Introduction : Je suis perdue.
Le bleu n'était que la contre-attaque frénétique du sergent commandant. Nous n'avions rien demandé de plus, nous faisions l'amalgame, M était en réalité un radian de trois-quart de pie du cercle trigonométrique. Louis XVI l'avait simplement juré au peuple, c'était un mou. Puis, le savon au chocolat coula lentement dans mon cou, l'odeur insupportable d'une carotte qui pourrit me ramena a la réalité, il fallait descendre les poubelles, bien entendu le chat n'avait pas réussi. Encore monté dans l'arbre, toujours pas allé faire les courses. Obama a tenu ses promesses, que faire de mieux qu'une chemise à carreaux. C'est seulement quand on est perdu qu'on a besoin de plan, le verre d'eau passa, glacé à travers ma gorge, il fallait que je le note. Et c'est à ce moment précis que l'orange me frappa. Un éclair VLAN de la lumière BAM un pot de yaourt ZING et c'était la fin, la piscine avait fermé. Je voulais juste du ketchup.
Le temps ralentissait mais ma vie s'accélérait.
Peut-être juste une passion, un passe-temps, un pass, un passage piéton, un passage a niveau, une remise à niveau, un rattrapage... Mon dieu, je vais louper ma graduation. Louper la graduation ? Louper sa graduation c'est ne pas s'assurer d'un avenir. Pas d'avenir, pas de travail. Pas de travail, pas d'argent. Pas d'argent, pas de sortie. Pas de sortie, pas de socialisation. Pas de socialisation, pas de contacts. Pas de contacts, pas de mariage. Pas de mariage, pas d'enfants. Pas d'enfants, pas de bonheur. Pas de bonheur, pas de vie. Pas de vie, la mort. Si j'ai une passion, je vais en mourir.
Les choses allaient bien trop vite, le bus qui roulait à 90, je voyais le paysage défiler. Les arbres défigurés, regardez donc ce qu'on fait à la nature, on va si vite qu'on en oublie son vrai visage. Bande d'écolos à deux balles. Les armes et la violence mènent au conflit et le conflit nous ramène une fois de plus à la mort. À quoi bon réfléchir ? La mort nous revient toujours en plein visage. J'ai oublié d'aller chez le coiffeur. Les mèches devant les yeux, c'est générationnel. Accros aux textos, on tuera la communication, on en fera une révolution. Effrayés par la différence, petits moutons en troupeau. 6, 7... 14... Je m'endors. And I told you to be patient, and I told you to be fine, and I told you to be balanced, and I told you to be kind. J'irais bien. Les secousses du diable, les secousses du doute. Incessantes remises en question, est-ce que ça en vaut la peine, est-ce que j'en vaux la peine ? On ne saura pas. Et le grand méchant loup avala la grand-mère. L'arrêt. L'arrêt du voyage, l'arrêt des contes, l'arrêt des morales, l'arrêt de mon enfance. Sauvé par le gong. Mais qui a oublié les baguettes ? Je n'ai même pas de parapluie. Morose, moribond, saut, trampoline... je me jette littéralement d'une falaise. Tremblement de terre intérieur, glissement de terrain interne, tsunami mental. Senior year, me voilà.
Ça allait vraiment trop vite.
Une dernière grande respiration, je pars dans les rapides, je descends le Niagara en rafting. Nature sauvage jamais effrayée, je suis un grizzli. Je leur fais peur, je n'ai pas peur. Peureux, heureux, mafieux. Je m'égare. Je mens, je sais où je suis. Je suis là bien sur, encore une année, la dernière. Je pousse les portes, courage et fierté flottent dans l'air que j'avale. On a pas idée du ramdam. Les cris, la sonnerie ou mon cœur ? J'hésite. Je suis perdue, vraiment cette fois. Rentrée, casiers vides, tête vide. Vidée par tout l'été, j'ai même oublié l'entrée. Pas d'emploi du temps, pas de cours, j'imagine que c'est pas comme ça que ça marche.
« Mlle Fabray, je présume que vous avez encore une bonne raison d'être en retard, même le premier jour ? »
Gentil sourire moqueur, pas de quoi s'inquiéter. Les vieux chiens ne mordent pas, ils ont bien compris qu'il n'y avait plus d'intérêt, on est plus effrayé.
« Mon chien a mangé mes devoirs. »
L'incohérence n'est qu'une question de point de vue
« Allez, prenez votre emploi du temps et filez ! »
Étrange. Un ton un peu plus sévère ? Les yeux ne mentent pas, je l'ai vu le sourire.
Toc toc toc. La porte est ouverte, mais comme fermée juste devant mon nez. Figée, fixée, pâte à fixe. Pas de pâte à fixe. Pas de photos, pas de souvenirs, on est tous roués. Un instant de faiblesse, un vacillement. Le vent fait osciller la flamme, la bougie fond. Il n'y a qu'à sourire. Une pauvre vitrine, un présentoir, du plastique, du toc', du faux, rien de bien vrai. Et Mesrine, du fond de sa prison ne se disait pas qu'il était le pire. Il avait réussi, il le savait. J'ai réussi.
