Prologue – Le Malheureux Héros-

Il n'y avait pas de Héros plus glorieux qu'Ike. Brave guerrier, dont la force avait terrassé les dieux pour l'humanité, béni de ses ennemis divins, vaincus, il incarnait à présent l'être le plus respecté de tout Tellius ! A la fois craint et adoré, le moindre de ses gestes, la moindre de ses décisions pouvaient engendrer Paix et Guerres. En cela, il n'y avait pas de Héros, plus malheureux qu'Ike.

Deux mois, qu'il se traînait, de cérémonies en cérémonies, deux mois, qu'il supportait nobles peu scrupuleux, cherchant à profiter un peu de sa lumière irradiante. Deux mois qu'il ne pouvait plus combattre, pas même au nom des Mercenaires de son père, sans risquer d'attiser la jalousie des peuples.

Comment, le Héros prenait parti pour Crimea ? Mais que fait-il, de Begnion, première victime de ses actions, en Guerre Sainte ! Quoi, le champion divin, proposait de son aide à Begnion ? N'oubliait-il pas, la pauvre Daein, dont le territoire, avait subi plus d'une fois, les affres de ses campagnes ? Encore, Ike le grand, parlait au nom de Gallia, n'oubliait-il pas, qu'avant tout, il était un Beorc, ne devait-il pas songer d'abord à son propre peuple, plutôt qu'à ces hommes bêtes ?

Encore, et encore des plaintes s'élevaient ! Quoi qu'il fasse, quoi qu'il pense ! Ne pouvait-on pas le laisser vivre ? Ne pouvait-on pas oublier son fait d'arme ? Il était homme, comme les autres et sa victoire n'avait été que résultat des circonstances, jamais il n'avait souhaité la chute des Dieux, seule la nécessité l'y avait poussé. Etait-ce vraiment ainsi, que le monde remerciait son héros, en l'étouffant sous la poudre et les niaiseries de la coure, sans lui permettre de continuer à vivre avec ses espérances modestes ?

Une part d'Ike, de plus, haïssait son acte envers les déesses, car, il savait bien qu'en pourfendant l'être divin il avait accompli son plus grand exploit, celui qui resterait l'apogée de sa carrière, insurmontable. Que devenait son avenir, à présent ? Il ne lui restait plus qu'à stagner, jusqu'à ce qu'on l'oublie, s'occuper du menu fretin, qui parfois, ne lui demandait même pas l'effort de sortir son épée de son fourreau…

Lui qui aimait se combattre, l'art de l'affrontement, des défis dans le but d'atteindre le summum du maniement de l'épée ou d'une autre arme, se voyait privé de tout ce qui l'enchantait. Bien sûr, il aurait pu, du, s'assagir, prendre goût aux réceptions royales, pompeuses…Aux mariages de ses amis, les uns après les autres...Aux bienfaits, d'une existence paisible.

Mais non.

-Je vais mourir d'ennui, Soren.

C'est ce que déclara Ike, un matin, deux mois après sa victoire contre les Dieux. Après l'entraînement matinal, le groupe de mercenaire venait de partir aider un village voisin, avec à la tête de la petite armée, Titania. La grande rousse lui avait vivement conseillé, -synonymes ces derniers temps pour lui d'ordonner- de ne pas participer à la bataille.

Mission trop aisée, disait-elle, lieu, trop proche de Criméa, le village était en bordure de frontière, et il fallait repousser des ennemis venu d'une autre nation, pour affirmer le territoire gouverné par Elincia. Risques politiques trop élevés, avait-il appris de la bouche de Soren, son fidèle tacticien.

A présent, ses loyaux amis, sa famille, partie pour au moins deux semaines pour aider les paysans, il se retrouvait, seul, face à toute la paperasse et les finances à régler.

Ennuyeux, ennuyeux, ennuyeux. ENNUYEUX !

-Tu dramatises, on croirait entendre Boyd. Lui répliqua son ami, dans un rictus, presque amusé.

Dans un bruissement, le sage prit place à la table de bois, où reposait plusieurs piles de documents, dont beaucoup, étaient de sa main. Ike, plus que décidé à mourir asphyxié, garda la tête contre les bilans de batailles.

-Voyons, les mercenaires ne se sont jamais sentis aussi bien, financièrement parlant. Constata le magicien, en calculant, rapidement, leurs bénéfices.

