Auteur: Julia : Catégorie : Drame Notes: Pour plus de clarté les personnages sont interprétés par leur homologue dans la série.
Disclaimer : La série Army Wives ne m'appartient pas ; elle est la propriété de Katherine Fugate, Mark Gordon, ABC et Lifetime .Je ne fais qu'emprunter les personnages .Je ne touche aucune somme d'argent pour cette histoire.
24 Juin 2009
Grenier d'une petite ferme
Normandie France
La jeune femme se trouvait là depuis plusieurs minutes déjà. Elle savait que faire un tel rangement ne serait pas une mince affaire. Sa grand-mère ainsi que ses parents avaient sans cesse fourré tout ce qu'ils n'utilisaient plus dans ce vieux grenier. Et lorsqu'elle s'était proposé d'y mettre de l'ordre, ils s'étaient contentés de lui souhaiter beaucoup de courage et une patience inégalable. Mais Sarah était déterminée, elle tenait çà de sa grand-mère lui avait on dit. Une femme admirable, forte, fière et au caractère bien trempé. Une femme qu'elle avait côtoyé presque chaque jour de sa vie jusqu'à son décès quinze ans plus tôt. Aujourd'hui encore il lui arrivait de se souvenir de son rire, de ses yeux plein de malice mais aussi de tristesse. Il lui arrivait souvent d'entendre sa voix lui compter sa jeunesse, là-bas de l'autre côté de cet immense océan, en Amérique. Denise Branch était née aux Etats-Unis et y avaient vécu une bonne partie de sa vie. Sarah n'avait appris que quelques anecdotes sur son passé, sa grand-mère avait toujours été d'un naturel réservé, cependant, la jeune femme savait qu'elle avait toujours caché un lourd secret, un passé remplis de mystères. Même son propre père ne savait que peu de choses sur elle. Ce qui ne faisait qu'augmenter sa curiosité.Mais ce matin là, elle allait découvrir le plus grand secret sur ses origines, ce que sa grand-mère avait caché là, depuis des années, sachant qu'un jour cette enfant qu'elle aimait tant allait le découvrir. La jeune femme poussa un carton d'une trentaine d'années lorsque ses yeux se posèrent sur une vieille malle en bois sombre. Elle reposait dans un coin le plus reculé du grenier. Elle la tira vers la lumière et donna un bref coup de main dessus avant d'ouvrir les sangles en métal. Elle ouvrit le couvercle et se pencha pour voir ce qu'il s'y trouvait. Un papier blanc se trouvait sur le dessus, elle l'effleura du bout des doigts et l'ouvrit. Une étincelle illumina ses yeux aussi bleus que l'océan. Une robe blanche reposait là depuis des années. Elle la prit délicatement et la souleva au-dessus d'elle. Cette robe n'avait jamais été portée, elle datait d'une époque que la jeune femme n'avait qu'étudier à l'école, une époque où le monde n'était pas celui qu'elle connaissait, une époque heureusement révolue, où le sang de milliers de soldats et d'innocents avait coulé sur cette terre qui l'avait vu naitre. Cette robe de mariée n'avait jamais été portée, elle en était persuadée, elle avait reposée ici depuis toutes ces années. Sa grand-mère n'avait jamais connu le mariage, pour ca elle n'avait aucun doute, elle avait toujours soigneusement évité le soupira profondément. Elle posa le fabuleux trésor un peu plus loin et se pencha sur la malle à nouveau. Elle devait régler une quantité de choses ces derniers jours, son propre mariage approchait à grand pas, mais elle refusait de fermer cette malle sans y découvrir tous ses secrets. Elle trouva des photos prises avant la guerre mais aussi pendant. Parfois sa grand-mère y