Disclaimer : Tout ceci n'aurait pas vu le jour sans l'œuvre de J.K. Rowling. Merci à elle de m'avoir permis de ressortir ma plume...

Chapitre 1 : Spleen

Harry, allongé sur son lit, les mains croisées derrière la tête, regardait fixement le plafond écaillé sans le voir. Cinq ans maintenant que cette chambre était laissée à l'abandon, puisque c'était désormais la sienne. Pendant les grandes vacances en tout cas. Mais Harry n'y prenait garde, le temps pouvait faire son œuvre d'érosion dans cette pièce qui lui était réservée, ses yeux regardaient ailleurs...

Il allait avoir 16 ans dans quelques jours et il repensait à ce qu'avait été sa vie jusqu'alors. Ses souvenirs...

Une enfance peu enviable chez les Dursley, son oncle et sa tante. Il avait grandi autant que son corps mal nourri avait pu, avait été la tête de turc de son cousin Dudley, avait dormi dans un placard et été traité en moins que rien pendant onze ans.

A cette date un demi-géant était apparu, lui avait révélé sa véritable identit : il était sorcier, ses parents avaient été assassinés par un puissant mage noir nommé Voldemort (qu'Harry avait réduit quasiment à néant à l'âge d'un an, en ne conservant comme souvenir que sa cicatrice en forme d'éclair sur le front) et il allait désormais intégrer l'école de sorcellerie britannique de Poudlard dirigé par l'éminent Albus Dumbledore.

Il avait accepté cette nouvelle situation sans vraiment y réfléchir. Il échappait aux Dursley pour découvrir un monde magique. En cinq ans, il s'était fait des amis fidèles et avait vécu des aventures incroyables qui dépassaient toute imagination (moldue). Mais l'année dernière, ce fut plus qu'il ne pouvait endurer. C'est vrai, pensait-il, le regard toujours dans le vide, il y avait une certaine insouciance les premières années. Bien sûr, il avait combattu de nouveau Lord Voldemort : celui-ci avait tenté de s'emparer de la pierre philosophale, afin de retrouver une enveloppe humaine et l'immortalit et l'année suivante, le souvenir du mage noir, attendant patiemment son heure dans un journal intime, avait ouvert la chambre des secrets pour libérer le Basilic qu'il renfermait. Mais il avait vécu tout cela comme une sorte de jeu, dangereux certes, mais tellement grisant, tellement incroyable ! Et puis il s'était découvert un parrain...Sirius... tué par un mangemort, il y a un mois. Il était revenu, Lui, Voldemort, Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-Nom, ressuscitant devant ses yeux, après avoir fait lancé par le traître Queudver, le terrible Avada Kedavra sur Cédric. Il était revenu et il devait le tuer. C'était son destin. Tuer ou mourir. C'est ce qu'il venait d'apprendre.

Il ferma les yeux et deux larmes laissèrent un filet brillant sur ses tempes, avant de mouiller son oreiller. Depuis un mois il ne cessait de revivre sa dernière discussion avec Dumbledore. Il songeait à la violence de ses propos, à son égarement, la douleur qui lui avait brûlé les entrailles. Il vit de nouveau la tristesse et la faiblesse dans les yeux du vieil homme. Oui, il l'avait trouvé fatigué, épuisé, désemparé. Souvent il se reprochait sa réaction et essayait de se mettre à la place du vieillard, comme lui tentait de ne pas oublier l'adolescent qu'il avait été... Il comprenait maintenant le poids que Dumbledore avait dû porter. Elever l'enfant dans la vérité, le préparer chaque jour à affronter les ténèbres ou préserver son innocence, son insouciance. Il avait préféré retarder l'instant du dévoilement, parce qu'il avait peur sans doute, mais aussi pour porter le fardeau plus longtemps avant de le donner en héritage à Harry. Aujourd'hui, il lui en était reconnaissant. Il ressentait parfois une colère sourde, une rage bouillonnante envers tous ces adultes qui lui avaient menti ou caché ce qu'il était, qui l'avaient fait volontairement souffrir ' pour son bien ' et sans explications. Et il revoyait alors les yeux tristes de Dumbledore, ces yeux d'un bleu azur cernés de petites rides derrière des verres en demi-lune, des yeux qui en quelques heures avaient perdu toute malice enfantine...

Des âmes d'enfants, y en avaient-ils encore à Poudlard après tous ces événements ? Oui, bien sûr. L'école était une bulle protectrice et les élèves, pour la plupart, portaient sur l'extérieur un regard lointain et finalement peu concerné. Certes, on parlait beaucoup, on lisait la presse... mais on ne vivait rien vraiment. Des rumeurs bidons, des informations cachées, truquées, de la propagande tout cela donnait un goût d'inexistence à la réalité du dehors. Le passage d'Ombrage à la direction avait, il est sûr, semé le trouble dans l'esprit et la vie des jeunes sorciers. Mais ça n'avait été que progressif et provisoire, ils s'y étaient fait sans doute, et quand Dumbledore était revenu tout s'était effacé. Ils étaient à l'école, allaient en cours avec leurs amis, parlaient de Quidditch, passaient leurs examens. Voldemort est revenu, on le dit, mais il n'est pas ici...

