Une fois n'est pas coutume, bien que par nature détestant parler au début d'un texte, je me vois forcé d'apporter quelques précisions.
D'accord, ce texte ne s'inspire pas de l'œuvre de Dumas (pas de première main, disons), mais d'une réécriture de Dumas et de sa trilogie des mousquetaires, à savoir Furioso de Voldemar Lestienne.
D'accord, ce livre est à peu près inconnu de 99 % de la population ( hélas! ).
D'accord, il s'agissait d'écrire ici les pages manquantes entre ce qui se passe à la fin de Furioso et ce que l'on découvre dans la suite, à travers Fracasso.
Pourtant, j'espère que, moyennant quelques informations de passage lors de la lecture et un petit résumé initial de Furioso, cette fiction restera malgré tout compréhensible.
Cependant, je tiens à mettre en garde : ce texte est inabouti et n'est soumis à votre lecture charitable qu'afin de recevoir des critiques constructives qui lui permettront d'arriver à son terme... Lecteur, sois donc indulgent pour les problèmes de sonorités des mots, ou le personnage parfois trop... ou pas assez... Enfin bref, pas exprimé comme je me l'imagine. Et surtout n'hésite pas à apporter ici des idées ou des remarques, je t'en prie !
résumé de Furioso: "Juin 1940. Le jeune Philippe de Maupertus débarque en Angleterre. Jeunesse oblige : avec le colossal Pablo Castagnas, géant pied-noir surnommé « La Castagne », et le mystérieux Bréval au visage ravagé de mille morsures, l'ardent jeune homme s'engage, sur l'heure, dans un commando nommé « Revanche ». Un quatrième garçon se joint alors au petit groupe : il est mince et ensorcelleur, il est juif, il s'appelle David Belletoise. Les trois mousquetaires sont quatre et, dans une exubérante allégresse, ils se lancent aussitôt à l'assaut du Troisième Reich." (pour en savoir plus, jettez un coup d'oeil sur la page suivante : . ?code=Furioso
note: les passages en gras sont directement empruntés à Furioso ou à Fracasso.
Lorsqu'il reprit connaissance péniblement, Bréval demeura un long moment à tenter de recomposer ses souvenirs. Les images ressurgirent brusquement dans son esprit en même temps qu'une nausée violente qui le vida, lui laissant dans la bouche le goût métallique de la boue blanchâtre qui avait déferlé des issues de Peenefaust, en emportant dans ses flots les milliers de tracts de l'opération Otarie (1).
La conscience de son corps lui revint alors et il tenta de se redresser sur son coude, mais une douleur foudroyante dans les côtes le terrassa. Un nouvel effort fut sanctionné par un coup violent dans la mâchoire qui fit jaillir un caillot de sang. Étendu sans force et sans volonté, les yeux clos, Bréval entendit, derrière le bourdonnement qui vibrait dans ses oreilles, les rires qui l'entouraient, moqueurs, et le petit cliquetis métallique d'une arme que l'on amorce. Il ouvrit les yeux, mais l'éclat du soleil l'aveugla un instant, avant qu'une ombre ne vienne se détacher en contre-jour. C'était un S.S. qui braquait sur lui sa mitraillette. Étouffant une crispation de douleur, Bréval tourna la tête : à côté de lui, sur sa droite, étendus dans le sable, gisaient Pablo et David ( 2).
Pablo gémissait doucement et, sous lui, la large tâche de sang que buvait le sable de la plage s'élargissait peu à peu. Le Maudit crispa le poing en imaginant le sable qui s'insinuait dans les chairs labourées du dos du bon gros géant.
Il força alors son attention à se reporter sur David, allongé là immobile, les yeux grands ouverts sur le ciel vide au-dessus de la falaise de Peenefaust. David était-il mort ? Avait-il été tué ? Ou le gaz du Docteur Koch faisait-il encore effet ... ? (3)
Avec soulagement, Bréval constata cependant que le corps de Maupertus n'était pas étendu à proximité de ses deux compagnons. Une lueur d'espoir s'alluma alors dans l'âme écorchée vive du Maudit, bien vite éteinte par de sombres pressentiments : certes ils avaient réussi à détruire les milliers de tracts qu'Heydrich (4) avait entassés dans sa forteresse de Peenefaust. Mais l'album de la reine ? Où était-il ? Était-il retombé aux mains des Allemands ? Si c'était le cas... Pour la première fois depuis qu'il s'était imposé son inhumaine mission, le Sturmbannführer S.S. Totenkopf le Maudit, que ses amis appelaient Bréval et que De Gaulle nommait Sainte-Croix (5), se sentit gagné par le découragement. Pour la première fois depuis qu'Heydrich l'avait pris sous son aile, il eut envie de cesser de lutter et d'abandonner la France à son triste sort. Il revit Maria (6), la si belle Maria, Maria la tendre Juive évadée du camp de Sachsenhausen et qu'il avait épousée, Maria, devenue l'implacable Juive de la Gestapo, Maria, la maîtresse de Heydrich, quand, cette terrible nuit, elle lui avait versé sur le visage son bol de vitriol en lui susurrant des mots tendres tandis qu'il hurlait de douleur et que le poison lui dévorait la peau. Et cette fois, il ne put étouffer le gémissement de souffrance qui le submergea.
