« Bing, tu me fais plaisir, tu la fermes, grognai-je, levant à peine les yeux de son livre.
- Beauté est agressive aujourd'hui, susurra le Bing en question, se retenant à grand peine de rire. Tu ne veux pas m'accompagner au bal ?
- Absolument pas, répliquai-je. »
Bing éclata de rire. En plus de ne pas du tout me trouver à son goût, le jeune homme déployait toute l'ironie dont il était capable afin de me le faire savoir. Tout ça ne volait pas bien haut en général.
« Et tu y vas avec qui ? Ne me dis pas qu'une tête aussi bien faite que la tienne reste toute seule chez elle au lieu d'aller…
- J'y vais avec Peter, répondis-je.
- Ah bon ? Demanda Peter, se redressant sur son séant.
- Ne me dis pas que tu y vas avec Chochote !
- Va te faire voir, Bing. C'est la troisième fois que je relie la même ligne. »
Le Don Juan se tourna, l'air fort mécontent. Peter Berry, mon meilleur ami, regarda dans le vide. J'haussai les épaules et repris ma lecture. Il poussa un soupir bruyant. Je tentai de ne pas y prêter attention. Nouveau soupir. soupir, beaucoup plus dramatique.
« Quoi, encore ? M'exclamai-je, refermant brutalement le livre.
- Je me demande comment tu fais pour lire autant, se lamenta le jeune homme. Je n'arrive pas à lire deux lignes sans avoir un mal de crâne épouvantable.
- Dyslexie, Pete. Je n'ai pas ça. Je peux lire sans une boite d'aspirines à mes côtés.
- T'as bien de la chance. Mais tu comptes vraiment… »
Il fut interrompu par un boule de papier mâché qui venait d'atterrir sur notre table. Avec un gémissement de dégoût, je la saisis du bout des doigts pour la renvoyer sur son propriétaire. Je manquai ma cible. Frustrée, je donnai un violent coup de poing sur ma table, qui passa inaperçu dans le chaos ambiant. La salle de classe ressemblait à un champ de bataille. L'absence de notre professeur réjouissait au plus haut point mes camarades qui s'en donnaient à cœur joie, déterminés à obtenir le prix du meilleur chahut. Et oui, franchement, c'était cool. Ils n'avaient pas deux grammes de cervelle, mais pour ce qui était du bruit, ils étaient les meilleurs. Renonçant à ma lecture, je m'abimai dans les graffitis de ma table, -en majorité réalisés par moi- en arrivant à la conclusion que non, décidément, je n'étais pas et ne serais jamais une artiste. Ô monde cruel. Je ne formerai jamais le couple d'artistes graphiques tant rêvé avec Peter. Non que j'en rêvais. Mais je présumai que lui, si. Il m'avait donné de nombreux signes de ses sentiments pour moi. Aucune déclaration, aucun épanchement. Juste des petits signes, des regards, qui me prouvaient que mes suppositions étaient juste. J'avais toujours espéré ne lui donner aucun espoir, puisqu'il n'y en avait pas. Mais il semblait résolu à s'acharner, de la manière la plus pénible qui soit : en étant toujours doux et secourable à mon égard, quoi qu'il arrive, quoi que je dise. En me pardonnant tout, chose néfaste pour ma grande propension à être amoureuse de moi-même.
La porte s'ouvrit à la volée. Une jeune femme brune, grande, élancée, entra comme une tornade dans la pièce. Le silence se fit quelques instant. Puis, la classe comprenant qu'elle serait notre nouvelle remplaçante, le chahut repris. Pauvre mademoiselle. Avec ses yeux verts, pleins d'espoir et de détermination, elle voulait sans doute nous faire cours et nous…-comment disait l'autre professeur déjà ?- transmettre son savoir.
Elle frappa dans ses mains, un air farouche de guerrière ayant remplacé son sourire. La classe n'y prêta aucune attention. Elle mit ses mains sur ses hanches, et prit un air hargneux. Pas de changement. Ses pauvres tentatives me donnaient envie d'éclater de rire. Mais une part de moi avait pitié d'elle. Je me retins donc de participer au chahut, et prit un stylo afin de poursuivre mon œuvre petit bruit me sortit de mes gravures. La jeune femme nous dévisageaient avec un grand sourire. À ses pieds, à peine dissimulés par le bureau, quelques morceaux de règles étaient dissimulés par terre. Aucune réaction. La remplaçante rajusta sa coiffure, ramenant ses longs cheveux brun derrière les épaules, et traversa la classe de sa démarche de panthère. Si j'avais pu avoir autant de classe. Elle s'arrêta derrière notre table, et nous fit un clin d'œil. Elle saisit la statue de la Vénus sortant des eaux. Je l'entendis marmonner « j'espère qu'elle me pardonnera », et, à ma grande stupéfaction, et la lança au milieu de la classe. La pauvre statue s'écrasa en un grand fracas sur les dalles de la classe. Le silence se fit. La jeune femme eut un sourire satisfait et revint au bureau. Elle était complètement folle.