Lui aussi parfois oubliait. Lui aussi profitait de ses amis, jouait au Quidditch, révisait ses examens, avait même aimé quelques temps une jeune fille. Cho... Il ne ressentait plus rien, juste un agréable souvenir. Il sourit en pensant à ses camarades. Hermione, Ron, Ginny, les jumeaux, Neville, Luna et tous les autres. Que de bons moments passés ensemble malgré tout ! Il songea à toutes leurs frasques, aux farces, aux disputes, aux rivalités. Malefoy... Drago Malefoy. Il ne l'aimait pas, c'était certain, mais s'il le considérait comme un adversaire, un ennemi, il ne voyait en lui qu'un élève. Juste un élève qu'il aimait provoquer, taquiner... Ils s'étaient battus, à maintes reprises, parfois très violemment. Mais jusqu'où cela pourrait-il aller ? Le père de Drago était un mangemort. Son fils allait sûrement le devenir. Les querelles de collégiens prendraient alors une toute autre dimension. Un duel à mort. Harry n'arrivait pas à imaginer cette scène où il serait amené à tuer un de ses camarades. Même s'il le haïssait, tuer Drago lui semblait impossible. C'était un enfant qu'il verrait toujours. Un enfant gâté, élevé dans la haine et dans la magie noire. Il n'était pas responsable en fin de compte. Peut-être n'était-il pas trop tard...

Harry sursauta brusquement. La porte d'entrée venait de claquer violemment. Des pas précipités accoururent de la cuisine au hall.

« Mon Dieu, Dudley, tu es rentré. Nous étions si inquiets ta mère et moi... Où étais-t... »

« Je monte me coucher. Tu m'apporteras à manger » fut la seule réponse de Dudley à son père.

« Oui, bien sûr, mon fils. Je vais demander à ta mère de te préparer quelque chose... »

Harry entendit les pas mastodontiens de son cousin ébranler les escaliers qui s'avéraient être d'une résistance prodigieuse. C'est le moment qu'il choisit pour échapper à sa rêverie et sortir de sa chambre. Il prit un air détaché et s'engagea à son tour dans l'escalier. L'effet escompté eut bien lieu : La grosse figure poupine de son cousin, rougie par l'effort, vira brusquement au verdâtre quand il aperçut Harry amorçant sa descente. Celui-ci sifflotait tout en faisant tourner sa baguette entre ses doigts, le geste machinal et le regard lointain. C'était son passe-temps favori, lire sur les traits du redoutable Dudley la terreur qu'il lui inspirait. Car après des années de soumission, le punching-ball favori de Big D ne craignait plus les poings massifs de l'enfant chéri... L'orphelin chétif et malingre s'était métamorphosé en sorcier puissant (il aimait le laisser croire) : agiter la baguette ou marmonner quelques formules décousues suffisaient à rendre Dudley totalement inoffensif, voir servile... Les menaces de Maugrey Fol Œil, l'auror au visage couturé de cicatrices, y étaient aussi sans doute pour quelque chose. Et l'autorisation spéciale du ministère, permettant à Harry l'utilisation de la magie hors de Poudlard (il avait reçu et lu le parchemin signé de la main de Cornélius Fudge devant les Dursley) avait achevé de le rendre intouchable. Il abusait avec délectation de cette nouvelle situation auprès du pauvre Dudley.

Harry sourit intérieurement derrière son air dégagé. Le souffle haletant du gros Dud se coupa d'un hoquet de surprise et de frayeur.

« Respire Popkin, ce n'est que moi... » dit Harry d'une voix mielleuse. « Tes fesses ont du mal à suivre ? Un petit sort de lévitation les aideraient sans doute... »

De verdâtre, Dudley vira au gris cendre et le hoquet reprit de plus belle. Harry roula des yeux et continua d'un ton dédaigneux :

« Je plaisante Dud ! Alors ? Tu t'es bien amusé hier soir ? Tu as passé à tabac un gamin de douze ans qui rentrait de son cours de solfège ? Tu as arraché le sac au bras d'une vieille dame ? Les deux peut-être... Et tu t'es endormi ivre mort sous un pont avec ta bande de gros bras décervelés ? »

L'œil bleu de Dudley, ridiculement petit au milieu de deux paupières graisseuses, vira au noir et envoya un éclair haineux. Harry arrêta de jouer avec sa baguette et fixa son cousin avec mépris. Il descendit crânement les marches, une à une, et reprit son jeu.

« Tu as raison Dud, profites-en. Dans un mois tu changes de régime... »

Harry sifflota de nouveau tout en se dirigeant vers la cuisine. Il entendit Dudley monter les escaliers quatre à quatre dans un effort surhumain et fermer précipitamment le verrou de sa chambre derrière lui. « Son manque de réactivité devient lassant à la longue » soupira Harry.

'Dans un mois tu changes de régime...' Harry sentit une agréable chaleur envahir son ventre. Seize ans d'éducation laxiste et aveugle avaient enfin porté leurs fruits dans le foyer des Dursley. Leur fruit, justement, avait pourri avant même de mûrir. L'enfant gâté et choyé qu'avait été Dudley, était devenu un adolescent brutal, lâche, menteur et mauvais comme une teigne. Mais ce n'est pas cela qui réjouissait Harry... A la fin de l'année scolaire, l'oncle Vernon avait été convoqué par le directeur du collège de Smelting qui lui avait annoncé son refus d'accueillir Dudley une année de plus au vu de ses exploits répétés. Mais ce n'était pas non plus cela qui réjouissait Harry... Après des années de racket, de violences et de vandalisme, des mesures disciplinaires avaient été prises et Dud devait faire ses preuves avant de réintégrer éventuellement son collège. Le visage de Harry s'éclaira d'un sourire radieux... Dans un mois, Dudley allait faire son entrée dans le grand monde. Une nouvelle école lui ouvrait ses portes : le centre d'éducation des jeunes délinquants récidivistes de St Brutus.

