Bienvenue sur ma première FanFiction !
J'emprunte seulement l'univers de "The Walking Dead". Le personnage principal est un OC. Tous les personnages ne proviennent que de ma propre imagination.
Histoire classée M pour le vocabulaire grossier, injurieux, la violence, le gore et le contenu à caractère sexuel. Sept chapitres de tailles variables sont prévus. Le dernier est en court d'écriture. Dernière ligne droite !
Chers lecteurs et lectrices, merci de laisser une petite trace de votre passage. Ca fait énormément plaisir de recevoir des reviews. Ca motive, et comme ça on sait qu'on écrit pas dans le vide. Même une toute petite si vous n'avez pas grand chose à dire car ça sera toujours apprécié. :)
Chapitre I - L'immeuble - Publié
Chapitre II - Le camp de réfugiés - Publié
Chapitre III - Confrontations - Publié
Chapitre IV - Souvenirs perdus - Publié
Chapitre V - Se reconstruire - Publié
Chapitre VI - Joyeux Noël - Publié
Chapitre VII - Cercle vicieux - En préparation
Bonne lecture.
CHAPITRE I - L'IMMEUBLE
Je m'appelle Graham Shepard. J'ai trente-quatre ans et je suis un homme terriblement ordinaire. Anglais d'origine, je vis depuis une dizaine d'années aux Etats-Unis, dans une petite ville pas très loin de New-York. Je travaille en tant que manager commercial pour une grande compagnie de produits pharmaceutiques. Ma vie ne se résume à pas grand chose d'autre. Toujours occupé, toujours en train de courir à droite et à gauche sans me poser de grandes questions existentielles, je n'ai jamais pris le temps de vraiment me construire une vie autre que professionnelle.
Ca peut sembler triste, mais je n'en ai jamais senti le besoin, alors je ne m'estime pas à plaindre, je suis heureux. C'est ma vie et elle me plait comme elle est. Je l'apprécie au jour le jour et elle me le rend bien. Pourtant aujourd'hui, tout va changer. Mon univers tel que je le connais va être profondément perturbé, et de manière irrémédiable. Ma vie, et celle de milliards d'êtres humains va devoir prendre un nouveau départ, brutal et sanglant. Il faudra s'adapter, apprendre une nouvelle façon de vivre, ou plutôt de survivre.
1er jour (23/06/2014) Je ne compris pas immédiatement que ce jour était particulier. Je n'avais pas pris le temps de regarder les journaux télévisés ces derniers temps. Pour qu'on nous parle pendant trois quarts d'heure des restrictions d'eau dues aux températures élevées, merci bien, je pouvais m'en passer, d'autant plus qu'il pleuvait depuis des jours dans ma région.
Les sirènes des camions de pompiers et des ambulances qui avaient défilés toute la nuit devant mes fenêtres n'avaient pas dérangé mon profond sommeil. Tout le monde s'alarmait. Tout le monde sauf moi. J'avais dormi comme un loir.
Ce matin, j'avais décidé de prendre mon temps. Pour une fois. Pieds nus sur le parquet, je buvais tranquillement un café brûlant, le front collé à la fenêtre de ma cuisine. La pluie tapotait contre le carreau qui me glaçait la peau. J'adorais ce spectacle ; les éléments qui se déchainaient dehors pendant que je restais douillettement dans mon appartement à l'abri de cet environnement hostile. Je me sentais bien dans mon petit cocon pendant que le bruit du tonnerre résonnait autour de moi. C'était comme une berceuse un peu sourde. J'aurais pu rester comme ça pendant des heures.
Le regard dans le vague, je fixais le petit ruisseau qui courrait dans le caniveau trois étages plus bas. Je trouvais ça plutôt hypnotique. Je me sentais déconnecté de mon corps, paisible. Sale temps pour un mois de juin.
Je sortis de ma rêverie quand j'aperçus du mouvement dans l'immeuble en face du mien. Des ambulanciers sortaient un brancard. Le drap semblait recouvrir un corps de la tête aux pieds. Etait-ce pour protéger la personne de la pluie ? Ou alors était-elle décédée ? Je ne savais répondre à la question avec certitude. On ne recouvre pas le visage d'une personne en difficulté, elle risquerait de suffoquer, donc oui, la personne était probablement morte. Je ne voyais pas très bien de là ou j'étais, mais en tout cas, il n'y avait pas que des secouristes en bas, la police était également présente. La situation devait être sérieuse.
