personnes présentes dans la grande salle étaient étouffées par le fond musical, doux et jazzy.
Sara s'avança jusqu'au comptoir, se hissa sur un des tabourets et commanda une vodka au serveur. Il déposa son verre devant elle, elle commença par grignoter l'olive qui était immergée dans le liquide translucide puis en sirota une gorgée.
Elle se sentit soudainement mal à l'aise. Elle avait l'impression de ne pas être tranquille, que quelque chose lui pesait. Un regard. Oui, elle avait le sentiment d'être épiée, observée avec insistance. Elle tourna doucement la tête sur la droite, puis sur la gauche où elle se confronta au regard d'un homme. Assis à trois tabourets d'elle, il esquissa un sourire, ravi d'avoir capté son attention. Sara reporta aussitôt ses yeux sur son verre mais le mal était fait. L'homme se leva de son siège et s'approcha d'elle tout en faisant glisser son verre de scotch sur le bar pour qu'il l'accompagne dans son déplacement. Il se rassit juste à côté d'elle.
- Qu'est-ce qu'une jolie femme comme vous fait assise ici toute seule ? demanda-t-il d'une voix suave et douce.
- Un test. Je voulais savoir combien de temps s'écoulerait avant que quelqu'un ne vienne me poser la question…
Sara consulta sa montre.
- … moins d'une minute, je dois dire que c'est un record !
- Qu'est-ce que je gagne ?
Sara eut un petit rire puis elle releva son visage vers celui de l'homme. Elle l'observa. Brun, ténébreux, un charme indéniable. Elle se perdit un instant dans son regard, un regard noir et profond qui aspirait ses victimes autant qu'il les pénétrait. Envoûtant et dangereux.
- Je m'appelle Doug, se présenta-t-il.
- Et… et moi Sara.
- Sara, répéta-t-il en plissant les yeux comme pour mieux apprécier la sonorité du prénom. Sara, pardonnez-moi d'être aussi direct, reprit-il, mais j'ai remarqué que vous ne portiez pas d'alliance.
- En effet, je suis pas mariée, confirma-t-elle en regardant son annulaire gauche. Mais c'est tout comme, déclara-t-elle ensuite dans un sourire poli. Alors, quelles que soient les idées que vous vous étiez faites en venait m'aborder, je suis désolée mais je vais rien avoir à vous offrir.
- Ouh, je vous trouve bien prétentieuse ! s'amusa Doug. Qu'est-ce qui vous fait croire que je suis là pour vous draguer ?
Sara le gratifia d'un regard blasé pour lui faire comprendre qu'il ne fallait pas la lui faire.
- Bon, d'accord, peut-être un peu, dut-il admettre. Mais je vais vous dire la vérité : j'aime les femmes, et je supporte pas de les voir tristes. Et vous, je vous vois triste. Vous avez le regard éteint, ça me plaît pas. Vous me faites l'impression d'une jolie fleur qui a comprit qu'on ne l'admirait plus, qu'on allait la laisser faner et qui s'y résigne… C'est parce que vous n'êtes pas mariés que votre compagnon ne se sent pas obligé d'accomplir son devoir conjugal ?
Sara écarquilla les yeux et ouvrit la bouche dans une indignation étouffée.
- Euh… non, c'est pas… ça n'a rien…
Elle poussa un soupir agacé.
- Je suis pas sûre d'avoir envie d'aborder le sujet de ma vie privée avec un inconnu, lui fit-elle savoir en prenant soin d'éviter de croiser son regard.
- Sara vous n'avez qu'un mot à dire, qu'un pas à faire et je ne vous laisserai pas faner, insista Doug. Vous voyez, j'attends pas que vous m'offriez quoique ce soit, c'est moi qui ai envie de vous faire un cadeau.
- Écoutez, peu importe les problèmes que je rencontre dans ma vie et dans mon couple en ce moment, une relation ne m'intéresse pas.
- Qui parle d'une relation ? Je vous propose une nuit, une simple nuit. Juste pour le plaisir et parce que vous en avez besoin. Juste pour vous rappeler à quel point vous êtes belle et désirable.
Sara releva la tête vers Doug et son regard brûlant la happa de nouveau. Il esquissa un sourire qui creusa une fossette dans sa joue, sortit de la poche intérieure de sa veste un feutre noir à pointe fine et le décapuchonna avant de saisir la main de Sara qu'il tira doucement à lui. Il écrivit trois chiffres sur la peau claire de l'intérieur de son avant-bras.
- C'est le numéro de ma chambre, indiqua-t-il en rangeant son feutre dans sa poche. Ma porte vous sera ouverte.
Il avala d'un trait son fond de scotch et quitta le bar. Sara le suivit des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse dans le hall puis elle reporta son regard sur le numéro inscrit sur sa peau, l'effleura du bout des doigts…