Harry entra dans la cuisine impeccable des Dursley. La télévision, habituellement cinquième hôte bruyant et envahissant, était étrangement silencieuse. La tante Pétunia avait les mains plongées dans l'évier et s'employait à récurer nerveusement une assiette déjà rutilante. Elle se tourna vers Harry quand elle l'entendit entrer :

« Bonjour Harry... »

Sa voix était faible et le sourire esquissé se transforma en triste grimace. Ses yeux rougis indiqua à Harry qu'elle venait de pleurer. Il ne voyait plus sa tante de la même façon depuis qu'il savait que le monde des sorciers ne lui était pas complètement inconnu. Elle avait gardé au fond d'elle un secret que même son mari ignorait. La tante Pétunia aux yeux pâles inexpressifs, sèche et tout en angle, ne serait-elle donc pas tout entière l'odieuse mégère qu'elle incarnait parfaitement ? Après l'attaque des détraqueurs et l'annonce du retour de Voldemort il y a un an, elle n'avait plus fait allusion à la magie. Mais Harry avait vu son regard changer imperceptiblement, il avait perdu de sa froideur et de son mépris parfois même, quand Dudley et Vernon étaient absents, il avait un éclat maternel quand elle l'observait. Harry brûlait de parler avec sa tante mais il avait décidé de respecter son silence. Quel combat intérieur devait-elle mener entre son devoir envers un mari hermétique au surnaturel et celui de protéger son neveu sorcier élu ? Jusqu'à quel point exécrait-elle la magie et jusqu'à quel point était-elle réellement fascinée ? Qui était vraiment tante Pétunia...

Devant Harry se tenait ce matin une femme rongée par le chagrin : une mère qui venait de perdre son fils unique, une épouse qui découvrait l'abîme de bêtise qu'était son mari. Et la cuisine si proprette, si étincelante n'était plus que la vitrine qui cachait un univers en ruine.

« Bonjour Tante Pét'. »

Elle renifla, soupira et s'aperçut que l'assiette qu'elle tenait commençait à perdre ses motifs sous l'effet du récurage intensif qu'elle subissait depuis quelques minutes. Elle la posa sur l'égouttoir et essuya ses mains décharnées sur son tablier à fleurs.

« Je vais apporter son petit déjeuner à Dudley » murmura-t-elle.

Harry regarda sa tante partir les bras chargés d'un plateau croulant de victuailles. Elle avait renoncé à nourrir son fils de produits allégés et de portions succinctes. De toute façon il s'empiffrait allégrement hors de la maison.

Le soleil était déjà haut dans le ciel. Harry était allongé dans le jardin à l'ombre d'un rosier blanc. Il n'avait reçu aucune consigne de Dumbledore mais s'était imposé de ne pas quitter la maison. Quelle ironie du sort ! L'endroit qu'il avait toujours voulu fuir était aussi celui qui le protégeait le mieux et aujourd'hui il s'y cloîtrait volontairement. Il roula sur l'herbe et s'exposa au souffle de feu des chevaux d'Hélios. La chaude caresse devint bientôt morsure mais il ne bougea plus. Sous les rayons brûlant, il s'exaltait, il ressentait intensément chaque émotion, chaque parcelle de vie en lui. Intérieurement, il riait aux éclats et fondait en larmes simultanément il aimait passionnément et haïssait avec plus de violence encore. Immobile, il vivait plus que jamais et se nourrissait de la puissance de l'astre doré.

L'oncle Vernon était au téléphone. 'Avec la Tante Marge' songea Harry. Ils discutaient de Dudley. Les idiots. Ils déniaient complètement les accusations portées contre le jeune homme et criaient au complot, à l'erreur judiciaire. L'oncle Vernon essayait de se convaincre que son fils était manipulé par une bande de voyous à qui il avait peur de désobéir. S'il en faisait un martyr, au moins reconnaissait-il sa faiblesse et sa lâcheté. Sur ce point, il avait vu juste. Duddlynouchet jouait donc son rôle de victime instrumentalisée par les suppôts du mal. Pauvre petite chose qui allait payer pour des crimes dont elle était certes coupable, mais en aucun cas responsable car on l'y avait forcée. S'il arrivait à abuser son père et sa tante Marge (qui ne voulaient surtout pas reconnaître l'échec de leur éducation), sa mère n'était pas dupe. Elle subissait en silence les accès de fureur de son époux contre le système et restait de marbre devant les minauderies de son fils. Elle commençait à ouvrir les yeux.

Un bruissement d'ailes fendit l'air. Harry se releva à temps pour éviter le colis qui allait l'atteindre à la tête. C'était un jeu de Coquecigrue, le petit hibou de Ron : il avait en horreur le silence et le calme, et prenait un malin plaisir à déranger et taquiner les gens trop sérieux à son goût. 'Il aurait mieux convenu aux jumeaux' sourit Harry en donnant à Coq un bout de biscuit qu'il avait dans la poche. Il soupçonnait d'ailleurs Fred et Georges d'avoir appris au minuscule oiseau à se débarrasser lui-même des paquets attachés à ses pattes, pour mieux torpiller leurs destinataires. Il n'avait aucune preuve bien sûr, mais faire enrager leur préfet de petit frère était un challenge qui leur permettait de repousser sans cesse les limites de leur imagination déjà bien fertile.