Accident ? Suicide ? Drame familiale ? Des tâches sombres imbibaient le tissu. Le seul cadavre que j'avais déjà vu de mes propres yeux était celui de ma grand-mère, quand j'étais enfant. Mais il était propre, exposé dans un cercueil. Ce corps dans la rue me faisait plutôt penser à un crime sordide. Je me laissais prendre par le voyeurisme et observais minutieusement la scène jusqu'à ce que le brancard disparaisse dans l'ambulance. Des sales trucs arrivaient aux gens tout le temps. Tant que ça ne me concernait pas moi ou mes proches, ça ne me faisait ni chaud ni froid. Ce n'était pas cette scène qui allait chambouler ma journée. Il ne s'agissait pas d'égoïsme ou d'insensibilité, je ne pouvais pas être désolé pour tous les malheurs du monde.
Une fois mon café terminé, je posai ma tasse vide dans l'évier et claquai mes mains l'une dans l'autre pour me donner de la motivation ; je pouvais aller à mon rythme mais il n'était pas question d'arriver en retard au travail pour autant.
En quittant la pièce, je remarquai que la gamelle de mon chat était encore pleine de la nourriture de la veille. Etrange, Dog était pourtant du genre goulu et ne faisait jamais la fine bouche. Je voyais mon animal de compagnie comme une poubelle de table. D'ailleurs, son comportement tenait plus du chien que du chat, d'où le prénom "Dog" que je lui avais donné. Je ne partageais ma vie qu'avec lui depuis plusieurs années. Mon chat était à la fois mon meilleur ami, ma bouillotte les soirs d'hivers, et ma peluche quand je me sentais seul.
Je pris une douche rapide, chaude à m'en faire rougir la peau. Une fois sorti, j'essuyai la buée sur le miroir et pris un petit moment pour m'observer. Mes yeux étaient rouges comme si j'étais malade. Le néon verdâtre au dessus du miroir n'arrangeait rien. J'avais l'impression d'être dans la salle de bain d'une chambre d'hôpital. La pièce était entièrement blanche. Tout était parfaitement en ordre et paraissait aseptisé.
Cette même atmosphère se reflétait partout dans mon appartement qui était assez impersonnel. Il ressemblait à un appartement témoin de magasin d'ameublement. Je ressentis alors une boule au ventre, comme une appréhension. Je ne savais pas pourquoi. Je souris à mon propre reflet et me sentis dynamisé. Je finis de me préparer, enfilai la chemise blanche et mon costume gris que j'aimais tant, ramassai mon parapluie rangé dans l'entrée et quittai mon logement.
Le froid qui me crispait la peau, la pluie qui me coulait dans le cou, le vent qui me sifflait dans les oreilles, je trouvais tout cela particulièrement désagréable. Quand il faut y aller, il faut y aller. J'ouvris mon parapluie et descendis les petits escaliers en bas de l'immeuble. Cependant, je stoppai net mon pas en plein milieu du trottoir. Complètement figé par la surprise, je regardai bouche bée l'ambulance garée de l'autre côté de la route. Un seul mot me venait en tête. Rouge. Du sang. Du sang partout. Sur le trottoir, sur l'ambulance, et même sur les vitres avant à l'intérieur du véhicule. A côté, un des policiers que j'avais vu tout à l'heure gisait dans une marre d'hémoglobine. Il convulsait. Mon cerveau se remit en route et j'étais sur le point de sortir mon téléphone portable pour appeler de l'aide quand un hurlement retentit. Le téléphone m'échappa des mains.
Les portes arrière de l'ambulance s'ouvrirent brusquement. Une jeune femme, infirmière d'après ses vêtements, en sorti. Elle tomba du véhicule, avança à quatre pattes sur quelques mètres avant de se relever et couru vers moi en boitant et en émettant des sons à mi-chemin entre les cris et les pleurs. Ses mains qui tenaient fermement un scalpel étaient pleines de sang. Elle s'évanouit en pleine course. Je jetai mon parapluie en une fraction de seconde pour rattraper la femme. J'étais désemparé. Qu'est ce qu'il était exactement en train de se passer ? Je maintenais la femme debout dans mes bras et ne trouvai rien de mieux que de lui donner des petites tapes sur le visage en espérant qu'elle reprenne conscience.