« Bien, s'exclama-t-elle d'une voix décidée. Maintenant que j'ai toute l'attention de vos cervelles d'algues, je pense que nous pouvons commencer les présentations (échange de regards dans la classe). Pour ma part, je m'appelle Clarisse Athiens, et je suis votre professeur d'histoire remplaçante. Et vous ? »
Silence.
Nouvel échange de regards.
« Allons, ne soyez pas timides ! »
Bing leva la main.
« Marco Tyler, dit-il calmement.
- Sam Clarkson, ajouta Marco Tyler.
- Jackson Song, mentit Sam Clarkson.
- Louisa Markles, signala Piper Jude.
- Christie Evans, souffla Louisa Markles.
- Peter Berry, j'ajoutai avec aplomb, m'attirant les regards agacés de mes camarades.
- Demoiselle, ne mentez pas sur votre prénom, répondit la professeur remplaçante.
- Christie Evans. »
Nouveaux regards, cette fois carrément en colère de mes collègues. Mince. Pourquoi fallait-il que je sois aussi… Stupide ? J'aurais du dire un nom et un prénom féminin, mais, comme à mon habitude, j'avais commis un impair. Ça allait encore être ma fête. Génial. Soupir de la part de Miss Athiens.
« Bien. Maintenant, dites moi quels sont vos vrais prénoms. »
D'un air résolu, elle prit la liste d'appel, tandis que je me dissimulais derrière mon manuel d'histoire. Seul Peter, absorbé par ses dessin -sur une feuille cette fois- ne remarquait pas les éclairs menaçant dans les yeux de nos camarades. Je n'étais déjà pas très aimée dans ma classe. Voilà qui n'allait pas arranger les choses. À bien y réfléchir, personne ne m'avais jamais adoré, où que j'aille. Seul Peter, que j'avais rencontré lors de l'année précédente, avait manifesté de l'amitié envers moi. C'était bien le premier. Je n'étais pas populaire, je n'étais pas riche et j'avais un sale caractère. Ajoutez un peu d'embonpoint et une certaine propension à étaler mon savoir, et vous aurez le parfait tableau de l' talent, à part celui de m'attirer les ennuis. Rien de spécial. Peter disait toujours que ma voix ferait des merveilles si je la travaillais. Le hic était que je n'en avais aucune envie. Ma vie se limitait aux livres et aux murmures du papier. J'aurais aimé pouvoir écrire des histoires, devenir quelqu'un de spécial.Mais même si mon style était bon, je n'avais absolument aucune imagination, contrairement à Peter. Son problème à lui était qu'il ne savait pas -ou plutôt n'arrivait pas- à agencer une phrase correctement. Je levai la main à la mention de mon nom. À la fin de l'appel, Miss Athiens démarra sa leçon, étrangement axée sur le rôle qu'avait eu les mythes grecs et romains dans l'histoire des États-Unis. Je distribuai de vigoureux coups de coude à Peter afin qu'il ne s'endorme pas, tandis que dans la classe régnait un silence de mort, hormis les exclamations enthousiastes de notre nouvelle prof.
« Maintenant, qui peut me dire qui a donné le feu aux hommes dans la mythologie grecque ? »
Silence. Miss Athiens tentait de combattre le découragement qui la gagnait un peu plus à chaque minute. La pauvre, elle faisait pitié. Je levais la main.
« Prométhée » , déclarai-je.
Certains de mes camarades se tournèrent vers moi, mais le plupart continuèrent de regarder leur cahier, semblant chargés d'une quête de la plus haute importance : remplir tous le blanc des pages à coup d'inscriptions et de dessins. Un mince sourire se dessina sur les lèvres de la remplaçante.
« Et quelle fut la récompense de Prométhée ?
- Il n'eut pas de récompense, répondis-je. Enfin, à moins que considériez être enchainé à un rocher et se faire dévorer le foie par un corbeau tous les matins comme une récompense. Prométhée étant un Titan immortel, il avait la capacité de se régénérer.
- Et que penses tu de ce mythe… Christie, c'est bien ça ?