Harry ouvrit d'abord la lettre et reconnut l'écriture brouillonne de son ami.

« Cher Harry,

Je suis en avance de quelques jours je sais, mais j'étais impatient de t'envoyer ton cadeau d'anniversaire. Ginny, Hermione et les jumeaux y ont participé. Mais ne t'en fais pas, il ne t'explosera pas à la figure (si toutefois Coq est disposé à te le faire parvenir dans les règles... sans commentaires) ! Nous voulions te faire savoir que, mêmes éloignés, nous serons toujours près de toi...

Une autre surprise est en cours, mais ne sachant si elle pourra aboutir, je ne t'en dis pas plus !

A tout bientôt

Ron

PS : Joyeux anniversaire de Fred, Georges et Ginny »

Harry sourit. C'était Ron tout craché, incapable de tenir sa langue. Une surprise qu'il n'aurait peut-être pas... Il soupira, inutile d'essayer de comprendre. Il attrapa le paquet, plat et long. Ses amis seraient toujours auprès de lui... Un portoloin ? Non, ridicule, trop dangereux vu les circonstances... Un album-photo ? Pas assez original... Il secoua la petite boîte : aucun bruit. Il sortit sa baguette. Puisqu'il était autorisé à pratiquer la magie...

« Operire paqueto ! »

De petites étincelles dorées scintillèrent à l'extrémité de la baguette et les rubans qui ornaient le paquet s'animèrent. Ils s'élevèrent dans les airs dans un mouvement gracieux et commencèrent à se dénouer lentement. Mais brusquement, le rythme s'accéléra et les rubans s'entortillèrent, se lièrent, se mêlèrent à une cadence infernale.

"Finite incantatem ! " s'écria Harry

Le paquet eut un dernier soubresaut et la gigue stoppa. Harry regarda son œuvre la mine dépitée. Il était doué le sorcier survivant ! Ah ça, pour faire apparaître un patronus, stupéfixer et désarmer un adversaire, il était imbattable. Mais pour les sorts de la vie quotidienne et la magie délicate qui demandait méticulosité et précision, Hermione avait une bonne longueur d'avance ! 'Pour l'instant, il me faut donc recourir à un procédé moldu qui a fait ses preuves !' Harry passa un bon quart d'heure à essayer de libérer le paquet de ses liens et finit par tout arracher il observa quelques secondes l'étui rectangulaire avant de l'ouvrir.

Une montre ? Il resta dubitatif. La sienne ne fonctionnait plus, c'est vrai, mais il ne comprenait pas en quoi celle-ci le ramènerait à ses amis. Il la retourna et l'examina sous toutes ses coutures. C'était bien une montre, une simple montre moldue qui marquait l'heure.12 :47. Il s'en voulait mais ne pouvait s'empêcher d'être déçu... A moins que...

« Operire ! »

Rien.

« Lumaverita !... Montralora !... Alohomora ! »

Toujours rien.

« Csame ouvre-toi ? »

« Abracadabra ? »

« S'il te plait ? »

Nada.

Dépité, Harry lança l'objet un peu plus loin dans l'herbe. Il le regardait avec colère et rancœur. La plaisanterie était plus que douteuse. Enfermé, seul depuis presque un mois, ses « amis » lui envoyaient une montre, à lui, pour qui le temps ne passait pas. Les longues journées d'ennui lui revinrent avec plus de force... à cause de ceux qui lui manquaient si cruellement.

Il fixa de nouveau la montre et sentit les invisibles rouages de son cerveau s'activer. Il plissa les yeux, animés d'une lueur d'intelligence, et esquissa un sourire en coin.

« Icamici ! »

Il y eut un petit 'clic' et la montre s'ouvrit... pour en découvrir une autre. Mais celle-ci était munie de cinq aiguilles ornées chacune d'une photo de ses camarades hilares. Un petit message était glissé sous l'une d'entre elles.

« Très cher Harry, si tu lis ceci, c'est que tu as trouvé seul le moyen de libérer le mécanisme. C'était l'idée des jumeaux de ne rien te dire. Je suppose que maintenant ta rage est tombée et que tu peux rire d'avoir montré de l'impatience et douté de tes amis ! Mais pour qui nous prends-tu, bougre d'abruti ? »

Harry éclata de rire tout en pestant contre lui-même. Comment avait-il pu penser que ses compagnons d'aventure manqueraient aussi peu de tact. « Ils sont formidables », pensa-t-il ému. Il détailla plus attentivement la montre : c'était une adaptation géniale de l'horloge de Molly Weasley. Chaque aiguille représentait un de ses amis : Ron, Hermione, Ginny et les jumeaux. Mais le cadran, au lieu de donner des indications fixes, variait selon les humeurs et lieux de chacun, alors que les aiguilles demeuraient immobiles. Ainsi, sous les photos de Ron et Ginny s'étaient inscrits les messages 'joue au Quidditch', tandis que sous celle d'Hermione la mention 'étudie' apparaissait. Celles des jumeaux n'indiquaient rien et Harry s'en étonna. Il tapota les deux aiguilles du bout du doigt...

