Voici mon dernier bébé en date, qui s'avère être un bon morceau, une dizaine de chapitres je dirais, et je vous prie de croire que sa venue au monde aura été difficile XD Je bosse dessus depuis novembre et je ne suis pas mécontente d'être arrivée au bout. En passant, mes excuses pour le titre pour le moins fumeux, mais venant de moi ce détail n'étonnera personne je suppose^^
Pour le reste, tout est dans le résumé je pense. Néanmoins je rajoute que vous aurez droit à une petite enquête - ben oui, on est quand même sur du Sherlock Holmes - qui n'interviendra cela dit que dans quelques chapitres.
Me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture, en espérant que vous apprécierez ce que vous allez découvrir ;)
ooOoo
Par la vitre du fiacre je pus voir le portail de fer forgé qui indiquait la propriété qui allait être la notre pour les quelques semaines à venir. Je me forçai à ne pas ciller pour que Holmes, qui me fixait depuis la banquette d'en face depuis notre départ, ne puisse savoir ce que j'avais en tête. Je ne voulais pas lui donner cette satisfaction d'avoir réussi son coup une nouvelle fois. Après tout c'était lui qui m'avait entraîné de force loin du tumulte de Londres alors que j'avais tenté de résister, je ne voulais pas à présent qu'il puisse découvrir que je commençais à apprécier l'idée. L'endroit semblait calme, l'air était pur, il y avait pire comme lieu de villégiature, je l'admettais enfin pour moi-même.
Le corps endoloris par les soubresauts des petites routes de campagne et l'immobilité induite par ce long voyage de plusieurs heures, je me replongeais dans mes souvenirs douloureux, ceux-là même qui avaient contribué à me mener ici.
Tout avait commencé quelques mois plus tôt de la façon la plus dramatique qui soit. Et tout ce temps depuis ne m'avait pas permis de m'en remettre. Holmes et moi venions de passer la nuit dehors, à surveiller le domicile de notre dernier client en date. Aux premières lueurs de l'aube nous pûmes ainsi mettre hors d'état de nuire le maître chanteur qui s'apprêtait à entrer par effraction pour mettre à n'en pas douter ses menaces à exécutions.
Je rentrai ensuite chez moi, épuisé mais surtout fier du devoir accompli. J'étais également impatient de retrouver mon épouse, dont l'état de santé commençait à me préoccuper. Quelques mois plus tôt elle avait contracté une fièvre et une mauvaise toux dont elle n'était parvenue à se débarrasser que lors d'un long séjour chez des amis sur la côte galloise. L'air marin et le climat plus clément que celui de la capitale lui avait fait le plus grand bien et elle était revenue plus en forme que jamais. Du moins c'était ce que j'avais eu l'audace de croire. Au début de cette semaine funeste sa santé s'était une nouvelle fois dégradée, mais je n'avais diagnostiqué qu'une mauvaise grippe, ce qui n'avait rien d'exceptionnel pour la saison. Je ne me suis jamais pardonné ce manque de discernement, mais après tout ne dit-on pas que les cordonniers sont le plus mal chaussés ? D'autant que Mary n'était pas du genre à se plaindre, préférant comme à son habitude minimiser ses symptômes pour m'éviter de me faire trop de mauvais sang.
La veille, tandis que j'hésitais malgré mon envie à rejoindre Holmes elle avait pris la décision pour moi. Selon elle après une bonne nuit de sommeil elle irait bien mieux, or le détective à l'inverse avait certainement besoin de mon assistance. Depuis le retour d'entre les morts de Holmes près d'un an plus tôt, elle n'éprouvait plus la moindre jalousie à son égard et prenait chaque moment que nous passions ensemble lui et moi avec la plus grande philosophie. C'était compréhensible, quoi qu'admirable de sa part. Elle m'avait vu détruit par la perte de mon ami et au retour de celui-ci elle avait compris que je ne pourrais supporter un autre drame. Aussi, pour mon bienêtre, préférait-elle me savoir occupé à veiller sur lui, geste salvateur autant pour l'un que pour l'autre.
J'avais le cœur léger en arrivant à Cavendish Place, inconscient du drame qui s'était joué durant la nuit et qui allait tout changer pour moi. J'entrai chez moi pour trouver ma femme de charge le visage bouleversé, les yeux rougis, serrant nerveusement entre ses mains un mouchoir de dentelle.
« Oh docteur Watson ! Mon dieu… Mon dieu… Il est arrivé un tel malheur… »
Me demandant ce qui avait pu la mettre dans un état pareil, je pénétrai dans le salon pour y découvrir un spectacle parfaitement insolite. Sur le divan la cuisinière et la femme de chambre que j'avais engagée récemment pour soulager mon épouse, se tenaient par la main tout en pleurant en silence, et le docteur Alcott, un collègue et ami, fixait le feu dans l'âtre d'un air préoccupé, les épaules tendues. Il leva la tête à mon arrivée et je compris à cet instant précis, en voyant la douleur et la sollicitude dans ses yeux, que ce qui m'attendait était plus grave que je ne le craignais quelques secondes auparavant.