C'est alors que je vis le premier d'entre eux. Suivant le même chemin que la femme, un infirmier sorti de l'ambulance. Je compris tout de suite que quelque chose clochait avec cet homme. Sa démarche était saccadée et incohérente, comme quelqu'un qui aurait bu quelques verres de trop. Un voile terne masquait son regard. Ce qui me choqua d'avantage était cette plaie béante qui allait de son épaule jusqu'à sa mâchoire. L'homme avançait en produisant des grognements agressifs. Je ne savais pas quel genre de drogue cet ambulancier avait pris et je m'en fichais. C'était de la bonne en tout cas. Il était sacrément inquiétant.
Prenant peur, je fis un pas en arrière. Je glissai dans une flaque de sang en emportant dans ma chute l'infirmière qui se cogna la tête contre la marche de l'immeuble. Je pataugeais dans une flaque, mélange de sang et d'eau de pluie. Je me rendis compte que j'étais tombé nez à nez avec mon chat. Il était là, allongé sur le trottoir. C'était comme si mon animal me lançait un regard pénétrant... mais la tête de Dog était séparée de son propre corps par plusieurs mètres. Le tout était relié par quelques viscères. Je vomis mon café sur la tête de mon chat.
Avec de grands gestes paniqués, je me relevai et sautai d'un seul bond par dessus les marches. Mes mains tremblaient quand j'essayais de faire rentrer les clefs dans la serrure alors que l'infirmier se rapprochait. Ses grognements se faisaient de plus en plus agressifs. J'entrai enfin dans mon immeuble et fermai les portes derrière moi. Je me retournai, à bout de souffle, mais l'infirmier ne semblait pas en avoir après moi en fin de compte. L'homme se pencha au dessus de l'infirmière inconsciente et commença à la dévorer. Horrifié, je ne perdis aucune miette de la scène. Le cauchemar ne faisait que commencer. Les mains sur la tête, je me mordais les lèvres en reculant. Ne sachant que faire, je continuais de regarder la scène à travers les portes vitrées du hall de l'immeuble.
Ce n'est pas possible. Une telle chose ne peut pas exister. Pourquoi tout ça ? L'homme devant le bâtiment mettait littéralement cette pauvre femme en pièces. Il attaquait maintenant le cou. Les lèvres retroussées comme un animal sauvage, il planta ses dents tordues profondément dans la chair de sa victime. Il tira ensuite violemment pour arracher la trachée. Une artère explosa à ce moment, éclaboussant la vitre, ce qui me cacha une partie du massacre. Tant mieux, je ne voulais plus en voir davantage. Mais dans ce cas, pourquoi continuais-je de regarder ? Je n'avais plus envie de vomir. Je ne pouvais plus. Le dégoût était parti. Mon esprit était comme anesthésié. Ca devait être trop d'un coup, je n'assimilais plus rien. Je restais bêtement planté comme un "i".
J'entendis des voix derrière moi et quittai le massacre des yeux. Deux jeunes hommes descendaient les escaliers en déplaçant un meuble. C'était Jake et Conrad Prangley, deux frères qui étaient mes voisins du dessus. En dehors du "Bonjour, bonsoir", je ne leur avais jamais vraiment parlé. J'avais simplement deviné leur lien de parenté, ils avaient tous les deux un visage très semblable.
L'ainé, Jake, devait avoir environ vingt-cinq ans. Il avait des cheveux noirs coupés très courts et des yeux tout aussi sombres. Je ne savais pas ce qu'il faisait dans la vie, mais il semblait avoir des horaires variables. Le cadet, Conrad, était une copie presque parfaite de son frère. Il était peut-être un peu plus petit et moins large d'épaule. Il avait entre dix-huit et vingt ans à tout casser et poursuivait encore ses études, je ne savais pas dans quel domaine. Tous les deux m'avaient l'air sympathique et bien élevés. Ils étaient assez discrets. Ils aidaient souvent leur voisine pour différents travaux, la vieille Gutierrez. Des gens biens sans aucun doute.