- Oui. Je pense comme les autres.
- C'est-à-dire ?
- Que cette légende prouve que les Grecs avaient compris que le fois est un organe capable de se régénérer spontanément » , expliquai-je en haussant les épaules. Je
remerciais intérieurement Marc, mon beau-père, de m'avoir ramené ce livre illustré sur la mythologie lors de son précédent voyage. D'abord circonspecte, j'avais fini par le dévorer, reconnaissant le côté à la fois distrayant et instructif. En somme, c'était cool.
« Et tu n'y vois donc que ça ? Demanda Miss Athiens.
- Il faudrait y voir quoi ?
- Je ne sais pas…Donne-moi ton avis sur l'acte de Prométhée, ou sur la pénitence exigée par Zeus. »
Silence.
« Allez, s'exclama-t-elle. Ne sois pas timide ! »
Pourquoi s'acharnait-elle ? Voulait elle me faire regretter ma participation ?Ça m'apprendrait à prendre les gens en pitié.
« Je ne sais pas…Je trouve juste le châtiment de Zeus injuste.
- Pourquoi ?
- Et bien, si j'en crois ce que j'ai lu, Athéna a aidé Prométhée rentrer dans le palais. Si elle ne l'avait pas fait, il n'aurait pas volé le feu. Elle aurait du être punie elle aussi. En tant que déesse de la Justice, ça ne fait pas une bonne publicité. »
Il me sembla qu'un éclair de colère passait dans les yeux de la blonde. Instinctivement, je m'enfonçai dans ma chaise.
« Athéna n'est pas la déesse de la Justice, répondit la remplaçante d'une voix égale. C'est Thémis, fille d'Ouranos et de Gaïa.
- En tant que déesse de la sagesse alors, l'interrompis-je, piquée au vif.
- Les décisions divines sont obscures, Christie. Il est difficile de comprendre le pourquoi du comment.
- Vous en parlez comme si c'était réel, répliquai-je.
- Qui te dit que ça ne l'est pas, lança-t-elle en souriant. »Malgré son air affable, quelque chose dans ses yeux me troubla.
La sonnerie retentit, et elle nous pria d'apprendre notre leçon pour le lendemain, en cas d'interrogation écrite. Les élèves quittèrent la salle en grommelant, mécontents de leurs devoirs. Pete, toujours aussi stoïque, semblait avoir été absent mentalement durant tout le cours. Il fut le dernier à se lever, et chiffonna la boule de papier sur laquelle il avait dessiné. D'un geste leste, il la lança dans la corbeille à l'autre bout de la classe, sans manquer sa cible.
« Joli coup » , souffla la remplaçante, les sourcils levés. Peter rougit légèrement, ramassa précipitamment ses affaires, murmura un vague « merci » , et sortit de la salle à ma suite.
« Je me demande comme tu fais ça, soupirai-je.
- Faut bien être doué pour quelque chose. Moi, c'est le lancé de déchets. Chouette non ? Ricana-t-il avec un pauvre sourire.
- Tu as impressionné la prof, en tout cas.
- Apparemment. Elle est bien ? Me demanda-t-il, comme s'il ne l'avait encore jamais eu en cours.
- Pas mal. Légèrement allumée, mais pas mal.
- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu la trouves bizarre ?
- Je sais pas… Elle parle de la mythologie comme si…
- Comme si quoi ?
- Comme si ça existait vraiment.
- Tout le monde n'est pas aussi terre-à-terre que toi, Christie, répondit Peter en levant les yeux au ciel.
- Mais ne me dis pas que tu y crois !
- Je reste ouvert à toutes les hypothèses. Tu viens chez moi après les cours pour finir le devoir de maths ? Man' va nous préparer des cookies, on pourra s'entrainer à dégommer des objets.
- J'adore les cookies de ta mère, m'exclamai-je en riant. On pourrait jouer au hockey avec.
- Pa' va préparer une pizza, tu pourras rester manger, si tu veux.
-Ça aurait été avec plaisir, mais je vais devoir rentrer directement. Marc n'est pas là et donc… »
Pete prit un air désolé.
« Ah oui, ta mère.
- Exact.
- Désolé.
