J'alignai les dernières notes de la Marche Turque et laissai mais mains reposer sur le clavier pendant que le tonnerre d'applaudissements se déchainait. Comme à l'accoutumée, je fermai les yeux et rejetai ma tête en arrière, laissant les spots baigner mon visage de lumière. Tandis que les applaudissements redoublaient, je me levai, radieuse, et saluai plusieurs fois avant de me retirer vers les coulisses puis vers ma loge. Je tirai le fauteuil et m'affalai dedans, épuisée, avant d'éclater de rire. Donner un concert me rendait toujours aussi heureuse, c'était si bon ! J'adorais cela. Trois coups discrets frappés à ma porte me tirèrent de mon euphorie, j'essuyais rapidement mon visage en sueur et mes yeux larmoyants avant de permettre à la personne d'entrer. Un visage souriant se profila :
-Oh mon dieu ! Tu as pu venir !
Je me jetai au cou du nouvel arrivant. Celui-ci me gratifia de son sourire malicieux que j'aimais tant. Il rit :
-Je n'aurai raté la dernière représentation de tournée de ma protégée pour rien au monde !, son regard se fit pétillant, d'ailleurs Mozart excellent choix.
A mon tour, je ris en me dépendant de son cou pour aller me servir un verre de vodka : mon pêché mignon. Il me considéra d'un air désapprobateur qui me fit sourire. J'avalai doucement le liquide brûlant tout en l'observant, je devinai qu'il me cachait ou me préparait quelque chose : ses yeux semblaient hilares, ses lèvres affichaient une moue moqueuse, son torse se bombait comme s'il s'apprêtait à se pavaner... Je posai mon verre sur une petite table, m'adossai conter le mur, croisai mes bras sur ma poitrine et lâchai en plissant les yeux :
-Bon. Allez. Crache le morceau, t'en crève d'envie.
Il éclata de rire :
-Aaalala ! Tu me connais trop bien !
Il se mordilla la lèvre inférieure, hilare et alla presque se jeter sur la causeuse en face de moi. Je pris mon air de cocker éploré avant de supplier :
-Alleeeeez ! Pleeeaaaaaase Bro' !
Il sourit et un genre de pièce montée faite de 10 macarons, mes pâtisseries préférées, sortit miraculeusement de derrière son dos. Il sortit également une bougie qu'il planta au sommet du gâteau, attrapa mon Zippo qui traînait non loin et l'alluma. J'avais regardé la mise en scène, interloquée, cherchant la raison de ce manège puis il se leva et me présenta fièrement le « gâteau ». Voyant mon air plus qu'étonnée, il eut une moue désespérée :
-Me dit pas que tu as oublié !
-Oublier quoi ?
Il souffla en levant les yeux au ciel. Il allait peut-être avoir 40 cette année, il avait parfois un comportement qui me faisait me sentir plus vieille que lui. Il reprit, boudeur :
-Quel jour sommes nous ?
Je haussai les épaules, avant toute l'agitation de mes représentations j'avais perdu la notion du temps. Je cherchai après mon téléphone portable quand il reprit, je sentis le désappointement dans sa voix :
-On est le 14 avril, idiot.
Je m'arrêtai brusquement dans mon mouvement. Mais comment avais-je pu oublier une telle date. Je me frappai le front de la paume. Il rit de nouveau :
-Tu peux, idiot, tu peux.
Il se leva et me mit la pâtisserie sous le nez pour que je souffle la bougie :
-Happy Birthday, cela fais maintenant 5ans que l'on se connaît.
Les larmes brouillèrent doucement ma vision et, tandis que je soufflai pour éteindre la flamme, je fis un bond dans le temps de 5ans.