- J'ai l'impression que ça coince ! Le meuble bute sur la rambarde ! s'exclama Conrad.
- Dans ce cas on lâche tout ! répondit Jake. Donne un coup sur la droite, je crois que c'est le tiroir qui bloque! Allez, on force un bon coup et ça passe !
- Arrêtez ! s'exclama une jeune fille en haut de l'escalier. Si vous avez pu passer les autres étages, il n'y a pas de raison pour que ça ne passe pas ici. Les escaliers sont tous les mêmes. Monte un peu les bras, Conrad. Jake, va sur la gauche. Non, ma gauche à moi. Ta droite !
Je voyais régulièrement cette fille dans l'immeuble depuis quelques mois. Probablement la petite amie d'un des deux frère. Elle était plutôt jolie. Elle avait des yeux en amandes d'une couleur qui oscillait entre le marron et le jaune et portait toujours la casquette d'une équipe de base-ball que je ne connaissais pas avec une longue queue de cheval châtain clair.
Je m'écartai pour laisser les deux jeunes hommes placer le vieux meuble apparemment très lourd devant les portes. Ils étaient en sueur et essoufflés.
- Parfait ! s'exclama la jeune fille avec un air satisfait. Beau travail les garçons. Maintenant si une de ces "choses" veut entrer, elle...
Elle laissa sa phrase en suspens en voyant l'homme à quatre pattes devant l'immeuble porter à sa bouche quelque chose d'écarlate à l'aspect gélatineux et elle ouvrit de grands yeux.
- Je crois que je vais être malade ! s'exclama-t-elle avant de remonter quatre à quatre les escaliers.
- Je retourne à la maison avec Jill. dit Conrad en évitant de regarder à l'extérieur. Je ne peux pas supporter non plus. Vraiment trop dégueux.
Il disparu à son tour dans les escaliers. Jake essuya son front humide d'un revers de manche et se tourna vers moi, l'air tendu.
- Bon. dit-il. J'imagine que vous n'aviez pas l'intention de sortir avec tout ce qu'il se passe dehors. On s'est dit qu'il valait mieux mettre quelque chose devant les portes au cas où un "zombie" aurait l'envie de venir nous dire bonjour. On a pas eu le temps de se concerter avec le reste de l'immeuble mais vous êtes sûrement d'accord avec nous, pas vrai ?
- Je... balbutiai-je, troublé. Je ne sais pas quoi dire. Vous avez vu ce qu'il s'est passé ? Cet homme dehors a tué cette infirmière sous mes yeux !
- Beaucoup de monde a tué beaucoup de monde aujourd'hui. dit Jake d'un air désolé. C'est moche. Excusez-moi, mais vous n'étiez pas au courant ?
- Hé bien, il faut croire qu'on ne m'a pas passé le mot ! Vous savez ce qu'il se passe ? Qu'est ce que vous voulez dire par "beaucoup" ? C'était quoi, ça ?!
- C'est comme ça depuis hier soir. On ne parle que de ça à la télé. Il y a de nombreux "malades" en ville. Il parait que ça a touché tout le pays d'un seul coup. On parle d'une attaque terroriste. Un machin bactériologique. J'ai appris ça hier. J'étais en boite. D'un coup, il y a eu un mouvement de panique... Des timbrés sont arrivés d'on ne sait où... Ils ont commencé à mordre tout le monde. Les gens se mangeaient entre eux. Je crois que j'ai piétiné des gens pour sortir. C'était très rapide. Je ne sais pas comment j'ai fait pour m'en tirer. C'était inimaginable.
Jake fut parcouru par un frisson.
- Croyez-moi. dit-il. Vous ne voudriez pas sortir d'ici. Ces portes resteront closes.
- J'ai du mal à croire tout ça. dis-je dubitatif. C'est une blague, pas vrai ? Des gens qui en mangent d'autres ? On ne voit ça que dans les films !
