Murmures à Kirov
Personnages
Franz : Empereur de Kirov
Manaril : Reine de Lorimar et Impératrice de Kirov
Aurélien : Fils de Manaril, Prince héritier de Lorimar
Elena : Fille aînée d'Aurélien, amie de Rosaline
Estel : Fils cadet d'Aurélien
Rodrick : Neveu de Franz, Ministre des Renseignements de Kirov
Ivanov : Général de Kirov
Pesmerga : Conseiller de Franz et de Manaril
Agathe : Sénatrice
Ancadion : Sénateur
Antichius : Sénateur
Ernest : Serviteur d'Ancadion
Idril : Servante d'Agathe
Fanor : Serviteur et garde du corps d'Aurélien
Rosaline : Fille d'Agathe
Amélie : Fille d'Antichius
ACTE 1
Scène 1
(La scène se déroule derrière la loge impériale du Sénat)
Franz, Ivanov, Manaril, Pesmerga, Rodrick
Franz : Je retourne à la vie ! Mais que cette séance
A fauché moi devant l'ombre de l'espérance…
Manaril : Comment vous en blâmer quand toute la journée
Vous portez le fardeau d'un empire assiégé ?
Où que porte la vue tout menace la ruine
Et toutes vos régions hurlent à la famine.
Vous avez beau lutter contre vos ennemis
Il pousse dans les champs plus d'épées que d'épis.
Kirov seule résiste au désespoir ambiant
Et ses jardins encor fleurissent dans les temps.
Kirov porte l'empire et contient ses doutes
Vous supportez Kirov comme sa clé de voûte :
Qu'une séance alors parmi les sénateurs
Ebranle votre espoir, ombrage votre coeur
N'est en rien étonnant, en rien déshonorant
Franz : Vos mots sont à mon coeur des plus réconfortant
Madame, et je sais bien que passant par vos lèvres
Ils ne seront atteints par la flatterie mièvre
Rampant dans les couloirs, grouillant sous les tapis,
Qu'aiment nos courtisans pour gagner leurs amis.
Je ne crains pas de voir mon honneur s'amoindrir
Mais bien que me voyant toujours plus m'affaiblir
Le Sénat veuille prendre un rôle qui m'échoie
Et face à ce brasier embrasse un triste choix :
Celui que de noyer des flammes apeurées
Sous des vagues de haines et des chants guerriers.
Il suffirait d'un rien, et nous l'avons bien vu
Pour inviter la mort au coin de chaque rue.
Amis j'ai grand besoin du meilleur des conseils
Aidez-moi dans la nuit à trouver le soleil.
Pesmerga : Le Sénat, ô Seigneur, s'enhardit de la peur
Qui rampe dans les rues et hurles dans les coeurs
Et aux cris de détresse vivement il désire
Répondre d'une guerre à la gloire de l'Empire.
Ecraser de nos mains l'insolente cité,
Passer leurs magiciens au fil de notre acier.
Et quoi, blâmerions-nous qui désire la gloire ?
Qui désire graver dans les cieux de l'Histoire
Son nom ! Kirov mena tant de guerres sous vous
Son esprit, son passé sont nés dans les remous
Des océans de sang, dans les cendres guerrières
Rassemblées fièrement des bûchers funéraires.
Chaque génération enflamme son esprit
Dans ce lit toujours chaud et plus rouge que gris.
Et dès le plus jeune âge en des temples mystiques
On se nourrit le coeur aux urnes héroïques.
Et les voix du passé dans les fumées d'encens
Racontent les combats des guerriers d'antan.
Et comment accepter que face à cet empire
Tant de fois agrandi que le Cratère admire
Face à ce monument de gloire et de splendeur
Face à cet Elysée que fuit même la peur
Une faible cité ne baisse le regard
Et ose nous défier quand ce n'est qu'au hasard
Qu'elle doit sa fortune ? Ô amère injustice !
Et nous devrions boire à ce triste calice ?
Rappelez-vous seigneur quels jardins merveilleux
La magie nourrissait pour régaler vos yeux ?
Les bosquets enchantés, les dédales de roses
Les dômes où prenaient vie les métamorphoses ?
Il n'en reste aujourd'hui qu'un fade souvenir
Et nos sombres regrets sont les seuls à fleurir.
N'avez-vous souvenir de toutes les lumières
Dévorant dans la nuit les murs comme le lierre ?
Le Sénat ne peut pas souffrir l'humiliation
De voir ployer Kirov sous la prétention
De la blanche cité. Que pour son arrogance
Elle soit réprimée par une mer de lances
Est l'aspiration ultime du Sénat.
Ils ont bien trop à coeur de l'Empire l'éclat.
Ils doutent, monseigneur, que de ces mercenaires
Ne résulte rien sinon de la poussière.
Soutenez leur action afin que vous puissiez
Pour le pays sauver vos efforts ménager.
Franz : Croient-ils que je ne veuille au milieu des étoiles
Voir à nouveau briller ce nom que la nuit voile :
Kirov !
Manaril : Vous travaillez à la garder en paix.
Mais la gloire pour eux se tire de l'épée.
Franz : Hélas, ô Manaril, trop vraies sont tes paroles
Mais je crains de céder et cela me désole.
Rodrick : Céder Seigneur ? A quoi ?
Franz : Céder à ma vieillesse,
Céder aux sénateurs et montrer ma faiblesse.