« Ce n'est pas un matériel d'espion

Nous sommes présents si nous le souhaitons

Mais si tu tiens à le découvrir :

Nous allons rire à en mourir ! »

Harry, surpris, resta interloqué quelques instants puis fut pris d'un rire joyeux. Cette montre était une merveille d'inventivité. Elle pouvait lui indiquer ce que faisaient et ressentaient ses amis tout en préservant leur jardin secret. Il la mit à son poignet et regarda les complices avec tendresse.

« Merci » murmura-t-il.

Cinq clins d'œil lui répondirent.

Il s'éveilla de bonne heure. Les rayons du soleil commençaient à poindre au travers des rideaux fatigués et poussiéreux, consentis par l'oncle Vernon au début de l'été pour 'aménager' sa chambre. La facilité et l'empressement dont il avait fait montre s'apparentait plus à une soulageante nécessité sécuritaire plutôt qu'à un geste profondément philanthropique ! Harry lui avait clairement annoncé, dès son retour à Little Whinging et après réception de son 'autorisation spéciale de pratique de la magie pour sorcier de premier cycle', son intention de s'entraîner dans sa chambre à l'exercice des sortilèges et à la science subtile et l'art rigoureux de la préparation des potions. Il avait emprunté cette dernière formule à l'odieux Rogue et l'effet qu'elle avait eu sur l'oncle Vernon lui avait donné l'impression que l'obscur professeur venait de se matérialiser devant les yeux porcins du colossal Dursley : il était resté silencieux, son visage avait blêmi et s'était crispé. Une lueur d'angoisse avait consumé son regard qui avait instantanément perdu toute sa férocité. Les fenêtres de Harry se trouvèrent vite munies des rideaux opaques grisâtres, davantage pour préserver les Dursley des regards indiscrets des voisins que pour assurer au jeune sorcier un sommeil réparateur.

L'oncle Vernon avait pris le parti d'ignorer Harry. Il le logeait, le nourrissait et ne se préoccupait plus des faits et gestes de son neveu. Puisqu'il n'avait pas d'autre choix que celui de l'héberger, et qu'il craignait des représailles du monde sorcier auquel Harry donnait régulièrement de ses nouvelles, il dut cesser de l'accabler de ses menaces et paroles acerbes sur ses origines et appartenances magiques. Harry pouvait bien faire ce qu'il souhaitait, son oncle ne voulait juste pas en entendre parler. D'ailleurs, il ne lui parlait plus. Plus un mot. Harry se pliait de bon gré à cette règle. Il ignorait superbement son oncle et pratiquait la magie seul dans sa chambre ou quand il était sûr de ne pas être surpris. Seul Dudley lui chatouillait la baguette et il s'autorisait de temps à autre quelques sorts de crocenjambe, glissebanane ou de plombesemelle. Mais le poids et la maladresse de son cousin étaient tels que personne ne soupçonnait une cause surnaturelle à ses multiples chutes.

Harry s'étira et posa ses lunettes sur son nez il ouvrit ses rideaux et contempla le ciel qui s'étirait en de longs nuages rose-orangés. Il avait aujourd'hui seize ans. Il pensa à Neville... Il allait ou venait d'avoir seize ans lui aussi. Si proches, si semblables jusqu'à ce que le destin scelle définitivement leur sort. Il avait choisi Harry comme il aurait pu frapper Neville. C'était lui qui avait été désigné, lui seul aurait à surmonter tous les obstacles, à combattre jusqu'à sa propre mort peut-être, à tuer pour rester en vie. Lui seul avait survécu pour que la paix un jour advienne. Il avait eu raison de penser qu'il était l'arme tant convoitée par Voldemort. Ce qu'il ignorait à l'époque est qu'il était bel et bien une arme absolue, celle du bien contre le mal. Il était l'arme de l'Ordre, l'arme de Dumbledore. Il esquissa un rictus. Général en chef de l'armée de Dumbledore. Ginny avait été inspirée par le troisième œil le jour du baptême...

Il avait seize ans aujourd'hui mais il avait le sentiment de n'avoir plus d'âge. Tout lui semblait parfois si irréel. Les considérations existentielles de ses pairs lui semblaient parfois si futiles. Ce qui les passionnait, ce qui faisait leur quotidien lui paraissait si puéril. Gagner des points pour Gryffondor, inventer des rêves pour le cours de divination, les querelles de Ron et de Hermione, être préfet, se gausser de Malefoy..., haïr Rogue... Même cela ne l'intéressait plus... Et pourtant, jamais il ne se sentait plus vivant que face à cet horrible visage cireux au rictus méprisant. En sa présence, ses membres se mettaient à trembler de fureur d'une manière incontrôlable, sa voix mielleuse lui hérissait les poils de la nuque. Maintes fois il avait voulu le frapper de ses propres poings, lui lacérer la face, le faire hurler de terreur, le mettre à genoux. Qu'il supplie, qu'il regrette. Qu'il le regarde. Qu'il le voit. Qu'il le voit enfin. Qu'il comprenne. Qu'il sache. Qu'il ressente. Harry serrait si fort la tablette sous sa fenêtre que ses articulations en étaient blanches. Ses mâchoires se contractaient sous l'effet de la tension. « Qu'il souffre ce que je souffre. Que je sois sa douleur. Comme il est la mienne... Comme il est la mienne... Il est comme moi. Comme moi. » Douleur, secret, calomnie... Jalousie, envie, solitude...