apparaissait, d'autre fois elle n'y était pas. Elle sourit largement en voyant cette femme porter l'uniforme d'infirmière et se tenir au bras de blessés souriants. Une photo attira cependant son attention. Elle portait une robe sombre et se tenait au bras d'un officier américain. Tous deux souriaient en regardant l'objectif. L'homme avait passé son bras autour de la taille de la jeune femme, la serrant tendrement contre lui. Cet homme ne semblait pas être un blessé trop heureux de voir une charmante infirmière dans de temps aussi sombres, non, il semblait en parfaite santé et…amoureux. Denise le semblait également. De plus, Sarah remarqua son sourire, il ressemblait à celui de son père. Alors peut être…La jeune femme reposa cette photo et fouilla avec plus de détermination cherchant par n'importe quel moyen des réponses aux questions qui fourmillaient dans sa tête. Elle mit la main sur un bloc notes, un épais feuillet de presque une centaine de pages. Elle tourna la couverture déjà bien abimée et lu ce qui se trouvait écrit de la main d'une jeune femme à présent
Branch-Sherwood
Mai 1945
« Le jour où le soleil ne se lèvera plus sur ton sourire, je mourrais de chagrin, envahi par les ténèbres, car tu es mon unique lueur. »
Il n'y avait rien de plus sur cette page que ce nom, cette date, cette phrase. Sarah tourna plusieurs feuillets, tous étaient datés, signés, annotés. L'histoire qu'elle n'avait jamais apprise à l'école, au collège, au lycée était écrite dans ce carnet. L'histoire de sa famille, de ses origines et elle avait la chance incroyable de pouvoir la découvrir, la connaitre. Ce jour là, sa grand-mère allait lui révéler ses plus grands secrets, ses plus grandes peurs, ses plus grandes joies mais aussi ses plus grandes souffrances. Dans ce petit grenier, bien caché aux yeux de tous, la jeune femme se trouvait à genoux sur le sol poussiéreux, lisant ces lignes écrites plus de soixante années auparavant.
05 Septembre 1941
Base militaire de Fort Marshall
Caroline du Sud
USA
Le soleil domine largement cette journée. Ce matin encore j'ai pu observer l'astre du jour se lever au-dessus de l'Océan. Je me réjouis de le voir enfin, cette nuit a été effrayante une nouvelle fois. J'ai crû ne jamais voir le jour se lever, ne jamais sentir cette douce brise caresser mon visage. Je contemple les quelques nuages traverser le ciel bleu. J'aimerai pouvoir les rejoindre, m'envoler, quitter cet endroit, partir loin. Je reprends pieds dans la réalité, un pas lourd s'approche de moi. Je connais son origine.
-Tu as fini de faire le linge? Me lance mon époux en approchant.
-Oui, dis-je en me tournant vers lui.
-Bien…que fais-tu aujourd'hui?
-Je vais sans doute aller voir Claudia Joy et…
-Encore elle, tu ne devrais pas la côtoyer, elle et ses amies te mettent des idées saugrenues en tête.
-Patrick, ce sont mes amies également.
-Je refuse que tu les revois, tu n'as pas besoin d'elles, gronde t-il en s'approchant un peu plus de moi. Dois-je te le rappeler sans cesse?
-Patrick…J'essaie de l'apaiser du mieux que je le peux.
Il a encore beaucoup trop bu, il n'est que onze heures et la bouteille de bourbon qu'il a ramené hier au soir est déjà vide. Je me plonge dans ce regard qui autrefois était doux et attentionné. Aujourd'hui il est glacial, je ne le reconnais plus. Il s'approche un peu plus et me prend avec force par les bras. J'étouffe un cri de douleur. Il ne doit pas savoir qu'il me fait mal une fois encore.