- Croyez ce que vous avez vu. répondit Jake en pointant du doigt la vitre éclaboussée de sang. Je ne peux rien vous dire de plus. Vous savez tout ce que je sais. Les consignes du gouvernement sont de rester là où on se trouve. On nous dit ça en boucle à la télé et la radio. J'adore faire le contraire de ce qu'on me dit, mais cette fois je crois que je vais écouter. Il y en a qui n'en font qu'à leur tête. Il n'y a plus grand monde dans l'immeuble. Ils sont tous partis cette nuit. Des suicidaires, moi je dis. Ils vont se retrouver coincés dans des embouteillages avec ces malades qui grattent aux vitres. Il reste Nick et Melissa Mason. Et leur bébé bien entendu. Il y a aussi madame Gutierrez avec son petit fils qu'elle gardait. Nous sommes les derniers résidents. On est livrés à nous-mêmes maintenant.
- D'accord... dis-je. Ca ne va pas durer éternellement, n'est ce pas ? On est en Amérique, on ne va pas nous laisser dans une merde pareille.
- Si vous le dites... répondit Jake en levant les sourcils.
Je n'étais pas certain de ce que je disais. Je cherchais à me convaincre que tout irait bien. Quelqu'un allait forcément arranger la situation, mais elle était d'une telle ampleur ! Si tout le pays était touché, combien de temps cela prendrait-il pour soigner toutes les personnes malades ? Une chose était sûre, il allait falloir s'armer de patience. Trouverait-on au moins un remède ou un vaccin ? Peut-être que Jake n'avait pas compris tout ce qu'il avait entendu à la télévision. Peut-être que c'était moins grave que ce qu'il racontait.
- Conrad et ma copine Jill ne sont pas sortis depuis hier. soupira Jake. Ils n'ont pas l'air de se rendre compte de ce qu'il se passe vraiment dehors. Je vais devoir aller leur parler. Si vous me cherchez, vous savez où me trouver.
Les heures passaient. Je faisais les cents pas dans mon salon. Qu'est ce que je pouvais faire d'autre ? Hors de question de revoir en boucle les mêmes images au journal télévisé. J'avais déjà passé une bonne partie de la matinée à faire du sport chez moi pour calmer mes nerfs, mais je devais me trouver une autre occupation si je ne voulais pas m'exploser les muscles. Il était primordial que je reste serein. Le calme et la maitrise de soi était l'une de mes plus grande qualité. Je ne savais pas de quoi j'étais capable si on me poussait à bout mais je n'avais pas envie d'essayer ce jour-là. J'étais fébrile.
J'avais ensuite passé tout l'après-midi à méditer, allongé sur mon lit. Je ressassais des souvenirs. Ma mère me manquait. Mes frères et mes sœurs me manquaient. Même ma chambre minuscule qui sentait le moisi en Angleterre me manquait. Ma vie était si paisible autrefois. J'avais l'impression d'être une autre personne de celle que j'étais quand j'habitais en Europe. J'étais un jeune de la campagne rieur et insouciant. Je ne riais plus depuis longtemps. C'est fou comme on change sans s'en rendre compte. L'attaque terroriste, si ça en était une, avait-elle également eu lieu en Europe ? Non. Forcément non. Je me faisais du souci pour rien. Tout allait bien et tout irait bien. Pleurer sur le passé et craindre l'avenir était stupide. J'étais un homme fort. Rien ne pouvait m'arriver. Et quand bien même, je savais être réactif. Une situation n'était difficile à endurer que si l'on pensait ainsi. J'y arriverais.
Pris d'une envie soudaine, j'ouvris les yeux, saisis de mon téléphone portable et composai un à un les numéros de portable de chacun des membres de ma famille. Aucune réponse. Ca ne voulait rien dire. A cause de toute cette folie, les réseaux avaient sûrement du mal à suivre. Logique. J'essayai de me connecter à Internet sans plus de succès. J'hésitai une seconde puis composai le numéro de téléphone de mon ex-petit ami. La sonnerie retentit plusieurs fois, puis une voix enrouée répondit.
- Bonjour Graham... dit la voix de l'homme au bout du fil.
- Bonjour Chris. répondis-je. Tu savais que c'était moi ?
- Evidemment. J'ai toujours ton numéro. Tu ne pensais pas ?