Celui dont il s'était fait un ennemi juré était aussi son allié. Alliés. Ils se détestaient, se méprisaient parce qu'ils s'étaient reconnus comme semblables. Harry abominait chez Rogue ce qu'il était lui-même. Ils étaient des doubles en miroir et ne supportaient pas ce qu'ils étaient, leur reflet renvoyé.

Il avait accusé Rogue de la mort de Sirius parce qu'il se sentait lui-même responsable, son aide était insupportable car elle pointait ses faiblesses, ses airs mystérieux lui rappelaient les secrets cachés de sa naissance... Leurs destins étaient scellés... et liés. Rogue dans l'ombre, Harry dans la lumière, ils marcheraient côte à côte, jusqu'au bout....

Voilà pourquoi cette lassitude. Il ne pouvait plus le haïr. Ils avaient une mission. Ils n'étaient que cela.

Il avait seize ans aujourd'hui et l'enfant venait de mourir. « Par Merlin, tu dérailles mon pauvre Harry ! Il faut absolument que tu te reprennes... » Il ferma les paupières et se concentra sur cette épouvantable journée où Rogue s'était moqué publiquement des dents trop longues d'Hermione, sur la terreur qu'il inspirait à Neville à tel point que les épouvantards prenaient son apparence, sur sa condescendance envers Malefoy et tous ces futurs Mangemorts, sur sa mère qu'il avait traitée de sang-de-bourbe...

« Abject corbeau » marmonna-t-il. « Contre Voldemort, on lutte côte à côté, on n'a pas le choix. Mais dans tes affreux cachots que tu appelles salle de cours, l'élève Potter tiendra toujours tête au maître des potions. »

Harry eut un rictus méprisant et un frisson de dégoût lui parcourut l'échine. 'Sauv', pensa-t-il. 'Et maintenant, allons asticoter Dudley en pensant à ce cher Drago... Ouais, très bon exercice. Vous n'êtes pas complètement irrécupérable monsieur Potter.' Il se sourit à lui-même. 'Joyeux anniversaire Harry'. Il avait seize ans aujourd'hui et rien ne pourrait les gâcher.

Le soleil était maintenant levé et les bruits familiers qui parvenaient à ses oreilles lui indiquaient que la maison était sortie de sa léthargie. Il prit sa baguette magique et la pointa sur sa montre. Les cinq portraits apparurent mais les aiguilles ne donnèrent aucune indication sur les activités de ses amis. Ceux-ci l'observaient d'un air mystérieux tout en se lançant des regards entendus. Harry leur fit une grimace mi-fâchée, mi-amusée et referma le boîtier.

La journée tirait à sa fin. L'oncle Vernon affalé dans un gros fauteuil affaissé, regardait avec intérêt une émission à la télévision, où de pauvres hères en mal de reconnaissance dilapidaient leur seul bien, la dignité, pour gagner quelques livres sterling. L'oncle Vernon riait bruyamment et son gros tronc flasque était agité de spasmes tandis que ses membres demeuraient immobiles. Harry se mordit les lèvres pour ne pas se moquer et entreprit de relire les quelques lettres d'anniversaire reçues dans la journée.

Hagrid lui parlait longuement de son demi-frère de géant. Il avait renoncé momentanément à lui trouver une compagne car le temps risquait de lui manquer pendant ses vacances : il voulait lui présenter une femme douce et charmante, et, disait-il, ce n'était pas facile à trouver chez les géants. mais il n'abandonnait pas l'idée pour autant... Il lui avait aussi envoyé des biscuits maison et un livre intitulé « Mille et un sortilèges pour dérider un professeur irascible » de Anna Nonime. Il l'avait accompagné du commentaire suivant « Au cas où Dolores Ombrage ferait une réapparition ». Hagrid était lui-même professeur de soins aux créatures magiques et il n'avait pas pour habitude de critiquer ses collègues. Mais Ombrage était un cas particulier. De plus, Hagrid avait la pris l' habitude de voir en Harry un ami plutôt qu'un élève : le choix de ce livre avait dû lui sembler judicieux. Un affreux sourire barra le visage de Harry. Ombrage ne remettrait pas de sitôt les pieds à Poudlard et il serait dommage de gâcher la mine de trésors que devait contenir ce passionnant ouvrage. Un autre professeur pourrait se porter volontaire malgré lui... Il tapota la couverture du livre comme pour le récompenser d'avance des exploits qu'ils allaient accomplir grâce à lui. Il poussa un soupir de contentement et d'impatience, et attrapa une autre lettre.

Dumbledore lui avait envoyé une petite carte qui, bizarrement, lui rappelait ses devoirs et obligations quant à son enfermement et isolement forcés. C'était plus fort que lui... A croire qu'il ne pensait pas Harry assez mûr pour respecter les bases élémentaires de sa sécurité. Il trouvait plutôt indélicat qu'il choisisse d'insister sur sa solitude le jour même de ses seize ans. Il se faisait vieux, décidément.

A sa grande surprise, Luna Lovegood avait aussi pensé à lui... Le petit cadeau qu'elle lui avait fait était à l'image de sa nouvelle amie. Harry relut sa lettre en souriant.

« Harry,

J'ai passé de merveilleuses vacances avec mon père grâce à l'argent que lui a rapporté la vente de ton interview. Pour te remercier, je t'envoie en exclusivité la première photo d'un Ronflak Cornu !