Tout à coup, un léger vrombissement attira son attention. Le bruit grossit, s'enfla et, crevant les nuages, un D. B. 601 A. surgit dans le ciel et tourna au dessus de leurs têtes avant de venir se poser sur la plage. Au gardez-vous impeccable dans lequel se figèrent les S.S. qui les tenaient en joue, Bréval devina que le pire restait à venir.
La longue silhouette d'Heydrich sortit du cockpit et se précipita vers eux. Un frémissement de joie cruelle vibrait dans sa voix lorsqu'il cria aux sentinelles :
- Vivants ?
- Vivants, répondirent les soldats.
Il s'arrêta devant le corps ensanglanté de La Castagne et murmura :
- Le colosse !
Deux pas à gauche. Il s'arrêta devant David et ricana en se frottant les mains :
- Le youpin !
Deux pas à gauche et devant le corps étendu, impuissant, de Bréval, il jubila :
- Le Maudit !
Plus bas, comme pour lui-même, il ajouta :
- C'est donc vrai ! C'est bien toi. Maudit. Ende gut, alles gut ! Tout est bien qui finit bien !
Puis il remarqua à son tour qu'il manquait un corps.
- Il m'en manque un, hurla t-il. Le petit aristo ! Où est-il ? Raus, vous autres ! Retrouvez-moi vite le petit aristo ! Schnell !
Les soldats redevinrent vite silencieux et maussades.
- Envolé ! Maugréa Heydrich. Dommage ! Es gibt ein Floch der noch rennt und der Hund kratze sich. Il y a une puce qui court encore et le chien se gratte !
Bréval ferma les yeux pour ne pas laisser trahir l'éclat fauve que la lueur d'espoir avait allumé dans ses yeux éteints : Maupertus s'en était sorti. Et mort ou vivant, les Allemands ne l'avaient pas eu. Ils n'avaient pas récupéré l'album de la reine.
- Qu'est-ce qu'on en fait, demanda un des hommes d'Heydrich, en montrant du doigt les trois corps étendus sur le sable. On les finit ?
- Pas du tout ! Ricana Heydrich. Wie die Azrbeit, so der Lohn! Comme le travail, ainsi le salaire. Empaquetez-moi tout ça avec un joli ruban et une faveur bleue. Je vais en faire mes cadeaux de Saint-Nicolas.
Son sourire s'élargit alors lorsqu'il ordonna :
- Envoyez-moi le colosse au Reichsmarschall Hermann Goering. Je sais que cela lui fera plaisir. Pour son zoo ! Donnez de ma part le youpin au Reichsführer S.S. Heinrich Himmler. Je sais qu'il aime bien les Juifs. Pour ses usines de savon !
- Et le Maudit ? On le livre à Goebbels ? Rigola l'homme .
- Non ! S'écria Heydrich. Le boiteux n'avait qu'à courir plus vite. Wer zuerts kommt, mahlt zuerst. Le premier venu dîne en premier. Il aura le petit aristo quand on l'aura rattrapé. Le Maudit, je me le réserve. C'est pour moi. Il est à moi ! Für MICH !
Il donna un coup de pied au corps de son ami allongé au sol et écrasant de sa botte la poitrine de Bréval, les yeux fermés, respirant fort, il ajouta d'une voix onctueuse et presque tendre :
- Ce traitre va regretter d'avoir oublié qui je suis ! Keine Rose ohne Dornen. Il n'y a pas de rose sans épines.
Bréval sut alors que ce qu'il allait vivre serait plus que ce que son être ne pourrait supporter cette fois. Et si Philippe n'avait pas survécu à la mission-suicide vers laquelle De Gaulle avait envoyé ses quatre vaillants mousquetaires, Bréval mourrait déshonoré.
(1) Les tracts sont une arme secrète des Allemands en prévision de l'opération Otarie visant à envahir l'Angleterre. Ces tracts ont été réalisés à partir d'un album secret de la reine d'Angleterre, volé par les Nazis au début de Furioso
(2) Pablo Castagnas, surnommé la Castagne, grand géant débonnaire, et David Belletoise, jeune pilote juif et dandy séducteur, sont, avec le tout jeune Philippe de Maupertus, les autres héros de Furioso
(3) La Castagne a eu le dos labouré par des tirs de mitraillettes, tandis que Belletoise a été asphyxié par un gaz paralysant
(4) Reinhard Heydrich, personnage historique, , directeur du Reichssicherheitshauptamt, Protecteur adjoint du Reich en Bohême-Moravie et adjoint direct de Himmler est l'un des plus redoutables ennemis de nos quatre mousquetaires.
(5) Bréval est un agent-double, infiltré au sein du Reichssicherheitshauptamt (organisme d'espionnage nazi)
(6) Maria Eberhardt, ancienne juive évadée d'un camp de concentration, est devenue le plus farouche agent nazi que les quatre amis sont amenés à combattre. Mais Bréval et Maria possèdent en réalité un passé commun : Bréval est l'officier allemand qui, fou amoureux de la jeune femme, a permis à Maria d'échapper à l'enfer des camps en lui fournissant une nouvelle identité et en l'épousant. Celle-ci l'a par la suite "remercié" en le vitriolant.