« Alcott ? interrogeai-je d'une voix empressée.
- Watson mon vieux, je suis tellement désolé.
- Alcott ?
- Il y a eu un drame avec votre épouse. J'ai été appelé ici en pleine nuit tandis que son état empirait.
- Mais…, soufflai-je, désemparé. Est-ce qu'elle…
- Elle s'est éteinte tôt ce matin. Je suis désolé. »
Me fichant bien de sa sollicitude, je fermai vivement les yeux avant de perdre finalement l'équilibre, écrasé par le poids des mots qui venaient d'être prononcés. Mon ami fut sur moi en un instant pour me rattraper. Il me guida jusqu'au fauteuil le plus proche où je me laissai tomber avec gratitude. Je rouvris les yeux mais ma vue était brouillée, la tête me tournait. Une seule pensée m'obsédait. Mary, ma douce Mary, morte ? Impossible ! Elle allait si bien la veille lorsque je l'avais quittée. Elle était si vivante, si… En fait non, à la réflexion elle n'allait pas si bien, et ce depuis des jours. Des semaines peut-être. Mais tout à mon excitation de rejoindre Holmes chaque jour après mes consultations je n'y avais pas prêté attention. Je n'avais pas su voir la fièvre, la toux, la perte de poids et tous ces autres symptômes que j'aurais pourtant su analyser chez l'un de mes patients. C'était enfantin mais je m'étais fourvoyé, peut-être par crainte d'affronter la réalité. Et mon inaction l'avait probablement tuée… J'avais tué mon épouse ! Et pourquoi ? Pour me lancer à la poursuite de quelques criminels dont Holmes se serait de toute façon chargé sans moi. Je maudissais ce travail ! Je maudissais Holmes ! Et par-dessus tout je me maudissais moi-même !
« Je veux la voir, dis-je tout à coup d'une petite voix que je ne parvins à reconnaître
- Bien sûr, je vais vous conduite auprès d'elle. »
Monter à l'étage ne m'était jamais paru aussi difficile, je me sentais comme vidé de toute force, comme si mon corps ne m'appartenait plus. J'aurais tout aussi bien pu mourir dans l'instant, cela ne m'aurait certainement pas dérangé. J'étais veuf ! Je n'aurais plus Mary à mes côtés ! Cette femme merveilleuse qui avait su faire de notre vie quotidienne une existence de rêve, qui avait su si bien me remonter le moral, m'aider à surmonter une partie de ma peine après le drame de Reichenbach. Qui avait ensuite accepté sans se plaindre que je la délaisse si souvent au profit de Holmes au retour de celui-ci. Ma parfaite épouse, que j'aimais tant. L'idée même de devoir lui survivre m'apparaissait totalement impossible, à plus forte raison que je me savais responsable de ce drame par mon manque d'attention.
« Vous n'auriez rien pu faire, intervint tout à coup mon confrère, qui ouvrait la marche. J'ai diagnostiqué une forme particulièrement grave de pneumonie. Ses poumons avaient été si fragilisés ces derniers mois… Tout au plus par vos soins constants vous ne lui auriez offert que quelques jours de répit. »
Ces quelques paroles de réconfort que je savais sincères n'eurent pourtant pas le moindre effet sur ma personne. J'étais abattu, anéanti et rien n'aurait pu soulager ce poids qui pesait autant sur mes épaules que ma conscience.
Après une tape amicale sur mon bras, Alcott me laissa finalement entrer dans la chambre, dont il referma la porte derrière moi. Personne n'avait pris la peine d'ouvrir les épais rideaux de velours rouges, aussi la pièce était-elle plongée dans une semi-obscurité dont je pris une seconde pour me satisfaire. Le soleil qui brillait au-dehors n'avait rien à faire ici. A la vérité je ne voulais plus jamais revoir ses rayons, sentir sa chaleur. Mon cœur saignait et j'aurais voulu, en hommage à ma peine, à sa disparition, qu'il pleuve plutôt des torrents.
Prenant mon courage à deux mains, je m'approchais enfin du lit, notre lit, les jambes flageolantes. Elle était étendue là, sereine, semblant simplement dormir, ma tendre aimée. Son visage si pâle semblait de porcelaine et pour la toute première fois je remarquais combien il était maigre, osseux. Comment n'avais-je pu m'en rendre compte avant qu'il ne soit trop tard ? Rongé de remords, je me penchai vers elle et baisai ses lèvres glacées, un frisson d'effroi traversant tout mon corps. M'agenouillant tandis que mes yeux se remplissaient de larmes, je posai mon visage contre sa poitrine désormais inerte.
« Mary, pardonnez-moi mon amour. Je n'ai pas su prendre soin de vous comme vous le méritiez ! Mary ! »
Ma voix se cassant, je laissai finalement libre court à mon chagrin, pleurant cette perte dont je n'envisageais parvenir à me remettre un jour.
TBC...