-Tu es à moi Denise, n'oublie jamais ça, à moi et à personne d'autre. C'est moi qui t'ai sortit de ta petite campagne, c'est moi qui ai prit soin de toi, je t'ai tout donné…
Je baisse les yeux devant son regard, je n'ai pas la force de lutter, je ne l'ai plus depuis des années déjà. Il m'attire contre lui et me tiens contre son torse fort et puissant. Je sens les larmes couler le long de mes joues. J'ai mal, mon corps tout entier est douloureux, les plaies mal cicatrisées me brûlent, les bleus présents dans mon dos où il a posé ses mains transpercent ma peau comme la lame aiguisée d'un couteau. Il s'éloigne enfin de moi et me jettes un dernier regard avant de s'en aller sans dire un mot de plus. Les coups ont été évités, nous sommes dehors entre ces maisons en bois dans lesquelles vivent d'autres familles de militaires, il n'ose pas porter la main sur moi, il n'ose pas me jeter à la figure ces mots qui font mal eux aussi. Je me laisse tomber au sol. Je pleure doucement. Il connait le moyen de me faire culpabilisé, de me garder auprès de lui. Je ne peux qu'imaginer ce qu'il a vécu à cette foutue guerre, les horreurs qu'il a pu voir dans les tranchées en Europe. Il en est revenu marqué à vie, et moi aussi. Marquée jusque sur ma peau. Après quelques temps passés dans cette position, je me relève .Je rentre dans cette maison que je ne quittes que très rarement et où je m'applique à tout y faire briller. Mon époux ne supporte pas la poussière, tout dois toujours être parfaitement bien rangé et briqué à la perfection, alors je m'y atèle, sans cela, les coups tomberont une nouvelle fois. Je prépare le déjeuner. Il entre déjà. Nous mangeons dans un silence quasi-total, puis, il repart rejoindre ses amis. Moi, je reste seule et je l'attends, comme j'en ai l'habitude depuis des mois. Nous n'avons pas d'enfants, malgré nos nombreuses tentatives nous n'y parvenons pas. Il n'a de cesse de me dire que c'est de ma faute et je commence à le croire. Mais j'y ai réfléchi si souvent et j'arrive toujours à la conclusion; cette situation est une bonne chose. Jamais je ne supporterais de le voir lever la main sur mon enfant. Moi, je peux contenir ses sautes d'humeur, ses paroles blessantes et ses gestes malheureux, mais un petit être sans défense ne le pourrait pas. L'après-midi est déjà bien entamée lorsque j'entends de petits coups portés à la porte d'entrée. Je m'essuies brièvement les mains encore pleines de farine et je vais ouvrir. Mes amies sont là. Claudia Joy ainsi que Pamela. Je comprends pourquoi Patrick ne les apprécie pas. Elles savent tenir tête à leurs époux, elles sont libres. Elles me sourirent tendrement et je les invite à entrer.-Patrick est parti, il ne rentrera que ce soir, entrez.
-Nous avons une personne à te présenter, lance Pamela avant de pénétrer dans la petite maison.
Je regarde derrière elle et je croise le regard d'une jeune femme. Je lui souris tendrement et lui fait signe de rentrer. Elle acquiesce en souriant avant de s'exécuter.
-Je te présente Roxy Leblanc, lance Pamela, elle est nouvelle sur la base.
-Je suis ravie de vous rencontrer, dis-je en lui tendant la main.
-Moi de même Madame Andrews, me répond la jeune femme en serrant ma main.
-Vous voulez boire quelque chose? J'ai de la limonade bien fraîche.
-Volontiers, me répond Claudia Joy.
Je les conduits en silence dans le séjour et je m'éclipse un bref instant dans la cuisine afin de rapporter les boissons. Lorsque je rejoins le salon, je les vois toutes les trois en train de rire. J'aimerai tant pouvoir moi aussi passer d'agréables moments avec mes amies comme elles le font, mais pour moi ces moments sont bien trop rares. Une fois toutes les quatre servit, nous buvons tranquillement tout en bavardant. J'apprends à connaître cette jeune femme, toute nouvelle sur la base et un peu plus jeune que nous toutes. Je me retrouve un peu à son âge, avant que Patrick ne parte au front. Les jours étaient bien plus radieux. Après quelques temps, elles décident de repartir. Claudia Joy m'aide à remettre un peu d'ordre, elle connait mieux que personne ma délicate situation. Ce n'est que lorsque nous nous trouvons seule à seule dans la cuisine qu'elle entreprends la conversation qui l'avait menée ici.
-Denise, Michael m'a annoncé une nouvelle ce matin.
-Une nouvelle?
-Il sait depuis longtemps comment te traite Patrick…
-Ne parlons pas de ça, dis-je en un soupir.
-Si, si c'est important, insiste mon amie. Elle me regarde avec intensité, droit dans les yeux avant de reprendre la parole.
-Il va être envoyé à Pearl Harbor.
-Pearl Harbor? Non, il…il refusera.
-Il se sera loin de toi, et loin de tout, ce n'est pas comme si on l'envoyait au front. Pearl est magnifique à cette période de l'année, d'ailleurs tous les marins et soldats n'ont qu'une hâte d'y aller. Michael lui-même regrette de ne pas pouvoir partir de Charleston.