L'avantage de la réputation d'Ike restait que beaucoup appelaient les mercenaires de Grey, même pour un rien et à chaque mission pour une Nation, c'était celles voisines, impatientes de rééquilibrer les choses, qui leur demandaient une broutille au sein de leur territoire. Ainsi, ils gagnaient beaucoup, voire trop, ils pouvaient donc entretenir leurs armes et même en acheter des neuves, sans se soucier des dépenses.

Ike releva la tête, de mauvaise humeur, et contempla, son tacticien plongé dans la documentation. Il l'admira, en silence. Il ne grandissait vraiment pas, il lui semblait, que contrairement à Lui, Soren avait à peine changé depuis ses premiers coups d'épée en tant que mercenaire. Toujours ses grands cheveux noirs, couleur aile de corbeau, si longs, si soyeux. Comment arrivait-il à les conserver aussi propres ? Ike l'ignorait, il ne voyait jamais son ami se coiffer, au même en prendre soin, alors que souvent, dans les campagnes, les guerriers souffraient des parasites tels que les puces et les poux. Lui-même en avait eu quelques uns, et c'était Soren qui avait réussi à l'en débarrasser, à l'aide d'un onguent au vinaigre et à la lavande. Peut-être, que finalement, Soren prenait soin de sa tignasse, puisqu'il connaissait le remède contre ces bestioles insupportables…

Il aimait bien les cheveux de Soren, contrairement aux siens, ils lui donnaient envie d'y laisser dériver ses doigts.

Mais ce qu'il préférait, chez le brun, c'était ses yeux, d'un écarlate, envoûtant. Ike n'avait su les définir correctement, qu'après avoir contemplé les bagues des Nobles gassouillant des différentes nations. Il avait les prunelles couleur rubis. C'était la seule touche de couleur chez son ami, ces yeux, rehaussée par la très légère marque sur son front, contraste frappant avec sa peau laiteuse, et ses robes sombres.

-Il serait peut-être temps, de séparer le groupe, pour en implanter un fort dans toutes les nations…Oscar pourrait aller à Begnion, avec Tanith, ils s'entendent bien, et ainsi, son groupe aurait des informations constantes de l'impératrice. De plus, Oscar est calme et posé, il sait réfléchir et établir des stratégies, il ferait un excellent chef là-bas. Le plus compliqué, serait de voir qui l'y accompagnerait. Boyd et Mist veulent se marier, ils voudront rester ici…Shinon et Gatorie, préfèreront certainement le pays qui paie le mieux, ce qui équivaut en ce moment à Daein, vu les tensions actuelles là-bas…Mia ira partout là où elle trouvera un rival…Il me semble qu'elle était plutôt intéressée par l'homme de la brigade de l'aube, l'autre escrimeur, à moins qu'elle ne regarde le blond toujours à côté…En tout cas, ce serait plutôt Daein ?

Ike écoutait d'une oreille le discours de son stratège. Il ne voulait pas aborder cette conversation, trop souvent remise sur la table ces derniers temps. Il n'appréciait pas l'idée de voir ses compagnons disséminés de part Tellius. A la place, son attention coula, des paroles du stratège, aux lèvres de celui-ci. Les coudes sur la table, le visage dans ses paumes, Ike se perdit quelque peu. Elles étaient belles, ces lèvres, il avait bien envie d'y gouter, juste une fois. Il n'avait jamais fait ça avant, mais, les mouvements, étaient presque aguicheurs, hypnotisant. Etait-ce vraiment les lèvres de Soren, qui possédaient ce pouvoir sur lui… ?

-Qu'en penses-tu, Ike ?

Le général sursauta, pris sur le fait, et rosit comme adolescent en faute.

-Désolé Soren, je n'ai pas écouté.

Le brun, arqua un sourcil face à cet aveu, puis soupira.

-Dis-moi, Soren, pourquoi tu es resté ici avec moi ?

La question ne surprit pas le concerné, et Ike, qui savait lire en lui parfaitement, comprenant jusqu'au plus petit froncement de sourcil et rictus moqueur, senti, que le brun s'attendait à cette interrogation de sa part.

-Titania peut très bien diriger les troupes, elle fait un très bon stratège, et Rhys étant resté ici, à l'école, elle sera prudente, et à la fois pressée de rentrer. Ils n'avaient pas vraiment besoin de moi, contrairement à toi.

