La grande salle ressemble à un palais de glace en ce jour du bal de Noël. Tout, ou presque, n'est qu'un dégradé de blanc, de bleu et d'argent. Pour elle qui virevolte dans les bras de son cavalier, cela ressemble à un nuage doux et léger. Il y a-t-il encore un sol sous ses escarpins noirs vernis ? Celui-ci ne lui semble pourtant pas palpable. Elle vole, elle en est certaines. Tel le majestueux aigle royal de sa maison, elle touche presque les étoiles. Sa longue robe argent balaie l'air qui l'entoure et qui pourtant semble lui manquer tant sa respiration est courte et difficile, tant son cœur bat la chamade à lui donner l'impression qu'il veut quitter sa cage thoracique. La jeune sorcière pensait ne jamais danser ce soir, pas après la malheureuse farce dont elle avait fait les frais. Persuadée que de toute façon personne n'inviterait un rat de bibliothèque comme elle… Pourtant, elle évoluait gracieusement dans les bras de cet inconnu aux yeux bleu nuit hypnotisant et aux cheveux plus sombre que la nuit elle-même. Elle se remercia d'avoir utilisé le fond de teint magique d'Amelia Jansen qui évitait à quiconque de voir à quel point elle brûlait. Un pas après l'autre, elle ne les avait pas comptés, elle était nulle en danse d'ailleurs, mais elle savait que la fin de cette danse approchait à grand pas. Non, elle ne pouvait pas s'arrêter, pas avant de l'avoir questionné. La dernière mesure fût donnée, elle pressa ses doigts dans le tissu de la veste de l'inconnu. « Qui êtes-vous ? » Murmura-t-elle pour que seul son interlocuteur puisse l'entendre. Un rictus semblable à un début de sourire se dessina sur ses lèvres fines et pâles. Il ouvrit la bouche et… Ding ding deng dong… Ding ding deng dong… La jeune femme ouvrit un œil, son visage encore plongé dans son oreiller entouré par ses cheveux auburn en pagaille. D'un geste rageur, elle exerça une pression sur le sommet de son réveil représentant la tour de l'horloge du Parlement londonien, Big Ben pour les touristes. Maudit soit son oncle qui lui avait acheter cela. Un long soupire quitta ses lèvres et elle enfonça à nouveau son visage dans l'oreiller, prête à retourner dans son rêve, même si elle savait pertinemment que le nom qui serait sortie des lèvres du bellâtre inconnu serait totalement inventé. Maudit soit-il lui aussi… Depuis le bal de l'année dernière, il hantait ses nuits et malgré ses recherches après la fête, elle ne l'avait jamais retrouvé. Nouveau soupir de frustration, car elle était condamnée à rêver d'un homme qu'elle ne croiserait jamais plus. Ah les maux qu'amour inflige parfois…

La jeune sorcière referma ses yeux vairons pour retourner dans les méandres des bras de Morphée, décidée à profiter encore un peu du repos de ses vacances, lorsque quelque chose remua à ses pieds, remonta insidieusement le long de sa colonne vertébrale par petite pression, tel un doux massage matinal avant d'enfoncer ses piquants dans ses omoplates.

« AMOUR ! ARRÊTE CA TOUT DE SUITE ! » Hurla-t-elle en se redressant d'un bon.

L'animal se retrouva rapidement étendu dans les draps bleus alors qu'elle s'asseyait pour lui faire face et le fusiller du regard en le sermonnant.

« Non, mais ça ne va pas dans ta petite tête de fléreur ?! Qu'est-ce qui te prends ? » Bien sûr, le félin au pelage gris-bleu ne lui répondrait pas, mais elle devinait à travers ses yeux émeraudes qu'il se moquait d'elle. Enfin, si on croit au fait que les animaux soient capables de sentiments et d'émotions, ce qui est bien sûr totalement son cas. Grommelant et pestant contre son nouvel animal de compagnie, la jeune femme tourna la tête vers son mur et aperçu dans son champ de vision son calendrier. « Par la robe de nuit de Merlin ! »

Dans la seconde qui suivit, la jeune femme sautait hors de son lit et se précipitait dans la salle de bain alors qu'elle entendait la voix de sa mère. « Edelweiss, le petit déjeuner est prêt ! » Décidément, ce n'était pas son jour.