J'ia nourri ma jeunesse à un sein guerriers
Et ma gloire trempé dans des cours meurtriers
Mon honneur tant vanté et ma gloire qu'on clame
Je les dois au chaos qu'accompagnent les lames
Et ce sceptre est porté par une blanche main
Qu'autrefois empourprait un torrent inhumain.
Ô Rodrick mon neveu, Pesmerga se révèle
Le meilleur des alliés pour une fois nouvelle.
Toi, ami de toujours, fidèle conseiller
Je connais ta valeur, ce qui te fait briller :
Il suffit d'un regard et le monde s'écroule
Ton esprit avisé le saisit, le déroule
Les désirs de chacun ne sont plus un secret
Et il ne te suffit que de les regarder ?
Comme j'aurais aimé pouvoir lire le monde
Quand jeune je menais une armée vagabonde.
Je conquis ! Ma furie me fit victorieux
Et me hissa au trône où se portaient mes yeux.
J'ai offert pour ce siège de sanglantes tempêtes
Et n'ai fait dans ma vie que couvrir de conquêtes
Mon nom. Est-il alors étrange qu'aujourd'hui
Malgré la confiance accordée aux amis
Je craigne de lancer Kirov en une guerre ?
Ivanov : Seigneur, puis-je parler ?
Franz : Par ton conseil m'éclaire
Toi qui a mes côtés a donné tes années,
Toi dont jamais l'honneur n'a été entaché.
Ivanov : Merci Seigneur. Je sais que céder à la rage
Peut nous être tentant. Mais dans votre sillage
J'ai appris que la guerre orne de ses lauriers
Non le plus intrépide ou le plus chevalier
Mais celui qui le mieux a prouvé sa prudence.
D'un mot vous commandez un océan de lances
Qui pourrait inonder tout le monde connu
Et vous pouvez compter sur l'aide convenue
Des vassales armées, des troupes de la reine.
Un mot, et Castelblanc est soumise à vos rênes.
Vous avez à vos pieds aussi bien les soldats
Que le commandement pour enchaîner ses bras.
Mais dans les conditions où l'Empire se trouve
Déclenchez une guerre et les complots qui couvent
Eclatent à l'instant et l'Empire incendient.
La guerre, mon seigneur, est la torche brandie
Vers la désolation pour l'honneur d'une lyre.
Un mot et, Empereur, c'est la fin de l'Empire.
Mais ordonnez seigneur, et en un mois de temps
Je promets sur l'honneur de raser Castelblanc.
La guerre ne résout aucun de vos problèmes
Les fils de nos soldats mangeront ce qu'ils sèment
Car dans les champs foulés au pied de nos armées
Le blé ne poussera que nourri par l'acier.
Et songez seulement au prix de notre gloire.
Songez à tout ce sang que la terre va boire
Songez à tous les os qui orneront les rues
Songez à tous les morts qu'emporteront les crues.
Nous vaincrons, n'en doutez, mais songez que nos lames
Par un coup du destin, une injustice infâme,
Lutteront pour Kirov acier contre magie
Et que à Castelblanc ils ont tous à l'esprit
Leur foi renouvelée et leur bel avantage.
Car dans les plaines nues où s'abattra l'orage ?
Et quand nous mènerons le siège de ses murs
Quel déluge de sorts pour le rendre plus dur ?
Et quand nos béliers défonceront leurs portes
Croyez-vous qu'ils fuiront, que l'espoir qui les porte
S'effondrera d'un coup, volera en éclats ?
Non : il faudra lutter, et perdre nos soldats
Au pied des escaliers, sur les marches des temples
Brûlant, et pour leur foi ils feront un exemple
Et mourront emportant avec eux dans la mort
De courageux soldats désignés par le sort.
Quand le soleil enfin lèvera sur le monde
L'aube renouvelée d'un ciel où rien ne gronde
Vous pourrez constater qu'à l'orient le matin
Sera gris d'une cendre amère à nos destins
Que lavera bientôt une écarlate bruine
Et enfin vous pourrez admirer votre ruine.
Rodrick : Est-ce que la magie vous inquiète tant ?
Ivanov : Disposerions-nous comme dans l'ancien temps
Nous même de magie que ma seule inquiétude
Serait que pour l'Empire une guerre est trop rude
Et qu'au lieu de s'unir il pourrait s'effondrer.
Rodrick : Mais la magie du puits est en pas limités
Et si nous les menons au pied de nos murailles
Leur précieuse magie se changera en faille.
Ivanov : Et la désolation qu'une si grande armée
Libre de mouvement chez nous pourrait causer
Ne vous émeut en rien ? Voir les champs et les fermes
Brûler ne planterait que mortifère germe.
Franz : Assez amis, assez. Les conseils avisés
Qui par votre sagesse ont été prodigués
Ont décidé mon choix, renforcé ma posture.
Les terres ravagées par la famine endurent
Assez de maux déjà dans cet âge de fer
Pour que par une guerre on transforme en enfer
Les vallées d''autrefois aujourd'hui brasiers
Les rivières dorées aujourd'hui dépeuplées.
Le peuple meurt de faim et un orgueil blessé
Ferait fondre les faux pour se parer d'acier ?
L'Empereur vit d'honneur mais doit face à l'Empire
Ou céder le diadème où affronter son ire.
Qu'importe si cela sera de mes combats
Le dernier car la paix a gagné le débat
En mon âme et mon coeur. Je choisis la confiance
En ces Aventuriers et leur donne une chance :
Le peuple ou le Sénat, il me faut bien choisir
Pour une fois enfin je sais pour quoi périr.
Maintenant qu'on me laisse.