A bientôt

Luna »

Le cliché était splendide : une masse informe et sombre visiblement en mouvement, se détachait d'un fond grisâtre. Ce pouvait être aussi bien une baleine qu'un zeppelin. Ou alors l'agrandissement d'une mouche ou d'une crevette. Harry retourna la photo plusieurs fois tentant de trouver le bon angle. En vain. En tout cas, il fallait qu'Hermione voit cela : la preuve flagrante de l'existence de cette superbe créature ! Il ricana doucement puis réfléchit... Non, la pauvre Luna était déjà la cible de trop nombreux quolibets. Il remit la photo dans l'enveloppe en se promettant de ne pas la montrer.

Harry n'avait reçu que ces trois lettres. Il aurait aimé que Remus Lupin pense à lui aujourd'hui... Il avait été le meilleur ami de ses parents et de Sirius. Il était un peu de la famille... Et puis ses camarades l'avaient aussi visiblement oublié...

Il allait à nouveau plonger dans la mélancolie quand un bruissement d'ailes se fit entendre dans le salon. L'oncle Vernon leva un sourcil désapprobateur et grommela quelques insultes dans sa moustache à l'attention de la chouette effraie qui s'était engouffrée par la fenêtre. Harry n'y prit pas garde et se précipita, ravi, vers l'oiseau. Mais celui-ci, ignorant le bras qui lui était offert, continua son vol vers la cuisine. Harry se précipita à sa suite en pestant contre les animaux stupides dont héritaient immanquablement les Weasley. Arrivé au seuil de la pièce, il se figea. La tante Pétunia lisait attentivement une lettre tout en jetant des regards furtifs vers une petite fiole qu'elle tenait dans la main gauche. Elle releva la tête vers Harry.

« Mmm...C'est pour moi Harry... » fit-elle d'un ton absent en se replongeant dans sa lecture.

« Qu'est-ce que c'est ? »

« Je viens de te le dire : c'est pour moi. »

Le ton était cassant et n'incitait pas à poursuivre l'échange. Mais Harry l'ignora. Sa tante n'avait reçu qu'une fois un hibou postal en sa présence et on ne lui avait pas envoyé le bulletin météo. Il avait dû se passer quelque chose de grave et on voulait encore lui cacher la vérité.

« Qu'est-ce que c'est ? DIS-LE-MOI ! Qu'est-il arriv ? »

La voix de Harry n'était qu'un souffle rauque. Ses grands yeux verts étincelaient d'une lueur menaçante. Visiblement, Tante Pétunia n'était pas impressionnée.

« Il n'est rien arrivé » fit-elle sèchement. « Ce sont les éternels rappels à l'ordre et mises en garde de ton directeur. »

« Et ça alors ? »

Harry pointait du doigt la petite fiole.

« Ah ça ?... Un petit cadeau pour récompenser quinze ans d'efforts, je le mérite bien il me semble. Lotion ridefface, retrouvez vos vingt ans en une seule gorgée. C'est charmant. Très délicat, très galant. Et bien remercions-le puisque c'est l'usage... »

Le ton de sa voix semblait signifier qu'elle était vexée mais son visage était animé d'un sourire étrange et malicieux qu'Harry ne lui connaissait pas. D'ailleurs les seuls sourires qu'il lui ait jamais connu étaient les expressions niaises adressées à Dudley. Enfin... avant. Elle griffonna un petit mot qu'elle attacha à la patte de la chouette, lui donna un petit bout de lard et la libéra. L'oiseau reprit le chemin en sens inverse, s'engouffra dans le salon en poussant un hululement sonore qui masqua partiellement les jurons de l'oncle Vernon, et s'éloigna dans l'obscurité de la nuit tombante. Tante Pétunia glissa la lettre et la fiole dans la poche de son tablier et se remit à la préparation du repas, l'air ailleurs. Harry continuait de l'observer, perplexe.

« Rends-toi utile, mets donc la table au lieu de rester planté là comme un ahuri !...Oh Harry ! Peux-tu aussi demander à Vernon d'aller louer la cassette de cette merveilleuse comédie musicale... J'ai oublié le titre mais il saura de quoi je parle. »

« Mouais... »

Charmante soirée en perspective, il avait hâte de retrouver l'intimité et le calme de sa chambre.

L'oncle Vernon était sorti depuis quelques minutes quand la sonnette carillonna.

« Vas-y Harry, j'ai les mains dans l'eau ! »

Le jeune homme s'exécuta en maugréant... et resta bouche bée devant la porte ouverte.

« Bonsoir Harry, tes affaires sont prêtes ? »

Remus Lupin affichait une mine réjouie, ainsi que Tonks qui se tenait à ses côtés. L'œil d'Alastor Maugrey flamboyait.

« Ah ! Vous êtes déjà là... Entrez donc » lança Tante Pétunia de sa voix haut perché.

Les trois sorciers se dirigèrent vers la cuisine, dépassant un Harry à la mine plus égarée que jamais.

« J'ai suivi les instructions de Dumbledore... Je crois que c'est bon » continua Pétunia.

Harry reprit partiellement ses esprits et rejoignit le groupe qui lui faisait face. Sa tante lui tendit alors la petite fiole, le sourire toujours aussi étrange.

« Joyeux anniversaire Harry. »

Harry prit l'objet en jetant un œil interrogateur aux quatre adultes. Il ne savait pas trop quelle attitude adopter : sauter de joie ou rester sans réaction dans l'attente d'explications. Il opta pour la deuxième solution. Lupin prit la parole.

« Joyeux anniversaire,... et bonnes vacances. Nous t'emmenons au Terrier. »

« Bien sûr... » grinça Harry.