- Arrête d'être désolé. Si je devais l'être aussi, je le serais tout le temps. »
Nous parlions, comme vous avez du le deviner, de ma mère. Elle est mariée depuis douze ans à mon beau-père, Marc, un homme d'affaire adorable mais souvent absent. Tout irait pour le mieux si, le soir de l'anniversaire de mes six ans, ma tante Claudine, jumelle de ma mère, n'avait pas eu un accident de voiture. Claudine et ma mère, Carrie, avaient toujours eu des rapports très fusionnels, en jumelles exemplaires. Elles étaient complémentaires. Alors que ma mère était blonde et fragile, avec ses yeux d'opales et sa peau blanche comme neige, Claudine était brune, ténébreuse et débordante de vie. D'après Marc, j'étais un mélange des deux, autant dans le physique que dans la caractère. Pour ma mère, j'avais hérité de l'orgueil de mon père biologique, que je ne connaissais absolument pas.
« Si tu étais un pêché, avait dit un jour ma mère, tu serais l'orgueil, comme ton père. Ce n'est pas forcément un mal. Mais ça peut te conduire à faire des choses très stupides »
Depuis l'accident de Claudine, ma mère restait prostrée dans un silence assourdissant, ne s'occupant de moi qu'en de rares éclairs de lucidité. J'avais appris à vivre seule et pour maman, et cela m'avait conféré un certain sens de l'indé qu'une grande tendance à ne faire confiance à personne. Oh… Rajoutez aussi un goût prononcé pour la dramatisation.
Nous pénétrâmes dans la salle d'Anglais. Le professeur, la cinquantaine bedonnante, lisait tranquillement le Times, pied sur le bureau, lâchant de temps en temps de petits reniflements mé Smith n'avait jamais été d'un naturel , pour autant que je me souvienne, je ne le connaissais que depuis un mois. Et il m'avait mis une retenue dés le premier cours. Non pas que je n'y sois pas habituée, au contraire. Ça m'arrivait, parfois, de me faire rappeler à l'ordre pour insolence par une retenue. Mais pas aussi rapidement. Il posa violemment son journal sur sa table. Il embrassa la classe d'un regard dédaigneux, et commença son cours.
oOoOoOo
À la sortie du cours de Français, assommée par le ton monocorde de notre professeur, je fus heureuse de me retrouver à l'air libre, la journée étant terminée. Peter semblait parfaitement en accord avec moi. Aucun de nous deux n'évoqua l'accident d'hier, sur le trajet. Et ce n'était pas faute d'y avoir pensé. Hier soir, en rentrant du lycée, nous avons rencontré un homme inconnu, dissimulé sous un chapeau et un imperméable, tenue incongrue pour la saison. Il nous avait accosté, et empêchés de repartir. Alors que nous amorcions le départ, d'autres hommes en imper sont venus lui prêter main forte. Paniqués, nous ne savions plus quoi faire, et j'avais m'impression qu'une vague de fatigue m'envahissait subitement. C'est là que les évènements étranges ont commencés. D'abord, un aboiement de chien a raisonné. Personne ne s'en est inquiété, mais c'est ce qui m'a réveillé de mon engourdissement subit. J'ai voulu secouer Peter, mais il était déjà sur le qui vive, jaugeant nos adversaires. Ceux-ci se rapprochaient de plus en plus, et la peur bloquait mon cerveau. Mon meilleur ami gardait, pour sa part, tout son sang-froid, comme à son habitude. Tandis que je restai contre le mur, pétrifiée, il se décidait à agir, lançant tous les objets à sa disposition dans la direction de nos agresseurs, ne manquant presque jamais sa cible. Mais l'un d'eux échappa à sa surveillance, et eut le temps de m'atteindre. Au moment où son bras a touché le mien, et que je regardai vers le ciel, terrifiée. Une vague de chaleur intense -l'adrénaline, sans doute-, m'a envahit, et un bruit de verre cassé s'est propagé dans toute la rue. Les inconnus tournèrent la tête, nous permettant de leur échapper de quelques mètres. Lorsqu'ils voulurent nous rattraper, nous avions hélé le premier taxi, et nous y étions engouffrés. Ce n'est que dans le voiture que le chauffeur nous fit une remarque judicieuse : tout les lampadaires des alentours venaient -mystérieusement- d'exploser. Je collais mon front contre la vitre de la voiture, pour voir, qu'en effet, des milliers de débris de verre jonchaient le sol, ne facilitant pas la circulation. Une fois que Peter m'ait raccompagnée chez moi -bien que je lui eusse assuré que cette précaution était inutile, j'étais quand même rassurée d'avoir un bouclier humain disponible en cas de besoin-, et après m'être affalée dans un fauteuil, je remarquai que j'avais récolté de cette aventure une migraine carabinée. Peu après ça, j'ai clôt notre formidable aventure en m'endormant comme une , ou le summum de l'héroïsme.