-Je peux me débrouiller tout seul. Contesta Ike, vexé à l'idée d'être chaperonné.

Soren eut une expression sarcastique.

-Je le vois.

Le sage tourna des talons et s'engouffra dans la cuisine, le laissant seul. Ike, abandonné, sentit le vent caresser son dos, et siffler dans les couloirs désertés du fort. Pas une âme, tout juste Rolf, qui en l'absence de Shinon –parce qu'un archer suffisait dans le groupe parti en mission-, s'entraînait sérieusement sur des cibles dans la cour. Peut-être pouvait-il lui demander, de le viser, et tâcher de briser les flèches avant qu'elles ne lui crèvent un œil ?

Après un moment de réflexion, Ike songea, que s'il en était réduit à de telles extrémités par l'ennui, (surtout, qu'il n'était pas certain de résister en tant que cible de l'habile Rolf), il avait bel et bien besoin d'un chaperon. Alors qu'il bullait bien gentiment, ressassant son ennui profond –parce qu'il ne le dirait jamais assez : il s'ennuyait ! – une exclamation s'éleva à l'extérieur.

Plus vif que l'éclair, il attrapa le manche de sa fidèle Ragnell, et emprunta la sortie à une vitesse encore plus folle, que celle grâce à laquelle il avait vaincu la déesse.

Un ennemi ! Un ennemi assez fou pour s'attaquer au Fort des Mercenaires ! Enfin un adversaire auquel se mesurer, il ne manquerait plus qu'on lui interdise de se battre contre ceux qui osaient s'inviter chez eux ! Il allait s'en donner à cœur joie, et le pauvre intrus allait le regretter.

Un ennemi ici ! Un ennemi ici !

Ike jubilait.

Un ennemi ! Un enn-Marcia.

C'était Marcia qui avait provoqué l'exclamation de Rolf. Le jeune adolescent se tenait déjà près de la cavalière pégase, rose et enthousiaste, puis après une hésitation, le vert de cheveux se jeta sur elle pour l'enserrer par la taille dans un rire. Ike, lui, frappa un caillou du bout du pied.

Tss.

Pas qu'il n'était pas content de voir la femme aux cheveux roses, aux ordres d'Elincia, mais quand même, il aurait préféré un imbécile venu se faire bien inconsciemment battre. Il avait même sorti Ragnell…Ah, mince, il avait oublié l'Alondite dans sa précipitation. Le mercenaire de Grey songeait qu'il devait peut-être apprendre un style à deux épées pour faire passer le temps quand le pas de Soren résonna sur les pavés.

-Marcia, tu es venue pour nous apporter une mission ? Demanda-t-il, toujours aussi concis et impoli malgré les années.

L'intérêt d'Ike pour la messagère remonta en flèche. Oh, Marcia, quel plaisir de te voir, pas de chance, il n'y avait que Rolf, Soren, et lui au fort, donc la mission leur reviendraient obligatoirement. Quel dommage ! Le chef des Mercenaires de Grey ne put camoufler son sourire.

La rose fit une moue, occupée qu'elle était à rendre son étreinte à Rolf, et elle ânonna :

-Oui, bonjour Soren, moi aussi je suis ravie de te revoir, et je vais bien, au cas où tu te le demanderais, bien que je suis embêtée par Astrid qui cède trop facilement aux caprices de mon idiot de frère…

Soren lui envoya un regard blasé, pas le moins du monde intéressé par ces informations obsolètes. Un peu de courtoisie n'aurait pas fait de mal au demi-laguz, mais Ike avait appris depuis le temps, qu'il était impossible de le lui inculquer, un Soren poli était un Soren malheureux. Comme un Ike sans combat. Maintenant, il voulait qu'on parle de la mission. La mission !

-Bon, bon, je suis ici, parce que sa Majesté Elincia a reçu une demande express de Daein pour vous demander votre aide…

Etant donné que leur fort se trouvait sur le territoire d'Elincia, il était normal que toute demande passe par la reine, qui, généralement, se contentait de transmettre sans lire, faisant confiance à la sagesse de Soren pour discerner dans le tas de demandes, celles aux risques politiques. Cette procédure augmentait d'autant plus les tensions entre les territoires, qui estimaient ma foi, que le Héros était à tout le monde.

Ike, lui, estimait plutôt qu'il n'appartenait qu'à lui, et aurait bien aimé, en cet instant, accéder aux requêtes de tous les habitants de la planète, si seulement ça pouvait l'occuper.