Empoignant sa robe de chambre, la demoiselle l'enfila en descendant les escaliers de la maison à une allure folle pour finalement atterrir d'un bond sur une chaise de la cuisine.

« Bonjour. » Réussi-t-elle a marmonner avant d'enfoncer ses dents dans un toast beurré d'une main, alors que la seconde commençait déjà à récolter les précieux morceaux d'œufs brouillé dans son assiette. Elle ne mangeait pas à ce stade, elle s'empiffrait, ce qui ne put lui épargner le regard désapprobateur de sa mère accompagné de claquement de langue.

« Doucement, tu n'es pas en retard. » Elle ne l'écouta absolument pas et attrapa à deux mains sa tasse de thé encore chaude. C'est ce moment que choisi le félidé pour sauter sur la table en toisant d'un air impérieux –et surtout supérieur- la maîtresse de maison avant de laisser échapper un bruit ressemblant vaguement à un miaulement affamé et désespéré.

« Amadeus Marquis d'Ouistrenesse, un moment, je te prie. Il faut vraiment que tu dresses ton chat, Edel' ». Affirma la mère de la sorcière.

« Fléreur, M'man, c'est un fléreur et appelle le Amour c'est quand même vraiment plus pratique. »

La rousse leva les yeux au ciel en se rappelant la façon pompeuse dont l'éleveur d'où provenait le dit Fléreur le lui avait présenté. Amadeus Marquis… non, mais je vous jure, il n'avait pas trouvé plus stupide comme nom ? Bon, Amour ce n'était peut-être pas mieux, mais c'était le seul nom qui lui était venu à l'esprit. Pendant ce temps, le fléreur reçu sa portion de bacon du matin dont il se délecta, se pourléchant les babines une fois son petit déjeuner terminer, gratifiant la mère de sa propriétaire d'un ronronnement satisfait et presque affectueux.

« À quelle heure est ton train ? » S'enquit alors madame Devonshire en observant son unique progéniture jouer avec le drôle de félin.

« Onze heures, maman, comme toutes les années depuis huit ans. » Elle releva ses yeux vairons, bleu et vert, vers sa mère et soupira. « Et si, je n'étais pas un bon professeur ? … Non, mais c'est vrai. Je n'ai aucune expérience, à part les cours pris pendant l'été pour assurer le poste que Dumbledore m'a confié… Bon, j'admets que j'étais souvent sollicité par mes camarades de classe pour leur réexpliquer certaines choses… Cependant, je n'ai jamais donné cours et… »

« Tu es passionnée par la matière que tu vas enseigner, Edelweiss. Rien que pour ça tu ne peux pas être nulle comme tu le sous-entend. » Coupa la femme d'une quarantaine d'année en lançant à sa fille un sourire encourageant. Si, sa fille demeurait souvent un mystère total pour le commun des mortels, pour sa douce maman elle était un véritable grimoire ouvert.

« Hagrid est meilleur que moi… Il s'occupe de créature magique depuis des dizaines d'années… »

« Et il a commencé à s'en occuper au même âge que toi. Cesse de te tourmenter, ma chérie. Le directeur ne t'aurait pas demander d'assurer l'intérim, s'il ne t'en pensait pas capable et Hagrid aussi. »

Devant tant d'éloquence et de persuasion, Edelweiss décida de se taire et d'adresser un petit sourire à sa mère avant de décréter qu'elle allait prendre une douche, suivie de près par le félidé. Animal de compagnie qui se tient sur son séant durant toute la durée des soins de corps de sa maîtresse avec un air des plus intéressé. La sorcière finirait par croire qu'il est un peu voyeur sur les bords.

Enfin, la future prof quitta sa chambre vers huit heures, vêtues d'un jeans très classique, d'un haut noir qui ne manquait pas de mettre en valeur ses formes que certains mâles qualifieraient de généreuses. Elle avait réussi à dresser ses cheveux ondulés en une queue de cheval haute. Aucun bijou n'ornait le reste de sa tenue, mise à part une paire de boucle d'oreille en forme de chat, elle préférait garder cela pour de grande occasion et de toute façon, le port de bijoux se prêtait mal à sa fonction de professeur intérimaire de soins aux créatures magiques. Tirant sa lourde malle qui l'avait accompagné à Poudlard du temps de ses années d'élèves maintenant derrière elle, elle soupira et se tourna vers Amour qui la toisait depuis le haut des escaliers.