-Tu ne comprends pas Claudia Joy. Patrick ne veut pas partir d'ici, il ne supportera pas cette nouvelle.
-Denise, c'est Pearl Harbor, le coin le plus tranquille au monde, qu'est-ce qui pourrait l'empêcher de partir pour ce paradis?
-Moi…Il refuse de me laisser seule, je suis presque…presque cloitrée dans cette maison, dis-je en regardant autour de moi.
-Il faut qu'il arrête de te faire du mal, me murmure mon amie en approchant, ca ne peut plus durer.
-Je le sais, mais Pearl ,n'est pas la m'éloigne de Claudia Joy et regarde au dehors. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi elle insiste, je sais qu'elle a raison, je ne peux plus vivre de cette manière. Patrick me fera du mal jusqu'à la fin, jusqu'à la mort, la mienne.
-L'aimes-tu encore pour le défendre comme tu le fais? Insiste Claudia Joy.
-L'amour n'a rien à voir là-dedans. J'ai perdu mon époux dans une tranchée dans l'Est de la France. Il est mort ce jour là. Cet homme qui vit avec moi, celui qui partage ma vie, n'est pas l'homme que j'ai aimé et que j'ai épousé. Mais c'est un homme qui a beaucoup souffert et qui souffre toujours, il…il ne supporterai pas de partir loin de moi.
-Et toi tu ne survivras pas s'il reste là, me lance Claudia Joy avec colè me tourne vers elle pour lui faire face.
Je sais qu'elle ne veut que le meilleur pour moi, pourtant je n'approuve pas sa décision d'en parler à son époux.
-Michael a déjà transmit son affectation, il partira Denise, je ne veux pas me retrouver face à ton cercueil, il partira dès la semaine prochaine et en attendant…tu viens t'installer chez nous.
-Non, hors de question, je ne pars pas d'ici.
-C'est non négociable.
-Si, justement, je suis encore chez moi, alors, sors d'ici.
Je passe à côté d'elle et me dirige vers l'entrée. J'entends ses pas pressés derrière moi. Elle m'a mise en colère, comment ose-t-elle se comporter de cette manière avec moi?
-Vas-t-en, dis-je en la regardant une nouvelle fois.
-Denise…
-Patrick ne va pas tarder à entrer, je dois préparer le dîner, rentre chez toi Claudia Joy, retrouve ton époux et tes enfants et laisse-moi.
Elle s'approche de moi un peu plus et pose tendrement sa main sur mon poignet. Je le retire rapidement en étouffant un cri de douleur.
-Denise…soupira la jeune femme en comprenant ce qu'il s'était passé.
-S'il te plait, rentre chez toi, s'il sait que tu étais là ce sera pire acquiesce et quitte ma maison.
Je la regarde emprunter l'allée qui la conduit dans la rue avant qu'elle ne disparaisse derrière la haie que j'essaie de faire pousser depuis des mois déjà. Puis, je rentre et ferme la porte derrière moi. Après quelques temps adossée contre celle-ci, je rejoins la cuisine à nouveau et me mets à préparer le dîner de ce soir. J'espère que mon amie parlera à son époux et qu'il annulera l'ordre de départ de Patrick. Je prie également qu'il ne l'apprenne pas, sinon cette nuit risque d'être encore plus douloureuse que la précédente et peut être que cette fois, je ne verrais pas le soleil se lever.
J'entends la porte d'entrée claquer. Je me trouve bien occupée à préparer le dîner dans notre cuisine, mais pourtant je l'entends distinctement. Cela ne me dit rien qui vaille. Lorsque mon époux claque la porte de cette manière, cela signifie qu'il a passé une mauvaise journée ou qu'il est encore une fois ivre. Mais quoique se soit, je sais que pour moi cette nuit va être douloureuse, jusqu'au moment où il finira par s'endormir et que je regagnerais la salle de bains pour me soigner…et pleurer. Je ne tarde pas à savoir, qu'en effet, il s'est passé quelque chose cette après midi. Le voici qu'il entre dans la pièce et me lance un regard noir.
-Le repas n'est pas encore fini?
-Si, dis-je timidement, assieds-toi, tout est prêt, je t'ai même fait une tarte aux lui souris tendrement mais il ne répond pas.