«Tu m'emmènes faire un tour de vélo ? Tu m'emmènes faire un tour de vélo ? Tu m'emmènes faire un tour de vélo ? Demanda pour la énième fois le jeune garçon en tirant sur ma tunique.
- Peeta… Non ! Pas encore, grommelai-je.
- Maman a dit que tu le ferais, répondit-il.
- Maman aurait pu se retenir, soupirai-je. D'accord. »
Peeta rejoignit de sa démarche étrange le vélo qu'il affectionnait particulièrement. Soupirante, je pris le mien, sachant pertinemment qu'il allait me dépasser en moins de deux, malgré ses onze ans. Je n'avais jamais été très sportive, il était donc aisé de me battre dans toutes les disciplines ayant un rapport avec l'activité physique. Peeta était le fils des voisins. Il avait emménagé il y a plusieurs années, et nous avions lié une forte amitié faisant fi de la différence d'âge. Je le considérais comme mon petit frère, et il semblait heureux de l'attention que je lui portais. Il faut dire que je n'avais jamais vraiment discuté avec ses parents, autant que je me souvienne. J'avais parfois l'étrange impression de ne les avoir jamais rencontrés. Le jeune garçon, avec ses cheveux trop longs et son début de duvet au menton, était peu pris au sérieux. Mais l'on pouvait parler avec lui de sujets « grands pour son âge », en étant sûr d'être compris. Il prenait alors un air grave et acquiesçais en répondant par des phrases courtes, mais incisives. Une fois fini le tour du pâté de maison et avoir salué Peeta, je rentrai chez moi, essoufflée et, je devais le reconnaitre, épuisée. Il fallait vraiment que je me mette au sport. Je me servis un généreuse part de glace, et m'installai à table. Des pas trainant se firent entendre dans le couloir. Ma mère, les traits tirés et les cheveux en bataille, arrivait. Elle s'assit lourdement sur sa chaise. Une bouffée de rancune m'envahit, cédant bientôt la place à de la culpabilité. Je me levai et lui servis de la glace. Elle commença à la manger machinalement. Au bout de dix minutes d'un long silence, elle ouvrit grand les yeux, observant la pièce d'un air hagard. Quand son regard se posa sur moi, elle sursauta.
« Tu es là ? Dit-elle.
- Oui, répondis-je, habituée à ses sursauts de conscience.
- J'ai quelque chose d'important à te dire, Christie.
- Je sais, je sais. Faut que je me tienne éloignée de l'eau.
- Et des airs, ajouta-t-elle sur un ton d'urgence. -
Man', je resterai sur la terre ferme, promis. Tu sais bien que je n'ai jamais appris à nager, et qu'en plus, j'ai le vertige à moins de deux mètres du sol.
- Tu ne sais pas nager ? Dit-elle en me regardant sans vraiment me voir.
- Non maman, expliquai-je comme chaque soir. Non.
- Ah, dit-elle placidement. C'est bien. »
Et elle retomba dans son silence habituel. C'était la même cérémonie tous les soirs. Dès qu'elle semblait revenir à elle, ma mère me priait de me tenir éloignée de l'eau et du ciel. J'attendais le jour où elle me prierait de m'enterrer, ou, mieux encore, de m'éloigner de la en était capable. Dans la soirée, je reçus un coup de fil de Peter. Je perçus le ton paniqué de sa voix :
« Ils… Ils sont là ! S'écria-t-il.
- Les hommes en imperméables ?
- Mais non, me répondit-il sèchement. Les cookies de maman. Ils m'observent, je le sens.
- Tu tiens vraiment à augmenter ta facture de téléphone, toi.
- Je m'ennuie, soupira-t-il.
- Fais tes devoirs ?
- J'ai un mal de crâne épouvantable. Je vais me morfondre tous le week-end.
- Tu veux venir au musée avec Marc et moi, demain, c'est ça ?
- Comment t'as deviné ?
- Tu es aussi subtil que Peeta.
- Merci du compliment.
- Avec plaisir. À demain.
- Attends, tu n'as rien d'autre à me dire ? » Demanda-t-il, plein d' un qui essaie d'échapper aux corvées ménagères du vendredi soir.
« Non, répliquai-je. Sors bien les poubelles. »
Je raccrochais sans attendre la réponse. J'attendais impatiemment la venue de Marc, qui devait arriver ce soir. Et la venue de Marc signifiait à coup sûr une jolie surprise empaquetée dans un papier cadeau de mauvais goû, intéressée ? Que nenni !