« À nous deux, boule de poils ! » Décréta-t-elle les poings sur les hanches. Le Fléreur bondit sur ses pattes et se mit à courir, poursuivit par sa maîtresse qui jurait mordicus qu'il finirait par rentrer dans sa cage de transport. Une heure entière fût d'ailleurs nécessaire pour qu'elle parvienne victorieusement à ses fins, même s'il avait nécessité qu'elle use d'un subterfuge mettant en scène l'estomac de son compagnon à quatre pattes. Monsieur Devonshire poussa la porte à cet instant, amusé de voir sa fille débraillée descendre triomphalement, la cage à la main.

« Victoire ? » Demanda-t-il avant d'appuyer son regard qui allait de haut en bas. « Je dirais match nul, personnellement. » Edelweiss baissa alors les yeux sur sa tenue avant de laisser échapper un petit cri suraigu. Des poils gris partout, un haut de travers et sa coiffure complètement à l'ouest, il ne l'avait pas loupé. Elle sentit alors un petit courant électrique la parcourir alors que son père lui jetait un sors de nettoyage. « En route, princesse. »

Une bonne heure et demi de trajet en voiture fût nécessaire à la belle et son père pour rejoindre la gare de King's Cross en voiture. Monsieur Devonshire descendant après tout d'une famille de moldu, il s'était fait à ce monde et après ses études à Poudlard, il avait décidé de continuer de travailler dans le monde sans magie en reprenant l'entreprise de son père. Il avait rencontré sa femme, une demi vélane, lors d'un voyage en France et il n'avait pas fallu longtemps pour qu'ils décident de se marier. Edelweiss ne rêvait pas de ce type de romance. En réalité cela lui passait même au-dessus de la tête, ne se trouvant pas assez jolie pour quiconque. Elle avait une certaine beauté bien sûr, quelque chose qui lui était propre, mais elle avait toujours vécue la différence de couleur de ses yeux comme un véritable complexe. Railler dans sa plus tendre enfance par ses camarades du jardin d'enfant moldu, elle avait dès l'âge de dix ans réussi à obtenir de porter en cours une lentille de contact bleue sur son œil vert pour harmoniser son regard. Désormais sorcière accomplie et diplômée, elle usait d'un charme pour camoufler ce petit désagrément. Ensuite, il y avait ses cheveux. Ni lisse, ni bouclé et dont elle n'arrivait pas à obtenir d'eux qu'ils soient l'un ou l'autre. Enfin, elle n'avait jamais vraiment pris le temps de s'intéresser aux garçons à l'école de sorcellerie, bien trop occupé à réussir ses cours, jusqu'au bal de Noël du tournoi des Trois Sorciers. Elle secoua doucement sa tête et jeta un dernier regard à sa tenue avant de descendre. Le sortilège de ses yeux resterait en place jusqu'à ce soir au moins. Elle pouvait respirer.

Poussant son chariot, elle se dirigea avec son paternel vers la voie 93/4. Ils se tenaient sur le quai en se faisant face en silence.

« Dire qu'il y a huit ans maintenant tu partais en tant que jeune élève… Et te voilà professeur. » Dit son père en rompant le silence qui devenait pesant et en cachant mal l'émotion dans sa voix. Un sourire contrits apparu sur le visage de sa fille et elle haussa les épaules.

« Allons, papa, je ne savais pas que tu ferais dans le sentimentalisme. » Les premiers bruits de chariot d'élèves retentirent alors et avec eux les « au revoir ». Elle devait prendre place dans un compartiment avant eux. Monsieur Devonshire prit alors sa fille unique dans ses bras.

« Fais attention à toi… » Lui murmura-t-il à l'oreille avant de la laisser.

Ses yeux bleus se plantèrent dans l'immensité vert émeraude de ceux de son géniteur et elle acquiesça simplement, consciente qu'il craignait pour sa vie depuis qu'on avait annoncé le retour de celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Son père y croyait, sa mère également et elle n'y faisait pas exception, bien que la communauté sorcière, elle, soit divisée. Elle inspira un grand coup avant de lui tourner le dos pour monter dans le dernier wagon et de rejoindre le dernier compartiment. Elle prit ses aises dans celui-ci en compagnie d'Amour et de Nelson, son hibou version miniature comme elle s'amusait à l'appeler. Telle une jeune élève en partance la première fois pour Poudlard, elle fit longuement signe à son père alors que le train s'ébranlait dans un nuage de vapeur vers les Highlands et sa nouvelle maison pour quelques mois.