Il me jette un dernier regard et s'assoit en silence. Alors je le sers, je me sers également et je m'assoie en face de lui. Il n'a pas bu, je ne sens que l'odeur de fumée sur lui, mais pas d'alcool, je suis soulagée. Nous mangeons tranquillement. Je ne lui pose aucune question, je sais qu'il vaut mieux que je ne le fasse pas. Mon époux se contente de manger sans même me regarder. Même s'il ne dit rien, je sais que quelque chose le tracasse. J'espère de tout cœur que ce n'est pas l'annonce que m'a faite Claudia Joy cette après-midi. Je connais son comportement, le fait qu'il reste silencieux signifie qu'il rumine quelque chose, une chose que je ne vais pas tarder à connaître. Il cherche simplement ses mots, ceux qui feront le plus mal. Après avoir terminé le repas, je débarrasse la table et je lui apporte la tarte que j'ai faite avant que mes amies ne viennent, cette après-midi même.
-Denise, murmura-t-il sans lever les yeux vers le regarde avec intérêt, mais toujours en silence de peur de faire une bêtise qui me vaudra sa colère.
Je le vois serrer les poings et son regard s'assombrit. Je tremble. Qu'ais-je fais, ou n'ai pas fait cette fois?
-Je vais partir à Pearl Harbor, dit-il avec calme en me regardant le savais, ce que je redoutais était sur le point de se passer.
Je dois garder mon calme, essayer de faire taire ces tremblements qui commencent à me gagner de la tête aux pieds.
-P…Pearl Harbor? Mais…chéri, pourquoi, tu…
-Holden, m'y envoie.
-Pour quelle raison doit-il le faire?
-Je suis sûre que tu connais la raison.
Il se lève et s'approche doucement de moi. J'ai peur, peur comme jamais je n'ai eu peur auparavant. Parce que toutes les autres fois où il a levé la main sur moi je savais qu'au fond je connaissais cet homme. Mais ce soir, je ne le reconnais plus, il n'y a plus rien dans son regard que de la colère, je dirais même de la haine.
-Je t'assure je…Il me prend violement les poignets et les serres avec force.
-Patrick, arrêtes, je t'en prie, dis-je dans un sanglot de douleur.
-C'est de ta faute, dis-le, dis-moi que c'est toi qui est allé le voir. Dis-moi, Denise que tu as parlé à ta grande amie. Tu voulais que je partes d'ici, pour que tu puisse faire n'importe quoi, je le sais, je te connais.
-Nooon, je t'assure que je n'ai rien fait.
-Ne me mens pas, cri-t-il à quelques centimètres de mon visage. Tu n'es qu'une garce, crois-tu que je ne savais pas ce qu'il se passait ici pendant que j'étais en Europe?
-Je ne sais pas de quoi tu parle, je te l'ai déjà dis, il ne se passait rien ici.
-Menteuse, fit-il plus fort avant que je ne sente sa main entrer en contact avec ma joue.
Sous la force du coup je me retrouve à terre, je sens le sang dans ma bouche. Ma lèvre est ouverte. J'approche mes doigts de mon visage et j'essuie le sang qui y coule doucement.
-Mais tu sais, je n'irais pas seul à Pearl Harbor, tu viendras avec moi, murmure-t-il en se penchant sur moi, il est hors de question que je laisse ma chère et tendre épouse ici, toute seule.
-Tu n'as pas le droit, dis-je en me relevant, m'appuyant sur le plan de travail.
-Pas le droit? Lança-t-il en riant. Ce n'est certainement pas toi qui a à me dire ce que j'ai le droit de faire ou pas.
-Patrick, nous ne sommes pas en guerre, Pearl est…
-La ferme, crie-t-il une nouvelle fois avant que sa main ne s'abatte sur moi à nouveau.
Je me retiens au plan de travail, je ne dois pas m'effondrer, je dois résister, cette fois je ne dois pas le laisser me frapper jusqu'à presque l'évanouissement. Pas cette fois…
-Tu va la fermer, oui, dit-il en frappant encore, c'est de ta faute, ta faute…Je ne partirais pas, nous allons quitter Fort Marshall tous les deux, nous irons trouver une ville loin d'ici.
-Tu ne peux pas, dis-je entre deux sanglots.