- Je ne sais pas. dis-je en haussant les épaules. Ca fait un petit moment que je n'ai pas eu de tes nouvelles. Comment tu vas ?
- Si pour toi six ans équivalent à un petit moment, alors oui, ça fait un petit moment qu'on n'a pas discuté. Je vais... pas très bien, on va dire. Tu dois savoir pourquoi si tu as mis le nez dehors. C'est pareil du côté de New York ?
- J'en ai bien peur. soupirai-je.
- Toi, ça va ? Tu m'appelles pourquoi ? Tu as des ennuis ? demanda Christopher avec une légère inquiétude au fond de la voix.
- Je suis bloqué chez moi et je n'arrive pas à joindre ma famille. Et je voulais juste parler à quelqu'un. J'avais envie de t'entendre.
Je ne savais pas si j'avais peur, mais la voix de Christopher était rassurante. Coupé du monde, j'étais content d'entendre cette voix qui m'avait manqué. Je ne savais pas où il habitait à présent. A cent kilomètres de chez moi ? Mille ? Peu importe. A cet instant, c'était comme si Christopher était à mes côtés.
- Ho... Je suis désolé. dit Christopher. Mais tu sais, je suis sûr qu'ils vont bien et qu'ils se font autant de soucis pour toi que toi tu te fais du souci pour eux. Ne t'en fais pas. Tu pourras sûrement leur reparler bientôt.
- Merci, tu dois avoir raison... Tu as réussi à contacter tes proches, toi ? Ils vont bien malgré tous ces événements bizarres ?
- Oui. Ils étaient avec moi. dit Christopher d'une voix sombre.
- Etaient ? répétai-je, inquiet.
- Je suis content que tu m'aies appelé. continua Christopher. Tu es en vie et tu vas bien. J'en suis heureux. Je me sens plus léger. Après tout ce qu'on a vécu ensemble... Même avec toutes ces années sans te revoir... Je suis content de pouvoir te dire adieu.
- Adieu ? Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je en sentant mon poil se hérisser derrière ma nuque.
- Le virus se transmet par la salive. Ces gens que tu as pu voir dehors ne sont plus malades. Ils sont morts. C'est difficile à croire mais c'est vrai. J'ai vu des gens se faire mordre et en mourir. Puis ils reviennent en quelque sorte à la vie et... J'ai été mordu, Graham.
- Quoi ?! m'exclamai-je.
- C'est bon, Graham. Ne te fais pas de soucis pour moi. Je ne sais pas si ça vaut quelque chose, mais ma plaie est nettoyée et désinfectée. Avec un peu de chance rien ne m'arrivera. Je me sens bien. Ca ne me fait plus mal. Mais au cas où, promet moi juste une chose.
Ma gorge était tellement serrée que sortir le moindre mot était douloureux.
- Laquelle ? demandai-je en déglutissant difficilement.
- Si ça devait arriver, ne pleure pas ma mort. demanda Christopher. Je sais que je t'ai toujours reproché d'être insensible par le passé, mais reste fort, reste comme tu es. Je sais que tu peux le faire. Promet moi de rester en vie. Ne les laisse pas t'avoir.
- Je te le promets... Christopher, je... dis-je avant de laisser ma phrase en suspens.
Christopher ne parlait plus. Je restais silencieux moi aussi. J'entendais sa respiration lente au bout du fil. Il écoutait la mienne. Christopher raccrocha alors sans prévenir.
Je restai allongé une heure entière avec le téléphone sur mon oreille. Je me sentais vide et nostalgique. Ca devait être ça qu'on appelle "chagrin". J'avais promis que j'irai bien. Je tiendrais cette promesse pour Christopher.
Je me levai pour ouvrir la fenêtre. Je pris un pas d'élan et jetai le téléphone portable. Il explosa de l'autre côté de la rue, là où l'infirmière ensanglantée marchait l'air hagard. Cette infirmière était morte ce matin, je l'avais vu. C'était donc vrai, les morts revenaient bel et bien à la vie. Le ciel était presque noir et il pleuvait toujours. La brise me fit frissonner. Les choses devaient suivre leur cours. Je parti me coucher en espérant que le lendemain je me rendrais compte que tout ça n'était qu'un cauchemar.