La gare n'était plus en vue lorsqu'elle se laissa retomber assise sur son siège et libéra le fléreur de sa cage de transport. Elle ne craignait pas qu'il s'échappe, personne ne viendrait la dérangée dans ce compartiment, elle avait fermé la porte et baisser les stores pour qu'on lui laisse la paix, privilège de professeur. Le félidé fit le tour du propriétaire, pendant que la jeune professeur, inquiète encore de sa nouvelle fonction, relisait ses plans de cours pour les différentes années. Elle ne sortit sa tête rousse de ses cours qu'à deux reprises. D'abord pour acheter des friandises à la vieille hôtesse du train, après tout ce n'est pas parce qu'on est plus haut gradé qu'on ne peut pas avoir envie de petites douceurs sucrées. La seconde fût l'œuvre de son cerveau, qui agacé par tant de travail finit par partir à la dérive, emmenant sa douce amie à revoir le visage du bel inconnu qui lui avait ponctuellement servit de cavalier.

« Par la culotte en dentelle de Merlin ! » Jura-t-elle en lâchant rageusement ses copies et en se renfrognant. Un soupire naquit du fond de son torse pour venir mourir à la porte de ses lèvres rosées. Elle devait faire le vide dans son esprit. Vive, elle s'empara d'une plume et d'un parchemin pour y coucher une lettre à destination d'une amie française.

Chère Sophie,

Seuls quelques mois ont passé depuis notre dernière rencontre, quelques semaines pour notre dernier courrier. Pourtant, tu me manques comme si cela faisait une éternité. Je t'avais promis de venir te voir en France pendant le cours de l'année, mais je suis actuellement en partance pour Poudlard afin d'y donner des cours de soins aux créatures magiques. Cela sera en quelque sorte une première expérience, peut-être que je pourrais ainsi me décider sur la voie que je veux suivre ensuite, moi qui ne cesse de changer d'idée. Et toi, qu'as-tu prévu pour cette année ? T'es-tu enfin décidée entre la métamorphose et les études de médicomages ?

Tu te souviens du bal de Noël ? Quelle question, tu étais de celle qui ont dansés le plus ce soir-là. As-tu toujours des nouvelles de ton charmant bulgare dont le nom m'échappe encore ? Oui, je n'ai pas la mémoire des prénoms, ni des noms, ce qui risque de ne pas jouer en ma faveur d'ici quelques heures en tant que professeur… -sa plume se stoppa nette pendant plusieurs longues secondes, peut-être même une minute ou deux. – Je n'arrête pas de penser à lui, de rêver de lui et je ne sais que faire. Cela s'était calmer durant la fin de l'année scolaire, j'étais probablement trop concentrée sur mes ASPICS pour encore y songer. J'ai en horreur l'idée qu'il me hantera jusqu'à la fin de mes jours ou tout du moins jusqu'à ce que je me trouve quelqu'un ou que quelqu'un me trouve.

Enfin, je ne t'ennuie pas plus avec mes tourments digne d'une adolescente midinette dans ses premiers amours. Envoie-moi de tes nouvelles, de celles de ta famille, de tes vacances, enfin de tout en somme.

Je t'embrasse bien fort sur les deux joues,

Ton amie, Edelweiss Devonshire.

P.S : Si tu pouvais aussi m'envoyer à nouveau ces délicieux caramel au beurre salé, je t'aimerais pour toujours.

Quelques instants plus tard, Nelson prit son envole en direction du continent, vers la France, vers son amie Sophie. Quand à Edelweiss, elle reprit son travail jusqu'au sifflement caractéristique du train entrant en gare. Un coup d'œil dehors et un sourire se dessina sur ses lèvres, elle était de retour.


Voici le premier chapitre de cette fiction Tempus fugit (traduction: le temps s'enfuit), une sorte de petit hommage à Alan Rickman, enfin à ma façon.

Concernant la suite, je ne sais pas dire si les chapitres suivants seront long ou court. J'aime beaucoup mélanger aussi le ton dans les chapitres que ce soit l'humour, la tristesse, le sérieux, la déconne...

N'hésitez pas à commenter et à critiquer pourvu que la critique soit constructive.

Je dédicace ce premier chapitre à mes chères amies qui me poussent à publier depuis quelques jours, elles se reconnaîtront.

Bonne journée.