-Je peux tout faire, chérie, dit-il sur mes lèvres en serrant ses doigts sur mon cou, tu es à moi, n'oublie pas.
Je suffoque, il veut me tuer, je le sais, je le vois dans ses yeux. Aujourd'hui il le veut vraiment, j'en suis certaine. Alors que ses yeux se plongent dans les miens, je le sens desserrer ses doigts. La colère ne s'apaise pas pour autant. Je reprends mon souffle et il s'éloigne un peu de moi. En quelques secondes, il renverse la table, faisant voler dans la pièce ce qui s'y trouvait posé. Je vois le couteau tomber à quelques centimètres de moi, je ne le quittes pas des yeux. Si mon époux se tourne vers moi et me refait du mal, je le ferais, je n'aurais pas d'autre choix. Il se passe quelques secondes où Patrick reste immobile puis, il me regarde à nouveau.
-Ils ne me laisseront jamais tranquille, la seule solution pour qu'on soit ensemble…
Je suis son regard qui se pose sur le couteau. J'espère me tromper, il va le faire, il n'y a plus aucun doute. Je sens la peur m'envahir un peu plus. Ce soir, tout est fini. Je vais lui échapper, ne plus souffrir sous ses coups et ses insultes, je vais m'échapper de cet enfer et c'est lui qui me dé se baisse et se saisit du couteau. Il le pointe vers moi. Je vois les larmes faire leurs apparitions dans ses yeux. Je n'arrive pas à bouger, je souhaiterais de tout cœur pouvoir fuir, mais je n'arrive pas à faire le moindre geste, je suis paralysée.
-Nous ne nous quitterons plus jamais, murmure-t-il.
-Ne fais pas ça, je t'en prie, Patrick.
-C'est trop tard, tu m'as trahi et à présent, tu vas en payer le prix.
Seulement , je ne compte pas le laisser faire. Je dois me battre, même si l'issue semble fatale, je me dois de me battre, parce que je me suis toujours battue… avant. Je le pousse violement et je me dégage de son emprise. La haine refait surface alors qu'il s'était un peu calmé. Je me jettes sur un tiroir dans lequel je range les autres couteaux de cuisine. Je sens une main m'agripper à la taille avant que la lame ne me coupe dans le dos. Je me tors de douleur alors que mon époux continue de hurler des paroles blessantes. Je tombe sur le sol froid. Il ne se passe que quelques secondes avant qu'il ne m'empoigne par les cheveux et ne m'oblige à le regarder. -Je t'aime, Denise, dit-il avant que le couteau ne s'abatte sur il n'a pas vu que moi-même j'en avais saisit un autre. Et avant de sentir la lame d'acier dans ma peau, je le frappe à mon tour, en pleine poitrine. Je croise son regard d'incompréhension. En une seconde à peine, il lâche le couteau et se laisse tomber. Je sens son poids sur mon propre corps. Je le repousse doucement, toujours le souffle coupé par ce que je venais de faire. Il est à terre, couvert de sang. Ses yeux se posent sur moi encore une fois.
-Tu es libre, c'est-ce que tu voulais, murmure-t-il à bout de souffle avant de fermer les vois la tâche de sang se faire plus grande sur sa poitrine, je l'ai frappé en plein cœur.