Nouveau départ hein ? On se l'était promis. Moult et moult présentations plus tard, je les connais. La brune, la blonde et le gay, c'est fait. Elle est bizarre, elle est bizarre, je n'entends pas. Quatre ans que je suis sourde, même à la rentrée.
Werden, würde... ? Questions perpétuelles. Le verre est à moitié vide, ou à moitié plein. On en a même perdu la bouteille. Bouteille, vermeille, abeille, veille. Je me réveille. DRIIING. Perdue dans mes pensées, j'ai encore tout raté. Adieu fonctions logarithmiques. Les couloirs sont bondés d'adolescents prêts à faire le remake de West Sac Story. Courage, fuyons.
Feux d'artifice. Noir total. J'en perds mes pensées. Des jambes fuselées, un sourire radieux, des yeux merveilleux. J'en suis aveuglée. Nuée de papillons, oh bonheur sors de ton cocon. La beauté élève les commissures de mes lèvres. Rien n'est plus, c'est juste le début. Je suis encore perdue. Tout ralentit, ou s'accélère, je ne sais plus. La clairière s'illumine, le champ de violettes m'apparaît enfin. Et le soleil dévoile ses charmes. Oh mon dieu, me voilà de nouveau au beau milieu de l'extase. En plein trip. Mon héroïne est noisette, brillante et attirante. Ma cocaïne radieuse. Et mon ecstasy est merveilleuse. Je la fixe, elle me fixe, je la fixe, elle me fixe. Je souris. Elle est éblouissante. Coraux au plongeur, la contemplation de l'inconnu. Soudain les revoilà. Je les sens, je tremble. En maître, régnant sur l'océan, une bande de requin gris. Je ne m'attendais pas à visiter les profondeurs marines. Les poissons scie et leur slushie en gentleman chasseur font fi de mon dépit. Engloutie. J'ai le mal de mer.
Et le lapin est dans le chapeau. Magie. Il m'arrive parfois de penser jusqu'à six choses impossibles avant le petit-déjeuner. J'étais en senior year. Charlie était partie. Je n'avais pas rationnellement pensé ainsi depuis tellement de temps que je ne saurais dire combien exactement. J'étais allongée au beau milieu d'un couloir rempli d'élèves rigolant de moi. Je venais de rencontrer une déesse absolue qui m'avait souri. Et six, elle me tendait gentiment la main pour m'aider à me relever. Absurde. Rien n'est vrai. L'océan et la magie de ses iris m'emportent.
Rachel. Rachel. Rachel. Rachel. Non, pas d'imperfection. Imperfection, perfection, Rachel. Vraiment aucune. Cathédralement, sa voix résonne
« Ne fais pas attention à ces types, ils sont abrutis. Rachel, et toi ? »
Lune parmi les étoiles, brillante. Boom boom. Boom boom. Est-ce qu'elle entend ça ?
« Quinn. »
Paillettes et arc-en-ciel dans les yeux, je ne vois plus. Main dans la main. Mes genoux tremblent. Les mots se perdent dans mes pensées entremêlées. Mon dieu, je vois des lutins.
« Bon eh bien Quinn, je te laisse, je vais en cours. À une prochaine fois peut-être ! J'étais enchantée. »
Avions-nous bougé ? Juste sa main qui quitte la mienne. Juste son sourire qui s'éloigne. Perdue. Fourmi dans un empire gigantesque, me voilà rétrécie, me voilà disparue. Au revoir paradis.
Au beau milieu d'un couloir, j'ai la tête qui tourne. Le sens m'a quitté. Le sol n'est plus sous mes pieds. À bout de souffle, à bout de bras. Je manque de tomber. Mais où sont les nuages ? Comme brûlée au fer à repasser, j'ai encore les cicatrices. Protecteur, ami, le mur me retient. Inspirer, expirer. C'est tellement compliqué. Elle inspirait, j'expirais. Nous n'étions qu'un. Boom. Boom. L'autoroute laisse enfin apercevoir les routes de campagne. Honorablement prête à remercier mon sauveur. Glissant sur la poudreuse du tableau d'affichage, chasse-neige sur la petite affiche. « Glee. »
Chanter. Elle aurait adoré. Mais New-York, les grands rêves, la photographie. Le pouvoir. C'est tellement elle. La confiture de fraise. Elle a toujours été la douceur, la grandeur, la beauté, la bonté. Et moi le canard, qui plus est le vilain petit canard. Elle était le sourire, j'étais les oreilles. Et on souriait jusqu'aux oreilles. Blonde, belle, pétillante. Écrasante. Tellement moi, tellement elle. Perpétuellement un copié/collé qui a différé. Charlie me manque. La peur et le courage. Charlie, je m'inscris. Pourquoi un corbeau ressemble t-il a un bureau ? Parce qu'ils n'ont rien en commun. Elle aurait souri. Vas-y Quinnie, souris. On y croira.
Je rentre. Antre, encre, cancre, diantre... Rachel. Je tourne, tourne et mes pensées s'envolent. Me voilà enfin retrouvée. Ou noyée dans une marée d'idée.