Marcia sortit de sa sacoche une missive officielle, et la tendit à Soren. Rolf prit une mine malheureuse quant à lui, et demanda :

-Tu vas partir ? J'aurais aimé que tu restes encore un peu, je voulais te montrer le résultat de mon entraînement !

Le pégase s'ébroua, au rire de sa cavalière, qui ébouriffa les cheveux de son cadet.

-Si tu progresses encore Rolf, tu vas bientôt te retrouver comme Ike, sans adversaire à ta hauteur dans tout Tellius !

La blague fit mouche, et Ike sentit le poids du monde lui heurter le crâne. Pas besoin de lui rappeler cet état de fait. Si au moins, il avait pu combler la différence de talents, par le nombre d'ennemi à combattre…

-Oh, désolée Ike ! Balbutia Marcia, en voyant l'état du général, déprimé.

-Pas de mal…Grommela ce dernier, même si cela lui filait tout de même un coup au moral.

-Hum, en tout cas, non Rolf, je vais rester avec vous cette fois, Elincia s'inquiète un peu pour Daein, et elle aimerait montrer en m'envoyant, que Criméa est prêt à aider son ancien ennemi.

-C'est ennuyeux que nous soyons si peu nombreux.

Soren referma le parchemin, après son commentaire, et il toisa le groupe disponible, avec pessimisme.

-Que demande Daein… ? Lui demanda Ike, sans parvenir à camoufler son impatience.

-Apparemment, La Reine Micaiah, malgré sa popularité, n'arrive pas à protéger les Laguz de son pays, un groupuscule s'amuse à détruire systématiquement les endroits où ils s'installent. Une expédition punitive contre son propre peuple alors qu'elle va affirmer sa place sur le trône n'est pas la solution, elle demande donc à des étrangers de s'en charger. Notre groupe s'affiche comme leur défenseur, il sera facile d'esquiver toute responsabilité à la reine quant à notre intervention.

Soren se pinça les lèvres, et ike savait que même s'il s'obligeait à se montrer cordial –dans la mesure où il restait Soren- avec les Laguz, il n'en appréciait toujours pas leur compagnie. Cet état de fait désolait bien son commandant, surtout, que leurs amis Laguz, eux, appréciaient le stratège, surtout le roi Skrimir, admiratif de sa maîtrise sur les champs de bataille.

-Nous pourrions peut-être demander à lethe, Mordecai ou Ranulf, d'exceptionnellement venir nous aider ? Considéra Ike.

Soren eut un rictus, qui s'approchait grandement chez lui, à un sourire mitigé entre deux émotions contradictoire : la fierté qu'Ike pense à cela lui-même et celle de devoir supporter des laguz à nouveau dans leur groupe.

-Ce serait en effet préférable, les Laguz se confieront plus facilement à l'un des leurs qu'à toi, tout Héros –il mima bien les guillemets à ce mot, ce qu'Ike apprécia, détestant être traité différemment à cause de ses exploits- que tu es. Mais je doute que Ranulf ait du temps à nous accorder, sauf si l'impulsivité bêtifiante de Skrimir a eut raison de sa patience depuis le temps…

Ike ricana légèrement, il est vrai, que le futur roi des lions, avait quelques problèmes pour se contrôler, causant du fil à retordre à son conseiller…Le pauvre Ranulf, qui aimait paresser et n'agir qu'en cas de nécessité, devait vivre les mois les plus éprouvants de sa vie… Surtout si Lyra et Kisa, l'aidaient dans sa tâche, avec leur professionnalisme habituel, à savoir, bruyamment.

-Je vais donc les chercher. Annonça Marcia, en montant immédiatement son pégase.

-Tu ne veux pas manger un peu et te reposer avant de partir ? Proposa Rolf.

-NON !

Le cri d'Ike, écrasa le « non désolée » timide de Marcia, et celui-ci, sous le poids des regards, se sentit particulièrement embarrassé.

-Hum, je veux dire, -il se racla la gorge- la mission doit être urgence, il me semble que Micaiah va bientôt se marier, et elle doit vouloir une cérémonie paisible, sans…tout…ça ?