Je l'ai tué, j'ai tué cet homme qui me faisait du mal depuis si longtemps, j'ai tué mon époux. Je pleure comme je n'ai jamais pleuré. J'ai l'impression d'être le pire des monstres, j'aurais dû le comprendre, l'aider à aller mieux, après tout ce qu'il a vécu, il ne méritait pas cette vie. Je m'en veux, je m'en veux , mon corps tout entier me fait mal, le sang continue de couler dans mon dos et sur mon visage. Cette maison qui devait rester toujours propre et parfaitement bien rangée est tellement en désordre. Le sang recouvre le sol de notre cuisine, des traces sont bien visibles sur le plan de travail, la table est renversée, la vaisselle est cassée. Je me trouve toujours adossée contre le meuble de rangement blanc en bois, tenant le couteau responsable de la mort de mon époux, pleurant à chaudes larmes. Que va-t-il m'arriver à présent? Que dois-je faire? Je n'ai qu'une envie, tourner cette arme vers moi et l'enfoncer dans mon cœur également. Il avait raison je suis libre, je n'aurais plus à vivre dans la peur et pourtant, je me sens si mal. Je n'arrive pas à détacher mon regard de son corps couvert de sang. Une quantité de souvenirs refait surface. Le jour où je l'ai rencontré pour la première fois, notre premier rendez-vous, sa demande en mariage, nos noces, je me rappelle de tous ces bons souvenirs et je me sens encore plus mal. Mais en voyant cet homme baignant dans son sang et le mien à quelques centimètres de moi, je me souviens également de son départ pour l'Europe, de son absence, de son retour et de l'enfer qui l'en suivit. Je revois la haine dans ses yeux, sa main s'abatant sur mon visage, les nuits où il à goûté mon corps alors que je ne le souhaitais pas. J'essaie de me calmer, d'oublier tout ça et tout ce qu'il vient de se passer. Pourtant, je ne bouge pas et je continue de pleurer. Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé depuis que Patrick s'est écroulé. J'entends la porte d'entrée s'ouvrir. Je suis prise de panique une nouvelle fois, que va-t-il m'arriver à présent? Les voisins ont dû entendre nos cris, ils ont dû appeler la police militaire. Je n'ai pas le temps de me poser davantage de questions. Une femme entre dans la pièce en courant. Elle s'arrête un instant, regardant autour d'elle l'état dans lequel se trouve l'environnement qui m'entoure. Ses yeux se posent sur Patrick avant qu'elle ne se tourne vers moi. Claudia Joy émet un soupir de soulagement et se précipite sur moi.
-Denise, murmure-t-elle en s'approchant.
-Ne touchez à rien, lance un homme entrant aussi.
Elle s'arrête à quelques centimètres.
-Je suis désolée, dis-je en sanglotant, je ne voulais pas…je…il a voulu me tuer.
-Calme toi, me lance tendrement Claudia Joy, vous voyez bien qu'elle est terrorisée, dit-elle avant de s'agenouiller et de me prendre contre elle, je te demande pardon, c'est de ma faute, murmure-t-elle au creux de mon oreille.
Je lâche le couteau que je tenais toujours et je me blottis contre mon amie. L'endroit où elle a posé ses mains me fait mal mais je ne proteste pas, je me sens en sécurité. Je ferme les yeux et je me blottis encore un peu plus contre elle pendant de longues minutes. J'entends les hommes parler un peu plus loin, mais je n'écoute pas leurs paroles. La police finit par partir. « Homicide en état de légitime défense » C'est tout ce que j'ai pu entendre avant que Claudia Joy ne m'aide à me lever. Je salue brièvement Michael qui se tient sur le pas de la porte avant de suivre mon amie à l'extérieur. Une ambulance est là, prête à me soigner mais une housse mortuaire se trouve à côté. Des hommes l'emmène à l'intérieur alors que d'autres me donne les premiers traitements. J'ai l'impression d'être dans une bulle, que tout ceci n'est pas réel. Après quelques minutes, mes amis reviennent. Ils me proposent de m'installer chez eux quelques temps. J'accepte à contre cœur, je sais que pour eux, vivre avec une meurtrière ne sera pas une bonne chose mais pour l'instant, je ne peux pas vivre seule, la solitude me fait beaucoup trop peur. Claudia Joy ne me quitte pas un seul instant, gardant sa main sur la mienne. Michael quant à lui, doit encore rester pour tout arranger, son statut de Commandant l'y force et d'un côté je l'avoue que je suis soulagée qu'il soit également mon ami, sans cela peut être n'aurais-je pas le droit à autant de clémence. Claudia Joy me fait quitter ces lieux. Et après un dernier regard accorder à cette maison où j'ai vécu des moments heureux mais aussi terribles, nous marchons dans la rue jusque chez elle. Sur le chemin nous rencontrons d'autres femmes, d'autres militaires, qui, j'en suis certaine, ne tarderont pas à parler de ce qu'il s'est passé. Les rumeurs iront bon train dès demain matin sur la base. Et moi, je ne chasserais pas ces images douloureuses de mon époux baignant dans son sang. Je sais que cette image, comme celles que lui à pu voir en Europe, ne me quittera jamais, j'espère simplement pouvoir vivre avec.