Finalement, il allait plutôt se laisser aller à la colère, il ne goûtait pas vraiment à la plaisanterie. Depuis quelques temps il avait les nerfs à fleur de peau, maintenant la limite du supportable était franchie. Rester chez les Dursley était une nécessité à laquelle il s'était résigné, mais pas au point d'en rire. Lupin continua.

« C'était la surprise dont te parlait Ron dans sa lettre. Nous avons trouvé un moyen de te protéger en dehors du domicile de ta tante et du château de Poudlard. »

« Que... ? »

« Ça n'a pas été facile, c'est pour ça que nous ne t'en avons pas parler avant, nous ne voulions pas te faire de fausses joies. Il faut que tu boives le contenu de cette fiole auquel ta tante a ajouté un peu de son sang, du sang de ta mère. Cette potion fonctionne un peu sur le même principe que le sortilège Fidélitas. Pendant un mois seules les personnes qui y sont autorisées pourront te voir et t'approcher. Elles ont été strictement désignées par l'Ordre pour plus de sûreté... Et il vaudra mieux ne pas quitter le Terrier. »

Son ancien professeur avait parlé d'une traite.

« Je... Je peux aller au Terrier... Tante Pétunia ? »

Harry leva vers elle des yeux incrédules et interrogateurs. Elle avait donné son sang pour réaliser une potion magique, pour lui, pour son anniversaire... Elle lui répondit d'une voix ferme.

« Vas-y. Dépêche-toi avant que je ne revienne sur ma décision... et que ton oncle ne revienne. »

« P...Pour moi ? Tu l'as éloigné pour moi ? »

« C'est surtout pour qu'il ignore ce que j'ai fait Harry. Sa femme préparant une potion magique sous son toit, imagine un peu... »

Elle eut un pâle sourire.

« Je lui dirai juste qu'on est venu te chercher. Ton départ est un soulagement pour tout le monde Harry, tu le sais. Ce que j'ai fait, ce n'est pas seulement pour toi... Vas-y maintenant. »

« Viens, je vais t'aider. »

Tonks attrapa Harry par le bras et le poussa vers sa chambre. Immédiatement elle récita quelques formules et les effets de Harry allèrent s'entasser dans sa malle ouverte. Tonks s'était assise sur le lit et regardait le ballet d'un œil absent.

« Tu sais Harry, à propos de ta Tante... Tu vas découvrir chez elle des facettes insoupçonnées. Malgré tout, il y a des choses qui ne changeront pas. »

Elle lui sourit.

« Elle regardera toujours ma coupe de cheveux d'un air pincé mais elle souhaitera plus que personne être une metamorphomage. »

Son sourire s'agrandit quand elle se regarda dans le miroir de la penderie. Elle avait le poil ras, vert à gros pois jaune.

« J'a-doooore ! » fit-elle dans une charmante grimace.

Le ton changea de nouveau et se fit plus sérieux.

« Pétunia est une Evans... mariée à un Dursley. Je crois que c'est le meilleur résumé qu'on puisse faire d'elle. En ce qui concerne son alliance avec cet imbécile de Vernon, ça confirme ces deux célèbres maximes : qui se ressemble s'assemble et les opposés s'attirent. Voilà le mystère tante Pét' éclairci ! »

« Bref, je dois profiter des bons moments sans m'attendre à des miracles. »

« Vous avez tout compris monsieur Potter, et maintenant, en route pour le Terrier et un mois de folie ! Locomotor barda ! »

Elle sauta sur ses jambes et les bagages s'élevèrent en se dirigeant vers l'escalier.

« Tonks ? »

Harry regardait la jeune auror l'œil pétillant et le sourire énigmatique. Elle se tourna vers lui et il avala devant elle le contenu de la petite fiole en grimaçant.

« Je crois qu'il y a aussi un peu de Pétunia en moi... Ta coiffure est véritablement... »

« N'en dis pas plus chenapan si tu ne veux pas goûter à ma baguette ! »

Ils furent pris tous deux d'un éclat de rire et Tonks se mit à la poursuite de Harry, la baguette brandie. Dans leur cavalcade ils heurtèrent la malle qui dégringola jusqu'aux pieds de l'escalier en se libérant de son contenu.

« Regarde un peu ce que tu nous fais faire Harry, grandis un peu voyons ! »

Et loin de s'apaiser, son rire fracassant et jovial amplifia. Sa présence l'apaisait, le rassurait. La jeune femme avait dû traverser des épreuves terribles, élevée dans une famille de mangemorts qu'elle avait reniée. Et pourtant, elle conservait ses airs mutins et une facétie tout enfantine. Comme Dumbledore. 'C'est comme eux que je voudrais être', pensa Harry 'au lieu de broyer du noir dès que ça m'est possible !'. Il prit un faux air contrit et marmonna tout en s'éloignant le plus possible de l'auror :

« Excuse-moi... Nymphadora. »

« Tu me le paieras Potter ! »

Ses yeux lui lancèrent quelques éclairs amicaux puis elle reporta son attention sur la valise éventrée. Pendant que ses affaires réintégraient dans un savant désordre la malle, Harry se rendit dans la cuisine o sa tante avait repris ses activités habituelles.

« Merci Tante Pétunia. Je n'oublierai pas. »

Elle inclina son morne visage en signe d'assentiment et Harry rejoignit les trois sorciers qui l'attendaient appuyés sur leurs balais.