Il n'était pas sûr de son excuse, mais personne ne trouva rien à y répondre, bien qu'il y ait quelques sourires en coin. Rolf regarda Marcia partir avec une petite mine, et tout comme Ike un peu plus tôt, il donna un coup de pied à un caillou innocent, avant de rentrer –dégoûté. Il était rare de le voir arrêter l'entraînement si tôt, mais il était rare que Marcia parte si vite après être venue les voir.

-La situation est si tendue que ça à Daein ? Interrogea Ike, une fois le plus jeune parti.

Malgré son envie d'aller guerroyer, il n'en était pas à souhaiter d'annihiler la paix durement mise en place, pour la satisfaire. Soren lui adressa un regard, perplexe, alors qu'il croisait les bras :

-Dans le cas présent je dirai que la situation est tendue entre Marcia et Rolf.

Ike arqua un sourcil et observa alternativement le jeune archer boudant dans son coin, et le minuscule point blanc dans le ciel que devenait le chevalier pégase. Ah ? Oui…Maintenant qu'il le disait…Etrange, pourtant quand Tanith venait avec des nouvelles (et des missions) de la part de Begnion, Oscar n'agissait pas de la même manière que son frère. Le mystère des familles, d'un côté c'était rassurant, si Mist était vouée à lui ressembler il ignorait comment il réagirait, l'image de sa si jolie et fragile petite sœur en montagne de muscles lui arracha un frisson d'horreur.

-Pour Daein, c'est plus complexe. Tu sais bien que Daein n'a jamais été tendre avec les Laguz, cette façon de les traiter a été vivement encouragée par le roi Ashnard. Or, leur reine tant aimée, Micaiah, a avoué récemment à son peuple, qu'elle était une demi-Laguz, allié à ça, qu'elle va épouser, non pas un noble, mais un roturier, voleur, comme Sothe, elle déçoit à la fois les Nobles, et les Extrémistes.

-Pourquoi, la politique complique-t-elle toujours les histoires ? Micaiah et Elincia ont du se battre pour épouser ceux qu'elles aiment…

Soren lui envoya une œillade étrange. Ike savait qu'il ne parlait pour ne rien dire, et que dans sa tête, sa question était des plus stupides.

Ike pressentait-il le mal qui allait lui briser le cœur en cet instant ? Une intuition, dues aux années passés sur le champ de bataille, à tacher de discerner, les amis des ennemis… ? Si tel était le cas, il ne fit rien pour l'empêcher de se produire.

-En tout cas, la chance de Daein vient du fait que Pelleas a avoué qu'il n'était pas le fils d'Ashnard. Pour les Royalistes convaincus, il n'y a donc pas d'héritier légitime à placer sur le trône, et ils ne peuvent encourager la reine Almedha non plus, dont le sang laguz a été révélé…Et quand bien même ils trouveraient un usurpateur, il faudrait alors accepter un autre demi-laguz sur le trône, sans éducation… Le problème reste le même. Ils pourraient se contenter de Micaiah si elle n'était pas autant adulée par le peuple. Le fait que tout daein la voit comme l'héroine de la brigade de l'aube doit les gêner atrocement, car après tout, la reine a déjà renversée tellement de leurs coutumes, ils doivent craindre pour leurs statuts de Nobles. Le seul espoir des royalistes reste de placer l'un des leurs, au sang « pur » sur le trône, et ça…Ils s'entretueront les uns les autres par avidité de pouvoir bien avant d'inquiéter Micaiah.

Ike hocha du chef, comprenant vaguement la situation, bien que les soucis et complexes des nobles et du peuple de Daein, lui apparaissent incompréhensibles. Il hasarda tout de même :

-Je peux participer à la mission donc ?

Ce qui fit sourire Soren, pour la première fois de la journée :

-Ta participation semble évidente, qui d'autre que le Héros de Tellius, peut avoir assez d'influence pour changer les mentalités à ton avis ?

Le cœur d'Ike, fit un bond dans sa poitrine. Mais il ne savait pas si c'était la fin prochaine de son ennui ou l'expression de Soren, l'origine.

Jamais, il n'aurait put prévoir, que cette escapade à Daein, entraînerait de telles conséquences. L'engrenage sournois de Destin se mit en branle, dans un cliquetis sinistre, dont seules les Déesses pouvaient percevoir la tragédie. Parce que là-bas, le danger, n'était pas les armes acérées des ennemis, les poisons des nobles et des politiciens, mais un mal que les mercenaires, n'avaient jamais appris à affronter : les sentiments.